ta débauche ne leurre qu'un instant ton désespoir caché (mal)

Cal n'a jamais trop su ce que ça faisait d'avoir une famille "normale". Petit, il jalousait ses copains. Ceux dont les parents les noyaient d'amour. Ceux qui étaient là tout simplement. Lui, il a juste eu droit à une mère soumise, un père mégalo-chrétien, trop strict pour être sain, deux frangins qui s'sont cassés et une sœur dont la douceur pouvait dérouter. Alors y'avait que lui et May. Toujours. La seule constante. Ils ont tout vécu ensemble. Tout surmonté. Puis il a tout fait foiré. Son destin qui lui a filé entre les doigts, il n'a rien su maîtrisé et a choisi de fuir sa vie plutôt que d'assumer ses merdes. Plutôt que de les affronter. Eux. Surtout elle en fait. Parce qu'il est pas sur de supporter son regard accusateur. Déjà qu'il supporte difficilement son regard dans le miroir depuis qu'Eanna n'est plus là. Puis soyons réalistes, Cal, c'est pas l'genre à prendre les armes et se battre. En temps de guerre, ça aurait été un foutu collabo. Ses pas le mène à cette soirée. Une de plus à laquelle va participer une May qu'il ne reconnait plus vraiment. Elle a changé la gamine. Lui observateur silencieux depuis son retour. Ce n'est pas la première fois qu'il la voit, essayant de rassembler un peu de courage pour avoir les couilles d'aller lui parler. Des jours qu'il est arrivé en ville et qu'il erre comme une âme en peine. Les mots qu'il cherche. La scène qu'il a imaginé un bon million de fois, le hic, c'est que ça se termine jamais très bien pour lui. Il ferme les yeux une seconde, comme pour se donner du courage. Comme si c'est un truc qu'il avait en stock. Lui dont la lâcheté finira un jour par l'étouffer jusqu'à ce qu'il suffoque et crève. Seul peut être bien.

Il la voit parmi la foule de dégénérés. Elle danse comme si sa vie en dépendait. Une opportunité de plus. Allez putain, arrête de faire ta fiote et vas y ! Au pire, Samih lui a dit que t'étais qu'un foutu meurtrier et elle te balance aux flics. Il trépigne sur place, gigotant comme un enfant, les doigts qu'il ronge jusqu'au sang. Et puis qui sait ? Peut être bien qu'elle va l’accueillir à bras ouvert, se jeter dans ses bras et le serrer si fort qu'elle lui fera craquer les os. Peut être qu'il lui a manqué autant qu'elle. Si il y a bien une personne qui peut le pardonner, c'est elle. Ils se le sont promis non ? De toujours veiller l'un sur l'autre, de toujours être là. Et s'il a brisé un temps sa parole, c'est parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Il avance d'un pas décidé et se plante juste devant elle. Il dit rien, il s'contente de rester là, figé comme une statut. Quel con. Il a imaginé ce moment un milliers de fois et maintenant qu'il a passé le cap, il se trouve mutique. Il sait pas quoi dire. Par quoi commencer. Les mains moites, le cœur sur le point de vriller, ça bat trop vite et la musique est trop forte de toutes façons. Son plan est définitivement malhabile. Il finit par entrouvrir la bouche et prononcer : salut. Un an et demi et il a rien trouvé de mieux que salut. Il se frotte la nuque, les yeux qui se fixent partout sauf dans les siens. Parce que Cal a vraiment peur de ce qu'il pourrait y lire. Il n'est pas de taille à supporter qu'elle puisse le haïr, qu'elle puisse le regarder comme elle a autrefois regardé leurs paternel.

