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 infanticide.

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Dom Riggs
Dom Riggs

Feuille de personnage
infanticide. 13e8298d6b883321e666c4befa8543c3 : sourire aussi éclatant que charmeur | toujours bien sappé, porte beaucoup de bijoux (bagues, chaînes, gourmette, une boucle d'oreille) | souvent une odeur de weed qui plane | quelques tatouages | cicatrice au niveau du poumon gauche (poignardé) | constamment en train de se marrer
meilleur kebabier de Detroit
bolossage du staff : infanticide. 52E1AOBY_o
Messages : 2646
pseudo : marion
crédits : hoodwink (av), vocivus (icons)
infanticide. ILOm5OZV_o
j'arrose la tombe de mon enfance mais
rien ne pousse si ce n'est l 'o u b l i

Points : 115
avatar : a$ap rocky
âge : vingt-huit ans.
statut : aimant à problèmes.
quartier : éternel squatteur, il n'a pas de chez lui mais trouve toujours un canapé sur lequel s'inviter - que ce soit pour une nuit ou pour un mois. le plus souvent, il crèche chez deandre, à mexicantown.
https://crocodilegames.forumactif.com/t160-dom-riggs https://crocodilegames.forumactif.com/t277-dom-riggs https://crocodilegames.forumactif.com/t111-objectif-lune

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MessageSujet: infanticide.   infanticide. EmptyLun 18 Mai - 15:46

J'ai passé la journée à faire semblant d'être occupé. J'suis parti acheter de la crème pour les brûlures de Zaza, j'ai fumé un autre joint avec elle, je suis ressorti pour promener Splinter. J'suis rentré, j'ai fumé, je suis allé acheter du rhum alors que mon père en a encore plusieurs bouteilles d'avance. J'suis rentré, j'ai fumé, j'ai dit que j'avais oublié un truc, je suis allé zoner au vieux terrain de basket et j'ai joué avec les gosses qui traînent toujours là-bas. J'suis rentré, j'ai fumé, on a remis la commode en place, j'ai encore fumé, j'ai sorti le chien et j'ai atterri chez un pote en bas de la rue. On a fumé. Je voulais pas rentrer. Sa mère m'a foutu dehors parce que j'étais complètement défoncé. J'suis rentré. J'ai regardé la commode, Zaza m'a regardé, j'ai regardé les photos de Tyrone, le trou dans ma poitrine s'est creusé un peu plus, j'ai vaguement eu envie de chialer. J'ai souri et j'ai dit que j'avais faim, Zaza m'a préparé un truc, je me suis posé dans le canapé mais le nœud dans mon bide m'a empêché de bouffer malgré la foncedalle. J'ai picoré, un peu, devant Steve Harvey qui surréagit aux conneries des participants de Family Feud. J'ai roulé mais j'ai pas eu le temps de fumer. La fatigue de ma nuit blanche m'a rattrapé et je me suis endormi avec la télé en bruit de fond, Splinter à mes pieds.

Je suis réveillé par la porte d'entrée qui s'ouvre puis se ferme un peu trop brutalement, des pas lourds qui se font entendre dans le couloir. La télé passe des pubs débiles, dehors il fait nuit, je sais pas quelle heure il est.

Je sais juste que mon père est rentré.

– Merde. Me redressant à toute vitesse, je jette un œil au joint laissé sur la table – j'aurais dû le fumer putain, histoire d'être anesthésié avant ce qui va suivre. J'ai la bouche pâteuse et le cerveau encore un peu ralenti, mais les effets se sont dissipés pendant mon sommeil. J'vois clair. Suffisamment pour savoir qu'il est bourré quand il arrive dans le salon. Il a bu mais il est pas encore ivre mort. Ça viendra vite : il arrête rarement avant de finir assommé par tout l'alcool ingurgité. Mais ça m'arrange pas. J'aurais voulu qu'il soit déjà torché, qu'il aille échouer dans son lit sans voir les dégâts que Coco a causés ce matin.

Trop tard. Il regarde toujours Tyrone en premier. Il bloque sur la commode, je me tâte à foncer jusqu'à la porte pour me tirer en courant.

Le regard qu'il me lance me cloue sur place.

