l'omerta (sacha)

C’est la merde. L’équilibre instable que Sam tente de maintenir depuis son retour de Belfast est sur le point de s’écrouler. Difficile de parler d’équilibre quand on parle de Samih, et pourtant il est comme le gardien des secrets quand il est rentré seul du pays, le cœur qui pèse des tonnes et la tête dans un étau. Au fond des abîmes, sous une pression étouffante, il a bien dû faire un choix. Parce qu’il pouvait pas tout balancer. Daire il a pas pu le cacher, mais il a enfoui au fond de lui, sous une montagne de doutes, le reste. Cal, Eanna. La raison funeste du départ du frère Driscoll, de son abandon. Mais Cal est revenu, il a traversé l’Atlantique. Y a quelques semaines de ça, il en aurait été fou de joie. Mais là, c’est la merde. Parce que Cal a ramené dans ses valises le secret sinistre de son exil. Et il peut juste pas le dévoiler. Ça tuerait JJ. Ça les tuerait tous.

C’est May qui lui a balancé le morceau, là, comme ça, de but en blanc. Et ça l’a terrifié Sam. Parce qu’il a menti. Il a menti sur la raison de son voyage en Irlande, il a même menti sur le fait qu’il était allé à Belfast. Il a omis de préciser qu’il avait retrouvé Cal. Et surtout, surtout il a oublié de préciser qu’Eanna était morte.

Putain Cal, il avait dit qu’il reviendrait pas. Il avait dit qu’il pourrait plus jamais regarder JJ dans les yeux. Alors, merde, qu’est-ce qu’il fout là ? Si May ne semblait pas très au fait des raisons de son retour y en a qu’une qui peut le savoir. Parce qu’elle sait toujours tout. Et c’est apparu comme une putain d’évidence, d’un coup, pendant que Sam vidait une canette de bière, assis sur les marches du perron. Macha.

Alors il a balancé la canette au loin après l’avoir écrasée dans sa paume, sans trop s’inquiéter qu’elle traîne là devant chez eux. On est au milieu de la nuit, et il pourra pas tenir jusqu’à demain matin. Il a ses obsessions des fois - souvent. Y a une pensée qui lui rentre en tête et il peut plus la sortir, ça tourne, tourne, tourne encore et encore, ça prend toute la place il l’étire dans tous les sens jusqu’à ce qu’elle n’en ait plus aucun. De toute façon, fallait bien que ça s’arrête. Tout est pourri de l’intérieur depuis trop longtemps. nargue l’autre. Il ne croit plus aux Kids depuis longtemps. Est-ce qu’il y a déjà cru ? Son coeur s’accélère sous cette apparente impassibilité. Les dents serrées, les muscles tendus, il grimpe l’escalier.

Macha elle sait depuis quand ?
Pourquoi elle lui a caché ça ?

Règles paradoxales chez les Kids, où tout le monde ment, mais personne n’a le droit de mentir. Mais dans cet art, Macha en est clairement la grande prêtresse. Alors il s’écrase contre sa porte avec tout son chaos intérieur et ses angoisses, l’ouvre à la volée sans prendre la peine de frapper. Peut-être bien qu’il aurait dû. En même temps, l’info se process pas vraiment quand son cerveau quand il tombe face au spectacle perturbant du coït dans cette chambre aux allures de caveau démoniaque, éclairé à la bougie flippante, d’ailleurs y en a une qui tend légèrement sur le gauche et menace de s’effondrer sur les draps souillés. Pourquoi il remarque ça ? Peut-être parce que c’est pertubant de voir ça. Pourquoi il reste planté là, sans bouger ? Il en sait rien. Ils ont même pas remarqué sa présence. La poignée dans la main Sam ne sait juste pas quoi faire, cligne lentement des yeux. Mais l’énervement passe au-dessus du reste. Obsession, encore et toujours. Macha ! Qu’il dit, autoritaire. Sursaut sur le matelas. Le type, un espèce de punk à chien se redresse d’un coup sec et se retourne. Oh putain ! Mais c’est qui lui ? Dégage de là ! Sam tourne lentement ses yeux jusqu’aux siens, le considère une seconde, se reporte sur le corps nu de Macha, qu’il découvre d’ailleurs pour la première fois, tiens c’est une femme finalement, et pas un genre de démon sortie des lymbes. Pas de réaction, écroulement intérieur, visage sans expression. Faut qu’on parle. Le gars écarquille les yeux en grand, attrape un coussin pour le mettre devant son engin, et se met à genoux au bout du matelas, peut-être pour se rendre un peu plus imposant. Mec, mais t’es fou toi. On est au milieu d’un truc là, si t’avais pas remarqué, barre-toi. Cette fois, Sam ne prend même pas le temps de le regarder. Il se contente de rester planter là, toujours en tenant la poignée, le cœur qui tambourine dans sa poitrine et une sale sensation qui l’opresse totalement, parce que c’est clairement bizarre comme situation. Tout de suite Macha. C’est à propos de Cal. Le punk est outré, Sam expire. Et il ajoute : Vire-le, rhabille-toi, j’t’attends devant. et il fait un pas à reculons pour sortir de la chambre, il laisse quand même la porte ouverte juste histoire de les dissuader de reprendre là où ils en étaient rester - mais c’est peut-être mal la connaître. Il se poste contre le mur, les bras croisés, attend.

