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 wounds (punkette)

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MessageSujet: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyVen 7 Fév - 22:53

L’hôpital a une odeur caractéristique. Une odeur caractéristique qu’il connaît. Dans l’état de demi-conscience où il surnage, Ares peut sentir les douleurs du passé et du présent se chevaucher, convoquées par les parfums javellisés. Au creux de son abîme, c’est sa mâchoire qui l’élance ; sa jugulaire pompe trop fort, et sa déglutition provoque des lézardes blanches jusque sous ses paupières. S’il remonte, alors c’est ailleurs que son corps l’élance.

Il est éveillé depuis un moment, le réalise lorsqu’il bouge dans le lit et qu’une crampe achève d’offrir au décor aseptisé des angles tangibles. A-t-il seulement dormi ? L’irréel de cet enchaînement d’évènements l’ayant mené jusqu’ici semble flotter loin de lui, accessible, mais dépourvu de sens. Tout ce qu’il veut, c’est partir. Mettre de la distance, encore, toujours, persuadé qu’un jour, il finira par s’être suffisamment éloigné de tout pour être autre chose. N’être rien.

M. Santiago, vous vous sentez un peu mieux ?

Un membre du personnel a tourné le coin de la porte comme il faisait mine de se lever, le flair aiguisé. Ares demeure prostré un instant, la mine basse, évitant. Le silence est la meilleure arme qu’il connaisse pour contourner les gens. Une femme entre, l’oeil franc, mais le geste légèrement hésitant. Elle demande s’il aimerait porter plainte. Mutisme, ronronnement des machines, paroles inintelligibles dans le couloir. Le regard du Salvadorien s’est accroché sur le coin d’une tuile, puis ne bouge plus. La femme pose à nouveau la même question inepte. Elle ajoute quelque chose, quelque chose comme une ligne philosophique, un conseil, Ares n’écoute plus. Quand il parle, sa voix crevassée n’éructe qu’un « donde esta Miguel », ce à quoi on lui répond, comme heureux de pouvoir le rassurer sur la distance qui les sépare, « sur un autre étage. »

Une vieille colère vient réchauffer ses mains. Il se lève, on esquisse un geste pour prévenir ses pas, et lui un autre qui ordonne de ne pas l’approcher. De ne surtout pas le toucher.

« Nous avons tenté de rejoindre un membre de votre famille, mais… »

Mais les phrases qui n’ont nul besoin d’être terminées. Ares récupère ses affaires personnelles laissées contre le mur sous le regard obligeant des deux infirmiers, docteurs, il s’en fout, de savoir ce qu’ils sont.

Acquitter des frais.

Sortir.

Il se sent nauséeux, pose une paume à plat sur le muret courant près du mur de l’hôpital, dehors. La main directement dans la neige.

Retourner à son studio.

Monter les escaliers.

Il fait nuit, déjà. Tout semble très éloigné de lui, ou alors c’est lui qui est loin de tout. Comme un automate, il se déshabille, va se réfugier sous une douche tiède. Il s’appuie sur la céramique en grimaçant tandis que l’eau lèche les hématomes sur son cou, son dos, ses poignets. Momentanément, il tient la fatigue à l’écart, presqu’à la lisière de sa peau, là où elle attend un relâchement pour s’infiltrer par tous ses pores.

Se changer.

Sortir, regarder le lit défait.

L’épuisement brûle ses muscles. Mais il ne veut pas rester ici une seule seconde de plus. Il descend, entre dans sa voiture, retourne vers l’hôpital. Tout gueule, enfouit sa tête dans un brouillard épais. À la réception, il demande Miguel Spence. La dame fait « désolé, les visites sont autorisées pour la famille seulement. » Ares fait oui. Elle le lorgne, lui demande avec impatience de retirer son foulard. Il obéit. Ça fait ho, dans les yeux de la réceptionniste. Ares le voit. Elle réitère : « désolé, pour la famille seulement. » La main du Salvadorien se crispe sur le bois du comptoir. « Vous êtes quoi, un ami ? Un petit ami ? » Il acquiesce, à tout hasard - la dame attend toujours, le cou légèrement allongé, l’air de dire oui, oui quoi, ami, ou petit ami ?

Ares sent qu’il va se désagréger.

Elle soupire en regardant la file derrière lui. Claquement de langue.

« C’est bon, allez-y. »

Il remonte son foulard et se fraie un chemin à travers les sièges, trouve l’étage, le numéro de chambre. N’a plus de sang dans le bout des doigts lorsqu’il entre. Jaaziel est là, allongé, insupportablement vulnérable. Ares reste bêtement planté dans le cadre de porte à observer ses paupières closes. On le contourne avec agacement - il comprend qu’il est dans le chemin, qu’il n’est pas au bon endroit. Qu’il n’a jamais été au bon endroit.

Quelque chose se fissure, très creux au-dedans. Secoué, il tourne des talons, retourne sur ses pas, jusqu’à l’extérieur, jusqu’à sa voiture, claque la portière, cherche ses clefs. Tout devient saccadé, même son souffle, même ses pensées, jusqu’à ce qu’il doive s’arrêter, tenir le volant à deux mains, sentir la brèche qui s’ouvre sur un gouffre vertigineux. Sa mâchoire tremble, puis ses épaules, son dos ; il raffermit sa seule prise sur la réalité, un vulgaire arc de cuir, jusqu’à s’en blanchir les jointures. Là, sa nuque plie, son visage se réfugie entre ses coudes, et il étouffe, submergé par surprise par un flot brûlant de larmes qui use jusqu’à sa gorge. Deux, trois spasmes muets, et la dernière digue se broie dans un bruit écorché, il doit appuyer son front sur son poignet noirci, serrer davantage le volant pour calmer la secousse dans ses bras. Mais ce qui la traverse est sismique, irrépressible, et il trouve la force de s’autoflageller, pour s’être laissé aller, pour ne plus être capable de s’enrayer.

Il pleure dans sa voiture, au beau milieu du parking de l’hôpital, et personne ne viendra le déranger.

Quand la vague s’apaise, elle ne lui laisse qu’un mal de tête lancinant et un goût de fatigue sur la langue. Ares demeure immobile un long moment à n’écouter que le bruit chuintant de sa respiration, et puis, parfois, le claquement lointain d'une portière.

Et soudain, trois petits coups secs sur sa vitre.

Il se redresse brusquement, coeur perché, et voit Debbie, penché vers la fenêtre, le visage soucieux, et un cabaret de transport dans les mains avec trois cafés. Elle lui fait signe de baisser sa vitre. Il s’exécute, hébété.

« Ares ? Ça va… ? »

Question conne. Elle inspire, agite les gobelets fumants.

« C’est Speedy qui m’a dit ce qui c’était passé. Il était au squat. Enfin, en bas, alors il n'a rien. Ils vous a vu monter. J’viens d’appeler, là, tu sais, il va bien, il dort juste, apparemment… j’me suis douté que tu serais ici. Regarde, j’nous ai apporté des cafés. »

Elle lui offre un sourire contrit, inquiet. Il en force un en retour. Le gouffre se referme tout doucement.

