- C’est annulé pour ce soir. Alba s’est faite chopée par les flics hier à la manif.- Que ? MJ s’étrangle. Elle se redresse, droite comme un ‘i’ sur le fauteuil ergonomique de son bureau. Et Donna lui explique la situation. Alba, leur leader charismatique de ce gang d’énervées qu’elles forment depuis un bout de temps est bien sûr l’une des plus fervente admiratrice de Maricruz, et une ennemie jurée du nouveau chef de la police, Pickman. Parce qu’elle est en tête de cortège à chaque fois, parce qu’elle a une petite réputation dans le milieu et parce qu’elle a un casier judiciaire long comme le bras, Alba a été repérée par les chiens de Pickman dès le début de la manifestation. Arrestation injustifiée, musclée. Elle s’est faite traînée au commissariat, ils ne veulent pas la laisser sortir. Ils peuvent la garder 48 h, sans motif valable.
Sacré monde de chiens. Qu’elle pense, MJ, rouge colère de ces révélations. Elle casse entre ses doigts un crayon de papier qui traîne sur son bureau. Ce soir, elles devaient se réunir toutes ensemble pour parler de la prochaine action coup de poing à mener. Maintenant que la ville est aux aboies, faut pas manquer le coche. Des mois et des mois qu’elles luttent en silence, sans soutien, cachées par le manteau de la nuit pour punir les hommes. Aujourd’hui, enfin, y a comme un éveil des conscience. Maricruz a amené les sujets sur la table. MJ est tombée amoureuse d’elle à sa première apparition télé, ne manque aucun de ses meetings et se rend aux manifestations en ville dès qu’elle le peut.
L’arrestation d’Alba, c’est comme un doigt d’honneur à ses luttes. Le coupable est évident, ce gros porc conservateur tout droit venu de ces pays d’arriéré qu’est le Texas : Pickman. Si Donna lui demande de garder son calme et promet qu’elles iront toutes au commissariat dès le lendemain, à la sortie d’Alba pour venir la chercher et foutre un peu le bordel, MJ n’a pas assez de patience pour attendre jusque là.
Elle a pris un sac à dos avec ses outils habituels. La batte de baseball dépasse, dedans y a aussi ses bombes de peintures et un couteau papillon. Elle sait pas vraiment ce qu’elle en fera, mais elle sait que sa créativité trouvera des ressources dans la rage qui l’anime ce soir. Elle quitte la coloc sans un mot, croise Pip dans les escaliers. Il se contente de la regarder, de regarder le manche de la batte qui dépasse, d’arquer un sourcil et lui souhaite une bonne soirée en la contournant. Ouais, bonne soirée aussi. MJ dévale les escaliers et attrape un bus pour Krainz Woods dans la foulée. L’adresse de Pickman n’est pas une secret, c’est la seule baraque de ce quartier peuplé de studette, foutu avantage de la profession. Et puis il a tout redécoré son jardin en bon enfant de l’Amérique, manque plus que la drapeau confédéré et y aurait la totale.
MJ donne un grand coup de pied dès qu’elle passe devant la boite au lettres pour la tordre légèrement. Elle longue le côté de la baraque, une bombe de peinture à la main qui serpente le long des murs et trace une ligne sur son passage. En bout de route, elle y déverse sa rage dans des insultes plus ou moins parlante.
C’est le sifflement reconnaissable des pneus qui se dégonflent qui attirent son attention. Planquée derrière l’un des murs, elle observe prudemment l’intrus qui s’y trouve aussi. Un type - ça commence mal. Il rattrape son code génétique par un genre de colère qui l’anime lui aussi, au moment où il déverse de l’essence sur la caisse flambant neuve du flic, MJ l’observe dans la pénombre et esquisse un sourire. Bon, pas mal. Le voilà, son jerrican de vidé à ses pieds, à regarder autour de lui pour être sûr de ne pas être vu. MJ s’allume une clope. Elle pense pas qu’il l’ait remarqué.
Eh ! Qu’elle l’appelle en chuchotant. Il n’entend pas la première fois.
Eh, tu ! Cette fois il tourne enfin la tête vers elle. Elle sort en levant sa main libre en l’air en signe d’innocence, l’autre tient encore sa cigarette. Elle indique du menton la voiture esquintée.
Bien joué ! Qu’elle ajoute, toujours à voix basse pour ne pas se faire remarquer.
J’étais entrain de redécorer sa façade. Pour le prouver elle lève l’une des bombes de peinture. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, pas vrai ? Elle lui adresse un sourire complice.
Tu veux voir ? Ce n’est pas tellement qu’elle est fière des insultes qu’elle a peinturluré partout, mais au moins, le gars s’éloigne de la voiture. Et dès qu’il est a une distance raisonnable, MJ attrape avec deux doigts sa cigarette, et dans un geste théâtral, l’envoie près de la voiture. L’étincelle, l’essence.
Boum ! Qu’elle articule enivrée par son sentiment de toute puissance au moment où la voiture prend feu, là, juste sous leurs yeux.
Bien vite, c’est un autre bruit qui attire leurs attention. Dans le fond du jardin, réveillé par les bruits et alerté par le feu, un pitbull sort de sa niche en aboyant comme un taré. MJ attrape le gars par son sweatshirt et l’attire avec elle derrière la façade tagué, s’y accroupi pour les planquer.
Mierda ! Il va réveiller tout le quartier ! Et le chien continue d’aboyer, se met à accélérer comme un fou, moment de panique où MJ fixe l’animal foncer sur elle, heureusement, il est retenu à quelques mètres par une grosse chaîne en fer. Elle échappe un petit soupir de soulagement. Mais le chien continue à tirer comme un fou sur cette chaîne.
@FLORÍAN NEMES