ça fait plusieurs semaines qu'le grand frère est de retour, la tête grincheuse. c'est pourtant que quelques mots que vous vous êtes échangés depuis sont retour, c'est vrai qu'il n'a pas eu un accueil des plus chaleureux.
May et toi , vous lui avez montré les dents, c'est pas ce à quoi il devait s'attendre
vous vous ne l'attendiez plus.
c'est bien de scully qu'tu parles, parce que plus récemment c'est un autre des chiens perdus d'la meute qui r'vient au panier. la vérité c'est que vos vies ont continué, ta vie.
ça fait bien longtemps que tu t'es habituée à l'absence de certains. t'es bien la seule qu'à compris qu'pour survivre, il faut rester groupé.
Samih reste dans sa bulle depuis son retour, tu l'as observé ruminer dans son coin, fuir ses pensées dans l’excès. Il évite les questions et reste vexé de tes derniers propos. Tu sais piquer là où ça fait mal, pleine de rancœur, tu voudrais tous les taper entre eux pour s'être volatilisés. Daire en premier, sans retour possible. Cal ensuite, puis Samih. Puis JJ aussi, mais plus un plaisir personnel. Parce que les premier sont partis, sans se retourner, sans donner signe de vie non plus pour certains. Revenir et espérer que les choses n'aient pas changées c'est culotté. Tu trouves la situation bizarre aussi, ce silence qui en dit long avec Sam et Cal qui pointe son nez quelques temps après.
T'es observatrice, tu réfléchis.
Il y a un truc qui cloche, il y a des choses qui ne sont pas dites.
t'as appris avec le temps qu'il suffit d'attendre, tout fini bien par se savoir,
même sans le vouloir.
Alors t'as rien dit du retour d'Cal, pas à May, pas à Sam ni à JJ.
Il y en a qu'une seule autre qui l'ai croisé aussi, la jeune Driscoll n°2.

Comme d'habitude, ta vie continue. Un autre homme que tu fais entrer ici, the kids' house ou du moins c'qu'il en reste. C'est pas mal le défiler ces derniers temps, mais t'es pas du genre à te justifier où à donner des explications. A force de choses bizarres te concernant, les autres ont appris à ne plus vraiment demander ni même en être surpris. T'es bien capable de tout.
Tu ne dira pourtant rien sur l'argent que tu prends à certains, en guise de monnaie d'échange, pour quelques billets, la belle dérangée.
T'fais pas exprès
tu trouves que ça rajoute un truc à la chose,
ça garde les distances résolues,
la passion farfelue
et la bouche tut.
Parfait.