« C’est gentil. »

Ils passent dix minutes à négocier avec la même réceptionniste ; la gueule de Debbie ne lui revient pas, visiblement. Puis il y a  gain de cause. Dans la chambre, la jeune femme prend ses aises, tente de chasser la grisaille en racontant de vieux souvenirs. S’ils réussissent à tenir le Salvadorien éloigné de ses pensées coupantes, ils arrivent tout au plus à lui donner un sentiment amer au fond de la gorge. Tu crois qu’il nous entend ?, elle demande après un moment de silence. Ares hausse une épaule. Elle s’approche de Jaaziel, prend une voix maligne : « Eh, mon beau. tu devrais pas trop tarder à te réveiller, parce que sinon, ça va te coûter une chiée, c’est moi qui t’le dis. »

Ça a le mérite d’arracher à Ares un rire silencieux, un froissement au coin des yeux. Debbie se recule, satisfaite. Une lueur amusée brille au coin de sa pupille. Elle enfile son manteau.

« Bon. Je te le laisse, je dois aller bosser. Tu me tiens au courant, ok ?
- Ouais. Merci.
- Pour ? »

Tout.

« Le café.
- Ah. Bah, non, en fait. Tu me dois 2,50. »

Clin d’oeil malicieux. Il se déride une dernière fois comme elle passe le pas de la porte, puis retombe dans une espèce d’apathie grise. Crevé. Il est crevé.

Après avoir lutté un dernier petit cinq minutes, toujours assis, il se penche et dépose sa tête sur ses deux bras croisés sur le matelas, près de la main de Jaaziel. Les draps ont pris son odeur. Ares ferme les yeux, écoute le son régulier du moniteur, puis le souffle profond du punk. Une poignée de secondes, et il s’est endormi.

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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyJeu 13 Fév - 1:08

Il y a une douleur logée quelque part, mais Jaaziel est incapable d'en identifier la cause. C'est dérangeant et surtout différent. Il est pourtant toujours plongé dans un océan noir à attendre, dans ce monde où même les rêves n'osent pas venir s'aventurer. Il croit avoir vu des flammes et des flashs orangés, trop fulgurants pour que ça prenne le pas sur cet ennui pas totalement reposant. Il y a cette souffrance sourde. Un malaise à anticiper, un corps dissipé pour un esprit tranquille, à moitié endormi, une bombe prête à exploser sans aucune énergie.

Rien pour le tirer de son sommeil profond, or ses yeux se mirent à papillonner. Cette fois-ci ses souvenirs lui revinrent plus clairement que lors de son premier réveil, au moins il savait où il était et qui il était.

Il y eut d'abord le plafond. Classique. Un coin de murs blancs puis un vert dégueulasse qu'on ne voit que dans les hôpitaux. Ensuite, ça lui chatouilla les doigts, alors Jaaziel baissa aussitôt les yeux sur la tête posée sur son lit. C'est vrai, il avait senti une présence près de sa jambe endormie, différente de l'enveloppe anesthésiante qui pour l'heure le protégeait. Bientôt, les anti-douleurs cesseront leur effet, il allait sentir à quel point sa chair s'était faite ravagée.

Ares était venu le veiller tout comme il était revenu le sauver. Ses impressions restèrent immobiles le temps d'en constater le sens et de se questionner, il le regarda ainsi longtemps avant de comprendre qu'il ne trouverait aucunes réponses prêtes à traiter. Ses doigts se mouvèrent pour atteindre quelques mèches sombres, fasciné de voir la lenteur avec laquelle il arriva à les effleurer, lui qui les avait si souvent agrippés. Le silence rendit le geste tendre, ou faible aux vus de son état. Il ferma les yeux. Il ne voulait plus voir, et avec un peu de chance peut-être pourrait-il retourner dans les vapeurs de son inconscience. Il crut les atteindre quand il sentit du mouvement contre ses doigts. À nouveau il regarda. Ares ne s'était pas pour autant réveillé.

L'urgence se fit néanmoins sentir quand les pièces du puzzle eurent finies de s'assembler. Encore à moitié dans les brumes, il tenta de se redresser et finalement il grogna. Morphée l'écrasait de tout son poids et sa propre volonté eut beau lutter, il était littéralement cloué au lit.

« Ah fais chier... » se plaignit-il d'une voix plus brisée que d'ordinaire, un brin feutrée. Il voulut au moins s'asseoir, mais l'effort menaça d'un peu plus l'assommer. Il appréhenda qu'il lui faudrait plusieurs minutes avant de bouger. Le piège étant que ce sera probablement le même temps pour que les anesthésiants calment leurs effets.

Il soupira, calant son crâne contre le coussin inconfortable. Il avait connu pire que ce dernier, bien qu'entre un sol, un vieux matelas ou un canapé démonté, il les préférait tous à un foutu lit d'hôpital sur lequel il lui était impossible de se décoller. Il allait finir fou s'il restait ici, même en taule il avait toujours eu droit à quelques pas pour se déplacer. Il détestait les chambres d'hôpitaux ou d'infirmeries. Qu'importe l'endroit où l'on s'y trouvait, on était dans le chemin. S'asseoir et rester tranquille, s'allonger et guérir, fermer sa gueule et souffrir.

Le matelas se creusa. Jaaziel se rappela qu'il avait reculé la main en voulant s'appuyer pour se plier, un soulagement quand il comprit qu'Ares se redressait. Il croisa aussitôt son regard. Le sien devait avoir une sale gueule, autant que la sienne et toute la fatigue qui pesait sur leurs cernes.

« Hey... »

C'était doux. Banal. Affaibli.

« Qu'est-ce que tu fous... là, connard... T'as pas failli cramer... toi-aussi ? »

Ses poumons lui renvoyèrent les doses qu'il s'était mangé il y a plusieurs heures. Et sa jambe, elle, commença doucement à s'animer. Ses yeux cherchèrent un bouton de morphine ou quoi que ce soit de ce genre, douteux qu'on ne l'aurait pas laissé sans rien, en réanimation, avec des brûlures au second degré et une blessure dans la cuisse.

« Faut que... j'me casse d'ici... »

Il leva la main pour attraper une télécommande à sa portée, vite déçu en constatant qu'elle ne lui servait qu'à appeler une ou un infirmier.

« Trouves-moi des fringues... »
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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyJeu 13 Fév - 19:08

Ce n’était rien - un sommeil incolore, creux, faiblement transpercé par les bruits environnants comme si chaque ordre du corps médical provenant du couloir eût été une petite pierre qu’on laissait tomber dans la lagune peu profonde de son repos. Il relève la tête, un sursaut discret dans l’achoppement de sa respiration, le dos durci et l’angle du visage encore gourd. Les yeux du punk percent les siens.

hey...