Tu n’avais jamais réellement été en couple jusqu’à maintenant, parce que tu ne restais jamais assez longtemps pour que tes relations deviennent justement de vraies relations. Telle une abeille, tu aimais trop butiner sans te soucier de rien, surtout pas des lendemains. Fille facile ? Bien au contraire. Tu ne laissais jamais personne te découvrir et encore moins t’approcher. De toute manière, d’attache, tu n’en as désormais plus qu’une. Eux. Ta famille, c’est à dire la vraie. Les Kids. Alors finalement, il n’y avait rien d’étrange à ce que vous finissiez par vous mettre ensemble, toi et JJ, pas vrai ? D’une certaine manière, tu avais toujours ressenti une pointe d’envie vis à vis d’Eanna quand tu la voyais traitée comme une reine par JJ et quand ce n’était pas le cas, tu faisais comme tout le monde: tu fermais les yeux. Parce que tu n’étais peut-être pas une si bonne amie en vraie, ou alors pas la sienne, tout simplement. Mais de là à t’imaginer prendre sa place ? Jamais. Et pourtant, c’est ce qui avait fini par arriver et tu avais encore du mal à vraiment réaliser ce que ça impliquait vraiment. Peut-être que JJ espérait avoir la main sur toi comme il l’avait eue sur la petite blonde ? C’était possible, mais tu n’étais qu’un coup de vent, à la moindre inattention, tu filais entre ses doigts.
Un peu comme ce soir où tu étais partie sans rien dire à personne et sans te soucier de rien. Ca t’étais venu juste comme ça, sans raison, une folle envie d’aller prendre l’air, ou plutôt t’asphyxier, au beau milieu de la foule. Au fond, ça te manquait, l’ambiance des raves de Savannah, tu avais du mal à retrouver les mêmes déglingués à Détroit et pourtant, la ville craignait bien plus que la précédente. Pour ce soir, ça irait. Tu n’étais ni fâchée, ni frustrée. T’étais juste là pour profiter. Ensuite tu rentrerais (tant bien que mal) avant de te glisser contre JJ sous tes draps.
Ouais, dans ta naïveté, tu ne voyais jamais comment les choses pouvaient mal tourner et pourtant, ce n’était pas comme si tu t’étais habituée à avoir de la chance. En fait, tu avais même la fâcheuse tendance à t’attirer des ennuis. Ou l’ennemi. Et quand, tournant sur toi même, ton regard s’arrêta sur Cal. Ton coeur rata un battement.
Cal.
Tu n’étais pas défoncée, tu ne rêvais pas plus que tu ne délirais. Ton frère était là, juste devant toi et tout ce qu’il trouvait à dire, c’était « Salut. » Salut ? Il se foutait de ta gueule, c’était une blague ou encore une de ces saloperies de prank ? Non, il était juste là, fidèle à lui-même et même pas foutu de te regarder droit dans les yeux. Des milliers de pensées et d’émotions se tenaient prêtes à te tomber sur le coin de la tâte et te marteler jusqu’à te décrocher le coeur. Tu choisis la pire des options, un rictus au coin du nez, tu te détournes et retourne à ta fête, sans même lui dire un seul foutu mot.
Cal t’avait abandonnée, le kid était renié.
Et tu savais à quel point ça le briserait, de savoir que toi aussi, tu lui tournais le dos.

Il est vrai que son entrée en matière est plutôt mince. Minable même. Lui qui aspire pourtant à devenir un charlatan de première catégorie a habitué son monde a beaucoup mieux. Et la voilà qui s'éloigne déjà, sa chevelure qui la suit harmonieusement, putain. Elle a grandi. Affirmation de soi ou déception, il n'en sait rien. Le fait est que l'indifférence fait un mal de chien. Il la regarde de loin, les bras ballants le long du corps. Son cœur qui explose à l'intérieur. Quand ils étaient gosses et qu'ils s’engueulaient, il suffisait d'un câlin pour régler l'affaire. Pas sur que ça soit assez cette fois. Dans la vie Cal n'a plus tellement de certitudes de toutes façons. Elle trouve toujours le moyen de le torturer un peu plus. Ce qui est certain, c'est qu'il a du être un sacré enculé dans une autre vie pour pourrir autant son karma. Son indulgence n'est visiblement pas en action ce soir. Lui pensait qu'elle allait lui hurler dessus, le frapper au pire ou le menacer. Rien. C'est ce qu'il mérite dans le fond, lui qui n'a offert que du vide cette année et demi passée. Il avait juste attendu, les bras croisés. Il avait baissé les bras, laissant la lâcheté prendre le dessus sur tout le reste. Pas de réponses alors il a pas eu les couilles de simplement répondre aux multiples messages qui ont inondé son répondeur à l'époque.

