anger issues.

( ANCHORAGE ) l’histoire d’un temps suspendu, le récit d’une famille aux mœurs subversives. le naufrage au purgatoire pour ce navire qui chavire. les méalóid, ce sont les manigances et l’allégeance, une affiliation avec l’ira à travers les générations. dans le sang et dans l’âme, ce même sang dans lequel se reflète une patrie saccagée, une histoire oubliée. ce même sang dans lequel s’entend l’irlande du nord, la révolte, la liberté. tant de particules arrachées, jamais réellement abandonnées. un père profondément hanté par les conflits sanglants sur ses terres, que le temps n’a pas apaisé, loin d’un baume sur les plaies devenues purulentes après des années. une mère salvatrice à la main de fer pour un clan à la dérive, la lumière d’un phare et l’apaisement dans la religion. un enfant prodige, le jeune homme fier, le révolté au radicalisme obstrué. une enfant indifférente dans ces mésaventures, la sacrifiée sur l’autel des insurgés, devenue l’oubliée. et l’enfant sauvage, aux milles pensées, à la révolution frémissante. la môme d’un entre-deux, d’entre les cœurs tempêtes et les cerveaux sereins, d’entre les malédictions familiales et les espoirs bancals. la seule ayant survécu à cette famille éplorée.

( MIRAGE ) môme aux stigmates écorchés, aux entrailles retournées. l’ecchymose des siens, celle d’être différente. d’être là sans entendre, mais sans être entendue, aussi. gamine en débordement loin de se comprendre, elle a l’impression d’être en décalage avec le monde. égarée quelque part entre les mots qu’elle ne comprend pas et les lectures scientifiques s’échouant parfois entre ses mains. entre les blagues qui la laissent indifférente et les problèmes qu’elle résout d’une facilité déconcertante. elle est d’une place dont on ne s’occupe pas entre ces murs, qu’on ne peut prendre en charge sans l’accord parental. de ces mêmes parents aux convocations multiples auprès du corps enseignant, qui restent pourtant sourds aux signes d’une surdouance. ils ont étouffé au mieux les flammes d’une intelligence effroyable, preuve accablante d’une incompréhension sous le couvert d’un égoïsme imprudent. s’adaptant mieux aux éclats mais néanmoins débordé devant son hyperactivité. l’enfant étrange qu’on maltraite, qu’on insulte, qu’on traîne dans la poussière. celle qu’on surnomme la droïde dans la cour de récréation avant de se retrouver le nez de travers et une convocation pour les parents. la môme à la broussaille rousse et aux étoiles sur le visage, aux éraflures sur l’épiderme et aux vêtements tâchés de la mousse des arbres. la vérité, c’est seulement que gladys a eu peur. peur devant cette agitation et ces raisonnements la dépassant, qu’on lui enlève son enfant. qu’on amène loin d’elle la cadette d’une lignée qu’elle devait préserver. petite fille aux colères déjà grandes, abandonnée dans la gueule du monstre.

( PRESAGE ) il y a les fantômes effrayant les nuits de son père, ceux qui dansent dans les ombres de son regard même lors d’une esquisse chaleureuse sur les lèvres. témoin silencieux des histoires de ses ancêtres, de tous ces hommes et ces femmes ayant toujours eu les veines dévorées pour des causes nobles en leur temps. jusqu’au conflit moderne, celui auquel ne pouvaient échapper les nationalistes de leur trempe. il y a les temps à la paroisse et les messes du dimanche, catholicisme ébranlé mais jamais répudié. la religion comme un baume dans le cœur de sa mère, colonne vertébrale du bercail, aux épaules assez larges pour toute la marmaille. mais il y a aussi les idées engagées de son frère aîné, l’insurrection profondément ancrée dans ses pensées. si bien qu’il pense trop loin, hael. à la frontière poreuse entre la décence et la déchéance, âme dangereuse s’exaltant dans ses travers et s’amplifiant dans son intelligence. l’extrémisme s’est immiscé dans son esprit vindicatif aussi facilement que les problèmes ont toujours su trouver leur foyer. c’est pourquoi il y a aussi une silhouette au milieu de l’enchevêtrement, dont l’épiderme s’est terni dans la poussière. enid comme dommage collatéral des affres de son aîné, emportée dans une déflagration qui ne lui était pas destinée. môme-bouclier contre son gré, qui s’est éteinte dans les bras tâchés de sa jeune sœur en emportant dans ses décombres l’insouciance des deux enfants.