– Qu'est-c'que t'as fait ? L'alcool rend sa voix traînante, plus basse que d'habitude. Ça fait des années que j'entends que ça et parfois j'ai l'impression que j'en ai même oublié sa voix normale, parce que quand il est sobre, il ne parle pratiquement pas. Ou en tous cas, pas à moi. – Rien. J'te jure que c'est pas moi. Il ne me regarde déjà plus. Ses doigts glissent sur les photos qui ont perdu leurs cadres dans la bataille, sur les objets cassés que j'ai pas voulu jeter – la montre, les figurines, le vieux mp3 qu'il avait piqué à un gars du quartier, le grillz pourri qui lui faisait mal aux dents, et toutes ces choses qui constituent un puzzle de qui était Tyrone. Mes tripes font des nœuds.

– J'vais t'expliquer, c'est Coco, elle a-
– Non.

Ses yeux ont beau être un peu vitreux, ils n'ont aucun mal à me transpercer. Je reste les bras ballants, bouche ouverte, tandis qu'il pointe un index accusateur vers moi.

– Commence pas avec tes putains d'bobards.
– Mais-
– J'ai dit non.
– Écou-
– FERME-LA !

L'agressivité qui vibre dans sa voix me fige. Je crois qu'il m'a plus engueulé depuis que Tyrone est mort – ça me prend tellement de court que je sais pas quoi faire.

– C'toujours pareil avec toi ! Pas ma faute, j'y suis pour rien, c'à cause de ci, d'ça, j'étais pas là, c'pas moi c'est lui, j'te jure, faut m'croire, sur la tête d'machin et d'truc, blablabla, t'arrêtes jamais ! Jamais ! De grands gestes accompagnent ses mots hachés par l'alcool, menaçant son équilibre déjà précaire. À chaque mouvement de bras il semble balayé par une houle invisible, à deux doigts de se noyer. Et moi, je bouge toujours pas. – Mais moi Dom, moi tu m'embobineras pas, moi j'te connais. Il continue d'agiter son index vers moi, s'agrippant au meuble de sa main libre pour rester droit. Et je sais qu'il ne va pas s'arrêter là ; l'alcool a tendance à lui faire dire des choses que je préfère oublier. Alors je prends les devants pour mettre fin à ses reproches. – C'est bon calme-toi, j'te dis que j'ai rien fait, ok ? C'est Coco. Il essaie de me couper, mais je ne lui en laisse pas le temps, continuant sur ma lancée en parlant plus fort, pour couvrir toute protestation. – Elle est venue et elle a pété les plombs, elle a tout foutu par terre et elle a même planté Zaza, j'ai galéré à la dégager. Donc écoute-moi avant d't'énerver pour rien là ! Il pourra pas dire que je mens. Il sait que Coco est cinglée, qu'elle m'a déjà planté moi et qu'elle est une véritable plaie. De toute façon, les traces de griffures qu'elle m'a laissé montrent bien que je dis vrai, et s'il choisit d'être de mauvaise foi, j'ai toujours Zaza pour donner des preuves supplémentaires.

Il me fixe. Le silence s'étire quelques secondes, jusqu'à ce que je me sente obligé de le briser. – J'suis désolé. Je baisse le ton puis les yeux, parce que je sais que mes mots sont inutiles. Coco pourrait bien s'excuser pendant des heures que je ne lui pardonnerais pas ce qu'elle a fait. Et j'suis bien moins radical que mon père. – Ok. Ses yeux sont retournés se visser aux reliques fracassées. Les miens le scannent, incertains. Je sais qu'il est triste mais il est surtout furieux, et son air faussement calme me glace le sang. Je sais comment ça finit, quand il est comme ça – surtout avec les veines saturées d'alcool. J'attends la chute.