Ses paupières frémissent. Il aurait pu croasser exactement la même chose, poser à plat toutes les choses qu’ils auront, de toute manière, à étaler un jour ou l’autre. Mais pour l’instant, c’est dans le silence qu’il cueille la douceur étrange de Jaaziel.

Il le fixe. Ça n’empêche pas le brun d’enchaîner sur une question le visant immédiatement, pointe de canon sur sa tempe, et ce connard, murmuré faiblement, à la frontière poreuse de ces mots qui perdent de leur saveur au profit d’un ton de voix ayant abdiquée, déjà. Ares l’écoute s’esquinter dans sa toux et remuer, dur sur son corps, comme à son habitude, dur sur tout.

« Faut que... j'me casse d'ici. Trouve-moi des fringues... »

Il s’est redressé. Arrête, qu’il voudrait dire. Arrête, arrête d’être con, juste une fois. Quelque chose bloque, gonfle contre son palais. Il s’approche, pose une paume à plat sur le torse de Jaaziel, bien au centre. Et si la main est souple, presque indulgente, elle ne s’empêche pas d’appuyer lentement, fermement, et de plus en plus fort jusqu’à  ce que le punk renonce à son projet. Voilà, il arrête de s’agiter. Ça ne fait pas son affaire. Ares n’a pas besoin de sonder l’assombrissement irisé de son regard pour le deviner.

Il l’observe de haut, gardant un moment cette prise trop facile qu’il a sur lui. Sous ses doigts, il peut sentir le coeur impulsif, le souffle fauve.

« Non. »

C’est d’une tiédeur. Le Salvadorien retire sa main, l’éloigne rapidement, sans rien secouer. Il se tourne pour attraper le gobelet de carton sur la table de chevet. Sans regarder Jaaziel, il dit « Debbie est venue. Tu dormais. Elle t’a apporté du café. »

Le café qu’il tient. Et en glissant vers lui un regard hermétique, il prend une gorgée, très lentement, sans le lâcher des yeux, puis une deuxième, voilà, l’intention apparaît dans un éclat moqueur au fond de ses pupilles ; il se fout de sa gueule. Gentiment. Le café est froid et dégueulasse, mais il lui en vole tout de même.

Il est une heure du matin passée.

Ares finit par lui tendre le gobelet en glissant furtivement sa langue sur sa lèvre supérieure. Le geste est lent, prêt à se résorber à tout moment ; sois sage, ça prévient de façon tacite, ou t’auras rien. Il doit crever la dalle. Et à moins qu’une infirmière prenne pitié de lui et de sa gueule de truand, ce qui serait de l’ordre du miracle, le Salvadorien est le seul ici qui puisse être soudoyé pour aller chercher de la nourriture dans les distributeurs automatiques.

Ares se rassoit, volontairement détendu. Il ne laissera pas paraître que la fatigue contribue fortement à cet état. Tu peux rien me faire, t’auras pas le dessus, cette fois. C'est moi qui dicte. Il y a une espèce de jouissance tranquille à voir Jaaziel dans cet état. Une jouissance qui se brouille dans l’inquiétude, et plus creux, dans l’amalgame trop dense de ses émotions tues.

« T’auras ton congé demain matin, normalement… t’es pas si bousillé que ça. »

Oh douce ironie. Te plains pas que ça lui ordonne juste, finalement, méchamment, parce qu’Ares sait très bien qu’il ne serait pas venu dans l’idée du punk de le faire. Quelque chose comme une petite vengeance lui taraude le derrière des iris, s’y dilue dans leur alcool ambré, quelque chose comme une petite souffrance, aussi, quelque chose qu’il ne dit pas, d’extrêmement proche de sa peau, à vif, quelque chose qui s’est passé entre eux, dans l’incendie, et que le Salvadorien n’arrive pas à conceptualiser. À admettre. À penser. Il suffirait qu’il croise un miroir, pourtant, pour que les marques sombres sur son cou l’informent sur ce qui est arrivé.

Il le fixe toujours, un feu sec sous les paupières.

« … Je crois que ça suffit. »

Un murmure, rauque. Et c’est pas très clair, ce qu’il veut dire par là. Même pour lui. Mais ça suffit. Il en a marre. Il est épuisé. Sa colère s’est durcie, assez pour devenir du verre, un verre qui n’a cessé de s’amincir - sa colère est friable, désormais. Elle pourrait se briser, le couper plus sûrement que tout le reste avec ses bords tranchants. Ares a envie de frapper Jaaziel - mais pas dans la pulsion, seulement dans l’idée. L’idée lui fait du bien. Sauf qu’il n’aurait aucune ressource pour le faire. Tout au plus, sa main caresserait sa mâchoire. Glisserait contre son oreille, se perdrait jusqu’à la courbe de son crâne. Ares se sent rarement comme un homme ; au mieux, il est demeuré le gamin du Salvador, celui qui fuit ou qui mord, dépendamment d’où se dresse le mur qu’il a constamment devant les yeux. Mais pas cette fois. Cette fois il a ses vingt-cinq ans, et peut-être même plus.

Ça suffit, vraiment, et c’est pour ça qu’il est là. Qu’il ne part pas.

Il ne le perdra plus.

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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptySam 15 Fév - 3:21

Jaaziel a du mal à croire qu'il est réveillé. Il doit être plongé dans un de ces rêves bizarres de comateux, où tout ce qu'il y a de plus absurde devient possible, comme le fait qu'Ares lui ordonne de se rallonger. Sa main contre son torse lui semble pourtant bel et bien réel, et le récit de ce qui a pu se passer pendant qu'il était endormi aussi. La traîtrise de son autre fut néanmoins la première réalité qui lui mit la puce à l'oreille. Ce trou du cul n'avait pas changé, tous les coups bas étaient bons dans les mauvais moments, malgré ses excès de fidélité. Qu'est-ce qu'il foutait là, bon sang...

L'anarchiste ne s'était pas vu pas écarquiller les yeux devant l'affront que le brun lui imposait. Son expression s'était durcie aussitôt pour lui intimer d'arrêter de le pousser, et depuis elle n'avait pas changée. Il le fusillait du regard exactement à la façon qu'Ares l'attaquait. Ce dernier devait être satisfait, car clairement Jaaziel était trop fatigué pour lutter. Le saisir par le col et lui renverser du café froid sur la gueule était une option plus qu'alléchante, mais dans son état, il savait tout aussi bien que son tortionnaire que ce serait lui qui y perdrait.

« Espèce de connard de fils de pute... » siffla-t-il, excédé. Il soupira finalement, toussa, puis passa la main sur le visage comme pour essuyer quelques faiblesses.