( CAGE ) enid est un fantôme dont personne ne s’est remis. c'en fut assez pour que les méalóid se déchirent dans la rancune et les larmes, comme ils n’ont jamais su déposer les armes. hael s’en est allé pour belfast, pour ses idées compromises, pour la radicalisation d’une sous-branche de l’ira – sans un regard pour ceux laissés derrière, sans un remord pour le décès de sa sœur. gladys s’est envolée au-delà de l’atlantique dans l’espoir d’un rêve américain, arrachant sa dernière fille aux terres sauvages de leur contrée natale. l’éloignant de la mémoire révolutionnaire de derry pour la désillusion d’une terre hostile aux étrangers. savannah soufflée à la paroisse comme un échappatoire, une ville qui n’aura pourtant rien d’une solution. la disparition d’enid a sonné le glas d’un mariage qu’on aurait pensé increvable, et daire est devenue la témoin affligée de la défaite de ses parents contre le monde. le patriarche s’est oublié dans leur demeure abandonnée, abîmé dans ses supplices sans aucune ancre pour maintenir son engagement. jusqu’au jour où les voix se sont faites étouffantes, décidant de les faire taire d’une balle dans la tête. c’est peut-être pour ça que sa mère a plié comme une fracture dans l’horizon, face à la perte du seul homme auquel elle s’est promise en toute sincérité. inconsolable dans les bras d’un américain de sa nouvelle paroisse, ce qu’elle a espéré être une rédemption s’est transformé en damnation. gladys s’est rendue indifférente de la tristesse de son enfant, de ces tourments transmis dans les générations qui se sont finalement emparés de la dernière descendante. devenue aveugle dans les drogues et les bassesses de son âme, sa mère s’est écroulée à son tour dans l’indignité et l’oubli. l’admiration pour ses figures parentales s’est fissurée dans les brisures de vie, déchargeant une terreur dans la nécrose progressant sous la frimousse aux éphélides. encore môme, mais ballottée dans les vagues d’une colère sourde.  

( DAMAGE ) l’anéantissement de sa mère et la désolation de son nouveau foyer sont devenus une condamnation. d’autant plus poussée dans ses retranchements par l’homme à l’origine de ces péchés, daire s’est enfouie pour la rue. une douzaine d’années, l’âme abandonnée à la mère des enfants perdus. elle s’est accrochée quelques temps aux bancs de l’école, présence aléatoire qui n’a inquiété personne – certainement parce que personne ne voulait s’occuper de l’irlandaise turbulente, incapable de s’adapter convenablement. les nuits dans l’humidité des squats se sont faites ordinaires, tout pour échapper aux coups d’un homme qui n’a jamais voulu d’elle dans son idylle anesthésiée. môme tabassée, ravagée par ses propres insanités, elle s’est fait un piédestal parmi les orphelins des basfonds. devenue reine de la débrouille et cafard des bagarres, l’adolescente aux étoiles sur le visage a trouvé sa place sur le bitume. abandonnant les études pour multiplier les chapardages, elle s’est rapidement retrouvée dans les affaires louches. assez pour amasser quelques billets, maigre pactole amené tous les vendredis soirs dans une bicoque en décrépitude. déposé discrètement sur la table poussiéreuse de la cuisine, sous le regard des cadavres de seringues, de bouteilles ou de cigarettes. parfois en échange d’un sourire du fantôme de sa mère, dans un éclat de lucidité. trop souvent contre un bout de son visage en sang dans une confrontation agitée avec son beau-père. vestige d’une famille tourmentée, daire porte désormais le fardeau de leur nom et assure l’existence insipide d’une mère l’ayant sacrifiée.

