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Samih Scully
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MessageSujet: DTW - ORK // BFS - DTW    DTW - ORK // BFS - DTW  EmptyDim 28 Juil - 1:30

part 01 // @patsy
cork, southern ireland

Le temps est maussade, et y a une petite brise désagréable. Ils marquent un temps d'arrêt. Sam s'imprègne de ces lieux, ça semble même pas réel. Avec le recul le paysage est agréable, quasi-paisible, un peu morbide. Les grands arbres grignotent le bord du fleuve Lee, y a un côté bucolique. Le terrain est en friche, et pour accéder à la toute petite maison en kit postée au milieu, rien qu’un chemin de terre. Ils ont garé la voiture un peu plus loin, et Sam a des nœuds dans l’estomac de revenir ici. Il a le visage fermé, comme s’il portait des œillères. En fait y a un bruit pas possible dans son crâne, des centaines de bruits, de voix, de souvenirs qui se bousculent dans sa tête, et ça prend une énergie folle rien que d’avancer. À côté d’lui Daire a zippé son perfecto en cuir et fronce un peu les yeux pour faire barrage à cette petite pluie désagréable. Elle ne dit rien mais elle lui jette des coups d’œil d’incessants.

Elle n'a pas accepté tout de suite quand il lui a demandé de venir. Pourtant il a préparé le truc, trouvé une parade. Il a consulté son compte, ok. Il voulait récupérer l’héritage qu’Assia avait laissé derrière elle, bloqué sur un compte puisqu’il était en prison au moment de sa mort. Et, elle pouvait pas d’viner, mais Patsy son oncle irlandais, s’était servi dedans. Voilà, c’est ça l’histoire. Sam a tenté de le joindre en vain, il va récupérer le fric de sa soeur. De toute façon, les Kids en ont besoin. Ils gagnent trois fois rien, on va pas cracher sur un peu de rab. Daire a compris, un peu préoccupée. Elle l’a senti venir, la question qui a suivi : J’voudrais qu’tu viennes avec moi. Rien de plus. Elle a pas voulu au début. Elle a dit que c’était stupide. Et puis rapidement elle a accepté, un peu à contre coeur. Comme si elle sentait qu’un truc allait mal se passer. Exposer le plan au reste de l’équipe a été plus compliqué. Mais pas le temps de faire marche arrière. Monter des plans débiles, c’est ta nouvelle spécialité ?

Ils arrivent enfin devant la porte en plastique. Sam reste planté devant, les bras le long du corps et les poings serrés. Daire dit rien, elle se mord nerveusement les lèvres et regarde vers le sol, les bras croisés sur sa poitrine. Enfin, dans un sursaut, Sam toque. Plusieurs fois, d’ailleurs. Enfin on entend un genre de grommellement qui vient de l’intérieur, et des pas lourds de fatigue.

- Sans déconner, qu’est-ce qu’tu fous là gamin ?

Ce qui choque le plus Sam, c’est à quel point il semble vieux. En quinze ans il semble en avoir pris trente. Il paraît si petit maintenant, si gros. Il est débraillé, les cheveux blancs et roux en bataille, et le front brillant de sueur.

- Tu m’dois du fric, j’ai pas qu’ça à faire.

Sans attendre il force le passage et atterrit dans un salon ridiculement petit. Sam est comme attrapé à la gorge par la déco inchangée, les cloisons semblent si près qu’il se croirait devenu claustrophobe. Daire lui emboite le pas en jetant un regard noir au vieil oncle, qui pourrait être plus surpris que ça. Mais Patsy a encore une bière dans une main et il suit les deux gamins d’un pas mal assuré. Un air mauvais s’est installé sur son visage. Et quand Sam se retourne vers lui il tourne pas les yeux, il reste comme ça, les bras ballants, avant de prendre une gorgée de sa bière et de se laisser tomber dans son fauteuil, toujours à l’exacte même place que 15 ans auparavant.

- J’te dois rien du tout.
- Tu croyais que j’allais pas m’en rendre compte ?
- J’croyais qu’t’avais pris dix ans de cabane.

Sourire frémissant d’une tension palpable. L’air est gras, lourd, pesant. Sam fait un pas de côté, comme s’il redécouvrait les lieux. Ses souvenirs s’emmêlent, et les voix ne se taisent pas. Il ne les reconnaît même pas, mais ça lui file la migraine. Son corps est en surchauffe, comme une machine lancée à pleine puissance. Il se passe une main derrière sa nuque, tendu.

- Sois pas con, Pat.
- Eh ! J’ai rien à me reprocher ! Ils m’ont proposé de tout t’prendre pendant qu’t’étais en taule, les avocats. Moi j’ai que d’mandé c’qu’elle m’avait pris. C’fric c’est l’mien okay ?
- C’est l’sien ! Et elle aurait jamais voulu qu’tu touches un centime.
- Pas un centime ? Alors que j’vous ai accueilli quand vous z’aviez rien ? Alors que j’vous ai élevé ? Et pis j’ai eu quoi en r’tour moi hein ? Z’avez vidé mes porte-feuilles et vous vous êtes tirés au milieu d’la nuit. T’as une idée de c’qu’on disait d’moi en ville après ça ? Une idée de l’enquête que j’ai eu sur l’dos ? Tout c’que j’ai d’mandé, c’est d’récupérer les 3000 balles qu’ta frangine m’a piqué en partant.

