dark relationship (shazel)

- - blood on my heart, heart on my blues. (@shae carvallo)

Une soirée. Il avait suffit d’une soirée, d’une bouteille d’alcool pour nous rendre folles. Le sang dans les veines, le corps tout juste meurtri d’une première relation et d’ébat non consentis, ses doigts avaient glissé sur ma peau pour m’en rendre folle. Folle d’elle, orgasmique, j’avais été ailleurs et je n’avais plus su comment gérer mes émotions et mes sensations. Ce soir-là, elle m’avait fait vivre ce qu’aucune ne m’avait déjà fait vivre. Une bouffée d’oxygène dans cette mission torride, une lueur de bonheur dans ce monde de malheur. Je n’avais plus eu de nouvelles de Shae depuis ce soir-là. Ce soir où nos corps s’étaient offert un plaisir fou, un plaisir à ne plus savoir en compter. Mais rapidement, le retour à la vie réelle avait été bien plus difficile que prévu. Un mal de tête dû à l’alcool et un appel du patron : c’était reparti pour un tour. Un homme, puis un second, et depuis une semaine, des dizaines. Je ne savais plus où donner de la tête, je rêvais d’un temps de répit où me poser deux instants avec un verre de vin. Je ne dormais plus beaucoup. Ma dernière douche de plaisir remontait à plus d’une semaine. Les clients semblaient satisfaits de moi, et me réclamaient de plus en plus. Le patron était content, il se contentait de me dire de continuer à faire mon boulot, que c’était du bon travail et que j’étais divine. Étrangement, j’avais du mal à m’imaginer quitter ce réseau, du mal à me sentir infiltrée. Un coup de mou, peut-être. L’idée même que ma soeur ait pu vivre pendant des années ce que j’étais en train de supporter me terrifiait et me donnait envie de vomir. Chaque matin, j’en rendais mon petit-déjeuner à y penser. Cette infiltration s’annonçait plus difficile que prévue et je devais bien admettre que le caractère que je devais offrir à Andrea commençait à prendre le dessus. Tommy, au loin, à Chicago, commençait à s’inquiéter d’avoir de moins en moins de mes nouvelles. J’essayais de la rassurer. Après tout, bientôt, le réseau mourrait et ma soeur serait vengée. Mon dernier client venait de quitter la salle des plaisirs, et il me restait deux bonnes heures avant le prochain. Je soupirais, restais sur le lit en attendant quelques minutes afin de laisser mon corps se remettre de cette nouvelle agression. Ne pas coucher avec les clients. Tu parles. Ça terminait toujours de la même manière. Je quittais finalement la salle pour me rendre dans une autre, une espèce de pause, un instant suspendu dans le temps. Sombre, quelques chaises et un réfrigérateur qui ne marchait qu’une fois sur deux. Je m’assied sur une chaise, un verre d’eau à mes côtés et le peignoir en soie simplement remis sur les épaules. J’étais en train de réfléchir à une prochaine mission quand la porte s’ouvrit sur Shae. Elle était là, face à moi, inchangée et sur la défensive. « Bonjour Shae. » Je déglutis légèrement, et ne tarde pas à refermer mon peignoir pour en camoufler ma poitrine à peine cachée derrière un soutien gorge. L’enfer, c’est les autres.

Il termine de boucler sa ceinture, ne daigne même pas m’adresser un seul regard avant de quitter la chambre, la chemise encore ouverte. Une fois la porte refermée, je cours à la salle de bain pour vomir et me brosser les dents. Peu importe le nombre d’années qu’on passe dans ce bordel, on ne s’habitue jamais… Épuisée, plus moralement que physiquement, je décide de prendre une pause et quitte à mon tour la chambre sans prendre la peine de me rhabiller. Seulement affublée d’une courte tenue en dentelles pour faire plaisir à monsieur, je me dirige vers la salle de pause en croisant quelques collègues sur le point d’entrer dans une chambre avec un client. Tous ces faux sourires sur leur visage, le devoir de donner du plaisir quand on ne sait même plus ce que ça signifie.

