jj // seven

Je l'ai appelé en mangeant mes céréales ce matin. Je l'ai appelé en sortant de ma douche. Je l'ai appelé en roulant pour aller au boulot. Je l'ai appelé en bossant. Je l'ai appelé pendant chacune de mes pauses. Je l'ai appelé en roulant en rentrant du boulot. Je l'ai appelé en mangeant mes céréales de l'après-midi. Je l'ai appelé en regardant la télé. Je l'ai appelé en pissant. Et maintenant je l'appelle en buvant une bière dans ma chambre, énervé comme jamais.

Et, putain, de, miracle : il répond.
Je manque de m'étouffer en avalant ma bière et me mets aussitôt à gueuler au téléphone.

— AH BAH PUTAIN ENFIN !! SI LA VIDEO SORT CE S'RA D'TA FAUTE ENFOIRÉ ! Qu'est-ce tu foutais bordel ? T'étais trop occupé à te branler sur du porno gay ? Vieille merde.

Fallait que ça sorte. Ça fait trois jours que je suis stressé comme pas possible à cause de ce connard.

Il a fini par rentrer. Depuis, il n'a pas bougé, occupé à comater sur le matelas pourri de la piaule qu'il partage avec Barbra. L'envie de se piquer le taraude, et pour la contrer, il a multiplié les opiacés jusqu'à n'être qu'une loque, tout juste capable de respirer. Alors il a passé toute la journée dans un brouillard dérangeant – ni paisible, ni inquiétant. Rien que du vide.

C'est étrange, comme sensation. Ça l'est encore plus maintenant qu'il en sort petit à petit, et qu'il semble enfin capter les vibrations incessantes de son portable. Jusqu'ici il pouvait les ignorer, tranquillement enveloppé dans le nuage toxique des médocs. Mais il est trop redescendu pour pouvoir continuer.

Quand ça vibre une énième fois, il finit par se lever. En voyant "fdp" s'afficher sur l'écran, il hésite à l'ignorer pendant une seconde, mais le souvenir de leur chantage le fait finalement céder. JJ lui laisse même pas le temps d'ouvrir la bouche. – AH BAH PUTAIN ENFIN !! SI LA VIDEO SORT CE S'RA D'TA FAUTE ENFOIRÉ ! Qu'est-ce tu foutais bordel ? T'étais trop occupé à te branler sur du porno gay ? Vieille merde. Il est à deux doigts de lui raccrocher au nez. Mais il inspire bruyamment, ses doigts qui resserrent leur prise sur son portable, alors qu'il articule sèchement : – Si j'étais toi, j'la ramènerais pas. Après tout, JJ l'a fait poireauter trop longtemps lui aussi – il s'est même retrouvé à parler au téléphone avec May, malgré lui. – T'as fait l'mort et t'as laissé ton portable à n'importe qui, alors viens pas m'casser les couilles.

— Si j'étais toi, j'la ramènerais pas. Peut-être qu'il a raison, mais rien à foutre. — T'as fait l'mort et t'as laissé ton portable à n'importe qui, alors viens pas m'casser les couilles. Petit moment de blanc. Je fronce les sourcils et regarde autour de moi par réflexe. — Euhhh... Comment ça j'ai laissé mon portable à n'importe qui ? J'l'ai laissé à personne. Je l'ai oublié, nuance. Mais ça m'inquiète un peu, je n'ai absolument pas envie que quiconque dans la maison sache que je discute avec Seven.

– Euhhh... Comment ça j'ai laissé mon portable à n'importe qui ? J'l'ai laissé à personne. Mais quel con. Il soupire, traînant des pieds jusqu'au matelas pour retourner s'y échouer mollement. – Ouais ben tu l'as laissé traîner, et y en a qui s'prennent pour ta secrétaire apparemment. Il lui suffit de repenser à May pour que la rage revienne crépiter sous sa peau – ça descend jusqu'à son ventre, là où elle l'a marqué à vie. Et elle le paiera. Mais en attendant, il a pas envie d'y penser, ni d'en parler. Maintenant qu'il tient enfin JJ, il veut en finir au plus vite avec toutes ces conneries. – Bon, t'as vu l'défi du coup ?