Ses doigts glissent une nouvelle fois sur les photos, alors qu'il souffle un rire par les narines. – Désolé. Il le murmure en grimaçant, comme si le mot était douloureux à prononcer. Comme si je l'avais insulté. – 'reusement qu't'es désolé hein. Ça va tout réparer. Sans prévenir, il me balance l'une des petites figurines cassées, mais il vise mal et elle se contente de me frôler. – Ça. J'ouvre la bouche, mais il m'en envoie une autre. – Et pis ça. Et il se met à tout me jeter dessus, toutes les affaires déjà brisées, en morceaux. Certaines atteignent leur cible, d'autres rebondissent sur Splinter qui glapit et part se planquer derrière le canapé. – Aïe mais p'tain, qu'est-c'tu fous ?! Il m'écoute pas. Les objets pleuvent sur moi et s'éclatent au sol une nouvelle fois, formant un tas de débris, tas de cendres, un tas de bouts de Tyrone sur le plancher. – Arrête ! J'en reçois un en pleine tête et je grogne, mes mains venant se poser sur mon front douloureux alors que la tempête se termine dans un dernier jet. Le silence retombe, seulement troublé par sa respiration saccadée. Je le regarde, l'air affligé. Il a les yeux brillants de larmes, de rage, de désespoir, d'un peu tout à la fois. Une part de moi voudrait le prendre dans mes bras, mais j'ose même pas m'approcher.

La dernière fois qu'il m'a rendu mon étreinte, c'était à l'enterrement.
Depuis, c'est toujours à sens unique.

– T'crois qu'j'ai pas assez d'problèmes, tu continues d'me ramener les tiens en plus ?
– C'est p-
– Tes ex tarées, tes putes, tes copains débiles, ton « business » à la con, ton clebs, ta gamine dont t'es même pas capable d't'occuper. T'ramènes tout ici comme si c'était ta poubelle, j'en ai ras l'cul.
– Arrête putain ! Et quand j'viens pour t'aider hein ? C'est qui qu'on appelle quand tu peux pas rentrer du bar ou que les flics t'ramassent dans la rue ? Qui fait tes courses ou éteint l'gaz parce que t'es trop bourré pour capter qu'tu l'as laissé allumé ?
– J'capte très bien.

Ça me coupe le souffle. Je le soupçonne toujours de vouloir en finir, de faire exprès de laisser la porte ouverte et de conduire bourré. Je sais qu'il a essayé une fois – j'ai vu la trace sur son cou, il sait que je sais, on n'en a jamais parlé. Les tendances suicidaires sont là et je le sais, parfois envahissantes, parfois presque oubliées. Je me rassure toujours en me disant que s'il voulait vraiment mourir, il aurait réussi depuis longtemps déjà. C'est la première fois qu'il l'évoque aussi clairement. – P'pa... Il balaie l'air d'un mouvement de main pour me faire signe de me taire. – J't'ai rien d'mandé. Je sais. Mais j'peux pas le laisser seul – c'est en grande partie pour ça que j'ai pas voulu partir avec ma mère. Parfois, je me dis que s'il a toujours pas croisé la faucheuse, c'est peut-être parce que je le retiens là, au moins un peu. – J'veux juste qu'on m'foute la paix, pourquoi t'veux pas comprendre ? J'aimerais bien. Tout serait sûrement plus simple, mais j'y arrive pas. – T'crois qu'tu m'aides ? Tu t'prends pour un grand seigneur ? Mais bordel r'garde c'que tu fais. Il désigne vaguement tous les morceaux éparpillés au sol, puis lui-même. Comme si tout était de ma faute. À croire que je pèse tellement lourd sur lui que c'est pour ça qu'il s'enfonce encore et encore. – Toujours à foutre la merde, t'sais pas faire autre chose.

Le regard qu'il me lance me crève le cœur. Ses mots me crèvent tout court. – Ty était un bon gosse lui au moins. L'aurait pas dû mourir. Pas lui. Il me contourne alors que je reste planté là, à fixer le vide, les bras ballants. Je l'entends rejoindre la cuisine, fouiller dans les placards, continuer à boire. J'arrive plus à bouger.