( SALVAGE ) ils sont apparus de manière inattendue, mais comme une évidence. c’est dans la rue qu’elle a connu les kids, daire – comme tous les autres. une rencontre hasardeuse ou peut-être la providence, qu’importe ils sont devenus un repère. des rescapés de temps oubliés, en proie aux affres de leur histoire. une équipe de bras cassés parmi lesquels sa place s’est faite doucement, mais naturellement. tempête indomptable qui s’est fracassée dans leur trajectoire aussi bien au mérite qu’à la hargne. c’est peut-être parce qu’ils détonnent tous, qu’elle a rejoint le groupe sans être une incohérence dans ce paysage aux racines lui rappelant la maison, le pays. leur pays. irlandais agités quelque peu fêlés, elle les a apprivoisés aussi bien qu’elle a accepté les cassures de chacun. tout comme ils l’ont adoptée, avec ses éclats, sa colère, son brasier. c’était d’abord sam, jj et eanna. celui en qui elle a trouvé aussi bien un garde-fou qu’un acolyte pour les discussions effervescentes, ancre inespérée dans l’ouragan et les tourments. celui dont la colère s’est entrechoquée à la sienne, égal pourtant devenu petit frère pour lequel elle irait en enfer. et celle contre laquelle elle s’est épuisée la patience et les cordes vocales, mais en qui elle a rencontré une alliée inébranlable. et puis, il y a eu trixia, cal et sa jeune sœur meadbh. l’effrontée qu’elle n’a jamais supportée, pièce rapportée qu’elle estimait défectueuse. celui qui s’est imposé comme un double, visage amical devenu familier comme s’ils s’étaient toujours connus. et enfin celle qui lui échappe sans cesse, contre qui elle se fracasse mais pour laquelle elle pourrait retourner les cieux afin de la protéger des affres de leur monde. ils sont devenus sa famille, sa véritable famille, le nouveau réceptacle de sa débâcle, mais aussi de sa loyauté inébranlable. elle s’emporte, daire, elle rapporte sa part d’ennuis. elle gueule plus fort qu’eux et leur cache beaucoup de choses. elle ne leur dit pas, la tempête, qu’elle a le cœur au bord de l’implosion et la conscience près de la déflagration. elle ne leur dit pas, toutes les choses qu’elle a faites pour une cause qu’ils ne partagent pas, pour un frère qui n’est plus là. pour tous ces détails qui parsèment son épiderme, pour tous ces éclats qui laissent des traces dans ses entrailles. mais elle reste là, daire. prête à tout pour ses kids, même à prendre les armes et soulever les enfers.

( HERITAGE ) au préalable perdus de vue dans la dégénérescence de leur famille, hael est réapparu dans son existence dans un sursaut de culpabilité. quelques années de silence dont la décence n’aurait permis une explication, et une date funèbre en approche. c’est le fantôme d’une sœur arrachée qui les a ramenés l’un à l’autre, mais certainement pas pour une raison acceptable. d’abord réticente à ses tentatives de rapprochement, sa bataille s’est vaincue aussi facilement qu’une brindille soufflée dans le vent. en proie à l’abandon de ses repères, au mal de son pays, au manque d’attention, son esprit s’est fait malléable entre les mots de son aîné. gangrène poursuivant son dessein sur le sol américain, hael avait besoin d’un cerveau, d’une illuminée, d’une révoltée. d’une môme redoutable aussi bien en stratégie qu’en mécanique. rien de mieux pour mener ses affaires dans la masse, à distance, sans laisser de trace, qu’une tempête en maître des ombres de la rue. dans le fond, elle s’est emmêlée elle-même dans les mailles de l’ira, daire. dans le dos de tous, des kids, avec le risque constant de causer du tort aux siens. même pas fichue de tenir la promesse d’arrêter à sam, lorsqu’il a tout découvert. même pas fichue de ressentir de la culpabilité, seulement de l’adrénaline pour cet exutoire impeccable à sa fureur qu’elle ne contrôle pas, ne comprend toujours pas. à l’instar de ses ascendants, de leur généalogie merdique et maudite, elle a fait apparaître les secrets dans les placards.