Avec tout ce qu'il en avait fait voir au salvadorien, c'était certainement de bonne guerre. Pour autant il le lui fera payer, pour ça ou pour autre chose d'ailleurs, sachant que sa simple présence suffisait à lui faire subir ses humeurs. Parfois, Jaaziel se rendait compte que c'était à ça qu'Isaac lui servait, ou tout du moins que c'était l'image qu'il devait renvoyer. Si peu expressif et animé, le défiguré était une éponge qui depuis leur rencontre l'avait attiré comme un aimant vers un autre, le sien demeurant au cœur de sa structure, là où Jaaz ne cessait de creuser et d'arracher. Ou plutôt il essayait. Entre eux tout n'était qu'images après tout, des non-dits et des faux-semblants, des rejets ou des actes peu assumées.

... ça suffit.

Sous ses doigts qu'il avait collé contre son front pour lisser sa ride du lion tout en se massant les tempes, l'ancien taulard fronça un peu plus les sourcils. Il inclina légèrement la tête et dirigea ses bleus grisâtres vers son voisin. De quoi parlait-il ? Il lui semblait que juste avant, c'était lui qui le provoquait, pendant que Jaaz tentait indirectement de s'enlever l'image de ses lèvres sur le gobelet, de sa langue, de son regard qui boit, qui le boit, et de ses airs de merdeux appelant à deux trois paires des claques.

Je crois que ça suffit.

Le gringo était socialement con, mais pas au point de ne pas comprendre que le sujet venait de basculer. Seulement, il y avait une dizaine de théorie à tirer de ce genre de phrase, et dans leur cas peut-être même une centaine. Jaaz n'avait aucune idée de s'il était en état de pouvoir tenir n'importe laquelle de ces conversations, sauf que là où naissait sa connerie, c'était qu'il en avait justement, la plupart du temps, rien à foutre de savoir de quoi il était capable ou non. Et si par le passé ça l'avait effrayé, il avait appris en trois ans à se faire confiance et à s'accepter, puis ainsi, à se lâcher de manière plus ou moins raisonnable.

« De quoi tu parles ? »

Aucune personne saine d'esprit n'aurait envie d'avoir un échange avec une tête sévère comme la sienne. Réfléchir le rendait hargneux, et ne pas comprendre coléreux. Chez beaucoup c'était signe d'idiotie, chez lui, c'était une suite de déceptions et d'attentes agressives. Il se protégeait. Il appréhendait. Quand Ares était le gosse, Jaaziel était le père. À la différence qu'un homme se tenait près de lui, sa focale le fauchant au pied du mur, le déstabilisant sèchement. Un nouveau soupir pour éloigner le mal qui le rongeait, qui doucement montait. C'est lui qui détourna le regard en premier.

« J'ai bien cru... qu'on allait crever... »


Et il ne se souvint principalement de ça, entre autres flashs percutants, mêlé de panique et de désespoirs. Il se demanda s'il l'avait serré contre lui, s'il l'avait plaqué et embrassé. La vérité le fit frissonner parce qu'il lui apparut que ce n'était pas lui qui l'avait cherché, ou peut-être que si, à moins qu'Ares l'ait frappé. Tout se mêle entre désirs et violences. Il croit savoir pourquoi il a mal à la jambe, autre le fait que le feu avait commencé à la grignoter le temps que le pompier traverse la pièce, et il croit ressentir encore les effets d'avant ce moment. Il y a d'abord la douleur, puis le plaisir. Il voit le sol, une épaule, puis il entend des cris. De la rage qui ne résonne pas comme la sienne.

« J't'ai baisé... » souffla-t-il avec une fatigue ayant l'air d'une paresse, les yeux perdus ailleurs, ailleurs que là où ils devraient être : face à sa victime.

Tout lui revint parce qu'enfin il se donna le temps de se souvenir. Nonchalamment, il vint cueillir confirmation sur le visage marqué d'Isaac. Ares.

Ares qui était là.
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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyMer 19 Fév - 20:31

Miguel a la fierté aisément froissée. Et ce soir, Isaàc n’en a absolument rien à foutre. L’indignation muette qu’il voit poindre dans les pupilles du punk ne lui tire aucune réaction. Il ferait peut-être moins le malin si l’autre n’était pas cloué dans un lit d’hôpital, ça oui, mais Ares est un rat, et il sait bien profiter des situations se présentant à lui sous leur meilleur angle. Le sifflement de Jaaziel n’éveille qu’un léger remous dans sa poitrine, quelque chose à cheval entre une envie de provocation et une crainte de représailles. Un ballet qu’il n’a pas fini de danser et qu'il a du mal à s'avouer aimer.

Puis il voit poindre l’incertitude sur le visage du punk, visage contre lequel il a buté tant de fois - visage colère, visage fermé, visage amer. Là, il sent qu’il fait la brèche. Minime, intime, une de ces entailles que Jaaziel ne pourra pas refermer comme bon lui semble.

De quoi tu parles.

Ares s’est embarré dans une rigidité factice ; s’il ne bouge pas, cette fois-ci, c’est parce qu’il en a décidé ici. Et il l’observe, l’oeil fixe, les paupières un peu lourdes, le foulard tiré sur son cou. Réfléchit. Mais Jaaziel n’a jamais envie de réfléchir. Là-dessus, ils s’accordent. Tout ce qui comprime le crâne, ils le font  descendre dans leur ventre, et les pensées récurrentes se transforment en une bile brûlante, un combustible pour les explosions d’humeur qui les guettent. Réfléchit. Plus l’autre bronche, plus le Salvadorien étire sa patience. À ce jeu, il est persuadé de gagner.

Les billes claires du punk roulent plus loin. Ares inspire profondément, discrètement. La fatigue, et autre chose, dépose une chaleur tenace sur son front et ses yeux.

« J'ai bien cru... qu'on allait crever... »

Ses pupilles cherchent à descendre. Il ne veut pas se défiler. Alors il déglutit, glisse un « moi aussi » tranquille, rien pour couper l’élan de Jaaziel, tout pour lui dire qu’il l’écoute, qu’il sait, qu’il a du mal. C’est détaché, pourtant. Encore un peu vibrant. Comme si la violence de cette réalisation ne l’avait pas encore atteinte, ou au contraire, que le choc lui avait traversé sans le corps sans rien déplacer - Ares est calme, mais ce n’est pas tout à fait ça. Coupé. Coupé de lui-même, d’une drôle façon.

« J't'ai baisé... »

Y’a un truc qui ne connecte pas, un contact qui oublie de se faire, sous le couvert de son crâne trop lourd. Il regarde Jaaziel le regarder, réalise après quelques secondes de silence qu’il ne le voit pas vraiment. Puis il devient plus conscient de son propre souffle ; qui s'approfondit, rencontre la contraction du coeur, plus bas, d’une façon dérangeante, désagréable.