C'est en réalisant que je suis en train de pleurer que je sors finalement de ma torpeur. J'essuie rageusement les larmes qui ont coulé, me frottant le nez du revers de la main en reniflant. Rapidement, je fais volte-face pour récupérer le joint qui trône toujours sur la table, puis je siffle pour que Splinter arrête de se planquer et me suive. La porte d'entrée claque bruyamment derrière nous. Je tire une première taffe en sortant mon portable, envoyant un message à la quasi-totalité de mon répertoire pour trouver une soirée où aller. Les réponses ne tardent pas à pleuvoir. J'opte pour la plus proche d'ici, bien décidé à trouver un moyen de combler le vide qui s'étale en moi – que ça soit grâce à l'alcool, à la beuh ou aux filles. J'en ai rien à foutre. Je vais prendre tout ce que je trouve, me goinfrer de l'attention d'inconnus, sourire à m'en décrocher la mâchoire, et m'assurer que tout le monde m'aime à cette foutue soirée. Faire ce que je fais de mieux : prétendre qu'il ne s'est rien passé.
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Dom Riggs
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MessageSujet: Re: infanticide.   infanticide. EmptyVen 29 Mai - 14:56

Ça fait quelques jours que ça traîne. J'ai pas envie d'y retourner, pas même si c'est pour quelques minutes à peine – de toute façon, c'est comme si foutre ne serait-ce qu'un seul pied dans cette maison revenait à se faire foudroyer sur place. Les éclairs sont chargés de fantômes, de ressentiments et de non-dits, d'un tas de choses qui planent et s'accumulent et stagnent, jusqu'à vous en rendre malade. Parfois ça pèse si lourd que j'ai l'impression de me ratatiner au fil du temps passé là-bas.

Mais il me manque un tas d'affaires, et j'ai toujours pas prévenu mon père que je créchais ailleurs maintenant. J'suis même pas sûr qu'il ait remarqué mon absence – pas d'appel ni de message, c'est que ça ne doit pas le contrarier plus que ça. Pas surprenant, mais quand même décevant.

J'ai attendu que Deandre soit sous la douche pour lui gueuler que je lui empruntais sa voiture. Aucune idée de s'il a dit oui ou non : je me suis tiré fissa, de peur qu'il ne sorte précipitamment de la salle de bains pour me dire que c'était hors de question.

Et une fois sur place, j'ai envie de faire demi-tour. Je sais que l'air risque d'être toujours aussi irrespirable, comme si la dispute avec Zaza et Deandre s'était tout juste terminée, comme si la tension était encore à son apogée. C'est ce que font les murs de cette maison. Ils absorbent et retiennent tout puis ça dégorge, ça dégouline et ça suinte, comme une plaie infectée.

J'ai l'impression de me mettre en apnée à l'instant même où j'entre, et c'est une course contre la montre qui débute. Je fonce jusqu'à l'étage en gueulant un salut p'pa lorsque je l'aperçois dans le canapé, mais je ne m'arrête pas. J'suis pressé. J'avais raison : être ici me comprime la poitrine et fait remonter toutes les choses que je n'ai pas encore évacuées, encore moins digérées. Je ne veux pas rester une seconde de plus que nécessaire ici, alors je m'agite, j'attrape un grand sac de sport et j'entreprends de le remplir à toute vitesse. J'entends les escaliers craquer mais je ne m'en soucie pas vraiment, trop occupé à virevolter dans la pièce, prenant et reposant des choses, ayant du mal à me décider sur ce que je veux vraiment emporter. Je mets dans le sac, j'enlève, je remets, j'enlève à nouveau, je souffle, j'hésite, je remets finalement. Je dois être efficace : le but est de ne pas revenir ici à moins d'y être forcé. Pour l'herbe ou passer voir si mon père est toujours vivant, pas plus.

Il m'a rejoint. Je le vois qui entre dans la chambre et je fronce un peu les sourcils, parce que c'est plutôt rare. Je me doute qu'il y vient quand il veut se sentir proche de Ty – c'est ce qu'il a toujours fait depuis qu'il est mort – mais quand je suis là, il a plutôt tendance à rester en bas. Alors je tique, mais je ne dis rien, et je continue mon remplissage. – J'me fais héberger par un pote, du coup j'suis venu récupérer des trucs. Il ne me répond pas. Ça arrive souvent, j'ai appris à ne plus m'en formaliser. Mais quand je croise son regard, je sens que quelque chose cloche. Et c'est étrange parce qu'il n'a pas l'air bourré – alcoolisé c'est certain, mais encore lucide. C'est d'autant plus étrange de le voir rester planté là, du coup.