( BACKSTAGE ) sous les bourrasques de la tempête énervée, daire reste le cerveau de la bande. celle qui a une solution à tout, même si elle n’est pas forcément recommandable. c’est face aux problèmes que transparaissent les nuances de son intelligence – de celle qu’on oublie trop souvent, absorbée dans les affres de sa foudre incessante. esprit à la fois logique et manuel, modelé par des années de galères, les compétences de la rouquine semblent sans limite. son enfance inadaptée pour son développement a laissé des séquelles, tout comme le mal-être qui la ronge sans cesse. mais daire est brillante, malgré tout. malgré les erreurs de parcours ou l’absence de diplôme. si elle n’exprime que rarement les mécanismes de son intellectuel, elle n’en reste pas moins démonstrative techniquement. redoutable auprès des machines en tout genre, des amas de tôle au cyberespace, elle n’est aussi à l’aise qu’auprès des systèmes informatiques qu’elle hacke ou des bagnoles qu’elle bricole. ce n’est pas pour rien qu’elle prospère comme mécanicienne revêche, parce qu’elle fait des miracles sur les vieilles carcasses. atout non-négligeable pour assurer la survie financière des siens, en plus de ses multiples talents dans la crasse et les magouilles. daire a toujours une solution à tout, sauf aux rouages sous son crâne.

( SAVAGE ) elle n’est pas seulement une âme esseulée, débâcle farouche d’une existence morcelée dans les émois. pas seulement une indisciplinée en croisade incertaine sur le piédestal de la désobéissance civile. pas seulement l’essence d’une insoumission caustique, fâcheuse dissidence en étendard sur le champ de bataille. elle est au-delà de tout ça, daire. chaos infranchissable aux ravages bien souvent détestables, elle est une tempête sans aucun dieu ni maître, défiance céruléenne irradiant de ses opales avec pour seul baromètre, les gueulantes fustigeant les limites du sonomètre. c’est une révolutionnaire dans l’âme et par le sang de ses ancêtres, une révoltée des existences insipides, une insurgée de ce fade millénaire descendu en pâture par le plus mauvais de l’humain. patience dilapidée entre les mains d’un capitalisme méprisable, elle est de ceux qui veulent embraser le monde pour mieux bâtir leur lendemain. une anarchiste des temps modernes dont les preuves ne sont plus à faire.

( BREAKAGE ) les méalóid, ce putain de mélodrame qui n’en finit pas. qui s’achèvera au purgatoire. flamme instable mais surtout influençable, elle s’est envolée un matin pour belfast. pour rejoindre son frère, seulement pour le pire. il n’y a jamais eu de meilleur entre eux, jamais eu d’autre promesse que le fracas de leur fougue respective jusqu’à atteindre leur annihilation. trop de fièvre en ces irlandais accablés, provocateurs de toute violence. trop de morceaux d’ombres près de leur myocarde scandalisé, organe presque crevé ne composant qu’avec la poussière pour avancer. il l’a eue, hael. il a eu sa cadette entre les mains, le fantôme d’enid dans le regard de l’enfant devenue jeune femme, de la môme qu’il n’a vu grandir au-delà de l’atlantique. l’exaltation dans l’esquisse de ses lippes, alors que tout aurait pu être plus simple. avec sa sœur comme bombe à retardement à l’amorce proche, c’est la promesse de tout un monde qu’il entendait dans les larmes du ciel. tout aurait dû être plus simple, le mariage de leurs parents, leur éducation, leur héritage. ces retrouvailles à belfast, sans les cendres autour d’eux. âcre fragrance se diffusant dans l’atmosphère humide, alors que les balles s’abattent. que les cartes tombent, aussi bien que les concernés par cette fusillade s’écroulent. peut-être que c’est seulement le hasard qui s’acharne, qui cherche à l’abattre. peut-être qu’on ne réchappe pas, finalement, aux tentacules des idéaux d’un groupe dépassant l’entendement. peut-être qu’elle aurait dû clamser là, daire, abandonnée à la pluie sur un trottoir sale de belfast – ou dans l’instant suivant, le cœur en naufrage entre des mains chirurgicales, dans le silence accablant des machines censées relever ses signes vitaux. mais même à la fracture des mondes, elle est incapable de se soumettre à l’au-delà. quelques minutes en arrêt cardiaque, et puis elle s’est moquée de l’hémorragie, l’irlandaise revenue d’entre les morts, l’énième victime de l’idéologie d’hael. en se faisant la malle quelques temps sans réellement prévenir les kids, elle avait seulement voulu retrouver sa patrie arrachée, son frère blâmé. elle s’est retrouvée la chair pourfendue d’une balle perdue. cette même balle encore logée entre deux côtes, après avoir perforé la plèvre pour se planquer dans le tissu pulmonaire, que personne ne lui enlèvera jamais. elle a de la ferraille à la place du cœur, daire. et tout un tas d’emmerdes sur les épaules.