Y a un bruit dans le fond, Daire qui manque de faire tomber un cadre photo qu’elle regardait. Ça attire l’attention des hommes une seconde et elle se contente d’hausser les épaules après avoir lancé un regard noir à Sam. Il l’évite soigneusement et se rapproche de Patsy qui a un mouvement de recul et tombe sur une chaise. Y a quelque chose d’irréparable dans leur relation. De trop profondément ancré dans leur code génétique. Sam se retourne vers lui. Et ça remonte, tout ce qui est enfoui depuis si longtemps qu’il l’avait oublié. Il se sent étouffer dans cette maison trop petite et chargée de trop mauvais souvenirs. Théâtre de son enfance brisée. Abusée. Il veut pas rester ici. Et il a mal au crâne.

- J’partirais pas sans mon fric.

S’en suivent de longues minutes d’argumentation, et la patience qui s’étiole. Finalement, Daire entre dans la danse, se place aux côtés de Sam, elle lance une menace. Elle a la mâchoire volontaire et le l’poing serré. Elle va pas tarder à cogner si c’est nécessaire. Finalement Patsy redevient le lâche qu’il a toujours été, un genre de boulet que la famille Scully s’est toujours traîné. Il perd toute forme de courage et pousse un long soupir. Il finit par lâcher, d’une voix hésitante :

- Ok, gamin. J’devais 1 000 balles aux Abbott, du coup j’peux t’filer 2 000 balles, c’est tout.

Sam inspire profondément et se passe une main sur son front en surchauffe. S’il prenait sa température, il exploserait tous les records. D’un air profondément condescendant il expédie alors :

- Va m’les chercher !

Et Patsy disparaît tout d’un coup dans une pièce annexe. Dès qu’il est sorti du salon, l’air devient à nouveau respirable. Sam reprend son souffle et s’accroche sur le bord du lavabo, il laisse couler l’eau quelques secondes avant de s’en passer un peu sur le visage. Daire s’approche, s’adosse à côté de lui, dans l’autre sens, contre l’évier. Elle attend qu’il ait éteint l’eau pour chercher son regard, mais Sam fixe désespérément le vide, tout son corps tremble. Revenir ici était une mauvaise idée, mais la seule valable pour faire venir Daire jusqu’ici. Pourtant, y a tellement de reproches dans sa voix quand elle lui chuchote :

- 2 000 balles ? Tu nous as fait traversé le monde pour 2 000 balles ?

Les doigts de Sam s’accroche à l’inox, sa mâchoire se serre. Ouais, rien que pour ça il a traversé l’Atlantique, et alors ? Qu’il veut répondre mais rien ne sort, sa gorge est nouée, il a presque des vertiges. Trop de mauvais souvenirs, trop de choses, elles reviennent, encore et encore. Tous ces souvenirs distendus dans sa mémoire peu fiable. Les après-midi où il buvait trop, ses regards insistants, ses gestes déplacés qu’il ne comprenait pas, à l’époque. Il ferme les yeux. L’alcool, la bière. Celle qu’il a commencé à boire trop jeune, 11 piges, après l’école. Et puis la carabine de son oncle, toujours accrochée à l’un des murs du salon, celle qui a buté le chat. Quand il y repense, ça forme une boule dans le fond de son bide, si lourde qu’il ne peut même plus bouger.

- Il était à Assia c’fric, il avait pas l’droit d’y toucher.


Qu’il articule difficilement, et Daire fait mine de comprendre. Elle acquiesce et prend un pas de recul. Déjà Patsy revient avec une large enveloppe. Il se poste à côté de Samih et lui tend d’une main pas très assurée. Mais Sam ne bouge pas, il n’y arrive pas. Alors Daire lui arrache des mains l’enveloppe, peu conciliante, et vérifie rapidement son contenu.

- C’est bon.

Sans attendre, Sam reprend du mouvement et s’approche de la porte d’entrée sans un regard pour son oncle. Mais celui-ci le rattrape au dernier moment par le poignet. Un contact qui tétanise complètement Sam une demi-seconde, avant que l’autre ne lui fasse retirer son bras dans un geste rageur.

- J’ai attendu d’vos nouvelles. J’vous ai attendu des années !

Sam le regarde d’un air complètement choqué qu’il puisse lui sortir un truc pareil. Il voudrait lui faire comprendre qu’ils ne sont pas partis pour chercher mieux ailleurs, ils sont partis pour le fuir. Lui et ses copains ivrognes, lui et ses sales habitudes, lui et cette vie minable. Quinze ans plus tard, il est toujours au même point, toujours aussi misérable.

- Fallait pas.

Qu’il répond tout simplement avant de claquer la porte derrière Daire et lui. Une fois dans le terrain vague, Sam lance un coup d’oeil à un arbre en particulier. Cet arbre, le long du fleuve a le soleil qui filtre à travers ses feuilles si on l’regarde à la bonne heure. Et Sam sait que c’est sur son tronc qu’il a gravé le nom de Sphinx, il l’a enterré au pied de ce gros arbre, qui semblait plus gros à l’époque. Il inspire profondément et détourne son regard. Il aimerait s’y recueillir mais n’ose pas s’attarder ici, n’ose pas demander à Daire de faire un détour. Alors il rejoint la voiture sans attendre. Une fois au volant, Daire lui tend l’enveloppe et il l’attrape. Pendant qu’il vérifie son contenu à son tour, ses yeux se voilent, et son corps frissonne encore. Elle dit rien, la rousse. Elle se contente d’allumer une clope et de passer sa main sur sa cuisse, dans un geste de réconfort. Sam démarre rapidement la voiture.