« Et alors. »

Réponse sèche qui se voulait lancée sur le même ton du punk, mais qui déjà trahit un peu mieux ce qui se passe, au dedans. À son tour de tourner la tête, de se créer des ombres à observer. Et elle revient, l’envie qui ne le lâche jamais vraiment - envie de disparaître, de s’effacer, tout en s’opacifiant, afin que rien ni personne ne puisse voir ce qui se trame sous sa peau jamais assez dure. Puis la digression lui rampe sur les traits, relâchés très lentement. Il demande s’il a « l’intention de finir ce café », auquel cas, lui, il le « boirait bien ». Mais parler bêtement ne lui suffit pas, s’avère pire que de garder le silence, lui donne une impression de gouffre hurlant s’ouvrant à ses pieds.

Quelque part, sans trop s’en rendre compte, Ares vient de se voir rangé du côté des putains à Jaaziel, celles qu’il a vu vilainement amochées par le punk, repoussées, humiliées, jetées, toujours sans aucune considération apparente, butant contre le mur de glace érigé autour de leur amant détaché. Et c’est ce qui va se passer, murmure la petite voix mauvaise dans les soubresauts de son inconscient, il t’a eu, t’a goûté, va te lâcher, maintenant. Réussir à passer à autre chose, drapé de cette injuste indifférence, pendant que t’auras pas même la force de suffoquer.

Et y’a rien que tu puisses faire, maintenant, rien que tu puisses faire, sauf peut-être faire, justement, comme si rien n’avait été fait.
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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyVen 21 Fév - 23:39

Et alors

Et alors ?

Et alors tout. Et alors enfin ! Il l'avait fait, Jaaziel l'avait enfin baisé ! Ce n'était pas grand chose parce qu'il ne se souvenait de pratiquement rien, à peine de la sensation d'étau et clairement pas d'une jouissance. Mais puisqu'Ares fait mine de banaliser, Jaaziel aussi. Il n'est pas tant vexé que ça ne l'ait pas marqué plus que ça, il faut dire que ça n'avait pas été une très grande performance et que ça avait été la panique qui avait tout guidé, ceci dit ça aurait pu au moins le choquer. Il le connaissait par cœur. Faute d'être scandalisé, le défiguré ignorait. Ça lui ressemblait assez, preuve que malgré les efforts, le fond ne changeait jamais. La suite n'était pas là pour contredire quoi que ce soit. Dans son silence, le plus nerveux sentait poindre des pensées agacées.

« Tu m'fais chier ...toi et ton café » pesta-t-il, à bout de patience, en lui donnant une claque sans force et sans énergie contre le bras.

Il y a trois ans, il lui aurait sauté à la gorge et Ares se serait barré. Mieux, ils auraient fait front à tous les problèmes qui les entouraient sauf celui-là. Celui de leurs testostérones sans cesse mises à mal quand le parfum de l'autre envahit dans l'air. Des baffes qui se perdent et des coups de bite ardemment désirés. Seulement les rejets ça allait bien un temps. Après une expérience de survie comme celle-là, c'était plutôt risqué. Le rasé était fatigué, irritable à souhait, et pas du tout en état de creuser un peu plus ses souvenirs traumatisés. Sa jambe était bloquée, puis le lit inconfortable. Il n'avait qu'une seule envie : se barrer d'ici. Pour une fois que c'était lui.

« Proposes-moi un truc à manger plutôt, j'crêve de faim... et j'peux même pas lever mon cul d'ce foutu lit ! »

Ça y est, l'adrénaline a le don d'éveiller. Il tenta de se placer correctement, définitivement de mauvaise humeur désormais, tandis qu'au même moment la porte de la chambre s'ouvrait sur l'infirmière de nuit.

« Et bien, je vois que vous êtes réveillé monsieur Spence »

Elle poussait avec elle un chariot de premiers soins médicaux, qu'elle laissa sur le côté. Petite et menue qu'elle était, et du reste aussi jeune qu'eux, elle n'eut pas à se baisser de trop pour lire un papier posé sur celui-ci, sans doute un résumé des opérations apportées. Elle en savait de toute façon plus que les lignes qu'on lui avait écrite, à en voir les regards singuliers qu'elle lançait vers Ares, et celui qu'elle évitait vers le blessé. Elle soupira. Quelque chose la dérangeait dans le fait d'être ici, et d'avoir surpris leur conversation. Ça parle beaucoup entre les étages. Surtout la nuit, autour d'un café.

« Si je peux faire quoi que ce soit, surtout n'hésitez pas »

Une bienveillante employée... envers les invités. Si ses yeux sombres s'étaient levés avec une forme de compassion vers le second rescapé ayant fuit son propre lit, Jaaziel ne se gêna pas pour faire semblant de n'avoir pas compris. D'ailleurs, il n'avait pas réellement capté les enjeux sur lesquels l'ambiance pesait.

« J'veux bien un café »

La brunette leva les yeux au ciel.

« Ça ne fait pas parti de mes services monsieur Spence. Quand bien même, vous êtes assez énervé pour votre état »

Elle fit le tour pour soulever la moitié du drap et jeter un œil sur les bandages autour de sa cuisse et de son mollet. Il se retint de lui répondre qu'il n'était pas un gosse... deux secondes avant de ne plus prendre la peine d'hésiter.

« Pourtant, avec ce que j'vais raquer en factures d'hôpital, j'ai droit au moins à une p... AAH putain ! La pute ! »

« Ne me provoquez pas, je vous préviens ! Sinon je vous retire vos bandages sans les changer et vous ferez encore moins le malin, croyez-moi » la menaça-t-il, la main toujours posée sur la cuisse qu'elle avait palpé... pour « vérifier ». Elle souffla puis le lâcha. Des cons, elle en voyait tous les jours. Des violeurs, un peu moins. « Vous n'êtes pas obligé de rester, vous savez »

Jaaziel se demanda dans quel monde il venait de basculer, en la voyant regarder Isaac. S'ils n'avaient pas été paralysés par la douleur vers le bas, il en aurait haussé le sourcil.
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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptySam 22 Fév - 18:50

« Tu m'fais chier toi et ton café. »

Sur son bras, rien qui ne puisse réellement le bousculer, mais tout ce que la main rêche éveille sous la peau - Ares craque un sourire bref, puis retombe sous cette mince couche de givre, un talon remonté sur la chaise. Il écoute Jaaziel râler, fidèle à sa nature, mais peut-être aidé aussi par la douleur lancinante, celle qui mine le moral à la façon d'une goutte percolant à travers la tête.

Il n'a pas l'intention de bouger ; et s'il allait ponctuer son refus d'obéir d'une pique arrogante, il a le sifflet coupé par l'infirmière faisant irruption dans la chambre. Toutes les lumières s'allument - ses paupières frémissent.

Observation plate de la femme : Jaaziel est réveillé, ça oui, et prêt à faire chier son peuple. Le Salvadorien se cale un peu mieux contre le dossier de la chaise, en observateur innocent. Les coups d'oeil de l'infirmière lui glisse dessus. Il s'enferme. Ça fait beaucoup de gens en une journée pour rendre compte de son visage défiguré - et pourtant. Ce n'est pas cette vieille blessure qu'ils semblent tous observer. Ça le creuse plus loin, par en-dedans. Le dissèque, cherche la coupe à blanc, dans sa chair.