— Ouais ben tu l'as laissé traîner, et y en a qui s'prennent pour ta secrétaire apparemment. Merde. J'enrage et lève les yeux au ciel, saoulé. Depuis quand on décroche au téléphone des autres ? — Qui a décroché ? Et t'as dit quoi ? Avec un peu de chance c'est juste Macha et dans ce cas, ce n'est pas trop grave. — Bon, t'as vu l'défi du coup ? Je soupire bruyamment, saoulé par cette histoire. — Oui bah oui, pour ça que j't'appelle, c'était pas pour prendre de tes nouvelles. T'es dispo ce soir ? Qu'on en finisse au plus vite avant qu'ils s'impatientent et balancent tout.

– Qui a décroché ? Et t'as dit quoi ? Le regard vissé au plafond, il grince un peu des dents, mais finit par hausser les épaules. – Rien de compromettant. C'était May. Il peut pas s'empêcher de cracher son prénom, comme si ça lui brûlait la langue de le prononcer. Comme si c'était une putain d'insulte. – Oui bah oui, pour ça que j't'appelle, c'était pas pour prendre de tes nouvelles. T'es dispo ce soir ? Il a franchement pas envie de se le coltiner ce soir – il est encore trop à vif après ce qui s'est passé avec Anca, même si ça fait déjà quelques jours et qu'en théorie, il a eu le temps d'encaisser. Il se sent trop à bout de nerfs pour un face-à-face avec JJ, mais c'est pas comme s'il avait le choix de toute façon. Ça traîne depuis trop longtemps déjà. – Ouais. Et j'connais un endroit où on sera tranquilles. Avec ce défi de merde, hors de question de prendre le risque qu'on les surprenne. – Faudra qu'tu passes me chercher. Parce qu'il n'a toujours pas de voiture, et qu'il compte pas y aller à pieds.

— Rien de compromettant. C'était May. Ah, la sale petite fouineuse. Je grince un peu des dents, va vraiment falloir que je règle quelques comptes avec elle. — Ouais. Et j'connais un endroit où on sera tranquilles. Faudra qu'tu passes me chercher. C'est automatique, je me mets à rigoler nerveusement. — T'as cru j'étais ton carrosse Cendrillon ? Il semble déjà avoir oublié comment s'est terminée notre dernière virée en bagnole ensemble. — Démerde toi pour venir, c'est pas mon problème. Tu m'enverras l'adresse par sms. Non mais franchement, venir le chercher. Oh, quoi que. Une idée germe dans ma tête, je souris avec une flamme de malice dans le fond des yeux. — Bon t'sais quoi, flemme de débattre, j'viendrais te chercher.

– T'as cru j'étais ton carrosse Cendrillon ?
– Oh ta gueule.

Ça sort tout seul, alors qu'il fronce le nez, contrarié. S'il avait le choix, évidemment qu'il viendrait par ses propres moyens. Mais à pieds c'est trop loin, les transports vont pas jusqu'aux abords du lac – et de toute façon le bus l'emmerde – et il n'a personne qui puisse l'emmener. – Démerde toi pour venir, c'est pas mon problème. Tu m'enverras l'adresse par sms. Il commence à l'emmerder. – Putain mais arrête de casser les couilles. C'est pas un foutu trajet qui va les tuer, surtout vu la tâche qui les attend. – Bon t'sais quoi, flemme de débattre, j'viendrais te chercher. Un peu surpris que JJ change d'avis si soudainement, il fronce les sourcils, silencieux. Ça lui paraît louche, mais il a les neurones trop usés pour vraiment tergiverser sur le sujet. Tant pis. – Ok bah viens vers onze heures, devant le TSP. C'est suffisamment éloigné de chez lui pour que ça lui paraisse correct – il a pas envie que JJ connaisse l'emplacement exact de sa baraque.

— Ok bah viens vers onze heures, devant le TSP. Il ne pouvait pas choisir un autre endroit, franchement ? J'en ai ras le cul de me rendre là-bas. Je souffle brièvement par le nez, blasé. — Ouais, ouais, c'est ça, on fait comme ça. Je décolle le téléphone de mon oreille et lui raccroche au nez, n'ayant vraiment pas envie de discuter avec lui plus longtemps. Je vais déjà devoir passer la soirée avec lui, et vu la soirée qui nous attend... Je grogne, ne préférant pas y penser pour le moment et termine ma bière cul sec. Va m'en falloir d'autres je crois.