Tu t'souviens plus de son nom, à ce type qui prend possession de tes chaires, il t'as simplement plu, avec son look de punk aux discours anarchistes et actions bien passives alors que ses poches étaient pleines de cachetons en tous genres. C'est bien à ça qu'la maison tourne aussi ici, c'est bien de ça dont tu as besoin toi aussi, pour pas trop réfléchir.
Macha !
mais ...
merde !
Oh putain ! Mais c’est qui lui ? Dégage de là ! L'punk qui réagit
Samih ! il t'interrompt le con, t'pensais qu'il y avait des règles minimums dans cette baraque, apparemment pas.
T'es sérieux ? Sors d'ici ! t'essai tant bien qu'mal te cacher tes quelques courbes, t'es pas pudique mais tout d'même. En plein action, comme ça, c'est malsain d'sa part. Voyeur même, putain mais SAM ! Tu reste bouche bée, il t'as fait peur le con.
Faut qu’on parle.
Carrément, comme ça ? On dirait une scène de couple, surprise en plein adultère. T'pensais qu'il y avait des meilleurs moments que celui-ci pour parler.
Mec, mais t’es fou toi. On est au milieu d’un truc là, si t’avais pas remarqué, barre-toi. Quelle perspicacité .. Tu te lèves du lit avec l'envie de le tue en emportant les draps avec toi. te précipitant sur la porte, que tu tentes de fermer à son nez.
T'as pas trouvé un meilleur moment pour ça, ça peut pas attendre ? C'est pourtant logique, alors que t'insistes sur cette porte, qu'il retient avec fermeté. P'tain mais sors Sam !
un moustique qui le pique
Tout de suite Macha. C’est à propos de Cal.
Il fait chier.
Echec et Mat, il gagne cette première bataille avec simplement une phrase. C'est à propos de Cal. Tu comprends mieux pourquoi cette intrusion sans pour autant la cautionner. Alors tu souffles de ta défaite. Vire-le, rhabille-toi, j’t’attends devant.
Ça t'agace, les poings serrés, tu passes tes nerfs sur quelques trucs et babioles placés là. Tu commences à te rhabiller alors qu'il n'est déjà plus dans le passant de l'a porte.
Il fait chier celui-là ! ça c'est pour toi-même où pour celui qui t'attend. Bon allé, rhabille toi, t'vois pas qu'tu gênes ? tu perds souvent vite patience.
Tu cherches tes fringues et tu lui balances les siennes au passage, alors qu'il ronchonne sans que t'y prêtes attention. T'oublies pourtant pas de tendre la main, pour récupérer ton dû.

Le punk finit par sortir suivi de ta silhouette, tu ne vas pourtant pas lui montrer le chemin d'la sortie, il l'a connait. Tu tombes nez à nez avec Sam, bien décidé visiblement, tu lui tires la tronche sans un mot. Avec cette envie profonde de le fusiller. Tu choisis pourtant de lui tourner l'dos, direction le salon alors qu'il colle tes talons.
Evidemment, ça t'fait monter en pression ce silence qui annonce la tempête, les escaliers qui dévalent sous tes pas. S'il veut parler, parlons. Mettons cartes sur table, tu t'doutes bien qu'il est au courant qu'Cal est en ville, il ne faut pas être devin. May a dû vendre la mèche, s'il y en a bien une qui peut être en colère contre Driscoll c'est bien elle, sa sœur qu'il a laissée sans nouvelles. C'est sur une chaise de la table d la cuisine que tu t'assoies.
T'aurais pu frapper. Frapper à la porte, au lieu d'entrer en furie, sans prévenir. L'respect c'pas fait pour les chiens. ou peut-être bien qu'si. Qu'est-ce que t'as ? Une mouche qui l'pique ? les idées qui partent un trop dans tous les sens ?
Avec Sam, tu t'attends à tout, tu sais que des fois -souvent- il déraille.
Tu l'aimes bien pour ça,
pour les rails.

Cette clope qu't'allumes machinalement, d'ce paquet laissé là. T'es tendue et pas vraiment d'humeur à te faire crier dessus, à donner des explications. Tu souffres aussi de la situations actuelle, de cette solitude qui s'est peu à peu imposée dans ta vie. Ce fossé qui s'est creusé entre chacun d'entre vous avec le temps. Tu t'sens mise à l'écart. Tu le sens distant avec toi depuis son retour et c'est pas c'que t'espérais. Un peu plus de joie pour les retrouvailles t'auraient fait du bien.
ça t'aurait rappelé que t'es pas encore ici pour rien, qu't'y crois pas pour rien,  qu'un mieux est possible.

un peu moins que des moins que rien
unis pour un rien commun.

Il est de mauvais poil. Il n’a pas le temps d’attendre qu’elle termine son coït quotidien en bonne nymphomane qu’elle est certainement. Il n’a pas envie. Sam ne fait généralement pas de vague mais s’il y a bien une chose qui l’a toujours emmerdé profondément c’était les contraintes. Incapable de se plier à une seule règle sociale, incapable de prendre sur lui, incapable de faire autre chose que ce qui lui passe par la tête. Heureusement, il n’a pas souvent envie de grand chose. Il se contente d’être un anarchiste végétatif, contemplatif. Mais là, l’heure est grave. Cal est revenu. Alors il attend, porte ouverte et bras croisé qu’elle se rhabille. Il est satisfait de constater que Macha obéit presque sans se plaindre. Lorsqu’il croise le punk et son regard noir du gars couper en pleine action, la bite encore à moitié dure, jarté par un colocataire indélicat, Sam se contente d’un haussement de sourcil désintéressé. De toute façon, il voit d’un mauvais œil ce défilé permanent d’hommes dans la chambre de Macha. Pas pour une raison pseudo-paternaliste, pas parce qu’il l’a connu petite fille, pas parce qu’il s’inquiète de ses peines de cœur, non. Simplement parce qu’il est un paranoïa renfermé sur lui et son petit clan irlandais et que tout intrus est directement considéré comme une menace potentielle. Alors c’est tant mieux si ce type tout droit sortie d’un trottoir mal famé se dirige d’un pas traînant vers la sortie. Sam le regarde dévaler l’escalier, un discret sourire sur le coin des lèvres.