Ares remue légèrement, mal à l'aise. Si je peux faire quoi que ce soit, surtout n'hésitez pas. Il ne répond pas. Ses yeux vaquent ailleurs, planant volontairement au-dessus de l'employée de l'hôpital. Au travers de l'indifférence, de brefs élans courroucés ; petits coups silencieux de poignards dans son estomac.

Jaaziel demande un café. Cette fois, la tête d'Ares bascule vers lui, lourde, et il le dévisage avec antipathie. Il te fait quoi, là, la pute précieuse ne voulant rien de moins qu'une boisson bien chaude apportée par les mains délicates d'une femme en uniforme ?

La femme aux mains délicates coupe court au fantasme, ça ne fait pas parti de mes services, et Ares doit appuyer ses lèvres dans sa main, y camouflant l'irrépressible sourire de petit con lui germant sur la figure. Il ose un regard furtif vers le punk, nerveux, sans trop savoir pourquoi, et ça lui donne encore plus envie de se marrer. Il serre les dents.

« Pourtant, avec ce que j'vais raquer en factures d'hôpital, j'ai droit au moins à une p... AAH putain ! La pute ! »

Ses yeux luisent d'une espèce de satisfaction immature sous le jeu de ses sourcils qui se sont un instant soulevés, appréciatifs du spectacle. L'infirmière n'en est clairement pas à son premier crétin de service. Elle lui ferme la gueule du tac-au-tac. Ares est presque admiratif.

Vous n'êtes pas obligé de rester, vous savez. Un temps. Il revient sur elle, déstabilisé de comprendre que cette phrase-ci s'adressait à lui. Son expression se ferme à nouveau, les remous agacés reprennent dans ses tripes. Il a l'impression que les néons sont trop brillants, tout à coup.

« Faites juste votre boulot » sa voix feutrée fait seulement, tranchante.

Toujours les mêmes réactions, à peu prêt. Pas pour prendre le côté du punk, mais le sien. Se barricader dans ses problèmes, ses problèmes qui ne regardent que lui. Flashback d'une scène semblable survenue il y a trois ans, sur le bord de la route ; Jaaziel menaçait de le planter avec son canif, et lorsqu'un bon samaritain avait voulu intervenir, Ares l'avait gentiment envoyé se faire foutre. Enfin, c'est comme ça - il n'a peut-être simplement pas envie qu'on se mette en travers de Jaaziel et lui, qu'importe la raison.

L'infirmière s'exécute sans faire preuve d'une délicatesse exemplaire, l'aura noire. Les yeux d'Ares attrapent un instant ceux du punk, tu vas pas te plaindre, quand même. Il entrevoit les points de suture sur le côté de sa cuisse, là où il l'a blessé, puis se détourne à la vision de la peau brûlée. Il lève les voiles avant la fin.

Il a replacé son foulard sur son nez, besoin d'une digue, d'un mur, même si personne ne rôde réellement à cet étage-ci, la nuit. Ares dévalise une machine distributrice à coup de pièces grattées au fond de ses poches. Que de la bouffe trop grasse, salée, ou sucrée. On est bien dans un hôpital. Quand il revient, rabaisse le masque, l'infirmière est partie et n'a laissé qu'une lumière tamisée - le grand souffrant est là, un peu blême, et d'aussi mauvais poil. Peut-être même plus. Ares dépose une boisson énergisante près de lui, puis le contenu de ses trouvailles ; la chaise l'accueille à nouveau, recroquevillé cette fois, les genoux ramenés près du torse pendant qu'il salope le coussin avec ses bottes.

« Tu t'souviens, dans les premiers temps qu'on se voyait… »

Il ne sait pas trop pourquoi il en parle. Pour lui changer les idées. Changer les siennes.

« Y'avait eu une fête en périphérie de Delray, dans le sous-bois, là.  » Il prend le pouls des souvenirs en levant un oeil vers lui. Il sait de quoi il parle. « On avait squatté une tente, fait de la pills. » Jamais su c'était quoi. Mais c'était bon. De se lâcher. De gueuler comme des loups, sous les lunes artificielles. « … enfin bref. Le lendemain j'étais déchiré. Et là je me sent un peu comme ce matin-là, mais - il s'ouvre un paquet de bonbons, hausse une épaule - puissance dix.  »

Il a envie de s'allonger. De dormir pendant un an. Il a un poids dans la poitrine qui refuse de partir. Décide qu'il n'a pas vraiment faim, finalement.

Ares respire - a conscience de le faire. Tout lui semble sans importance, tout à coup, tout ce qui se trouve à l'extérieur de cette chambre.

j'suis désolé, un murmure, le yeux bas, frôlant le plancher. Et il doit se contracter, se ravaler, pour ne pas faire comme dans la voiture. Désolé pour tout, pour rien, pour un tas de trucs, accumulés sur des années, pour des milliers de regards échoués, de rendez-vous ratés, de fuites multipliées, désolé de t'avoir planté, de ne pas être venu te voir une seule fois, en prison, désolé d'être un lâche.

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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyLun 24 Fév - 23:28

Jaaziel n'a pas vraiment le temps de comprendre la réaction d'Ares. En fait, elle lui parait plutôt normale, presque prévisible. Il le connaît par cœur, le voir se lever et fuir sous les recommandations d'une étrangère l'aurait, au contraire, étonné. Parfois, Jaaz avait le sentiment qu'il n'y avait que lui qu'il fuyait. Lui et les véritables problèmes. Parce que non, Jaaz ne mesurait pas l'ampleur des rumeurs qui pesaient sur sa personne et ce qu'il avait fait. Loin de se douter qu'Isaac avait reçu des soins tous aussi poussés, il croyait encore que leur aventure était un secret. Et ce, de façon générale d'ailleurs. Qui savait vraiment ce qui animait leur relation ? Qui imaginait le poids qui pesait sur leurs non-dits, hors mis ceux dont l'incompréhension et le spectacle de leurs conflits avaient fini par agacer ? Le rasé était aveugle. Aussi aveugle que le temps qu'il avait mis pour assumer. Tout le monde les regardait.

En tout cas, l'autre folle lui manipula la jambe sans aucunes délicatesses et ainsi noyé d'inconforts, c'est à peine s'il vit son visiteur s'éloigner. Le tout était encore de rester digne malgré la douleur, de ne surtout pas s'énerver. L'essai fonctionna qu'un temps avant qu'il ne se remette à pester, car si la matière grasse qu'elle mit sur ses brûlures eut le don d'apaiser sa chair, elle n'eut aucun respect pour calmer son humeur. Plus il grognait, plus l'infirmière l'invitait à mordre. La voir finir fut un véritable soulagement.

« Votre ...ami, n'a pas le droit d'être ici, vous le savez ? Les visites sont interdites à cette heure-ci »

« Ouai, mais il devrait être un patient après ce qu'il s'est passé » marmonna le blessé, surpris d'avoir su déserrer les dents afin de formuler une phrase convenable.