( RAVAGE ) la débâcle des kids s’est amorcée trop naturellement. poudre déversée depuis trop longtemps, si bien qu’il n’a fallu qu’une maigre étincelle pour que tout s’écroule. les âmes dérangées ont laissé échapper quelques démons, mauvaise graine devenue nécrose dans l’âcre de leur bande de bras cassés. quelques défaillances au préalable, puis daire s’est absentée en ne laissant que quelques mots à l’arrachée sur un bout de papier – et personne ne l’a accepté. quand elle est revenue, ce n’est pas seulement sa condition physique qui a changé, mais bien aussi la cohésion dans le groupe. les dérapages de jj sont devenus multiples, d’une intensité décuplée, d’abord en silence, avant qu’elle ne se retrouve mêlée à tout ça. le cerveau de la clique s’est retrouvé submergé dans la pagaille, dépassé par l’option prison jusqu’alors jamais envisagée. peut-être qu’elle aurait pu le préserver de tout, daire, des autres, des proches, des galères, surtout de lui-même – autant de chances avortées qu’il n’y a eu d’emprise sur lui. elle a perdu un frère derrière les barreaux, pour retrouver l’essence-même de ce contre quoi elle se battait. depuis, il y a un certain don placardé quelque part dans sa conscience, avec promesse scellée qu’elle leur fera la peau, à tous ces crevards de néo-nazis qui se sont approchés de sa famille. en quelques semaines seulement, jj a fait plus de ravages qu’elle n’aurait pu en faire elle-même et les dommages collatéraux ont été nombreux. eanna et sa fausse-couche dans le sang, âme fêlée désormais brisée, les brides de sa conscience décapitées. une planque, c’était surmontable. c’était encore à sa portée. mais l’enlèvement d’un enfant, c’était au-delà de tout ce qu’ils auraient pu imaginer de son cerveau insensé. alors samih est devenu martyr pour la protéger, et daire lui a permis d’échapper à cette vie devenue bien trop merdique. des années de prison pour le père de tous, et un ticket de bus de la part d’une rouquine en tempête avec pour seul accord qu’elle ne leur dévoile jamais sa destination. nana s’est envolée loin d’eux, et sam lui a été arraché. les pensées encore marquées de la sentence au tribunal, brûlure qui ne s’éteindra peut-être jamais. aussi bien que la trace qu’il lui a laissé au milieu de la déliquescence, de ce je t’aime comme un présage d’abandon qu’elle n’a pas su accorder. d’abord la haine viscérale dans ses entrailles d’entre l’overdose et l’emprisonnement, puis l’accablement du repère qui s’éloigne chaque jour un peu plus d’elle. elle aurait fait la même chose que lui pour nana, ils le savent tous les deux – mais elle n’a jamais accepté être celle qui en subissait les conséquences, toujours prompt à prendre les devants ordinairement. sam aussi, les rats lui ont pris. en lui enlevant les droits de visites, en multipliant les menaces et les avertissements. finalement, ce sont ses propres galères qui l’ont avalée, qui ont terminé de creuser le gouffre entre eux. elle pourrait peut-être se le pardonner un jour, si les remords se font enfin ressentir dans ce cerveau démentiel. cal aussi s’est fait la malle, incapable de rester plus longtemps dans cette misère. quelques billets de daire, le même aller sans retour que nana, et may abandonnée derrière. les quelques miettes qui subsistaient de leur relation se sont dilapidées dans cette séparation. restait may, désormais. cadette de la bande plus en rébellion que jamais, incapables de composer ensemble ni même de se consoler dans leur souffrance. pour elle aussi, elle aurait pu tout faire. tout faire pour soigner ses maux et la préserver des mauvais badauds. c’est pour ça qu’elle ne l’a pas laissée seule trop longtemps, quand elle est partie pour détroit. pour ça qu’il lui était impensable de faire ça sans elle, alors qu’il ne restait plus qu’elles des six originaux. détroit, c’est leur nouveau départ. accepté ou non, c’est la seule solution que leur a apporté daire à ce problème monstrueux : tout recommencer ailleurs, ensemble. mais les secrets n’ont jamais été aussi nombreux entre eux qu’en ces temps troubles.