Sa première idée est simplement de partir, de l'éviter lâchement, parce qu'elle n'est pas prête à l'excuser. La tête plein de doutes. Cal, il est pas foutu d'se remettre. Pas foutu d'comprendre qu'il a creusé lui même sa propre tombe et que cette indifférence sournoise, il la mérite. Il continue d'passer sa vie à fuir, c'est d'ailleurs ce qu'il fait depuis des jours, là, à observer silencieusement comme un con. Somnambule au bord d'un ravin, prêt à sauter dans l'vide pour enfin en finir. Il n'a jamais été fataliste par le passé l'gamin mais la mort d'Eanna a remis les choses en perspectives et son statut de mort vivant l'a bouffé au fil du temps. Il est comme érodé.

May, ça a toujours été tout pour lui dans l'passé. Celle qui a toujours été là et s'il se glorifie de s'en être sorti tout seul, ça n'a jamais été le cas dans l'fond, elle était là. Toujours. Son sourire. Sa naïveté presque déroutante parfois. Dans sa tête, c'est comme un arrêt sur image, il n'entend plus la musique et les gens se déplacent au ralenti. MAY ! qu'il hurle à s'en casser la voix, tentant de couvrir la musique. Et il se met à courir vers elle comme un abruti, vite. Trop vite. Jusqu'à heurter brusquement son dos et glisser ses mains autour d'elle. Il sait bien qu'il risque d'se prendre un vent mais il sert un peu plus fort, comme pour l'empêcher de partir. Parce que s'il y a bien une personne qui ne supporterait pas de perdre, c'est elle.

Quand Eanna était partie pour ne plus jamais revenir, tu l’avais oubliée. Quand Daire vous avait quitté, tu l’avais bannie de ta vie. Quand Cal avait disparu ? Pour toi, il n’existait plus. Tu n’étais pas le genre de fille à pleurer tes morts, loin des yeux, loin du cœur. Tu n’avais probablement pas toujours été ainsi, mais à force, c’est ce que tu avais appris. Pleurer, crier et s’énerver ne ramènerais personne, alors tu choisissais de les effacer de tes pensées. Revoir Cal te paraissait soudain impensable. En fait, tu n’avais même pas réfléchi à cette éventualité. Tu n’avais pas préparé de discours ni rejoué mille fois la scène. En fait, tu te rendais seulement maintenant compte que tu n’avais plus rien à lui dire. Il était parti, t’avait abandonnée et tu n’étais pas prête à lui pardonner. Parce qu’étrangement, tu pardonnais plus facilement les coups que l’indifférence. Alors, cruelle gamine, tu lui répondis par la même violence. Le néant. Tu ne lui donnais rien à quoi se rattacher, rien à quoi se raccrocher. Tu n’avais donc pas dit un mot, te détournant de lui comme s’il n’avait été qu’un fantôme, un monstre sorti du tombeau.
Est-ce que tu ne ressentais rien ? Loin de là. En réalité, c’était même la confusion la plus totale dans ton esprit si bien que tu ne savais même plus sur quelle émotion compter. Peut-être que tu aurais dû être heureuse de le savoir de retour ? Ou alors en colère qu’il soit parti. A tes yeux, il n’y avait aucune foutue bonne raison, à moins qu’il n’ait été dans le coma tout ce temps. Bizarrement, tu n’y croyais pas, les Driscoll étaient des durs à cuire, on ne se débarrassait pas si facilement de vous. Non, s’il avait disparu, c’était parce qu’il l’avait bien voulu et ça, tu n’étais pas certaine de pouvoir lui pardonner. S’il t’avait prévenue ou au moins expliqué, tu l’aurais soutenu. Mais le silence t’avait fait du mal, probablement plus que les coups et les insultes. Son silence avait brisé quelque chose en toi et il était trop tard pour espérer le réparer.
T’éloignant, tu ne l’entendis même pas hurler ton nom, à moins que ça ne soit inconscient, comme un refus de répondre à son appel ? Tu ne l’avais pas non plus vu courir vers toi, littéralement te sauter dessus et t’attraper. Tu manquais de t’écraser au sol, mais il te retient et tel un animal furieux, tu tentais de ruer dans ses bras pour t’en défaire, il était plus fort. « lâche moi ! » criais-tu, même si au fond, ta conscience murmurait sans doute le contraire. Tu tentais de le frapper, mais il te tenait trop fort. « lâche-moi ! Toute façon c’est la seule chose que tu sais faire ! » tu hurlais à t’en faire mal aux poumons.