« Si seulement il était resté dans sa chambre, oui. Mais de toute évidence, il préfère la vôtre... »

Elle soupira pour la énième fois, ajusta la lumière puis rassembla son matériel. Sans insister, elle prit son chariot et s'en alla continuer sa tournée nocturne. Jaaziel se retrouva seul pour méditer là-dessus, sans avoir rien de stable à en tirer. Il ne savait plus ce qu'Ares lui voulait. Le rejeter, l'embrasser, le blesser, le laisser le baiser. Le « ça suffit » d'à peine plus tôt résonna alors en lui. Il avait remis en cause beaucoup de choses autour de cette courte phrase, et lui qui s'était cru trop fatigué pour y songer, ne cessait de tourner le sujet dans tous les sens. Il n'était pas comme Ares. Les problèmes le rendaient généralement agressif. Rentre-dedans avec très peu de recul. Et quand il vit la cause de ses énigmes revenir, il se renferma automatiquement. C'était un truc qui lui venait de prison : d'apprendre à la fermer un peu plus longtemps.

Du sucre ! Quoi de mieux pour le consoler ?

Jaaziel était un dingue du sucré, comme s'il n'était pas déjà assez nerveux, et rien n'était jamais trop relevé en cochonneries pour ses papilles. Il ouvrit d'abord la canette de taurine avant d'attraper des crocodiles acides pour un très mauvais mélange. Jamais il n'avait pris autant de temps pour ouvrir un si petit sachet. L'oreille attentive, il se demanda où Isaac comptait l'emmener. Pourtant, il se laissa attraper dés la première seconde de ce qui semblait être des confessions. Des souvenirs partagés. C'était presque doux, malgré l’aveu d'une santé ayant bien besoin de se reposer. Ares devrait rentrer. Seulement, Jaaziel non plus ne le voulait pas. Il y eut ensuite des excuses lointaines qu'il fit mine de ne pas avoir entendu, subitement mal à l'aise, puisqu'incapable de savoir ce qui à cette déclaration le chamboulait.

« Je m'souviens oui » Le sachet craqua, bonbons à sa portée sans être touchés. Temps suspendu sur une soirée de liberté. « C'était la première fois que tu m'avais montré ton visage »

Face à face dans la tente, les lumières de spots clandestins filtrant en travers la toile bleue. Il se souvenait d'un sentiment de cocon par rapport à l'agitation de dehors. Une double bulle formée par son propre corps et celle qu'ils s'étaient tous les deux créées. Le bleu s'était aussitôt teint d'une centaine d'autres couleurs. L'ambre avait pris le dessus. Le rose aussi. Rose cicatrice. Rose chair. Rose arraché.

« J'avais envie de t'embrasser » Son cœur s'emballa et ses deux doigts s'emparèrent d'un croco turquoise. Du coin de l’œil il devinait la silhouette recroquevillée, elle commençait à l'écraser, l'empêchant de plus en plus de tourner la tête vers elle. « Et tu m'as traité de pédé » Crocodile mordu, et sous la tente bleue deux mecs trop déchirés.

Jaaziel mâcha en posant l'arrière de son crâne contre le coussin. « Alors j'ai eu envie d'te casser la gueule, mais Debbie et les autres ont débarqués »

C'était il y a plus de quatre ans et il s'en souvenait très bien. Le reste de la nuit était devenu flou pour lui, un black out sur les dernières heures, or ce moment où Ares l'avait regardé, où ils s'étaient mis à planer, l'avait marqué bien au-delà de tous ses états. Prudemment, il bascula de moitié le visage dans sa direction, la crainte d'à nouveau se brûler. Il devait être réellement fatigué.

« Tu sais, j'en ai plus rien à foutre de tout ça »
Même de tes excuses. « J'veux seulement qu'tu restes avec moi. »

T'as raison, ça suffit.

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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyVen 28 Fév - 23:08

Rien, rien pour accueillir ses plates excuses. Son désolé, sitôt dit sitôt dégringolant, à bout de souffle, désaffecté ; mais si Ares doute un instant que ce soit sorti de sa bouche, le malaise qu'il sent se nicher dans les muscles du punk lui rappelle qu'il n'a pas entièrement disparu, que sa voix résonne, qu'on l'entend, même un peu.

Jaaz parle, et lui l'observe dans l'angle de sa réclusion. Il se souvient, qu'il dit, et ça, Ares n'en doute étrangement pas, comme il ne doute pas qu'il puisse finalement se souvenir d'absolument tout, de leurs pires disputes aux plus petites remarques assassines - le punk donne l'impression de vivre dans la tempête constante d'une bête amnésie, homme de pulsions, homme de rien, sans veille ni lendemain, puisqu'il essuie la violence de chaque jour qui passe comme si elle n'avait jamais existée. Mais Ares sait : au fond de Miguel, cette vie qu'il a toujours menée commence à cristalliser des douleurs indélogeables. C'était la première fois que tu m'avais montré ton visage.

Du vent, sur l'épiderme de ses bras. Ares respire sans bruit, l'oeil toujours appuyé sur les traits de la seule personne qu'il n'a jamais désiré voir rester dans sa vie. Et qu'il chasse, pourtant, chasse au loin, parce qu'il crève de peur d'en avoir une, de vie.

J'avais envie de t'embrasser. La suspension du moment revient mettre dans sa poitrine une apesanteur trouble. Et tu m'as traité de pédé. La nausée revient. Ares détourne un instant le regard, désarçonné ; mais le punk à raison. Il a toujours su le planter là où ça fait mal. Un réflexe, quelque chose de plus fort que lui, une panique viscérale qu'il s'est forgé en un lame affûtée. Mais putain, est-ce qu'il comprend - d'où Ares vient, si ça s'était su, on l'aurait crevé. Ça n'a jamais été une option. Ça ne devait pas exister.

Isaàc ne devait pas exister.

Et pourtant, il est là. Tiré de toutes les gueules qui ont tenté de l’avaler, gueules de chiens, gueule de feu. Le Salvadorien frotte une manche sur le coin de sa tempe, un soleil indélogeable sur le front. Il accroche dans la nuit. Dans le rêve, dans la mess qu'ils avaient prise, dans la façon dont Jaaz l'avait scruté, dans ce qui aurait pu arriver mais qui ne s'est pas passé. Il a encore envie de chialer - alors il passe une deuxième fois son poignet sur sa tempe, son arcade sourcilière, il se tend, se froisse, inspire. Putain. Il a perdu tellement de temps. Tellement de temps à n'être que le trou dans la tête de son ami, les crevasses dans sa peau, le cou tranché du clebs à son père. A n'être que ces vides-là. À n’être rien.

Tu sais, j'en ai plus rien à foutre de tout ça… Son corps se serre. Peut-être qu'il devrait arrêter d'essayer de vivre sans exister. Peut-être qu'il devrait tout simplement mettre fin à tout ça. J'veux seulement qu'tu restes avec moi.