En refermant la porte derrière moi, je relève subitement la tête en entendant une voix dans la pièce. Andrea, merde. Gênée de me retrouver avec elle, je ne prends même pas la peine de répondre à son bonjour, mais la voir fermer rapidement son peignoir me fais tiquer et je retiens un sourire narquois, avant de reprendre mon chemin vers le comptoir. « Je les ai déjà vu, tu sais. » lui fais-je naturellement, en passant devant elle et sans lui adresser un regard. J’attrape une bouteille d’eau neuve, m’empresse de l’ouvrir pour en boire plusieurs gorgées et faire passer le goût des lèvres du dernier client. Et si ce n’était que ce goût qui m’écoeurait... Quelle horreur. La gêne est clairement présente dans la pièce, bien que j’essaie en vain de ne pas le montrer. La bouteille à moitié vide, je retourne vers la porte et hésite quelques longues secondes, avant d’aller récupérer une chaise pour la caler sous la poignée, m'asseoir face à Andrea et croiser les bras en la regardant dans les yeux. « T’as parlé à quelqu’un de ce qui s’est passé? » le ton est plutôt froid, malgré-moi. L’idéal aurait été de ne plus jamais reparler de cette soirée, mais cette question m’intrigue beaucoup trop pour rester muette à ce sujet. « Personne ne doit le savoir, Andrea. » j’insiste sans lui laisser le temps de répondre. Même si je doute qu’elle soit le genre de personne à parler ouvertement de ses ébats, surtout vu le contexte, je reste méfiante. Je ne mettrais pas la vie de mes frères et soeurs entre les mains d’une presque-inconnue. Andrea est nouvelle, elle ne connaît probablement pas les règles au sein du réseau et ne sait pas non plus les risques qu’on a pris ce soir-là -même si ça en valait la peine, sans vraiment vouloir l’admettre. « T’imagine pas les problèmes qu’on pourrait avoir. Ça peut paraître ridicule, mais crois-moi, on n’a aucune liberté, pas même pour ça… en dehors des clients. » en particulier si le patron l’apprend. « D’ailleurs, c’est la dernière fois qu’on en parle... » d’apparence, je parais totalement calme, pourtant je peine à garder mon sérieux. J’ai pas passé ces derniers jours à éviter Andrea pour rien. Oui, je regrette ce qu’on a fait, pour diverses raisons. Mais si l’occasion se présentait à nouveau… je crois bien que je serai incapable de la repousser. Après tout, ce que j’ai ressenti ce soir-là n’est même pas définissable. C’était sans doutes la première fois de ma vie que je me suis senti aussi bien, et je ne peux même pas mettre cette histoire sur le dos de l’alcool, je ne parierai pas sur le fait que sans cette bouteille, il ne se serait rien passé...

@andrea coleman

J’avais peur. Depuis quelques semaines, c’était la peur qui me rongeait. La peur de ne pas réussir ma mission. La peur de me perdre physiquement, psychologiquement. La peur de prendre un rythme, la peur de ne plus jamais être la même. La peur de changer. Mais aussi, la peur de la croiser. Depuis que je me suis réveillée ce matin là, sobre, et dans la panique, nue et apeurée, blessée et dénuée. Je n’ai que très rarement recroisé Shae depuis cet évènement, je n’ai jamais pu lui reparler ni même oser croiser son regard. La peur me ronge, la peur que quelqu’un l’apprenne. Je n’en ai pas même parler à Tommy, ni à mes collègues. Et pourtant, je suis censée faire un rapport chaque soir sur la mission. Ils n’ont pas à le savoir. À savoir que j’ai pris plus de plaisir un soir avec une prostituée, qui ne l’était plus, que depuis mes premières relations. Peut-être même plus qu’avec Tommy. Je ne sais pas si c’est l’alcool ou bien la détresse de ce jour singulier, mais le fait est, que je ne sais pas si cela se déroulera de nouveau. Alors en attendant, lorsque la jeune femme passe la porte, je ne peux m’empêcher de fermer mon peignoir, par réflexe. La réflexion de la catin me fait sourire, et je tourne légèrement le regard pour ne pas l’observer, la mater, ou quoi que ce soit encore. Je n’avais pas envie qu’on se retrouve dans la même pièce et pourtant, cela sonne presque comme un soulagement. Je sursaute lorsque je l’entend récupérer une chaise pour la bloquer contre la poignée? Que veut-elle faire, encore? « À ton avis, ouais, je l’ai raconté au patron. Il m’a dit de filmer la prochaine fois. » Son regard de feu me brûle les rétines au moment où je le croise et je soupire en haussant les épaules. Comme si j’avais pu en parler à quelqu’un. Je n’ai pas envie de me vanter de ce genre de chose et puis… tout cela était déjà trop compliqué, difficile, ça en rajoute encore. J’en avais besoin, après tout. À croire que j’aime les défis et me rajouter de la difficulté. Nous pourrions avoir des problèmes et elle a bien raison, mais cela ne m’empêche pas de penser que nous pourrions… non c’est absurde. Ça ne servirait à rien, de toute façon. « On peut… » Je suis coupée dans mon élan de parole. Elle ne veut plus qu’on en parle, très bien. Je soupire un peu et attrape la bouteille  qu’elle tient dans ses mains pour la porter à mes lèvres et la finir. Je ne sais pas de quoi elle a peur, elle semble tellement déterminée à ne pas avoir de problème ici. Après tout, cela ne m’étonne pas vraiment, ma soeur est morte ici, et ce n’est sans doute pas la première, ni la dernière. Pour autant… « Est-ce que tu regrettes, Shae? Dis-moi, cela ne t’a pas plu? » Je lui offre un sourire malicieux. Elle n’avait pas l’air de ne pas apprécier, c’était même plutôt l’inverse. J’ai envie de la titiller, d’essayer d’en savoir peut-être plus sur elle et ses secrets. Et par liaison direct, en savoir plus sur ce foutu réseau.