Gamin, il était persuadé que quitter le carcan familial suffirait à le rendre heureux. Il abandonnerait toute cette merde et le retour à zéro serait possible. Mais la vie n'est pas aussi simple. Quitter sa famille, sa ville n'avait pas suffit. Parce que ces foutus démons et sa lâcheté l'avaient suivi toute sa vie. Alors même dans une autre famille, une qu'il avait choisi, il avait réussi à tout faire foirer. Dans le fond, ce n'est pas que lui mais il est responsable d'une bonne partie d'la merde dans laquelle il s'est fourré. Et il est sur le point d’aggraver son cas, parce que pour revenir dans la course, il a l'impression que la seule et unique solution, c'est mentir. Au lieu d'avouer simplement la vérité. Pourquoi ? Elle est moche la vérité. Il secoue la tête quand elle lui hurle de le lâcher. Pas question. Cet abruti est parti et maintenant il ne supporte plus l'idée de la voir s'éloigner de lui. Et elle a beau hurler à s'en décrocher la poitrine, il tient bon. Il a plus de force. Ça a toujours été lui l'pilier dans cette histoire. C'est lui qui l'a trainer hors de la famille et qui l'a amené jusqu'aux kids. J'ai eu un accident putain ! qu'il finit par dire, en espérant vraiment que Samih n'avait pas ouvert sa bouche pour raconter la vérité aux autres. Vraiment. Puis dans le fond, ce n'est pas réellement un mensonge. Il avait bien eu un accident. Il s'en était sortie avec quelques égratignures et une cicatrice à la cuisse gauche parce qu'il avait mit des plombes avant de se rendre à l’hôpital. Il avait flippé, il était parti comme un voleur, laissant la voiture qu'il avait piqué là, sur le bord de la route. Rien pour le relier à cette histoire en dehors d'un peu d'ADN mais vu le taux de drogues présentes dans le corps d'Eanna. Ils ont pas du se poser trop de question. Elle semble s'être calmé et il en profite pour la lâcher, desserrer cette étreinte qui -même non partagée- fait un bien fou. Elle a manqué bien plus qu'il ne l'avait pensé et la revoir lui procure cette sensation de chaleur dans la poitrine. j'suis désolé. qu'il répète plus doucement comme pour se convaincre. Lui qui s'enfonce dans les méandres de ses propres mensonges. Enfin, à dire vrai, il est réellement désolé. Il s'en veut de la tournure qu'on pris les choses mais il n'est pas sure de savoir comment réparer les choses.

Vous aviez grandi. Evolué. Changés, aussi. Jamais tu n’aurais cru un jour rejeter Cal, en même temps, tu n’avais pas non plus pensé qu’un jour, il t’abandonnerait. Tu t’attachais à cette pensée, c’était lui le problème, pas toi. C’était lui qui avait disparu du jour au lendemain, lui qui n’avait plus donné de nouvelles. C’était tout comme s’il t’avait jeté lui-même dans la fosse aux lions et à présent, il était resté sur le banc de touche à te regarder vivre. Sans lui. Parce que c’est ce qui arrivait, non ? En te laissant seule, il était parti en laissant la porte grande ouverte, il ne fallait pas s’étonner ensuite, si tu t’étais envolée. A présent, il n’était plus question de revenir dans ta petite cage de velours.
« Mais tu soules ! » hurlais-tu, mécontente qu’il te force ainsi, tu détestais qu’on te force à quoique ce soit d’ailleurs, surtout pas quand il avait perdu le droit à la parole. Tu te débattais encore un peu pour la forme avant de t’immobiliser, le regard furieux.
Une lueur de doute traversa pourtant ton regard à l’évocation d’un accident. Un accident ? Comment ça ? « Un accident ? » répétais-tu bêtement. Et dans ton esprit, tu t’imaginais tous les scenarios possibles. Tous semblaient catastrophiques et pourtant, il était là, sur ses deux jambes et ne semblait pas si mal que ça. « Eh bah ? t’as été dans le coma au moins ? » finis-tu par cracher, venimeuse à souhait. Tu ne pardonnais pas aussi facilement. S’il croyait sortir cette carte magique et gagner la partie aussi facilement, ce serait mal te connaître. Tu n’étais plus l’enfant mignonne voir capricieuse qu’il avait laissé derrière lui.
Ses pauvres excuses ne te firent ni chaud ni froid. Et la bouche sèche, tu t’humectais la lèvre de la langue. « C’est la vie, hein. Tu m’en voudras pas si j’ai appris à me débrouiller sans toi par contre » Et ça c’était vraiment le cas. Tu te débrouillais mal, mais tu t’en sortais. « Du coup c’est quoi le plan ? Tu reviens à la maison comme si de rien n’était ? »

