dynamite. (neva)

@neva nguyen

Tu lui laisses poser le stencil de ton futur nouveau tatouage. Sur la base de la gorge. Ça risque de piquer un peu. Mais tu l’as voulu. Tu l’auras. C’est comme ça chez toi. Quand t’as une idée en tête, t’y déroges pas. Et p’têtre que c’est aussi une bonne excuse pour aller la voir. Neva. Avec tout c’qui s’est passé ces dernières semaines, t’as pas franchement eu le temps de prendre des nouvelles. D’aller la voir. Pourtant, t’en as besoin. T’as besoin de voir quelqu’un d’autre qu’Athéna. De parler à quelqu’un d’autre qu’Athéna. Parce que faut dire qu’en plus, Athé et toi, vous avez pas nécessairement beaucoup parlé dernièrement. "Ouais c’bien là." Que tu dis une fois qu’elle retire le papier. Et puis tu t’allonges sur la table, sur le dos, mains croisées sur le torse. "C’est parti." Le bruit significatif de la machine qui se met en route, tes yeux qui se ferment quand elle se penche par dessus ton visage pour commencer son travail.

"J’suis désolé d’pas t’avoir donné de nouvelles ces derniers temps, la vie était un peu…  ouf." Tu commences par quoi? L’fait qu’t’aies couché avec ta soeur? Ou que t’as rejoint les Juggalos? Ou que t’as demandé à te faire tabasser par une meuf qui te déteste mais que t’aimes bien? Ou qu’t’aies frappé Athéna avant d’plus lui parler? Ou son accident de voiture qui a suivi? Ou ton premier meurtre? Quelle vie putain. "J’suis content d’te voir. Genre, vraiment. Athé… elle a eu un accident de voiture la semaine dernière, trente heures de coma, deux jours et deux nuits passées à l’hosto… C’était l’enfer." Qu’t’avoues, en gardant les yeux fermés. Parce que tu sens qu’elle est tout proche de ton visage — normal, en tatouant ta gorge, c’logique.

"On s’parlait même plus quand elle a eu l’accident. J’crois qu’c’est ça le pire, j’me dis que… ça s’trouve, elle s’rait morte sans qu’on s’parle. On s’était engueulés comme jamais, j’te jure, genre… elle m’a frappé et… j’l’ai frappée aussi." Et elle connaît l’amour que t’as envers Athéna. Elle connait peut-être pas toutes ses dernières subtilités, mais… elle sait. T’as toujours protégé ta soeur, depuis sa naissance. Envers et contre tout. Alors avoir levé la main sur elle… ouais. "Et j’m’en veux j’te jure, mais j’peux pas revenir en arrière. Et genre… j’sais pas… J’pensais pas en être capable. Mais là encore, y’a pleins d’trucs que j’pensais jamais faire qui s’sont faits dernièrement et…" Tu lâches un bon gros soupir. Frustré. Déçu. Paumé. Et un petit rire nerveux. "Putain." Parce que quand tu repenses tous les événements de ces derniers mois, ça t’paraît putain d’irréel.

le tattoo en question:

musique deep en fond sonore, tu laisses le blond décoloré s’installer sur le support connaissant parfaitement sa silhouette, comme s’il l’avait tracé à force de trop le squatter. stencil posé, tu prends finalement ta place et tu allumes ta machine, te préparant à une bonne séance de deux heures, si tu veux que le résultat soit parfait. tu approches ta main gauche pour maintenir sa mâchoire et son visage, et tu l’écoutes attentivement lorsqu’il se met à t’énoncer ses dernières péripéties. tu vas pour commencer a le piquer sans qu’il ne s’en aperçoives, mais tu fais marche arrière lorsqu’il t’explique qu’athéna a eu un accident, anecdote à laquelle tu hausses un sourcil, haussement qui se transforme en froncement lorsqu’il te confie de l’avoir frappé en retour. sa propre sœur, celle qu’il voit depuis toujours comme la seule femme de sa vie. t’as un mouvement de recul, le regardant de tes yeux noirs, l’air mécontente. si tu l’pouvais, tu lui aurais enfoncé tes aiguilles bien profondément dans sa gorge. mais tu sais qu’tu peux pas. c’est pas éthique. donc tu te contentes simplement de le sermonner du regard, comme s’il pouvait en avoir quelque chose à foutre. et après un grognement face à la finalité de ses aventures, tu reprends ta position pour pouvoir continuer ton travail, ton pied appuie sur la pédale, et les vibrations de la machine s’échouent contre la peau de celui que tu considères comme ton ami depuis ton plus jeune âge. tu traces les premières ligne, commençant par le contour des deux premières lettres avant de les remplir. et en relisant les mots, t’as un rire narquois qui s’échappe d’entres tes lèvres. “c’est bien, j’ai même pas besoin de te demander la signification de ton tatouage.” tu secoues la tête de gauche à droite, passes un coup de serviette imprégnée et désinfectée, et tu continues de piquer, reprenant le traçage. dernière ligne et tu entameras le remplissage. “sérieux, j’vais pas déblatérer avec toi concernant le fait que tu l’ais frappé, sinon… tu risques de ne pas aimer ta gorge.” c’est pas une menace, juste une sorte de prévention. qui l’avertit que tôt ou tard, vous aurez cette discussion, sans qu’il ne se retrouve sous la menace de tes aiguilles. “mais autrement, j’espère qu’elle va bien? c’est quoi cette histoire d’accident?” tu fais ta curieuse, parce que même si tu n’as que très peu croisés athéna en dehors de votre enfance, tu t’inquiètes pour elle, et tu t’inquiètes pour la santé mentale de ton actuel client. qui se trouve être ton ami d’une époque qui te semble maintenant bien lointaine, presque imaginaire.