L'écart ; entre ce désir-ci, et la façon dont il repartait déjà, à l'aube de cette journée. L'écart manque de le foutre en bas de sa chaise, de lui scier la respiration pour de bon, de tout faire éclater, encore. Alors il lève le coude pour une troisième fois, réfugie ses yeux clos sur l'endos de son poignet, rassemblé en chien de fusil sans connaître le repos. Il attend que le frémissement dans sa poitrine fende tout son corps. Pourtant, c'est quelque chose de beaucoup plus doux qui inonde la brèche, un espèce de baisser-les-armes, une croisée. Ares demeure prostré ainsi un instant, le souffle trop bruyant à son goût, puis lorsqu'il se lève, c'est sans avertissement, détourné comme Jaaziel l'a toujours vu partir, partir loin de sa vie. Il avale les quelques pas le séparant de la porte entreouverte, vraiment, il serait si facile maintenant de s'en aller, de se refuser une fois de plus, une dernière fois - la main d'Ares se pose sur la poignée, mais plutôt que de pousser, elle tire doucement à lui.

La porte se referme, eux deux du même côté du mur.

Lorsqu'il lâche, laisse retomber son bras le long de son corps, Ares ne peut même pas dire s'il lui reste une main - il ne l'a sent plus. Il rebrousse chemin, les yeux loins de ceux de Jaaziel, mais le corps qui vient, contourne, fait comprendre qu’il a besoin de s'allonger. Il soulève le drap, se glisse sur un coin du lit, et de biais, trouve sa place près de Jaaziel malgré le matelas simple. Sa peau sent encore la fumée. Il dépose sa tête sur l'oreiller, dans l'angle de l'épaule et du cou - avec une hésitation maladroite, il glisse son bras gauche autour du ventre du brun. Il ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a été couché près de Jaaziel de cette façon.

Il n’a jamais été couché près de Jaaziel de cette façon.

Quelque chose s’affaisse, en lui. Il ne sait pas ce que c’est, mais il la respire jusque dans la chaleur du blessé. Et il ne parle pas. Il y aurait trop à dire, c’est bien le problème. Tout un empire hors des mots. On ne se retrouve pas, que ça aimerait lui faire comprendre, enfin, on ne se retrouve pas comme on s’est laissé - parce que si le quotidien d’Ares gravitait autour de celui du punk, il y a trois ans, beaucoup de changements ont eu lieu depuis. Jaaziel sait qu’il joue pour Marco, mais il ne se doute pas de la merde dans laquelle il patauge depuis les derniers mois. Avec les conneries de son cousin, le cercle infernal qui l’a tout doucement happé, dont on ne peut pas s’extirper, Ares s’enfonce, s’enfonce, il le sent, sent son pied qui glisse peu à peu, et Jaaziel, justement, est ce roc beaucoup trop évident auquel se raccrocher et qui lui rappelle brutalement la précarité vulgaire de sa vie.

Très lentement, il resserre son étreinte autour de lui et cache ses cicatrices au commencement de sa nuque. La fatigue creuse des sillons douloureux dans son crâne, dans son corps malmené. Le Salvadorien se sent coincé, et le mot est faible. Une prison, un souffle, une envie comme un couteau, une cage. Ici, c’est une accalmie. Un oeil, dans son cyclone. Et il veut dormir, dormir juste un peu, en sachant qu'au réveil, ils seront enfin autre chose que des déserteurs.

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MessageSujet: Re: wounds (punkette)   wounds (punkette) EmptyDim 8 Mar - 0:04

Les souvenirs de Jaaziel sont peut-être encore un peu flous, après tout il s'était déchiré ce soir là et en vérité il ne se souvenait plus exactement de la raison pour laquelle il s'était senti traité de pédé. Il avait en tout cas ressenti pour la première fois cette attirance envers Isaac. Ares, du surnom qu'il lui avait donné dés leur rencontre. À quoi elle rimait celle-là, d'ailleurs. Pourquoi lui ? Pourquoi s'était-il arrêté sur ce comptoir pour lui parler, et pourquoi l'avait-il emmener avec lui ? Aussi merdique soit leur relation, Jaaz n'avait jamais regretté. Un peu comme une addiction, de celle qui détruis mais dont on a besoin, qui ne fait pas tant de bien mais dont on ne pourrait pas se passer. Dès que ses yeux s'étaient posés sur lui, le punk s'était senti emporté trop loin. Lui qui n'avait rien de si particulier pourtant, pas si bavard et encore moins fidèle. Justement, peut-être était-ce ce regard de traître qui l'avait mis au défi. La vie était ennuyante, surtout pour un déchaîné comme lui, et il avait vu dans ces whiskys l'espoir d'une plus longue et lente agonie.

Il crut qu'une fois encore Ares fuirait. Tellement habitué qu'il ne réagit pas vraiment, la mâchoire cependant crispée et les poings serrés. Un rejet de plus. Il pensait avoir fait des efforts alors qu'Ares était le mec le plus compliqué avec qui échanger. Pas seulement parce qu'il esquivait pratiquement à chaque fois, mais il y avait ce quelque chose qui avait longtemps bloqué Jaaziel. Maintenant qu'il osait à peu près, il se sentait d'autant plus déçu de comprendre de plus en plus qu'il était trop tard et qu'il ne pourrait sans doute jamais se rattraper.

À tord.

Car la porte se referma avec le défiguré de son côté, qui revint ensuite vers lui. Encore un peu tendu par de mauvaises pensées, Jaaziel demeura tétanisé. Il se passait définitivement quelque chose ce soir, ou peut-être depuis hier, depuis cet incendie. Il comprit. Et si ça allait être difficile, si rien n'était fait, Ares se glissait enfin dans son lit et son corps venait l'enlacer.

Ce fut si étrange d'être pris comme ça, par lui et sa carrure de mec, qu'à nouveau le rasé fut incapable d’interagir. Quand il se rendit compte que son bras épousait la forme de son torse, que sa tête reposait sur son épaule et que c'était loin d'être ingérable, doucement il se détendit. Il fondit.

Cœur emballé, pas d'excitation malsaine cette fois, il sentit une fatigue lui tomber dessus aussi lourdement que la masse collée contre la sienne. Une chaleur ou une conscience tranquille, incapable de le décrire dans tous les cas, il ne put qu'en profiter. Ce fut au tour de son bras de l'attraper. D'abord hésitant, il le glissa sous lui pour le border. Il le sentit se blottir sans le chercher, puis il posa sa joue contre son front. Sans un mot, il laissa ainsi le silence se glisser entre eux, dans le tout petit espace qui leur restait, qui les séparait, invisible. Un rien, tant est que Jaaziel ne tarda pas à se rendormir, loin de penser à sa jambe qui de l'autre côté du lit continuait à se consumer, aux battements qui dans sa poitrine cognaient et à la présence contre lui, apaisé.

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