**


Le soir, ils sont dans un bar typiquement irlandais et boivent une bière. Sam raconte quelques souvenirs liés à cette ville. Il n’est pas repassé devant la petite maison jaune, celle qui a abrité son enfance. Surtout parce qu’il ne parvient pas à se souvenir de l’adresse exacte. Il ne se souvient presque pas de cette ville, il ne se souvient pas du pavillon qui l’a vu naître, ni du cul de sac où sa mère a perdu la vie. Et puis il sait que ça sera trop dur à encaisser. Pourtant Daire lui propose de l’aider à retrouver l’adresse, il refuse.

- On part demain non, t’es sûr de toi ?

Ah oui, il lui a dit qu’ils rentraient le lendemain. Faut maintenant annoncer l’autre partie du plan. Sam, mal à l’aise, boit une gorgée et a le regard fuyant.

- Quoi encore ?

Finalement Sam sort de la poche de son jean la feuille, celle qu’il a fait imprimer en douce à la banque, celle qui indique que Cal était à Belfast, y a quelques semaines de ça, des mois même. Il la donne à Daire sans un mot. Elle lui arrache des mains et regarde, sans tilter pendant un long moment. Finalement, la localisation de son dernier paiement finit par lui exploser sur la rétine. Sa bouche s’entrouvre et elle lève doucement son regard jusqu’à Sam.

- Cal est à Belfast.
- T’en sais rien.
- C’est marqué là !
- C’était y a des mois !
- C’est une piste, au moins. Écoute, on aura pas l’occasion de revenir ici avant un moment, peut-être même qu’on y reviendra jamais. Faut aller vérifier, et j’ai besoin de toi pour me repérer là-bas.

Daire laisse échapper un petit rire froid qui s’éteint aussitôt. Elle s’enfonce sur sa chaise et se passe une main dans les cheveux, son regard se pose à nouveau sur le papier. Ça la fout mal à l’aise tout ça. Belfast a été son tombeau, sa tempête. Elle veut pas y retourner. Elle se mord la lèvre et ferme les yeux avant de se passer une main sur le menton, inquiète.

- Mais qu’est-ce qu’il fout à Belfast…

Qu’elle expire, surtout pour elle-même que pour Sam.

- On aura qu’à prendre la voiture de Patsy pour y aller. On part demain.
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MessageSujet: Re: DTW - ORK // BFS - DTW    DTW - ORK // BFS - DTW  EmptyDim 28 Juil - 12:25

part 02 // @calbagh
belfast, northern ireland

La portière est ouverte, et Sam est simplement posé contre la carrosserie et fume en fixant devant lui à travers la vitrine de cette brasserie. Daire quant à elle est assise place passager et vide la boite à gants d’un geste rageur. Ses gestes sont brusques. Ça a pas été si compliqué de le retrouver. En quelques heures quelqu’un a pu leur dire où il avait vu trainé ce type. Apparemment, il jouait le serveur, comme si on se trouvait dans une espèce de dimension parallèle. Quinze minutes que Sam le regarde de loin, sans percuter que c’est vraiment Cal. Daire lui a à peine lancer un regard, et ils se sont mis en tête de fouiller sa voiture, ne serait-ce que pour le faire chier, au moins tenter de combler les vides brûlants de ces derniers mois. Comprendre. Mais Daire ne comprend pas et Sam sent, sans même la regarder, que la colère commence à envahir tout ce qui la constitue, teintant ses joues de rouge. Chez lui, c’est surtout une incompréhension immense, il est accablé. Accablé de le retrouver si facilement. Il s’attendait à le voir misérable, complètement amorphe, ou dans des histoires si sales qu’il aurait fuit pour protéger le reste de la fratrie. Rien de tout ça. Cal semble simplement vivre dans une réalité où les Kids n’ont jamais existé, comme si dans le fond, il n’avait jamais quitté Belfast.