Progressivement, je ralentis, parce que son regard a quelque chose d'accablant. Accusateur. Je finis par m'arrêter complètement, le jaugeant avant d'ouvrir la bouche, presque hésitant. – Ça va ? Il croise les bras contre son torse, continuant de me toiser pendant plusieurs longues secondes, avant d'enfin briser le silence. – Qu'est-ce que t'as encore fait ? Mes sourcils se haussent. Il a l'air de m'en vouloir pour quelque chose mais je ne comprends pas, parce qu'à priori je n'ai rien fait qui puisse lui porter préjudice. À moins qu'il ait vu les taches sur le mur et les bris de verre dans la poubelle, l'autre jour. – C'est à cause des bouteilles qui manquent ? Si ce n'est que ça, je peux lui en racheter. Mais vu la gueule qu'il tire, c'est autre chose. – J'ai trouvé un mot de Zaza. J'me fige. Je n'ai vraiment, vraiment pas envie de penser à elle. À tout ce qui s'est passé. Et j'ai encore moins envie d'en parler. – Pourquoi elle est partie ? Je me renfrogne, reprenant ma besogne dans des gestes plus secs, saccadés. La colère est déjà là, parce que je n'ai toujours pas trouvé comment m'en débarrasser, elle stagne et me dérange, m'empoisonne à l'intérieur. – Elle avait envie d'rentrer chez elle. Et comme pour lui montrer que le sujet est clos, je le fixe une seconde avant de lui tourner le dos, continuant de tergiverser sur ce que je dois emporter ou non. Mais lui ne compte pas en rester là.

– C'est d'ta faute ?
– J't'ai dit qu'elle voulait rentrer.
– Me prends pas pour un idiot. Qu'est-ce que tu lui as fait ?

Évidemment, c'est moi qu'il blâme. C'est toujours moi – et peu importe combien j'essaie de me défendre, il ne m'écoute jamais. Mais cette fois, ça ne passe pas. Il n'a pas le droit de m'accuser, pas sur ça, pas alors que la rancœur est encore aussi brûlante, douloureuse. – Et pourquoi tu demandes pas c'qu'elle a fait elle, hein ? J'y suis pour rien putain. Je continue de m'agiter, mais je ne sais plus ce que j'ai déjà mis dans le sac ou pas, ce que je veux prendre, ce dont j'ai besoin, ce qui est à moi ou Tyrone. J'suis déboussolé par la colère qui commence déjà à s'emparer de moi, prenant tellement de place qu'elle m'empêche de réfléchir.

Mon père approche. Je fais un pas en arrière. – Arrête, je te connais. Et voilà. C'est moi le grand méchant de l'histoire, à ses yeux. Il ne sait rien de mon passif avec Zaza, de ce qu'elle a fait, ou pas fait, plutôt. Ce n'est pas le genre de choses dont je peux lui parler. – Elle était bien, là. Ça s'passait bien. Il m'énerve tellement que je le coupe, haussant le ton. – Mais on s'en fout ! Tu savais que j'l'hébergeais juste quelques temps, pourquoi tu me saoules là ? Elle est juste repartie, fin d'l'histoire. OK ? Son visage se froisse, comme il le faisait à une autre époque, lorsque je répondais aux remontrances ou qu'il fallait me corriger. C'est la même tête qu'il tirait quand j'avais dix ans, et ça fait si longtemps que je ne l'ai pas vue, cette tête, que ça me cloue sur place. Je m'attends presque à une tape derrière le crâne et une punition immédiate.

– Si c'était que ça, elle m'aurait dit au revoir en personne. C'est une fille bien. Et moi, je suis pas un mec bien, je le vois dans ses yeux. Je bouillonne. – Pourquoi t'essaies pas de la récupérer au lieu d'encore faire n'importe quoi ? Cette fois, c'est trop. J'me mets à rire nerveusement, parce que j'ai du mal à croire ce que j'entends. Lui ne comprend pas – il ne peut pas comprendre, puisqu'il ne sait rien. Je me pince l'arête du nez en soufflant un coup, comme pour m'empêcher de péter les plombs. Ce n'est ni le moment, ni l'endroit. Je sens Tyrone qui plane quelque part au-dessus de nous. – Tu sais pas d'quoi tu parles. Il ne sait rien du tout, et il part quand même du principe que je suis le grand coupable de cette affaire, seul et unique fautif parce que Zaza n'est que la blanche colombe qui subit les affres des autres. S'il savait, putain.

