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Invité

dans les toilettes d'un diner qu'elle connait bien, quinn se met à l'état des comptes. la masse de cheveux qu'elle tente de domestiquer en les calant derrière une oreille, l'attention toute dirigée sur son butin de ce soir - les fesses posées sur le couvercle des chiottes. les doigts s'activent, dénombrent, alors qu'elle énumère en silence les bénéfices. princesse de pacotille assise sur son trône de fortune, sourire aux lèvres, brusquement certaine de conquérir le monde avec les quelques trois cent dollars en poche. joli gain, même pas assez pour couvrir les dépenses de sa famille pour deux semaines.

billets verts qu'elle glisse dans une poche intérieure, semblant de progéniture bien gardée, avant de ressortir des sanitaires et saluer le personnel pour rejoindre les rues froides. les lampadaires vandalisés, ou dont l'ampoule a simplement pété, facilite son business. sous couvert de la nuit naissent les meilleurs deals, le tout est de savoir en tirer profit.

mains dans les poches, quinn pense encore à tirer quelques heures sur son bout de trottoir - deux tout au plus - avant de rentrer à la maison. les pas sont loin d'être pressés, allure sûre mais cadencée. elle salue de ci, de là quelques connaissances, avant de reconnaître au loin une tête. pile. sur. sa. place. poils instantanément hérissés, bonne humeur repoussée afin de laisser imploser l'instable sérénité. « HE ! »

la démarche auparavant cadencée se casse et le pas est décidé. elle va l'écraser. parce qu'il le sait bien, qu'ici c'est à elle. « je peux savoir à quoi tu joues ? » venin qui coule d'entre les lèvres assassines, colère attisée par leurs trop nombreuses différences. elle n'aime pas igg, probablement parce qu'elle ne le comprend pas. surtout parce qu'elle n'a pas envie de le comprendre. « tu vas me dire que d'un coup tu lèves ton cul et tu vends ? » persuadée qu'il l'a fait sciemment, se poser ici, sur ses quelques mètres carrés qu'elle a arraché, à force de griffes et de crocs. qu'elle croyait avoir suffisamment défendu, bec et ongles, pour ne plus devoir le refaire. galvanisée, quinn est pourtant prête à remettre le couvert. surtout si cela peut lui donner l'excuse de passer ses nerfs sur le dégénéré.

Invité

Un jour où l’autre, ils te tomberaient dessus et te demanderaient des comptes que tu serais incapable d’aligner parce que de thune, tu n’en avais tout simplement pas et de came, plus non plus. Tu vendais bien encore, mais même Dam commençait à avoir du mal à t’approvisionner et puis qu’on se le dise, toi et AJ, vous la consommiez plus vite que tu n’en revendais. Ton ami avait beau payer, tu oubliais bien souvent de leur apporter l’argent. Ce n’était même pas de la mauvaise volonté, dans tes moments de lucidité, tu comprenais bien que ce rythme n’irait pas éternellement et que tôt ou tard viendrait le même de payer l’addition. Et aussi surprenant soit-il, tu n’aimais pas spécialement te faire casser la gueule et mourir ne t’attirait pas particulièrement non plus. Tu tenais à ta vie, aussi merdique soit-elle.
Alors par moment, il te venait l’idée de te bouger le cul. Le hoodie remonté par dessus ton bonnet qui cachait tes chevaux sales, tu étais donc sorti dans la rue avec un peu de came au fond de tes poches. Ça te crevait le coeur à l’idée de la revendre, mais c’était pour la bonne cause, tu n’avais pas trop le choix d’ailleurs.
Le temps avait été dégueulasse toute la journée, mais ce soir la pluie s’était calmée et il faisait même plutôt bon. Pas de vent, des températures positives, que demander de plus ? Tu avais même un peu de bol : tu avais déjà fait trois ventes dans la demi-heure. Des gars au bout de leur vie, mais ils avaient payé et c’était la seule chose qui comptait. Ouais, t’étais franchement content de ton début de soirée, bien qu’il était déjà tard dans la nuit, du moins jusqu’à ce qu’on t’interpelle.
T’aurais pu t’imaginer des trucs, te faire des films, mais cette voix tu la connaissais trop bien: Quinn. Merde. Tu fermais les yeux, qu’est-ce qu’elle te voulait, la lionne ? La gonzesse te détestait de toute son âme et tu avais pris pour habitude de rester loin d’elle, mais maintenant qu’elle t’avait repéré, difficile de la fuir l’air de rien.
En quelques enjambées, elle t’a rejoint et te toise de sa haute taille, les lèvres retroussées de colère. « Quoi ? » marmonnes-tu d’un haussement d’épaule nonchalant. Toute l’année, elle te reprochait de ne pas te bouger, c’était quoi le souci ? « Bah si, j’fais mon taf, t’es pas contente ? » Tu ne la provoques même pas, tu sais bien que ce n’est pas une bonne idée. On ne déconnait pas avec Quinn. « ça faisait longtemps, on peut le faire ensemble si tu veux » en réalité, tu n’en avais pas trop envie, elle ne te mettait pas particulièrement à ton aise.