Allongé sur la table de travail, tu fermes les yeux, tu laisses Neva faire son travail. Et toi, c’comme si ces sessions de tatouage étaient des séances de thérapie. Tu te confies à elle. Tu renoues le contact — parce que, de ta faute, ça fait un petit moment que tu l’as pas tenue au courant de ce qui se passait dans ta vie. Trop de trucs à la fois, c’est à peine si toi t’arrives à suivre la cadence.

Et puis t’entends l’aiguille roucouler près de ton oreille et tu sais qu’ça va bientôt piquer. Elle tient ta machoire de sa main libre pour tourner ta tête dans la meilleure position et toi, tu te laisses entièrement faire, à sa merci. Le premier trait surprend toujours, il gratte toujours un peu, l’histoire de quelques secondes pour te ré-habituer aux sensations des aiguilles qui martèlent ta peau.

Tu l’entends à peine rire, le bruit de la machine qui s’échoue au creux de ton tympan. “c’est bien, j’ai même pas besoin de te demander la signification de ton tatouage.” Tu ris un peu à ton tour — pas trop, t’évites de bouger — en roulant les yeux. "T’façon j’crois qu’ça fait bien longtemps que j’ai abandonné les significations, t’as vu toutes les merdes que t’as accepté d’me tatouer? Souvenirs de nuits bien arrosées, pour moi comme pour toi." Un fin sourire qui étire tes lèvres en y repensant. Ouais, les tatouages, c’est plus vraiment sacré pour toi ; on peut vite le comprendre quand tu retires ton t-shirt. Chaque centimètre de peau recouvert d’encre, parfois ça veut dire quelque chose, mais la plupart du temps, c’est juste une envie débile du moment. T’en regrettes aucun ceci dit, ils font partis de toi, ça crée un tout unique au monde.

“sérieux, j’vais pas déblatérer avec toi concernant le fait que tu l’ais frappé, sinon… tu risques de ne pas aimer ta gorge.” Ouais, tu te doutes bien. Tu la connais, Neva. Tu sais c’qu’elle pense de tout ça. De c’genre de trucs. De toi, quand t’es comme ça. Quand tu t’contrôles pas, quand t’y arrives plus. Alors tu réponds pas, parce que sa menace n’attend pas nécessairement de réponse. C’est un avertissement et tu l’entends clairement.

“mais autrement, j’espère qu’elle va bien? c’est quoi cette histoire d’accident?” Tu soupires doucement. "Ouais, elle va bien. Aucune séquelle. Mais c’était flippant. Comme j’te disais, j’pense que ça m’a foutu la trouille de m’dire que peut-être elle allait pas s’réveiller et que la dernière chose que j’lui ai dite c’était probablement une insulte." Tu t’en serais voulu pour le restant de tes jours — même si bon, l’jour où Athé crève, tu suivras pas longtemps derrière. Inutile d’vivre si elle est pas à tes côtés, c’comme ça et puis c’est tout.

"Mais bref, encore une fois j’me répète mais j’le pense quand j’te dis qu’j’suis désolé d’pas avoir donné de nouvelles. Promis j’me rattraperai. Regarde, d’jà là, j’te laisse me torturer. C’est une preuve d’amour, en vrai. Tu devrais profiter de l’instant." Petit sourire amusé, à défaut de pouvoir bouger davantage dans ce moment délicat. "Et toi alors? Qu’est-ce que t’as à me raconter? J’peux pas avoir été le seul à être aussi occupé." Vu toutes les merdes qui se sont passées à Detroit dernièrement, t’as l’impression qu’la ville entière a été secouée, d’une manière ou d’une autre.