– Oh si. J't'ai vu faire avec les autres. Il n'a rien vu du tout. À part Netty parce qu'elle était là avant que tout explose dans cette baraque, et Zaza parce que les Molina nous ont adoptés au passage. Toutes les autres, il ne sait presque rien, ne s'y est jamais intéressé.

– T'as tout gâché une première fois, et tu recommences. Pourquoi tu peux pas faire les choses correctement ? C'était bien, elle m'aidait, elle était là, elle faisait des trucs pour moi.
– Ben prends une femme de ménage et on en parle plus.
– Joue pas au con, Dom ! On discutait et elle me changeait les idées, tu comprends ça ?! Que ça m'faisait du bien d'avoir un peu de compagnie ?!

Mes épaules sont secouées par un nouveau rire nerveux. C'est une putain de blague.

– On avait un truc bien. On avait les Molina. Je sais bien, au fond, que c'est surtout là que réside le problème. Quand j'étais avec Zaza, lui et moi, on a commencé à faire partie de sa famille. On passait les fêtes ensemble et ils l'invitaient à manger, ils prenaient soin de lui, ils m'ont même donné l'impression de retrouver mon père, un peu, parfois. J'l'ai vu sourire, là-bas. Déconner avec eux, avoir de vraies discussions, se raser la barbe comme s'il voulait s'assurer de présenter bien. C'était comme si on avait une famille à nouveau, puis on a tout perdu brutalement après mon incarcération. Je ne suis pas le seul qui ait été abandonné – lui aussi. Et je crois qu'il m'en a toujours tenu rigueur, parce qu'il plaçait beaucoup trop d'espoir dans tout ça, dans ce foyer qui n'était pas le notre. S'il avait fallu m'abandonner pour rester avec eux, je crois même qu'il l'aurait fait. – On aurait pu les retrouver si t'avais fait les choses bien ! Bientôt il va me dire qu'il aurait fallu que je me remette avec Zaza, tout ça pour qu'il puisse retourner bouffer des putains de tamales avec sa nouvelle famille. Il n'en a rien à foutre de moi, dans tout ça.

J'explose.

– MAIS T'AS QU'À RETOURNER LES VOIR AU LIEU D'ME FAIRE CHIER, VAS-Y, VA, ET PUIS T'AS QU'À ADOPTER ZAZA TANT QUE T'Y ES, PUISQU'ELLE EST SI BIEN QUE ÇA ! À l'entendre, on dirait qu'il aurait préféré m'échanger contre elle. Que je me tire et qu'elle reste à tout prix, pour s'occuper de lui, pour qu'ils puissent continuer de faire leurs putains de parties de cartes pendant que j'fais semblant d'être occupé sur mon portable. Quand j'ai voulu jouer avec eux, une fois, il est parti se coucher. – J'te donne son numéro, vas-y, demande-lui de revenir pour toi ! On verra combien d'temps elle tient à nettoyer ton vomi et te laisser l'insulter quand t'es bourré ! Je n'ai jamais hurlé sur lui comme ça avant aujourd'hui. Je suis complètement hors de moi, excédé par ses reproches injustes, par l'ombre de Zaza qui s'ajoute maintenant à celle de Tyrone. J'avance, agressif, furieux. – Moi je reste parce que j'ai pas l'choix mais elle ?! Elle va s'barrer et elle te l'dira même pas putain ! Elle est pas restée pour MOI, elle restera pas pour TOI ! Il ne dit plus rien. Il reste là, à me regarder comme si mes cris l'avaient sonné, figé sur place. – T'arrêtes pas de m'accuser mais tu sais RIEN ! QUE DALLE ! TU M'EN METS PLEIN LA GUEULE POUR RIEN, VA T'FAIRE FOUTRE ! Mes derniers mots le font finalement sortir de sa torpeur. Il me gifle, suffisamment fort pour que ma tête bascule brutalement et que je fasse un pas de côté. La douleur se diffuse jusqu'au creux de ma poitrine – c'est là qu'elle fait le plus mal.