Le sourire s’efface vite. Macha le rejoint sur le pas de la porte, habillée à la va-vite. Toujours les bras croisés, Sam la regarde une seconde. Elle s’échappe la première vers le salon, d’un air amer. Tant mieux, elle n’est pas la seule, et toute la jolie petite troupe semble d’une humeur de chien. Sam se donne de l’élan pour se décoller du mur, jette un dernier regard vers la chambre satanique de Macha avant de partir, un œil inquiet sur une chandelle qui penche vers la gauche, à côté d’un drap souillé. Mais on s’en occupera plus tard. La seule chose qui menace de prendre feu à l’heure actuelle est le crâne en ébullition de Samih.

C’est finalement dans la cuisine que Macha s’installe, avachie avec ses airs de grande prêtresse de l’Enfer, comme à chaque fois. Sam reste planté devant elle, il enfonce les mains dans ses poches. T'aurais pu frapper. L'respect c'pas fait pour les chiens. Il hausse les sourcils, quoi elle est encore là-dessus ? J’en ai rien à foutre. qu’il rétorque, pas forcément méchamment, surtout autoritaire. Il s’en fout du respect qu’elle croit avoir, il s’en fout d’avoir interrompu sa baise avec un énième loser de la ville. Sam se fiche de toute façon de beaucoup de choses, et de beaucoup de principes de vie. La priorité a toujours été la famille, et pour être tout à fait honnête, il l’a en travers de la gorge qu’elle ait gardé pour elle un secret aussi énorme. Il ne devrait pas être tellement étonné, pourtant. Macha est une tombe, et pas seulement à cause de son air sinistre. Tu croyais quoi, qu’à toi, elle cachait rien ? Peut-être bien. La loyauté de Macha n’est plus à prouver. Sauf quand il s’agit de Cal, visiblement et quand elle demande ce qui prend à l’égyptien, il pousse un soupir et s’adosse contre un mur sale de la cuisine dérangée. Tu savais que Cal était r’venu ? Le regard qui lui lance ensuite ne laisse pas vraiment planer le doute, il sait qu’elle sait qu’il est revenu. Mais c’est comme un genre de test, test de fidélité. Parce qu’elle n’a pas le droit de lui mentir, il refuse catégoriquement que quiconque lui mente, lui qui a pourtant menti à tous les autres. La dynamique bancale des Kids n’est plus à prouver. Il a caché être parti en irlande retrouver Cal, il a caché leurs entrevues, la raison sordide de son départ, la mort d’Eanna qui lui pèse une tonne dans sa cage thoracique. Mais c’était pour le bien commun, c’était pour leur bien à tous. Et ce retour surprise, sans avoir pris le temps d’élaborer un plan avec Sam au préalable menace de tout faire s’effondrer. Voilà pourquoi, dès que May lui a révélé le retour de son frère, il a sauté dans leur voiture pour aller le confronter.

La seule chose qui l’inquiète à présent, c’est ce qu’il y a dans la tête de Macha.

Sam attend alors quelques instants et il sort de sa poche une cigarette à son tour, il la coince d’un geste lent entre ses lèvres. Nouveau silence qui s’étire entre eux, et ça a toujours été leur point commun : cette façon qu’ils de ne pas parler pour ne rien dire, de ne pas avoir besoin de meubler. La plus grande qualité de Macha, aux yeux de Sam, souvent. Et parfois, comme aujourd’hui, ce qui le terrorise le plus. J’veux qu’tu me dises ce qu’il t’a dit. Y a pas de question, c’est presque comme un ordre, mais faut qu’il sache avant de devenir dingue. C’est une chose que Cal ait menti à May, mais il aurait parfaitement tenir un autre discours devant Macha, et qui sait quand est-ce qu’elle voudra sortir son venin pour se venger. Personne ne doit savoir.