- J’hallucine 

Sam tourne la tête tout en tirant une latte. Daire lui tend une place de cinéma, Avengers Endgame. Sam a un sourire nostalgique. Évidemment, il n’a pas eu l’occasion de le voir en prison. À l’époque, Daire, Cal et lui les regardaient ensemble. Ça semble mettre Daire dans une rage folle, même si c’est clairement ridicule de s’énerver pour ça. Mais elle a du mal à garder son calme, Belfast lui a grillé les neurones. Sam l’a tout de suite vu, dès qu’ils sont entrés dans la ville, au milieu de la nuit dernière. Le trajet a été long, et plus on s’approchait du but, plus elle se renfermait. Pourtant y a eu des bons moments, des moments où ils n’étaient rien d’autres qu’un gars et une fille qui tracent la route. Et puis y a eu des engueulades, comme quand Sam a fini par avouer que c’est lui, qui a esquinté sa moto. Elle n’a plus voulu lui parler pendant une heure, et elle a enchainé les cigarettes avec mauvaise humeur. Sans doute qu’elle s’est dit qu’elle lui ferait payer plus tard, parce que déjà Belfast se dessinait à l’horizon, et réveillait de vieilles blessures. C’est comme si, d’un coup, ses cotes se mettaient à irradier. 
Sam attrape la place de cinéma et la regarde d’un air absent une seconde. Ça lui semble complètement à côté de la plaque de penser à aller au cinéma, maintenant. Comme si de toute façon, y avait plus rien qui se faisait, et que le monde tombait en miettes. Mais c’est pas le monde qui s’écroule, c’est le tien seulement. C’est exactement à ce moment-là qu’il l’aperçoit, au loin, sortir de la brasserie. Sam reste deux secondes figé, et il suit ses mouvements. Il le voit s’étirer et sortir une cigarette, l’allumer, avec ses gestes las et imprécis. Et puis, Cal commence à avancer vers la voiture. Il le lève la tête qu’après quelques pas. Il regarde immédiatement Sam. Ils se fixent un moment, pendant une seconde qui semble durer dix ans. Et Sam revoit tout, comme un flash. Comment Cal et May sont arrivés, y a de ça des années. Leur amitié solide, leurs parties de jeux vidéo, ces soirées, ces bagarres, ces blagues. Tout ça pour arriver à ce point de non retour, quand tout explose, tout change, sans trop que Sam ne l’ait vu venir. Et pourtant ça semble évident. Mais ça colle pas. Y a un truc qui va pas, il manque une pièce. Cal bloque aussi. Sam lui fait un signe du menton, et puis donne un petit coup à Daire pour l’avertir. Il est tétanisé Cal, et Sam se dit qu’il ne l’a jamais vu aussi terrifié. Il regarde autour de lui, comme pour trouver une autre porte de sortie. Mais déjà Daire trouve ce qu’il venait chercher dans sa voiture. Dans la boite à gant, y a un sandwich mal enveloppé dans du cellophane. Elle sort de la voiture, le sandwich à la main, qu’elle agite au loin. À cette distance, ils n’entendent pas, mais Cal pousse sans doute un juron et avance, stressé.

- Putain, mais qu’est-ce que vous foutez là ?


Qu’il siffle entre ses dents, agressif. Daire lui écrase son sandwich sur le torse en le poussant en arrière. Elle a bondi si vite que Sam n’a pas eu le temps de la rattraper au vol. La mayonnaise s’étale sur la chemise de son uniforme, mal repassée. Cal pousse un gémissement plaintif, et à bout de nerfs :

- Putaaaain, fait chier !
- Qu’est-ce qu’on fout là ? Mais tu te moques de qui ?
- On est venu te ramener à la maison.

Sam se redresse et jette sa clope, il s’approche de Cal et Daire. Et suite à sa phrase, Cal semble complètement déstabilisé. Y a un truc qui se bloque chez lui, sa gorge qui se noue, il fixe Sam. La phrase sonne comme un coup de poing dans son bide. Daire les regarde, tour à tour, sans décolérer, la mâchoire en avant.

- C’est ici, chez moi.

Elle réagit encore au quart de tour, en le poussant de toute ses forces en arrière.

- Dis pas ça !
- S’il-vous-plait les gars, foutez-moi la paix.

C’est pas qu’il est en colère, c’est qu’il se sent mal. En fait, ses yeux se sont voilés, il semble à deux doigts de chialer. Il regarde ailleurs et renifle bruyamment, se racle la gorge. Silence. Daire s’attache les cheveux nerveusement, en secouant la tête, impatiente. Soudain, la voix monotone de Sam claque à nouveau dans l’air :

- Et on dit quoi à Meadbh ? 

Silence. Cal se passe une main sur le visage. Il a l’air mal à l’aise. Mais il met un temps fou à répondre. Et ça l’énerve, Sam. Il est à fleur de peau. Il est en manque. C’est comme si son corps se recouvrait de sale petites coupures au papier. Désagréable, irritant, à vous rendre dingue. Pourtant, il a choppé facilement une dose à Cork, mais y en a si peu, qu’il la garde pour plus tard, il tente de battre un record de sobriété. Et plus l’héroïne s’élimine de son organisme, plus le monde extérieur lui semble agressif. Alors, il n’a pas le temps d’attendre que Cal mette en ordre ses pensées.

- Sérieux Cal, on a traversé l’Atlantique pour venir te parler. Tu pourrais au moins t’expliquer. 

Sa main, stressée, descend jusqu’à sa nuque, il les regarde, complètement paniqué. Daire et Sam, ils comprennent pas ce qui se passe dans sa tête. Comment il peut être un frère la veille, et être dans un état pareil le lendemain. Finalement, de longues secondes passent encore, et enfin, il balance à mi-mot :

- Ça va, ok… v’nez on va chez moi. 

**

Il vit dans une chambre de bonne, dans un vieille immeuble typiquement irlandais, dans un deux pièces crassouille et en bordel. Bizarrement, il se met à vouloir ranger, faire de la place quand Daire et Sam pénètrent dans l’appartement. Ils regardent autour d’eux, atterrés et complètement fascinés à la fois. C’est bizarre, de voir chez Cal lui qui avait toujours eu une chambre dans cette incroyable colocation, depuis des lustres. Y en a une de vide à Delray, y en a une qui l’attend depuis le premier jour. Daire et Sam échangent un regard. Ils osent même pas s’asseoir. Cal est dos à eux, il sort trois bières du frigo.

- Une bière ?

Qu’il demande, trop tard de toute façon, alors qu’il les a déjà décapsulées.

- Tu vas nous dire ce qui s’est passé ? 

Elle s’impatiente, Daire. Sam prend une gorgée de bière, un peu perturbé par tout ça. Il s’y attendait pas. Cal se mord la lèvre et regarde ses pieds, puis il se laisse tomber sur une chaise en Formica, Daire l’imite, Sam reste debout sans savoir quoi faire. Il reprend une gorgée de bière.