Il constate un changement dans son attitude. Le chaton est devenu un tigre trop féroce pour parvenir à l'amadouer. Dans la passé, il lui suffisait de baratiner un peu pour arriver à ses fins. Face à la gamine crédule qu'il a connu, la simple évocation de cet accident aurait du suffire mais il n'en ai rien. Elle campe sur ses positions, gamine capricieuse fâchée par l'abandon. Et son plan ne se déroule finalement pas comme il l'avait espéré. Merde. Heureusement, son mensonge est un peu élaboré, il y a réfléchi avant de venir pour essayer de rendre l'affaire le plus crédible possible. Il est désormais sur d'une seul chose : Samih n'a pas vendu la mèche. Il fronce les sourcils quand elle évoque un possible coma, comme si ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Comme si elle n'en avait rien à battre de l'imaginer en train d'crever. Vipère. Mais il comprend, sa technique, il l'a souvent utilisé quand il a été blessé, agir comme si les choses ne veulent rien dire alors qu'elles font atrocement mal. En tout cas, il veut s'en convaincre lui, parce que si elle n'est pas en colère, ça voudrait dire qu'elle s'en fout vraiment. Et ça, ça lui briserait le cœur. Enfin, ce qu'il en reste en tout cas. Et il la laisse déverser sa haine en essayant de pas trop se soucier des mots qu'elle emploi, en s'disant que c'est la rage qui parle et pas son myocarde. Il la regarde. Il la fixe une seconde avant de finalement desserrer un cran de sa ceinture. Ouais, il va s'défroquer. Ici même. Se fichant pas mal des regards qui peuvent être tournés dans sa direction. Puis très franchement, vu l'état des drogués qui sont dans l'coin, y'en a pas un qui remarquera. Et là, le pantalon sur les genoux, il affiche fièrement sa cicatrice à la cuisse. Une belle entaille qui lui sert de prétexte. J'suis resté à l’hôpital pendant des mois. Faux. Entièrement faux, il aura fallu seulement une petite semaine pour qu'il soit d'aplomb et qu'il se casse finalement sur un autre continent. Mais elle a pas moyen d'le savoir ça. mon téléphone était pété, tu sais qu'j'ai toujours été nul avec ces trucs là, j'connais pas mon propre numéro alors... Quand j'ai pu revenir... Il remonte son froc et continu de parler, il profite de cet instant où elle l'écoute vraiment. Vous étiez pu là putain. Il hausse les épaules et affiche ce sourire enfantin dont il a la secret avant d'ajouter : et tu pourrais jamais te débrouiller sans moi. humour un peu précoce sans doutes. Mécanisme de défense sournois et maladroit qu'il va se reprendre en pleine tronche comme une gifle mais tant pis. Il ose. Il tente le tout pour le tout, espérant revoir la lueur de la fillette qui l'admirait dans l'passé. Après tout, elle doit bien être là, quelque part, tapis dans le fond de son être. Elle planque c'est tout.

