discordes familiales.

— Les filles, à table ! Zaza quitte sa chambre sans grand entrain, se trainant jusqu'à la pièce principale de leur appartement, prenant place sur la première chaise qui se présente à elle. Sa petite sœur, Carlota, accourt subitement et se presse pour venir s'asseoir à côté d'elle. Une envie plutôt inhabituelle. Zaza lui jette un regard inquisiteur, un sourcil haussé, l’œil méfiant. Mais Carla se contente d'un grand sourire faussement innocent avant de se désintéresser d'elle. Zaza hausse les épaules, ne préférant pas savoir quel coup foireux sa cadette est encore en train de préparer. Elle l'ignore et le repas commence, toujours dans une humeur légère et chaleureuse. Mais Zaza fait tâche dans le décor aujourd'hui, ou plutôt depuis des jours. Depuis qu'elle s'est faites larguée par Ali, depuis qu'elle s'est disputée avec MJ, depuis que son face à face avec Dom a mal tourné. Elle a l'impression que rien ne va et ça commence à peser sur elle. Personne avec qui le partager, personne avec qui se changer les idées. Y a que son boulot qui lui apporte encore un peu de positif.

En plein milieu du repas, Carla sort son téléphone et tape la pause, le regard langoureux, pour se prendre en selfie avant de l'envoyer à quelqu'un. Zaza la regarde faire, la jugeant clairement, désespérée par son attitude aguicheuse qu'elle juge immature. Ou peut-être juste qu'elle l'envie un peu trop. — Carla, a qui est-ce que tu envoies ce genre de photos ? Demande l'une de leurs tantes, à la fois curieuse et inquiète. Et Carla se redresse aussitôt, bombant le torse tandis qu'elle passe ses mains dans ses cheveux pour les rabattre en arrière, telle une diva. Zaza roule des yeux et continue de manger, absolument pas intéressée par la dernière conquête stupide de sa sœur. — Merci de demander tata. J'ai un nouveau crush, on se fréquente depuis peu et je l'aime trooop ! Zaza l'imite en silence, toujours sans la regarder. — Mi corazón, mais tu n'es plus avec Antonio ? Vous étiez vraiment mignons ensemble. Elle grimace et balaie l'air du revers de sa main. — Oh non, c'était trop un gamin, j'avais envie d'autre chose. J'avais envie d'un homme, un vrai. Zaza ricane et ne peut pas s'empêcher de lâcher une pique. — Ah ça y est, tu t'es trouvé un riche daddy ? J'me demandais combien de temps ça allait t'prendre. Elle se marre, mais ça n'amuse qu'elle. Tout le monde la fusille du regard, faut dire que Carla n'a que 19 ans. Mais tout le monde la sait capable de ça. Zaza hausse les épaules pendant que sa sœur lui tire la langue.  — Non il n'est pas si vieux, et il n'est pas riche du tout. Elle échappe un rire clair, jouant l'amoureuse transie, ce qui a le don d'agacer son aînée qui se contente de soupirer bruyamment. Carla reprend une bouchée, pendant que toute l'assemblée attend plus de précisions. Puis, la bouche à moitié pleine elle ajoute sur un ton totalement neutre.  — Hm d'ailleurs Zaza, tu l'connais. Qué ? La fourchette encore dans la bouche, la principale intéressée se fige. Et Carla ajoute en souriant, après avoir avalé sa bouchée.  — C'est Dom.

C'est QUI ?

Sa réaction est immédiate. Zaza avale de travers et commence à s'étouffer au-dessus de son assiette, les grains de riz lui remontant dans le nez - et ça fait hyper mal - avant de finalement en recracher la moitié sur la table. Autour d'elle, c'est l'indignation générale - mais pas pour les mêmes raisons. Zaza se tourne vers elle, écarlate, encore à moitié en train de tousser. — QUOI ?! Elle hurle, les yeux écarquillés. — Oui tu sais, Dom, ton ex. Et elle remue le couteau dans la plaie, sous le regard effaré de Zaza. Elles se dévisagent en silence pendant quelques secondes, la tension est palpable autour d'elles. — Mais j'vais t'buter sale puta. Et sans crier gare elle se lève et attrape la gorge de sa soeur à pleines mains, se mettant à la secouer de toutes ses forces pendant que celle-ci se met à crier comme une hystérique. — POURQUOI TU FAIS CA ?! DES MECS Y EN A DES MILLIONS, T'ES VRAIMENT UNE SALE PUTA ! Et tout dégénère autour d'elles. Tout le monde se lève et se met à beugler dans tous les sens. On tente de les séparer, mais Zaza est en mode furie et les hurlements de Carla à eux seuls parviennent à recouvrir ceux de tout le monde. Quand on parvient enfin à faire lâcher Zaza, la cadette réplique aussitôt, se mettant à lui assener des coups de pieds. — ESTAS LOCA ! Et les deux tigresses, chacune tirée le plus loin possible de l'autre, continuent d'essayer de se frapper et de s'insulter salement en espagnol. Tout ce remue ménage s'éternise pendant presque vingt minutes, avant que le ton ne redescende enfin. Zaza est maintenue à l'autre bout de la pièce, tremblante de rage.