- Vous auriez pas dû venir… Je r’viendrais pas en Amérique, à Savannah ou à Détroit, peu importe.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? 
- J’veux dire, merde, j’fais encore ce que je veux. J’ai pas signé d’contrat disant que j’devais faire tout comme vous vouliez jusqu’à la fin de ma vie moi. Merde ! 
- Qu’est-ce qu’il s’est passé putain ?!


Elle perd patience et fait tomber son poing contre la table. Sam prend une longue inspiration juste après ça et Cal se met la tête entre ses deux mains, complètement paniqué. Ça lui ressemble pas, lui qui a toujours le mot pour rire d’habitude, toujours réponse à tout, l’optimiste, le charlatan, le baratineur. Mais là, quelque chose lui coupe la chique. Sam et Daire sont pendus à ses lèvres pendant que l’atmosphère se charge en électricité. Et chaque seconde qui s’écoule, rend l’impact imminent encore plus violent.

- Ok, ok... le truc c’est que... Sam t’étais en taule et... ok... j’ai intercepté un message d’Eanna sur ton portable Da-
- T’as fait quoi ?
- Laisse-le parler !

Sam a posé une main sur l’épaule de Daire et se tient derrière elle, mais elle retire son épaule d’un geste d’évitement excédé et s’enfonce dans le fond de sa chaise. Sam ne lui prête pas d’attention, il fixe Cal qui a de plus en plus de mal à parler.  Il se passe un doigt devant les lèvres. Et puis il attrape une boite en bois et en sort un pétard déjà roulé. Sam fixe le cône, soudain hypnotisé.

- Elle était en Floride, à Jacksonville… Alors j’me suis dis que j’allais la ramener. Ça sera toujours ça d’moins à penser et puis… merde j’comprenais pas pourquoi vous faisiez rien pour la retrouver là, tous les deux ! 

Sam et Daire échangent un regard. Parce qu’ils l’ont aidé à fuir, loin. Très loin de JJ. Cal allume le joint, l’odeur de weed envahi l’espace. Sam voudrait lui demander une taffe, mais Cal n’en a même pas encore pris une. Autre pause, ambiance pesante. De plus en plus lourde, elle pèse des tonnes maintenant. Daire et Sam attendent l’impact, sans savoir vraiment ce qu’ils attendent. Et Cal, il se décompose au fur et à mesure, à vue d’œil.

- J’l’ai retrouvé et… merde elle était complètement traumatisée, j’ai rien compris… donc j’voulais la ramener. Je l’ai foutu dans la voiture mais… j’sais pas moi, elle a complètement vrillé… c’était pas ma faute…

Son discours est de plus en plus déconstruit. Pour gagner du temps, il passe enfin le joint à Sam qui l’attrape sans hésiter. Il tire une longue latte et ça fait un bien fou, même si, en réalité, ça fait longtemps que la weed n’a plus d’effet sur lui, en tout cas, pas à si petite dose. Psychologiquement, c’est rassurant.

- Qu’est-ce qui était pas ta faute ?

Cal s’enfonce à nouveau le visage dans les mains. Comme s’il revivait une scène dont les deux autres ignorent tout. Il est quasiment en train de chialer. Merde, c’est quoi ce bordel ? Ils l’ont jamais vu dans un état pareil  !

- Non… j’peux pas… merde putain ! 
- Cal, il s’est passé quoi avec Eanna ? 

Il demande prudemment, renonçant à contre-coeur au pétard. Cal l’attrape, prend une longue inspiration. Se noit dans un nuage de fumée. Il baisse les yeux jusqu’à sa main contre la table en Formica.

- En voiture elle… elle pétait un câble. J’ai pas vu… j’ai pas vu la voiture devant et… on a eu un accident de voiture. 
- Qu’est-ce qu-
- Eanna est morte.
- Quoi ? 

Il expire, soufflé. Quoi ? Quoi ? Non ! C’est pas vrai, pas possible, c’est faux, il a mal entendu. Non, pas possible, pas vrai. Pas vrai. Pas réel. Y a comme un bombe nucléaire qui a sauté dans son coeur. Il n’entend plus rien pendant un tiers de seconde, il ne voit plus rien, il ne sent plus rien. Comme s’il s’était complètement déconnecté de la réalité. Bug du système, total break-down.

Il voit pas Daire se jeter sur Cal. Elle renverse la table dans un mouvement d’humeur, plonge sur lui, attrape le col de sa stupide chemise. Elle hurle. Elle hurle qu’il dit de la merde, que c’est pas vrai. Elle demande ce qu’il a fait. Cal se laisse faire, mollement, il n’a pas la force de lui résister, lui aussi se déteste, ça se sent, ça se voit dans ses yeux désolés. Finalement elle le lâche et prend quelques pas de recul, les mains accrochées à son crâne, comme pour l’empêcher d’exploser. Le coup de poing qu’elle donne dans le mur fait sursauter Sam et le ramène à la réalité. Il regarde Cal, complètement désemparé. Cal lui renvoie ce même regard. Il sait ce que Sam va lui demander, mais il répond en premier :

- R’viendrais pas chez les Kids. 

Sa voix est brisée.

- May a besoin de toi, on a tous besoin de toi.
- J’pourrais plus jamais regarder JJ en face. 
- Tu peux pas nous laisser tomber !

Ils sont tous les deux à deux doigts de s’écrouler sur le plancher tordu. Alors Cal il shoot dans la table, il en peut plus.

