terres brûlées (cal)

01_ La plupart des gens ont du mal à se souvenir de leurs jeunes années. Pas Cal. Elles sont ancrés dans sa mémoire, les stigmates qu'il porte encore sur sa peau. La voix de son père récitant la bible qui traîne encore de temps à autre dans sa tête. Et maman qui fait rien, qui se contente de regarder, soumise face à l'autorité de son mari, coincée dans ce carcan familial. Les quatre gosses ont appris à se plier aux règles dès leurs plus jeune âge, c'était ça ou le martinet de toutes façons alors faut savoir se préserver. 02_Un premier qui part faire ses études ailleurs, l'autre qui tarde pas à suivre les laissant sous la coupe du vieux. Sans vraiment se soucier de ce qui peut désormais se passer sous leurs anciens toit. Dans la tête de Cal, c'est là que ça a vraiment commencé à vriller, syndrome de l'abandonné, peur primale de la solitude. Le point d'ancrage brisé parce que sa naïveté d'enfant l'avait laissé croire qu'ils seraient toujours là eux. Ceux avec qui il jouait au foot dans le jardin. Ceux qui lui ont appris à construire une cabane dans le jardin. Lui se rattache à May, il s'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Elle ne l'a jamais su la plus jeune des Driscoll mais elle est rapidement devenue la personne la plus importante à son existence. Vitale. 03_ Les croyances qu'il rejette de plus en plus vivement et les coups qui tombent, chaque jour un peu plus vivement. Le décision tombe le jour de ces dix huit ans, un baluchon sous l'bras et traînant sa sœur de force avec lui, il utilise ses économies pour se payer deux billets direction New York, là où personne n'ira les chercher. De toutes façons, ils feront sans doutes rien ces vieux, ils se contenteront d'inventer, de broder un mensonge pour le voisinage. 04_ Quelques semaines à arpenter les rues de la ville lumière, celle qui a vu naître tant de personnalités de toutes sortes. Alors les deux gosses, ils ont cru que pour eux, ça allait s'finir dans les étoiles, que la chance finirait par tourner mais la vérité fut tout autre : de nombreuses nuits à se les geler allongés sur un banc comme des clodos. Pas une main tendue. Faut croire que l'effervescence de la grosse pomme n'était pas faite pour eux. Alors ils sont repartis en quête d'un endroit qu'ils pourraient appeler maison. C'est ainsi que leurs route se lie à celle de Samih, celle des kids, cette bande de dégénérés qu'il osera rapidement appeler famille. 05_Nirvana. La douceur d'un bonheur simple. Les parties de playstation avec Samih, les conneries avec JJ, les fou rire avec Eanna, les discussions qui durent des heures avec Daire, l'époque bénite où il couche avec Macha et sa soeur qui l'regardait encore comme s'il était son sauveur. Ouais, pendant un temps, il a été heureux Cal. 06_Puis y'a tout qui se barre en couille, ça dégénère de tous les côtés sans que réparation ne puisse être faite. Lui spectateur malhabile comprend pas tout les rouages mais il réalise que chacun des membres de sa petite famille est en train de vriller. Impuissance qui fout la boule au ventre. Ceux qu'il adulait sont devenus des déceptions. Et dans tout c'merdier y'a cette idée qui lui pourrissait l'existence : retrouver Eanna, simplement parce que personne n'en avait rien à foutre. Peut être aussi parce que May s'est doucement éloigné et qu'elle avait plus besoin d'lui. 07_Sur place, ça ne se déroule pas comme il l'avait prévu. La brune n'est que l'ombre d'elle même, droguée jusqu'à la moelle, méconnaissable. Putain alors lui, il attend qu'elle s'endorme avec tous les cachetons qu'elle a ingurgité et la porte jusqu'à la voiture. A mi chemin, elle se réveille. Elle panique. Elle s'agite. Elle retire sa ceinture. Les propos incohérents fusent. Elle hurle son désespoir. Il tente de la calmer mais c'est impossible. Elle est déjà partie. Et quand Cal perd le contrôle du véhicule pour percuter une voiture, il réalise que sa vie est sur le point de prendre un tournant mortel. 08_ Déni. Tristesse. Colère. Culpabilité. Les stades qu'il n'a jamais su dépasser. Un retour aux sources obligé puisqu'il avait trop honte de revenir parmi eux après ce qu'il avait fait. Un exil à Belfast. Étouffé par la solitude. Jusqu'à ce qu'ils le retrouvent. Jusqu'à ce que l'on vienne le chercher putain...