( CARNAGE ) le problème, c’est qu’elle n’a pas eu seulement l’effondrement des kids sur les épaules. il n’y a pas eu que les conséquences de ce désordre à affronter et des néo-nazis à fracasser. ce qui aurait pu rester une situation compliquée s’est transformée en un carnage insoupçonné, venu d’outre-tombe. belfast l’a rattrapée, à la tempête bien amochée, et ne lui a laissé aucune chance. d’abord quelques rumeurs, d’irlandais nerveux aperçus à quelques adresses, d’agitation survenue dans leur passage. une branche de l’ira était à savannah, prête à tout pour déterrer des cadavres. un camarade condamné en particulier, celui dont le nom persistait encore alors que le corps n’était plus. et rien de mieux que la sœur d’une cible dans le collimateur pour mettre la main sur un supposé fantôme, à peine ébranlés dans l’incompréhension et l’insolence d’une irlandaise revêche. ils ont soufflé la tempête en un claquement de doigts, dans un tragique tabassage. à trois contre elle, elle n’a rien pu faire. se défendre au mieux, en agresser au moins un. ils l’ont éventrée, daire, ils l’ont laissée se perdre dans l’inconscience au rez-de-chaussée de son immeuble comme elle s’était doucement éteinte sous la pluie de belfast. mêmes circonstances, même blessure, à la différence près que son corps pare-balles n’était pas prêt au tranchant d’une lame. en l’abandonnant dans son sang sans plus de considération pour sa personne, ils ont commis une erreur. une faute d’autant plus accablante quand ils s’en sont pris à jax également, puis à sa mère. ils ont éveillé un monstre sans aucun autre état d’âme qu’une vengeance insatiable, brûlure corrosive dans les veines, dans les pensées, dans tout son être. alors ces irlandais se sont mis à disparaître, pour d’autres fautes, par d’autres mains ; mais il en est un qui s’est percuté contre une tempête sans limite. un gars qui s’est intégralement vidé de son sang sur le carrelage d’une cuisine qu’elle avait fuit durant son enfance. un corps dont il a fallu se débarrasser, des preuves qu’il a fallu faire disparaître. tout ce qui a fait que la conscience de daire a définitivement basculé, affirmant qu’elle pouvait atteindre le summum de la violence sans une once d’hésitation.