un sourcil froncé, une ride apparente en signe de concentration, tu répètes inlassablement les mêmes gestes, ton poignet commençant à souffrir de cette journée, heureusement bientôt terminé. tu continues donc de dessiner, d’écouter tout en te rappelant que toi même, tu n’avais pas pris la peine d’aller le voir, ne serait ce que de lui envoyer un message. alors même si t’es qu’une connasse égocentrique, tu n’lui en veux pas, parce que tu sais qu’ares, il est comme ça. tu peux passer trois mois sans le voir pour qu’il déboule un beau jour, un sourire banane plaqué sur les lèvres qui veut dire « j’ai une nouvelle idée ». et toi, ça t’convient, parce que t’aime pas qu’on te colle, qu’on soit derrière ton cul a tout bout d’champ. surtout en ce moment, depuis que t’as appris pour tes pseudos parents. "ça va, ares. je sais gérer ma vie sans que tu ne sois là, tu sais." la rétorque ne se veut pas méchante, juste franche. t’as même un léger rire qui s’fait la malle d’entre tes lippes, et comme pour appuyer ses dires, tu appuies un peu plus fort afin d’accentuer le trait que tu traces actuellement. "sérieux, ça va faire bientôt dix piges que j’te pique la peau un peu partout, et tu te sens encore torturé?" tu hausses un sourcil en plantant un regard rieur dans le sien, avant de revenir à ton sujet principal. et c’est à cet instant que tu te rends que ouais, ça va faire bientôt dix ans que tu tatoues, et en grande partie justement grâce à lui. ça t’fait tout drôle de te dire ça, n’ayant pas vu défiler ces dernières années, cette impression que le sablier de ta vie s’écoule de plus en plus vite. années perdues, volées, bafouées. tu lâches un nouveau soupire, ne savant pas si tu pouvais te permettre de déballer tes propres dernières péripéties. ou plutôt découvertes. es-tu sûre de tenir le choc si tu l’exprimes à vive voix? t’en es pas si convaincue, non, mais pourtant. "eh bien.. moi, j’ai appris que je n’avais pas été adopté.." tu marques un temps d’arrêt, terminant la ligne d’une des lettres du dernier caprice du blond, et tu lèves ta machine de torture pour fermer les yeux. c’est plus facile comme ça. "j’ai été kidnappé." tu balances ça, comme ça, sans prévention, sans savoir quelle réaction attendre. aucune? certainement. mais en attendant, tu gardes les yeux fermement clos, essayant au maximum de ne pas laisser la boule de sentiments négatifs s’emparer à nouveau de toi. mais pourquoi t’as ouvert ta gueule aussi, neva?

Tu t’excuses sincèrement d’pas avoir été là dernièrement et sa réponse ne se fait pas attendre. "ça va, ares. je sais gérer ma vie sans que tu ne sois là, tu sais." Tu fronces un peu les sourcils. "Ouais, j’ai compris." C’est une meuf indépendante, elle a besoin de personne pour vivre, elle fait son bout de chemin seule et ça lui va comme ça, bla, bla, bla. Toi aussi tu pourrais faire ton bout de chemin seul. Mais est-ce que c’est pas mieux quand y’a quand même quelqu’un à nos côtés sur qui on peut s’reposer quand on a mal aux pieds à force d’avoir trop foulé le bitume?

"sérieux, ça va faire bientôt dix piges que j’te pique la peau un peu partout, et tu te sens encore torturé?" Tu hausses un peu les épaules. Pas vraiment, c’était surtout pour la blague.

En revanche, tu remarques qu’elle n’a pas réagi à un seul des trucs que t’as pu lui dire jusqu’à présent. "Si tu préfères que j’me taise tu l’dis hein." Préférant la jouer un peu sarcastique plutôt que de te plaindre sincèrement. T’as l’impression qu’elle est préoccupée, que tes confidences lui entrent par une oreille et ressortent aussitôt par l’autre. Alors tu la questionnes à son tour, pour essayer d’en savoir plus.

Elle commence par soupirer. Et c’pas bon signe, ça. T’es pas un as dans l’art des relations humaines mais t’es pas un idiot fini non plus. "eh bien.. moi, j’ai appris que je n’avais pas été adopté.." Le bruit de la machine qui s’arrête, l’aiguille que tu ne sens plus piquer ta peau. Alors tu te permets de bouger. Tu tournes la tête vers elle suite à sa révélation. Elle a les yeux fermés, comme si elle voulait pas affronter la réalité. "j’ai été kidnappé." Tu fronces les sourcils? "Quoi?" C’est pas une vraie question, plutôt une interjection pour extérioriser ta surprise. Et puis tu fronces les sourcils et soupires. "J’sais même pas pourquoi j’suis surpris en fait, c’est Detroit putain, y’a rien d’normal dans c’foutue ville." Triste constat, faut croire que c’est le trou à rats de tous les psychopathes. C’pas une psychopathe elle hein, mais ses ‘parents’ le sont, du coup. "Tu cherches à retrouver tes vrais parents du coup? Comment tu l’as su?"