Entre vous, les Kids, il existait peu de points communs si ce n’est votre nationalité et votre goût pour le chaos, mais à tous, la colère sciait à merveilles. Elle vous sublimait et vous rendait invincibles, c’était du moins ce que tu t’imaginais. Sam, il n’y avait guère que quand il élevait la voix que tu buvais ses paroles, JJ c’était sa rage éclatante qui te faisait vibrer et toi ? La colère t’avait donné des ailes et aujourd’hui encore, tu ne regrettais rien de ce que tu avais pu faire, ni pour Otto, ni pour Seven. Cal méritait ta colère, c’était peu cher payé pour ce qu’il t’avait fait. Si tu avais pu, tu lui aurais même cassé la gueule, mais Seven t’avait cassé les doigts, même s’ils s’étaient remis, plus ou moins, ils n’en demeuraient pas moins fragiles et vite douloureux. Une chance qu’il se soit trompé de main. Tu ne pouvais pas prendre le risque de blesser celle qui te restait. Non, tu n’avais de toute manière pas assez de force pour lui faire mal, pas comme lui l’avait fait. Alors tu usais des mots. Tu jouais le jeu, feignant ne pas te soucier de lui, de ce qu’il pouvait lui arriver. D’ailleurs, il était trop tard pour t’inquiéter, il semblait aller très bien ! Tu lui fis d’ailleurs remarquer, hermétiquement fermée à la moindre affection, même si tu ne parvins à retenir l’expression de surprise alors qu’il baissait le pantalon devant toi pour finalement te montrer la cicatrice qui confirmait ses dires. Butée, tu refusais pourtant de céder du terrain, tu faisais d’ailleurs cette moue renfrognée que les Kids connaissait si bien. Pas celle de la femme blessée, celle de la gamine têtue et boudeuse. « T’aurais dû essayer plus fort ! Quitte à te traîner de l’hosto ! » C’est ce que tu aurais fait, du moins c’est ce que tu te disais, parce que tu n’aurais pas supporté d’être seule loin d’eux.
Quand il poursuivit, un voile de doute traversa ton regard. Evidemment que vous n’étiez plus là, on t’avait forcée sans te laisser le choix, on t’avait littéralement collée dans ce bus et tu leurs en avait voulu comme jamais. Jusqu’à ce que Samih te dise que si Cal avait voulu te contacter, il l’aurait fait. Et tu l’avais cru. Foutu Samih Scully ! « C’est arrivé quand ? » finis-tu par grogner, de mauvaise foi. Tu n’aimais pas l’idée qu’il puisse avoir raison. Par chance, il ne s’engouffra pas sur ce terrain-là, enchainant avec un sourire qui te renfrogna un peu plus encore. « Ah bon ? Pourtant quand on m’a laissée pour morte, je t’ai pas vu. Ni quand on m’a fracassé contre un foutu lavabo. Tu vois, je me suis toujours remise et sans toi. » C’est de la méchanceté. Tu veux encore lui faire du mal, l’aider à t’imaginer dans les pires postures, sans lui. Tu veux qu’il comprenne à quel point son absence t’était intolérable. « Tu sais qui est là pour moi maintenant ? JJ. Quand j’ai besoin de quelqu’un, c’est lui que j’appelle. » C’était faux, tu ne racontais rien à JJ parce que tu savais qu’il te reprocherait la nature exacte de tes emmerdes, il se rendrait compte que ton lien avec Seven allait au-delà de vos querelles de Kids. C’était devenu personnel et ça, il ne le supporterait pas. C’était SON ennemi personnel. Non, tes ennuis, tu les gardais pour toi, lorsque tu le pouvais. La vraie information était pourtant là, sous ses yeux. Tu n’avais plus besoin de lui, parce que tu étais désormais avec JJ. « Tu comptes faire quoi ? »

Elle exige des détails. Sournoise. Heureusement qu'il a préparé un minimum son coup lui. Heureusement qu'il savait qu'il ne s'en sortirait pas à si bon compte avec seulement de plates excuses. Dans un sens, il le comprend putain, si les rôles avaient été inversés, il aurait été au bout de sa vie. Peut être même qu'il l'aurait traqué jusqu'à la retrouver et lui tirer les oreilles. Mais non, c'est lui qui est parti, le coupable d'abandon. j'ai du chercher Eanna pendant plusieurs semaines, l'adresse que m'avait filé Daire était plus la bonne, enfin, elle s'était cassée entre temps quoi... Un sacré bordel. Il s'enfonce dans son mensonge. Use et abuse d'informations qui n'ont rien de réel. Et s'il aurait pu -du- s'arrêter là, il ne le fait pas pour autant. Parce qu'il a trop peur d'la perdre à jamais. Putain, il aurait vraiment du picoler avant d'venir. Pas de quoi se mettre minable mais un peu pour anesthésier la peine qu'elle était en train de causer volontairement. Oui parce qu'il n'est pas dupe ou stupide Cal même si c'est ce que certains aiment à penser. Il voit bien qu'elle agit en partie pour le blesser. Et si c'est d'un côté rassurant puisqu'elle en a encore quelque chose à foutre de sa tronche, c'est aussi comme si on lui retirait ses tripes. Putain, ce qu'il redoutait le plus est arrivé, on lui a fait du mal. Et tandis qu'il fuyait ses propres démons, elle, elle en a rencontré de nouveaux. Et le visage de l'irlandais se décompose, la pâleur s'affiche sur ses traits fatigués. JJ hein ? Merde. Elle l'a remplacé. Vraiment ? Et ce qui fait le plus mal n'est pas de savoir qu'elle s'est rapproché de c'type non. C'est de savoir qu'elle n'a plus besoin de lui. Merde. Il reste là quelques secondes, sans trop savoir quoi dire. Ces bras ballants le long du corps. Il a l'air bien con là, avec son air béa sur la tronche. tu peux t'taper JJ mais tu sais qu'tu peux pas vraiment compter sur lui, il en avait rien à carrer que sa petite amie se soit cassée. Ouais, il essaie de sauver les pots cassés comme il peut en rejetant la faute sur un autre. Un peu hypocrite quand on sait que la petite amie en question, c'est d'sa faute si on la retrouvera jamais. Il rame et le vent est contre lui. j'vais nulle part May. J'suis là maintenant. J't'attendrais dans ce bar là au coin d'la rue. Tous les soirs je s'rais là à 20h et je t'attendrais jusqu'à 23... Il ne demande rien. Il n'exige absolument pas qu'elle se pointe dès le lendemain. Il veut juste lui prouver qu'il a pas l'intention de repartir à nouveau et qu'il sera là pour elle, comme au bon vieux temps. Pour achever de la convaincre, il s'approche et lui colle un papier dans les main, avec l'adresse exacte. Celle qu'il avait repéré avant d'se pointer. Réfléchi sans l'être vraiment, mais là, il est clair qu'il doit laisser à la gamine le temps de digérer.