- Noon ! Merde putain ! J’vous ai rien d’mandé, j’voulais pas que vous me retrouviez. Vous auriez jamais dû venir, ok ? Alors… j’vous ai dit ce qui s’est passé, maintenant faut… faut que vous partiez, d’accord ? 

Il s’est mis dans un coin de sa petite cuisine ouverte, essayant de mettre le plus de distance possible entre lui et les Kids. Aussi bien métaphoriquement que littéralement. Daire revient dans un mouvement d’humeur, elle attrape le poignet de Sam. Elle peut pas pardonner. Et semble que ce n’est pas la mort d’Eanna qu’elle ne pardonnera pas, mais comment il a décidé de déserter après ça. Elle tire Sam vers la sortie.

- Ok, on se casse.
- Cal, on part demain… 10h30 à l’aéroport. S’il te plait… 

Mais Cal secoue la tête de gauche à droite, désolé, et Daire tire Sam hors de l’appartement où elle ne peut plus respirer. Ils atterrissent, d’un pas branlant dans le couloir. La tête en feu. Tout vient de brûler. Ils percutent pas, c’est pas possible.

Eanna est morte.
Eanna est morte.
Eanna est morte.

Putain ça veut rien dire, il comprend pas. Les connexions se font plus. Il voudrait réagir mais y a rien qui se passe, il est assommé. Complètement sous le choc.
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Samih Scully
Samih Scully

Feuille de personnage
DTW - ORK // BFS - DTW  13e8298d6b883321e666c4befa8543c3 : Toujours défoncé + des traces de piqures sur les bras + une longue cicatrice du flanc jusqu'à la colonne + trèfle irlandais tatoué sur l'épaule gauche + porte toujours un hoodie noir + cohabite avec deux autres personnalités
papi pédo
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[ YOU CAME TO ME LIKE A LITTLE CHILD
I BROUGHT YOU UP, FED YOU
AND GAVE YOU ALL OF MY TIME
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The kid has got a darkside
Best believe it
Push too far you'll see
The kid has got a darkside
That you don't wanna meet at all
La la la la la


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quartier : delray _ maison abandonnée, maison fantôme au milieu d'un grand terrain vague avec le reste de la smala.
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MessageSujet: Re: DTW - ORK // BFS - DTW    DTW - ORK // BFS - DTW  EmptyLun 29 Juil - 8:22

part 03 // @daire
belfast, northern ireland

Y a des glitchs dans sa tête pendant tout le trajet de retour, jusqu’à ce motel pourri. Des bugs, des absences, des coup de tonnerre. Sam a l’impression d’avoir pris la substance la plus forte qui existe, un genre de drogue qui terrasse tout, il n’est qu’un désordre immense, détruit de l’intérieur. La morsure est si forte que l’impact n’arrive pas à se faire, trop d’informations, trop de souffrances, pas assez de neurones pour que ça s’imprime. C’est Daire qui le guide parmi les couloirs qui n’en finissent pas, elle le tire toujours par le poignet, il se laisse mollement faire. Daire elle est tellement concentrée, comme si, si elle clignait des yeux juste une seconde, tout finirait par exploser. Elle a un but : les ramener tous les deux au motel. Voilà, juste ça, fermer la porte (qu’elle claque), Sam titube jusqu’au milieu de la chambre et se passe deux mains sur le crâne, il s’attrape les cheveux, les doigts serrés. Et puis il se retourne vers Daire, comme ça, les yeux perdus dans un genre d’incompréhension, la bouche entrouverte. Il secoue la tête à peine, de droite à gauche, sous le coup de cette annonce trop brute, trop forte, trop violente. Daire le regarde, postée contre la porte. Ils osent même pas prononcer un mot, même pas. Pour l’instant ils sont dans un entre-deux stupides, entre l’avant et l’après. Dès qu’ils auront ouvert la bouche, ça sera vrai. Ça sera vraiment arrivé.

- Eanna est morte…

Qu’il expire dans un souffle brisé. Et ses mains descendent le long de son visage, de ses joues, se postent devant sa bouche. Non, merde, non ça peut pas être vrai. Daire détourne les yeux et serre les dents, si fort que Sam s’attend presque à les voir bondir de sa mâchoire pour s’étaler sur le sol.

- Elle est morte…

Chaque fois qu’il le répète ça fait tressaillir Daire, comme si elle était électrocutée. Elle ferme les yeux, ses paupières tremblent. Y a comme un typhon derrière son regard céruléen, mais rien ne filtre, rien ne sort, elle contient cette colère si forte, mêlée à un truc si sombre que ça avale tout. L’oxygène.

- Elle est morte…
- Mais tais-toi !

Qu’il continue de chuchote, quasi-aphone. Et c’est la fois de trop, Daire bondit sur lui et le pousse en arrière des deux mains, Sam recule de deux pas et tombe assis sur le lit, comme une poupée de chiffon, le regard dans le vide. Et puis à nouveau le silence, si profond, si dense, si étouffant. C’est pas possible. Pas vrai, pas arrivé. Eanna est comme sa soeur. Elle a toujours été là, la première à les rejoindre, JJ et lui. Eanna est ancrée dans sa vie, sa famille, son être. Merde, il a pris huit ans pour elle. Il en aurait pris 100 si ça avait été nécessaire. Et maintenant elle n’existe même plus. Elle a disparu. Un vide immense, rien d’autre ne le traverse, qu’un vide immense. Et quand son regard en détresse accroche celui de Daire, elle fulmine une seconde et puis enfin la faiblesse traverse son visage. Parce que c’est la première fois qu’ils sont face à cette situation : la perte d’un Kids. Ils ont tous supporté de perdre leur famille, ils ont tous supporté d’être déracinés, abandonnés, reclus de la société. Mais jamais ils n’avaient vraiment fait face à la mort d’un des leurs. Gamins immortels, au-dessus des lois, au-dessus de tout. Voilà comment ils avaient fini par se considérer. Le jeu est allé trop loin, on est pas à Neverland. Ici on crève comme tous les autres : de manière soudaine et tragique.