@shae carvallo

C’était un peu stupide de ma part d’avoir osé croire qu’Andrea était capable de parler de cette histoire à quelqu’un. Et elle ne manque pas de me le faire remarquer en balançant sa réponse sur un ton sarcastique, ce qui me fait doucement sourire. Il faut dire que j’ai un énorme souci de confiance, ici. Je n'ai jamais été proche de personne, par choix, par crainte d’être trahie, déçue. Impossible pour moi d’expliquer pourquoi c’est différent avec Andrea. Un feeling, peut-être. Pourtant c’était plutôt mal parti entre nous, au départ. Est-ce toujours le cas depuis cette soirée? J’en sais rien. Je préfère couper court sur ce sujet, l’enterrer en espérant qu’on ne reviendra pas dessus, ne pas connaître l’avis d’Andrea là-dessus, ne pas savoir ce qu’elle en a pensé, si elle a pris du plaisir ou… rien, je veux rien savoir à ce propos. C’est du passé. Je reste stoïque lorsque Andrea vient attraper la bouteille d’eau entre mes mains pour la terminer. Ça me rappelle vaguement cette soirée, quand on se battait pour finir la bouteille d’alcool, avant de me jeter sur ses lèvres… Les mots d’Andrea me surprennent un peu et je l’observe du coin de l’oeil tout en m’amusant avec un morceau de la table à moitié arraché depuis des années. Malgré moi, j’affiche un faible sourire en coin. A-t-elle vraiment besoin de poser la question? « Heureusement que je t'ai dis qu’on en parlerait plus… » Andrea est têtue, je l’ai vite remarqué depuis notre rencontre. « T’as vraiment besoin de m’entendre te le dire? » Je me racle un peu la gorge, gardant ce même petit sourire en coin et promenant mon regard sur le corps de la brune, avant d’oser enfin croiser ses yeux. « Si c’était pas aussi risqué, je te prendrais sur cette table. Ça te va comme réponse? » C’est purement de la provocation, simplement parce que j’aime rentrer dans son jeu, la chercher. C’est d’ailleurs à cause de ce jeu que nous avons fini nues sur son canapé… Mauvaise idée de recommencer, mais il faut croire que c’est plus fort que moi. Et quelque part, je viens d’avouer que malgré l’alcool, j’étais totalement consciente de ce qu’on faisait. Malgré les regrets, difficile de ne pas avoir envie de retrouver ces sensations qui m’avaient rendu littéralement folle. Je suis humaine après tout, une femme de vingt-huit ans qui n’a jamais connu l’orgasme avant ce soir-là. Mais ça, elle n’en sait rien, et j’ai pas l’intention de le lui dire. Je reprends mon sérieux, reportant mon regard vers mes mains. « Pour être honnête… oui je regrette. Tu sais pas de quoi ils seraient capable, s’ils l’apprenaient. Ça n’arrivera plus, j’espère que t’en es consciente? » un coup d’oeil dans sa direction, cherchant une réponse de sa part. « De toute façon, on avait bu, et ça ne représentait rien. Tu ne me fais pas confiance et je ne te fais pas confiance non plus. Et c’est mieux comme ça. » ça me désole de devoir l’admettre, mais j’ai peur. Je pensais que toutes ces années à servir d’objet sexuel, à être maltraitée, à entendre des menaces sur ma famille m’aurait rendu plus forte, plus combative, mais je réalise que je ne suis plus qu’un chien apeuré, qui craint d’être puni pour le moindre faux pas. J’ai toujours su rester droite, pour garder mes frères et soeurs loin des problèmes, mais j’ai l’impression que l’arrivée d’Andrea m’a changé. Qu’a-t-elle de plus que les autres, après tout? Elle n’est pas la première à qui j’ai fait passer l’entretien, alors pour quelles raisons j’ai décidé d’aller la voir chez elle, l’autre soir? Je me pose encore la question. Nous n’avons probablement rien en commun, toutes les deux, alors je devrais faire avec les autres, l’ignorer, et me contenter de faire mon boulot. Pourtant, merde, ça risque de ne pas être simple d’oublier...