Et c'est leur mère qui prend le relai, se mettant elle aussi à engueuler Carla, sous d'autres motifs. — T'es complètement stupide ?! Pourquoi t'es allée trainer avec ce gars ! C'est interdit, d'accord ? INTERDIT ! Que ce soit pour toi, ou pour toi, vous vous approchez plus de lui, on veut plus jamais en entendre parler ! En plus, madre de dios, mais il a quel âge ? T'es totalement inconsciente ? Et c'est au tour de Dom d'en prendre pour son grade, les critiques qui fusent dans la bouche de tout le monde, le mot détraqué qui passe sur quelques lèvres. Et Zaza qui se met à chialer de colère et de douleur. — Sérieusement mama ? Cette puta se tape mon ex et toi tout ce qui t'choque c'est ça ? Sa mère s'approche d'elle en la menaçant de son index. — Tu traites pas ta sœur de puta ! Zaza échappe un très bref éclat de rire scandalisé. — Mais C'EST une PUTA ! Le cœur qui cogne à toute allure dans sa cage thoracique, l'impression que ses poumons sont en feu. Et Carla qui en rajoute une couche de loin. — Mais t'es complètement tarée Zaza ! Tu vois, c'pour ça que les mecs restent pas avec toi, TU FAIS FLIPPER SALE LOCA ! Zaza échappe un cri de rage contenu, les dents et les poings serrés et s'élance à nouveau dans sa direction, avec la furieuse envie de la faire passer par la fenêtre. Mais son père et son oncle s'interposent et la retiennent, la tirant jusque dans sa chambre pour l'isoler. Ils tentent de la calmer, de la raisonner, mais rien n'y fait. Elle bouillonne. Elle peine à réaliser la chose. Sa soeur s'est tapée Dom. Elle s'est tapée Dom. Dom. Dom. Dom. Son prénom qui tourne en boucle dans sa tête. Le sale petit enfoiré. Et tout à coup, elle change de cible. Sa sœur est hors d'atteinte, mais personne ne l'empêchera d'aller s'en prendre à lui.

Parce qu'autant la trahison de sa sœur la met dans une colère démesurée, autant celle de Dom la blesse profondément. Un truc un peu acide, comme si on lui tranchait le cœur et les boyaux de l'intérieur.

Elle quitte la chambre d'un pas rapide et se dirige vers l'entrée, enfilant ses chaussures dans des gestes maladroits, bien trop tremblante pour être efficace. Elle doit s'y reprendre à plusieurs fois et se met même à insulter ses propres chaussures. Quand sa mère la remarque, elle l'interpelle de loin, autoritaire. — Donde vas ? Mais Zaza ne répond rien et enfin chaussée, elle ouvre la porte d'entrée et s'engouffre dans le couloir. Rapidement, elle entend sa mère lui courir après et gueuler dans son dos. — REVIENS ! ZAZA MOLINA ! JE T'INTERDIS D'ALLER VOIR CE CABRON ! ZAZA ! REVIENS ICI ! Mais les hurlements de sa mère ne l'arrêtent pas. Pas cette fois. Elle voit rouge et sa détermination est bien plus forte que tout le reste. Elle dévale les escaliers et sort dans la rue, ses pas martelant le bitume, sa mère toujours aux trousses. A la fenêtre de leur appartement, y a toute la famille. Et se mélangent les cris d'insultes de sa sœur, et les cris qui lui ordonnent de revenir de tous les autres. Tous les regards des passants posés sur eux, sur elle. Mais pour la première fois, elle s'en fout complètement.

Elle n'a qu'un objectif : trouver Dom.