( RAGE ) à derry, elle est devenue une énigme pour ses parents. à savannah, elle s’est transformée en fardeau pour sa mère. pour son frère, elle s’est faite enfant-terroriste. pour jj, elle est celle qui l’a abandonné. pour sam, elle n’est pas l’amante à la hauteur. pour cal, elle est devenue méconnaissable. pour may, elle est une plaie qui l’a arrachée à ses repères. pour jax, elle s’est enlisée dans le mensonge. pour sidney, elle est restée une révoltée dérangée qui n’a pas été fichue de retenir le détraqué de sa bande. pour leo, elle n’a même pas été présente au bon moment. pas plus qu’elle ne l’a été pour caïn. tant d’erreurs de parcours qu’il y d’incohérences dans sa matrice. toujours une putain de balle près du cœur et le cerveau qui tourne plus rapidement que le monde. toujours cette même putain de fureur qui se déverse dans ses veines, souffrance d’une vingtaine d’années dans cette colère dévorante qui détruit tout autour d’elle. les galères sont devenues des emmerdes d’un autre niveau quand les flics ont assimilé sa personne au dangereux groupe d’irlandais, désormais disparu mystérieusement. déjà bien connue d’eux, d’autant plus affiliée aux récents détenus jj et samih, elle s’est retrouvée sous surveillance. alors daire s’est organisée dans ces perturbations comme elle a toujours su le faire, tempête efficace et redoutable. elle a rassemblé les rescapés des kids en évoquant une échappatoire, un nouveau départ. jj lui a suggéré une destination, sam l’a encouragée dans ce sens. détroit comme eldorado pour des irlandais dérangés, ils n’auraient pu trouver mieux pour disparaître. dans la foulée, elle est devenue maître de son jeu avec l’ira. anticipant leurs prochains mouvements, elle est retournée vers eux. s’est présentée comme la rédemption d’hael, a rappelé ses loyaux services passés, et surtout ceux de sa famille, de son nom. puis elle a préparé le terrain, entre savannah et détroit. à chaque traversée entre les villes, elle s’est mise à rester de plus en plus longtemps à détroit, elle a changé de patronyme, elle a trouvé un logement, elle s’est fait une place pour son business, elle a amené chaque fois plus d’affaires. dans l’un de ces trajets, elle s’est occupée de sa mère également. histoire sombre d’une tombe profanée et d’un corps brûlé, pour enfin pouvoir déverser ses cendres dans sa première et dernière demeure. daire est retournée en irlande du nord, ces terres qu’elle n’avait pas foulées depuis plus d’une dizaine d’années. elle a retrouvé sa maison familiale, abandonnée en l’état. et elle a rendu sa mère aux plaines de derry, cendres emportées par le vent en même temps que ses convictions. elle était enfin rentrée chez elle. elle a hésité un moment, daire, à tout plaquer pour rester là. pour reprendre son existence dans ce pays qui lui manque tant. mais sa loyauté l’a toujours emportée dans les marées, et elle s’en est allée pour détroit – pour tout reconstruire, pour préparer les arrivées de may, jj et samih.

( +++ ) son corps aux éphélides est recouvert d’encre, réceptacle original de ses croyances et idéaux, de ses histoires et ses combats. témoin des tourments de son âme, il est marqué d’un enchevêtrement de tatouages et d’ecchymoses – et certaines de ces lignes, se mêlent dans une étreinte désespérée avec les boursouflures de récentes cicatrices. (✧) son élocution est parsemée de ponctuations vulgaires, d’insanités et d’une insolence exaspérante. le tout dans un accent parfaitement irlandais, n’arrangeant en rien le tableau de la furie rousse. (✧) elle maîtrise le gaélique irlandais avec aisance, ce qui lui permet d’insulter beaucoup de personnes sans qu’elles n’en comprennent le sens. (✧) elle est incontrôlable dans ses vices, de toute nature. ses poumons ne sont plus que des cendres tant la nicotine contrôle ses nerfs, et son foie est certainement devenu une éponge depuis le temps. elle partage la même démesure pour l’alcool que le reste de la bande, sans faillir. elle s’accroche aux herbes pour apaiser ses pensées, mais se retient de consommer trop de substances dures qui ne s’accordent pas avec quelconque mal qui la gangrène sinon son cerveau disjoncte. et pour supporter l’ensemble, elle mange beaucoup trop. sans prendre un gramme, l’énervement perpétuel de son corps permet à son métabolisme d’éliminer ce qu’il faut. (✧) elle se castagne comme un diable, férue des bagarres en pagaille. mais les altercations dans les bars sont devenues insuffisantes, alors elle participe à tout genre de combat – généralement, illégal. c’est la seule façon qu’elle a d’extérioriser sa rage, ses failles, de satisfaire le brasier dans lequel elle se consume perpétuellement. (✧) avec un tempérament de cette envergure, impossible de trouver le sommeil. illustre insomniaque, elle traverse bien souvent ses nuits en profitant des vices nocturnes, parfois en épanchant ses pensées tumultueuses dans les pages d’un carnet élimé.