Daire s’approche de lui, d’un pas puis de deux. Elle se penche vers lui, finit par s’agenouiller devant lui en le regardant avec un regard qui comprend pas plus que lui. Ils peuvent pas se soutenir, ils savent pas comment faire. Alors, d’un même mouvement, ils plongent dans les bras l’un de l’autre, dans une proximité soudaine, en fait, ça fait depuis plus d’un an qu’ils n’ont pas eu ce genre de réaction viscérale, qui part du coeur et s’écrase en face. Ils se serrent l’un contre l’autre un long moment. Sam passe sa main dans ses cheveux, la maintient contre lui avec toutes les maigres forces qui lui restent. Elle s’accroche à son dos, montrant enfin signe de retraite. Elle pose les armes une minute, rien qu’une. L’étreinte dure de longues minutes, avant de finalement se décoller l’un de l’autre, lentement, délicatement. Leurs visages se retrouvent face à face, si proche. Leurs visages défaits se répondent, les blessures sont invisibles aux yeux des autres mais leurs sautent à la gorge l’un de l’autre. Sam passe une main sur le visage de la rousse, qui ferme les yeux une minute. L’instant d’après il l’embrasse, dans un besoin nécessaire, vital. Ils ont besoin de rallumer quelque chose d’éteint chez eux. L’atmosphère se charge d’énergies, d’émotions, tout un tas de truc mélangés qui subliment cette passion désespérée qui les unie aujourd’hui.

**


Il sait pas quelle heure il est.
Il s’en fiche. Il n’a pas réussi à s’endormir.
Maintenant il a l’impression que le temps passe lentement, et très vite à la fois. Y a un truc qui débloque chez lui. Il le sent.
Déjà parce que l’autre ferme sa gueule.
Il est putain de seul dans cette salle de bain miteuse. Pourtant Daire dort en travers du lit.
Il sait pas s’il veut s’endormir. Dès qu’il ferme les yeux, il revit la scène. Il se revoit, au loft, à Savannah, en pleine nuit, seul.
Il entend à nouveau le bruit de la porte. Et Eanna qui débarque, un bébé dans les bras. Il revoit leur discussion. Il a envie de se hurler de la retenir. De trouver une autre idée géniale.
Il va s’foutre une dose, un putain de shot. Peut-être bien qu’il va overdoser sur le carrelage sale de cette salle de bain, dans ce motel pourri.
J’m’en fous, fais ce que tu veux.
Sam regarde la seringue, la dose, celle qu’il a chopée à Cork. Il a tout préparé dans des gestes machinaux et épuisés. Maintenant le voilà, avec Daire à trois mètres de lui. Il tiendra de toute façon pas. Faudra bien qu’il en prenne avant le trajet de demain dans l’avion. Pas vrai ?
Pas vrai ?
Il s’en sait rien. Il a tellement mal qu’il sait plus trop si ça vient du manque ou d’Eanna.

Alors il se pique.

**


rejoins-moi à cette adresse.

Envoie Daire en même temps que sa localisation. Sam sursaute quand son portable sonne. Il est allongé en travers de la salle de bain, il a mal partout, il n’a aucune idée de combien de temps s’est écoulé. Il est quatre heures du matin. Il a l’impression de sortir d’une gueule de bois qui dure depuis des lustres. Il plisse les yeux, éblouis par la lumière. Et devant ce message énigmatique, il n’a pas d’autre choix que de se lever si vite qu’il dérive sur deux pas et se prend le lavabo dans le vendre. Il se retient au miroir. À travers la fenêtre, un orage terrible. Il soupire et attrape sa veste à capuche, la seule qu’il a toujours avec lui. Ça ne sert pas à grand chose vu le déluge, et à peine il fait trois pas dehors, qu’il est trempé de la tête au pied.
Par chance il chope un taxi rapidement.

Ruelle à sens unique, genre de cul-de-sac pavé. Sam la voit de loin, même si elle est de dos, là contre la façade d’un magasin, mal protégée de la pluie. Elle fume une cigarette imbibée d’eau, tire dessus avec violence. Sam paye le taxi avec ses dernières dollars, et il sort dans la hâte, trottine jusqu’à Daire.

- Daire, mais qu’est-ce que tu fais ?

Elle se retourne en entendant sa voix, elle a la mine complètement refermée, l’air inquiète. Ça percute Sam de voir ça, mais il ne sait pas quoi dire un moment. Il la regarde, trempé de la tête au pied, il plisse les yeux pour se protéger des gouttes qui s’abattent sur eux, entre eux. Finalement puisqu’elle ne dit rien, complètement assommée, il insiste, d’une voix douce, calme, méfiante :

- Qu’est-ce qu’on fait là ?

Enfin elle le regarde dans les yeux, une demi-seconde avant que la pluie l’éteigne sa cigarette, elle soupire et l’envoie dans le caniveau.

- C’est ici que j’ai pris une balle.