Est-ce que tu le croyais ? Tu ne savais pas bien, tu ne savais pas trop quoi décider surtout. Il restait ton frère, la famille, le sang même. Mais tes autres frères aussi faisaient partie de la famille quand ils avaient foutu le camp. Ton père aussi était de la famille quand il avait gâché votre enfance. Samih et JJ ne t’avaient pas abandonné eux, ils étaient d’ailleurs bien les seuls avec Macha, puisqu’Eanna et Daire avaient quitté le navire aussi. Macha le ferait sans doute aussi, quand l’occasion se présentera. Quand partir lui demanderait moins d’efforts que rester. Tu ne comptais pas vraiment sur elle, ni pour te confier ni pour te protéger. Alors pourquoi Cal serait-il allé courir après Eanna, si elle avait quitté les Kids, c’est qu’elle n’en valait plus la peine. Tu arquais alors le sourcil, vicieuse. « OK, donc t’as choisi de la suivre elle plutôt que de rester avec moi. Super ! » C’était méchant et gratuit, mais c’était toujours ça, non ? Eanna passait toujours avant toi et ça te rendait dingue de le savoir ! Que JJ et Samih soient à sa botte, c’était compréhensible, mais Cal ? Toi aussi tu l’avais adorée, Eanna, mais tu l’avais détestée dès la seconde où elle avait disparu en mettant le bordel partout autour d’elle !
Alors tu fais ce que vous savez faire de mieux, tu mordais et ne le lâchais plus, broyant son coeur sous tes mots brutaux. C’était ta manière de te venger. Evoquer JJ et son nouveau statut d’inutile en était un bon moyen et à sa tête, tu sus que tu avais visé juste. Cal avait toujours eu ce besoin fou d’aider les autres, de se sentir utile, à sa manière. « Et pourquoi tu t’en soucies autant, toi ? Hein ? » Insistais-tu en plissant des yeux, commençant à te faire des films sur une potentielle relation cachée et inavouée. En même temps, il valait mieux, on ne piquait pas la copine de JJ sous son nez ! Haussant finalement des épaules, tu laissais tomber le jugement. « Elle est partie, c’est plus une Kid. Il a raison JJ de s’en foutre » et accessoirement, ça t’arrangeait bien cette situation.  
Cal insista pourtant pour poursuivre cette conversation, comme s’il en redemandait, de toute cette violence. En même temps, ton frère te connaissait. Plus aussi bien qu’avant, mais il te connaissait suffisamment pour savoir qu’en insistant assez, tu finirais par revenir. Alors un peu malgré toi, tu le pris ce morceau de papier non sans lui jeter un dernier regard lourd de sens.
Pour la réconciliation des Driscoll, ce serait pas ce soir. Un autre soir, sans doute.