Just call me Monroe

(batman) Monroe, t’as perdu tes parents l’année de tes six ans. Triste épreuve qui a laissé des marques sous ta peau, des cicatrices dans ton cœur. T’en as fait des cauchemars après ça, tu t’imaginais la scène, ce qui s’était réellement passé. Les fils ont parlé d’un accident de voiture, ta tante ne cessait de répéter « règlement de compte » quand ton oncle lui faisait pas les gros yeux. Avant tes six ans, t’étais un gamin heureux. Tu vivais dans une caravane avec ta mère et ton père mais ça te dérangeait pas, les enfants n’étaient pas riches non plus dans ton quartier de toute manière. Vous étiez tous dans la même merde. Sur le terrain vague où tu vivais, y’avait ton pote qui vivait avec sa mère et ses quatre sœurs dans une roulotte aussi petite que la vôtre, il était pire que toi lui, et il s’est jamais plaint. Paraît que son père était partit et qu’il était l’homme de la maison désormais. Toi, t’as eu la chance d’avoir tes deux parents jusqu’au bout. T’en parles jamais bien-sûr, tu gardes des vieilles photos quelque part dans un carton, t’en as une d’eux en noir et blanc dans ton portefeuille mais t’évoques jamais le sujet, à quoi bon ? Tu vois pas trop l’intérêt de ressasser le passé comme ça, ça ne changera rien à ce qui s’est passé et t’as pas envie de voir les regards plein de pitié des gens. (spider-man) Quand tes parents sont morts, c’est ta tante et ton oncle qui t’ont recueilli. Ton oncle, c’était le frère de ton père, ta tante, c’était sa petite amie, rien d’officiel, rien de légal entre vous, aucun lien reconnu par la loi. Ils t’ont aimé le temps qu’ils t’ont eu. Ton oncle, c’était pas un modèle de vertu, il était pas très clean, tu t’en rends compte maintenant que t’arrives à repérer des camés en manque à leur regard vide et leurs mains qui tremblent. Toi, tu le pensais bizarre, mais t’étais mal placé pour juger, à l’école on t’appelait « chelou », c’était pas pour rien. Ta tante était sympa, elle avait une voix trop aigu, des cheveux trop décolorés, un uniforme de travail trop court et un caractère trop niais à ton goût, mais elle était vraiment gentille. Elle t’a traité comme « son garçon », essayant de combler le manque qu’avaient laissé tes parents en disparaissant tragiquement. La nuit, c’est elle qui se levait quand tu hurlais à la mort, c’est elle qui passait des nuits assise, ta tête sur ses genoux  les mains dans tes cheveux pour t’aider à te rendormir. Et puis ton oncle est mort, un problème cardiaque qu’ils ont dit. Elle a essayé d’obtenir ta garde mais ça a échoué, alors t’as été placé. (foyers) T’as grandi en foyers Monroe, entouré de ribambelles de gamins dans le même cas que toi : t’es gamin soit orphelin, soit difficile. Toi, t’étais le parfait match entre les deux, celui qui ne serait jamais adopté à coups sûrs. Ou alors, fallait qu’une mère tombe sous le charme de ton petit regard insolent et de ton visage aux airs angéliques. T’as pas laissé le temps que ça se produise puisque t’as fugué. C’était con comme idée parce que tu t’es retrouvé dans la rue. T’étais seul, t’avais faim et froid, t’avais pas de fric, pas de toit, pas de fringues de rechange, rien. C’est à ce moment-là que t’as compris ce que signifiait toucher le fond. C’est à ce moment-là que t’as commencé à dealer aussi, pour te faire du fric, pour avoir un endroit où crécher une ou deux nuits par semaine. T’es passé de squat en squat, tu pensais trouvé des paumés, des camés mais t’as été surpris de voir que certains jeunes avaient tout pour eux mais que dans un esprit de rébellion et sous l’emprise de leur crise d’adolescence, ils avaient quitté leur foyer bien chauffé où papa et maman les attendait morts d’inquiétude pour un vieux squat. Les gens sont cons parfois. (baston) D’aussi loin que tu te souviennes, tu t’es toujours battu, c’était ta manière à toi de t’exprimer. Avant le décès de tes parents déjà, tu frappais les élèves à l’école qui osaient t’insulter toi, ou ta mère la pauvre serveuse. Tu terrorisais ceux qui tentaient de te rabaisser ou de t’intimider. Au début, tu t’es pris de sacrés coups dans la gueule, t’as fini pas mal amoché. T’étais pas bon, tu te prenais de bonnes corrections mais ça t’a jamais empêché de recommencer. Peut-être parce qu’avoir mal prouvait que t’étais en vie, ou juste parce que t’es une vraie tête brûlée et que t’as une putain de fierté. Au fur et à mesure, t’as appris à éviter les coups, à les parer puis à les rendre. T’es pas Mike Tyson mais tu te débrouilles maintenant. Pendant que tu errais dans les rues de Détroit, t’as participé à des combats de rue, une manière simple de te faire de l’argent facile. Dans ce genre de combat, les mecs n’avaient rien à voir avec les boloss qui se moquaient de toi à l’école, et plusieurs fois t’as fini la gueule en sang, mais là encore, ça t’a pas empêché de recommencer. Aujourd’hui, tu t’en sors plutôt pas mal, tu maîtrises. T’es plus ce gamin paumé qui tapait pour s’exprimer, t’es un homme et tu sais frapper là où ça fait mal.  (bipolaire) Ta tante a halluciné quand le diagnostic est tombé. Elle paraissait presque soulagement, enfin un mot pour justifier ton comportement parfois trop sombre et violent. T’as refusé d’y croire au début, comment un type en blouse blanche que tu n’avais jamais rencontré pouvait te comprendre et savoir ce que tu ressens. Puis il t’a parlé des symptômes, de tes phases où tu voyais la vie en rose et où le sourire te venait facilement, et de celles où tu broyais du noir et où le moindre truc pouvait te faire partir au quart de tour. Ce que les gens qualifiaient de lunatique était en fait un mal plus profond. Et entre tes « phases » comme il disait, tu redevenais un mec normal, Monroe l’enfoiré, Monroe qui s’en tape de tout et qui passe son temps à sortir faire la fête. Désormais, tu sais ce qui t’arrive, t’as fini par accepter le diagnostic, t’as pas vraiment eu le choix, l’évidence saute aux yeux, il avait vu juste le doc. Parfois t’es heureux, tu tires des plans sur la comète, t’as envie de faire des efforts, de changer et parfois, tu voudrais rester enfermé dans ta chambre à mater des films pourris et à te demander ce que tu fais encore ici. T’es malade, Monroe, mais comme tu détestes ce mot, tu vois plutôt ça comme un état d’esprit. A tes yeux, c’est un peu comme être hippie, tu prends ton traitement et tu fais chier personne. De toute manière, t’en parles pas, jamais. A quoi bon ? T’es pas le genre à raconter ta vie, et ça fait partie des trucs que t’as envie de garder pour toi. C’est drôle quand meme, t’as pas honte de montrer ta teub à tout le monde, mais tu veux pas dire qux gens que t’es malade. (manies) Monroe, tu n’portes jamais de jogging en dehors de chez toi. Pour toi, le joggo signifie être posé pépouz à l’appart, dehors, tu fais un effort, t’es pas posé et t’es pas pépouz. Tu bois beaucoup d’alcool, beaucoup trop. Le pire, c’est dans tes phases noires, t’es comme accro, l’addiction qu’ils appellent ça, c’est commun à tous les gens comme toi. Dieu merci, tu bois que quand tu sors, t’as jamais encore pris de cuite en solo dans ta chambre, c’est déjà ça. Tu fumes aussi, des clopes et un p’tit joint de temps à autres. Un peu d’herbe n’a jamais tué personne, si ? T’as pas eu ton bac, t’as arrêté le lycée après avoir fugué du foyer donc t’as jamais eu l’occasion de passer l’épreuve, sinon tu l’aurais eu. Après tout, le bac, c’est pas sorcier, si ? T’as jamais été arrêté, ça t’a chauffé au cul plusieurs fois mais t’as toujours réussi à t’en tirer in-extremis, tu sais pas trop comment. Depuis ta majorité, tu vas rendre visite à ta tante quelques fois, tu vas t’assoir dans le café où elle travaille, tu commandes des bacon et des œufs et tu la regardes travailler. Des fois, tu te lèves et tu fais ton regard menaçant où gros lourds qui essayent de lui mettre la main aux fesses, quand t’es les moyens, tu laisses un pourboire sur la table avant de partir. Elle essaye toujours de te le rendre à ta prochaine visite mais tu refuses. T’aimes bien regarder la télé, ça te distrait, tu suis pas de programme particulier mais ça te plaît bien de passer un moment assis dans le noir sans avoir à réfléchir. Ce que t’aimes aussi dans la vie, c’est l’adrénaline et le sexe. T’es le genre à convaincre les nanas de faire ça dans un endroit semi-public, parce que ça te plaît de les sentir flipper et toi tu prends ton pied quoiqu’il arrive. (bobo) A force de cogner et de te faire cogner , tu passes pas mal de temps à l’hôpital. La salle d’attente des urgences t’est devenue familière, presque comme un second salon. Tu fais partie des habitués désormais, et s’il faisait des cartes de fidélité, t’es sûr que tu serais en pole position pour avoir une réduction de folie. Sur place, t’as rencontré une infirmière. Elle est mignonne, elle te plaît bien. Elle te fait souvent la morale quand elle te voit débarquer plein de sang et les joues violettes, elle fait les gros yeux  et insiste pour s’occuper de toi. Tu crois que tu lui plais. A ton grand étonnement, tu l’apprécies cette nana, elle est chiante sans en faire top, elle est mignonne sans être douloureusement désirable et elle prend soin de toi sans poser trop de questions. Elle est un peu comme la sœur que tu n’as jamais eu, sauf que tu te la ferais bien, pas comme la sœur que t’as jamais eu du coup. Elle te sort souvent des phrases bidons genre « si t’as besoin de parler je suis là », et toi tu réponds toujours que tu veux pas parler mais que si elle veut être là y’a pas de problèmes. Elle te résiste et t’aimes bien ça, tu crois qu’elle est fiancée mais t’es pas sûr et dans le fond, tu t’en fous, c’est le challenge qui t’excite, elle est ce défi que t’as envie de relever.