Par réflexe, sa main se lève jusqu’à sa poitrine, avant de retomber mollement dans le vide. Sam la regarde un moment, avant de balayer le cul-de-sac du regard. Il sait qu’elle a une balle dans le thorax, mais être ici, c’est comme si ça devenait soudainement plus réel. Il entend presque la détonation. Il ne sait pas du tout quoi dire. Alors il met sa main en visière pour se protéger de la pluie, un éclair gronde dans son dos.

- Il pleut des cordes, on ferait mieux d’rentrer.

Elle a la gorge nouée, regarde à nouveau l’horizon. Et puis elle prend une grande inspiration, et enfin, armée d’un courage froid, elle l’affronte à nouveau.

- J’vais rester ici Sam.

Il comprend pas. Silence.

- C’est… ils m’ont contacté, j’suis allée les voir et… ils m’ont donné une mission…

Il bug complètement. Et puis soudain, ça le foudroie. Il sursaute presque.

- Tu parles de l’IRA ?

Elle lui jette un regard entendu qui le brise tout entier. Sa mâchoire se décroche, il recule d’un pas, en clignant plusieurs fois des yeux. Il a un sourire complètement assommé sur le visage, il tombe de dix, vingt, trente étages. Et tout se met à redémarrer plus vite en lui. C’est - pas - possible - sérieux.

- Tu peux pas comprendre ! J’dois l’faire, j’dois rester là !
- Faire quoi ? il rugit.
- J’peux pas t’en parler, et puis de toute façon ça sert à rien, tu veux même pas essayer de comprendre. elle a haussé le ton.
- Comprendre quoi ? Qu’une fois de plus tu t’es faite manipulée par des terroristes ?

Ça résonne, se répercute contre les murs de cette petite rue. Elle répond rien qu’un regard incroyablement blessé, déçue, et en colère. Sam détourne pas les yeux. Elle peut pas. Elle peut pas lui faire ça, c’est pas possible. Pas maintenant, pas là. Pas comme ça. Pas pour l’IRA. Finalement elle baisse les yeux et ravale toute cette rage incontrôlée qui lui brûle la gorge. Elle veut être forte, mais y a son regard qui se voile quand elle lève à nouveau les yeux vers lui. Finalement elle hausse les épaules, fataliste, déjà détruite. Elle est morte pour l’IRA une fois, elle crèvera dix fois si nécessaire.

- C’est ce que je suis.

Mâchée, bousillée, formatée par une guerre qui ne la concerne plus. Daire restera toujours à l’IRA. C’est ce qu’il entend et ça le bouffe. Ses yeux se remplissent de larmes, à Sam, il plonge sur elle et l’attrape par les épaules pour la secouer, littéralement.

- Non, c’est pas vrai ! Daire, tu peux pas faire ça ! Tu vas pas rester là, pour je ne sais quelle mission-suicide !

Et y a la peur qui fait trembler sa voix, Daire le repousse. Et pendant que tout s’écroule en elle, elle contourne Sam pour s’éloigner.

- J’dois y aller.

Qu’elle articule difficilement, mais Sam la rattrape par une main. C’est pas vraiment entrain de se produire? Il hallucine à cause de l’héro ? Il devient fou ? C’est un cauchemar, c’est ça ?

- Non ! Non, putain Daire ! Mais reste-là !

Il la tire vers lui mais elle retire son bras de son emprise violemment.

- J’dois y aller j’te dis ! Ils m’attendent, merde !

Sa voix éclate sur la fin. Et ils se regardent un moment. C’est là qu’il comprend. Enfin il comprend qu’il ne l’a pas perdu aujourd’hui, il l’a perdu y a des années, quand elle a pris cette balle, ici, sur ce parvis. Il comprend qu’elle a déjà vendu son âme pour cette putain de ville. Qu’elle a déjà vendu son âme tout court. Et que jamais elle ne voudra rentrer. Jamais elle ne voudra repartir. Elle est prise entre deux feux, et ça continuera, encore, et encore, et encore. Daire a besoin d’être en fuite et de courir après quelque chose à la fois. Alors sa bouche se referme, et tout ce qu’il fait c’est la regarder, d’un air si blessé qu’il sait d’avance qu’il ne s’en remettra jamais. Elle allait partir, mais fait un pas en arrière se tourne vers Sam. Ils ont fait l’amour quelques heures plus tôt, là, ils n’arrivent même pas à se toucher. Y a un gouffre immense entre eux.

Alors elle ne dit rien.

Juste avant qu’elle ne se retourne. La voix de Sam bondit de ses lèvres.

- Et… j’dis quoi aux autres ?

Il est désemparé, foutu en l’air. Ça lui fait de la peine à Daire, mais elle ne sait même pas quoi répondre. Alors elle lâche, dans un souffle étranglé :

- Dis-leur que je suis désolée.

Sam acquiesce, mais ça lui fait l’effet d’un coup de poignard dans ses tripes. Quand elle se retourne il ferme les yeux et les larmes coulent enfin. Il veut la rattraper. Il veut la rappeler, l’empêcher de tourner au coin de cette rue, de sa démarche assurée. Il veut l’obliger à rentrer. Elle fera la gueule un moment, mais elle finira par comprendre que c’est pour le mieux. Il veut la garder auprès de lui, parce qu’elle est la seule personne sur qui il peut se reposer. Parce qu’il l’aime. Mais il est complètement figé sur place. Il n’arrive pas à bouger.

Laisse-la partir.
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