ctrlv

Il n’y a qu’une chose à savoir sur Maria José. Une seule et unique chose qui détermine tout le reste : elle est la fille la plus butée de la planète. Sa fierté et son égo surdimensionné prend carrément toute la place dans son petit corps d’hystérique. Elle ne se laisse pas faire, persuadée d’être la victime de tout un système raciste et patriarcal qui l’oppresse depuis le plus jeune âge. Elle s’est forgée cette opinion trop jeune. Fille de parents rebelles. Son père arraché au foyer par des miliciens, et sa merde fuyarde pour les sauver. Elle, MJ et Horacio ont dû partir en exil, quitter leur Colombie natale et l’heureux bidonville de Bogota qui l’a vu naître pour atterrir dans ce trou à rats qu’est Detroit. Même pas sauvés. Mère renvoyée à la frontière, enfants placés dans un système buggé. Arrachée à son frère et seul repère, catapultée dans une famille d’accueil bancale. Rejetée par les américains, trop bête pour bien apprendre l’anglais, trop butée aussi. MJ déteste le monde, ce pays et les hommes plus par principe qu’autre chose. Et elle ne perd jamais une occasion de le gueuler. Jamais une occasion de crier sa rage d’avoir été bouffée par une organisation qu’elle déteste. Victime collatérale de l’arrogance masculine. Alors elle continue à parler, à gueuler, à le suivre, et il ne se laisse pas faire non plus en criant son innocence, se trouvant des justifications qui ne marcheront de toute façon pas sur elle. Parce qu’MJ n’écoute pas, trop occupée à s’écouter parler elle-même. Mais 'vous', qui? J’suis en solo là. J’appartiens à personne moi, j’fais parti d’aucun groupe. ‘Vous’ les hommes, il a toujours pas compris ? Vous les mâles qui sont de toute façon mauvais par nature. Ouais, y a quelques exceptions, peut-être. Mais MJ les hait quand même, méfiante. Les hommes ne trouveront jamais grâce à ses yeux, elle les a trop vu briser des vies pour ça. Comme si c’était dans leur ADN. Et y a qu’un moyen pour les combattre, c’est de se mettre au même niveau qu’eux. J’ai pas l’syndrome du super-héros ou j’sais pas quoi, j’la connais même pas la meuf que j’cherche si tu veux tout savoir, alors nan j’la cherche pas pour m’faire bander, ça m’intéresse même pas. Ils sont toujours intéressés, les hommes. Y a rien de gratuit avec eux, et c’est peut-être même rien qu’un principe d’humanité, femme ou homme. MJ aussi est intéressée quand elle attrape la batte pour taper dans des couilles bourrées de testostérones. Elle cherche à péter la gueule à un passé qui la débecte, assouvir une vengeance trop longtemps macérée. Elle comprend pas ce qu’il est venu chercher, tout ce qu’elle sait c’est qu’elle ne veut pas de lui ici. Pas de superhéros masculin pour se vanter de leur victoire, après tout ça.

Alors, franchement, ça lui coûte déjà beaucoup quand le type sort de nulle part, et qu’elle est obligée de l’appeler pour aller chercher la fille.
Ouais, vraiment, c’est déjà un putain de sacrifice.

Ah parce que t’as b’soin d’mon aide maintenant? Elle entrouvre la bouche pendant une seconde et le foudroie du regard. ¿En serio? Qu’elle s’indigne, sidérée pendant les quelques secondes où elle le peut. Mais l’agresseur revient à la charge de plus belle et elle tente vainement de garder la face, elle voit quand même en coin l’autre décoloré qui va s’occuper de la fille dénudée. Léger soulagement, là, bien planqué sous trois couche d’énervement. Rapidement balayée par le revers de cette grosse main grasse qu’elle se prend dans la joue et qui la désoriente complètement. Ses yeux se ferment à moitié et le sang jaillit de ses lèvres. Le type l’attrape par le bandana qu’elle porte encore autour du cou, la tire vers lui. Elle git mollement sur le sol. Son regard divague, elle le voit le type, le blond, qui ramasse sa batte de baseball et elle voudrait presque lui hurler de lâcher ça avant qu’elle lui défonce la tête. Mais elle ne peut pas, trop faible. T’sais qu’si t’as b’soin d’un coup d’main, t’as qu’à demander… Léger sourire ensanglanté. Sans doute qu’elle aurait fait exactement la même chose à sa place. Ce petit côté hargneux, insolent, à vouloir avoir le dernier mot. Elle est pareil.

Mais MJ préfère crever que de demander de l’aide. Et encore moins à ce petit con. Va crever. Qu’elle articule difficilement, arrêtée par le poing qui s’abat sur sa mâchoire. Le gros type la lâche et elle tombe comme une poupée de chiffon sur le sol, assommée une seconde. Alors qu’elle reprend un peu ses esprits, elle tente de ramper ramasser un débris d’ampoule que la chaise a explosé sur son passage. Mais l’agresseur lui donne un coup de pied dans le ventre qui la paralyse une seconde. Et MJ part dans une quinte de toux pleine d’hémoglobine, elle roule sur le dos. Là elle voit que le péroxydé est toujours là, avec sa batte qui plus est. Elle fait un sourire amorphe. Lâche ça. Qu’elle dit d’une petite voix. Elle évite de justesse un autre coup qui pleuvait de son agresseur en roulant sur le ventre. Là elle attrape un débris quelconque et le jette en criant de toute ses forces contre le type. Juste le temps pour elle de s’accrocher au mur pour se relever, avec difficulté. À moitié debout l’équilibre incertain, la main qui s’accroche au papier peint, elle jette à nouveau un regard au blond J’ai pas b’soin d’toi. Qu’elle affirme, en y mettant toute sa détermination. Parce que vraiment, sa fierté est la seule chose qui brûle chez elle. Et elle préfère crever maintenant que de demander de l’aide. L’agresseur l’a peut être bien compris. Il n’hésite pas. Son énorme main s’agrippe à la tignasse bouclée d’MJ, et il l’envoi contre le mur d’en face pour l’y assommer. Black out.