@andrea coleman

Cette situation était beaucoup trop compliquée et j’avais l’impression de m’y perdre, chaque jour un peu plus. Cette infiltration commençait à me monter à la tête, à me faire peur et j’avais l’impression que peu à peu, Andrea prenait part de moi, me kidnappait et tuait Azel à petit feu. Il est certain que je ne ressortirai vivante de cette expérience. Que ce soit physiquement ou psychologiquement. L’une des deux Azel serait perdue à tout jamais si ce n’était pas déjà le cas. Shae tente de m’expliquer et de me faire comprendre qu’on ne peut pas en parler. Qu’elle ne veut pas, qu’on risque gros. Je la regarde et sourie avant d’attraper la bouteille pour boire un coup, moi aussi. Je n’ai pas envie d’en rester là, simplement acquiescer et me taire. Je veux la pousser à bout, qu’elle admette qu’elle a pris du plaisir et qu’elle ne regrette pas. Qu’elle a apprécié. Peut-être même qu’elle en a envie. J’écoute ses paroles avec un léger sourire, et mon estomac se retourne lorsqu’elle stipule l’idée de baiser sur cette table. J’ai un coup de chaud et je me contente de déglutir pour laisser passer l’information. Qu’est-ce qu’elle attend à la fin? La jeune escorte reprend la parole, et je soupire à l’entendre. Ça n’arrivera plus, j’en ai un doute. Qu’elle regrette, aussi. Mais je ne sais pas de quoi ils seraient capables. Le piège de ce réseau semble apparaître davantage et je baisse un peu les yeux quand elle me demande si je suis consciente de tout ça. Bien sûr que non, j’en sais rien, mais je n’ai pas envie de le découvrir. « Ouais. » dis-je sur un ton insolent. Peut-être même un peu trop, mais tant pis. Je relève le regard vers elle en entendant que cela ne représentait rien à cause de l’alcool que l’on avait ingéré. Elle n’a pas si tord dans ses mots, je ne lui fais pas confiance, et elle non plus. Je n’arrive plus à comprendre, ni à expliquer comment nous avons pu en arriver à coucher ensemble. Peut-être… simplement que nous en avions besoin. Elle, plus que moi, vu depuis le temps qu’elle est dans ce foutu réseau. Mais je refuse d’oublier ce qu’il s’est passé, de laisser tomber. Shae est l’unique possibilité pour que j’en sache plus sur ce réseau, elle est mon pion ici, et j’ai besoin d’avoir sa confiance une bonne fois pour toute. « Et tu comptes faire quoi? Juste oublier? Après tout… c’est toi qui voulait ça, non? » L’envie de la titiller refait surface, et je lâche un sourire un peu malicieux. « C’était ta bouteille… ta curiosité. C’est moi qui ne devrait pas te faire confiance dans cette histoire. Après tout, c’est à cause de toi que j’ai été prise ici. Ou grâce à toi. » Je n’ai pas conscience que nous pourrions être écoutée, et il ne vaut mieux pas. Je prend des gros risques face à cette femme, c’est indéniable. Je ne sais pas ce qu’elle me fait. Elle m’aide autant dans cette mission qu’elle me met en danger. Une dangereuse sauveuse.

@shae carvallo