Je porte une main à ma joue meurtrie alors qu'il avance vers moi, levant un doigt autoritaire. – Ne m'parle plus jamais comme ça. Ses yeux sont noirs mais je les affronte, toujours aussi énervé. Il l'est au moins autant que moi – mais sa colère est froide, sournoise. Effrayante. – Arrête de te placer en victime. J't'ai rien demandé. Rien. Jamais. C'est toi qui as choisi de rester. Je l'ai fait y a plus de dix ans, quand ma mère m'a demandé de partir avec elle. Je préfère ne jamais y penser ; j'ai peur de regretter. – Mais si c'est pour faire plus de mal que de bien, à quoi bon ? Et c'est là qu'est tout le cœur du problème. Je m'acharne depuis des années, j'essaie de retrouver un semblant de relation avec lui, mais il n'en veut pas. Et l'avoir vu faire avec Zaza, ça m'a fait l'effet d'un coup de poignard dans le dos. La lame est restée là, logée trop près de la colonne vertébrale, à deux doigts de me paralyser. Je l'ai vu lui parler et même lui sourire parfois, la laisser le couvrir sans se plaindre quand il préférait dormir sur le canapé. Il passe son temps à me repousser, m'ignorer, ne m'offrant qu'une horrible indifférence, pendant qu'elle a récolté le peu de bon qu'il a encore à donner. – Le problème c'est pas Zaza, ni ce qu'il s'est passé avec elle, ou les Molina. C'est toi. Et moi. Ma gorge est si nouée que j'ai l'impression de suffoquer. – J'peux pas. J'peux plus avec toi, Dom. Son calme me glace le sang. Il n'y a qu'une profonde lassitude dans ses mots, une fatigue que je m'efforce toujours de ne pas voir, des relents d'une colère qui a toujours semblé dirigée contre moi, sans que je ne comprenne jamais pourquoi. Ça me laisse un arrière-goût âcre et une brûlure dans la gorge.

J'ai l'impression d'avoir avalé le fond d'un cendrier.

– Tu brasses du vent et tu m'bouffes mon énergie, mon temps, ma maison. Y a plus la place pour toi. Tu m'épuises.

Je sens quelque chose exploser au fond de moi – et la déflagration dévaste tout sur son passage. De mon cœur à ma tête.

Ce qui est vraiment épuisant, c'est de le voir faire comme si Tyrone était encore là. Il a raison quand il dit qu'il n'y a plus la place, ni pour moi ni pour personne, parce que son fantôme est partout. Parfois, j'ai presque l'impression de le voir s'enrouler autour de mon père, comme une masse invisible qui le ronge lentement, pour le faire disparaître petit à petit. Je crois qu'il est mort en même temps que lui, ce soir-là. – Ben je vais te rendre service, j'me casse et j'reviens pas, t'as gagné, j'suis plus là. Je reconnais à peine ma voix. Éraillée par mes hurlements, tremblante à cause de l'envie de chialer que je réprime. La colère gronde toujours, mais elle a quelque chose de désespéré. Je me sens comme un môme qui hurle pour qu'on le regarde, mais les yeux de mon père restent affreusement vides.

– J'te parle putain ! Il reste impassible. – Dis quelque chose ! Pas un mot, rien du tout. – On dirait que t'en as rien à foutre ! Aucune foutue réaction.

Ses prunelles sont fixées sur moi mais c'est comme s'il ne me voyait déjà plus. – REGARDE-MOI ! Il soupire, manifestement excédé par mon agitation et mes cris qui reprennent. Je ne tirerai rien de plus de lui.

De toute façon, il en a déjà trop dit.
Plus que ce que je suis en mesure d'encaisser.

J'suis triste. En colère. À mi-chemin entre l'envie de pleurer et de tout casser. J'ai envie de lui hurler un tas de choses mais je sais que ça ne servirait à rien, il n'est déjà plus là, il s'est retranché au fond de lui-même et plus rien ne l'atteindra. C'est comme l'autre jour, après que Zaza soit partie : je me retrouve comme un con, avec un trop-plein de tout et plus personne sur qui le décharger.

Rageusement, j'attrape mon sac que je n'ai même pas fini de remplir et je quitte la pièce, dévalant les escaliers bruyamment. Et une fois arrivé dans la voiture de Deandre, je me mets à cogner sur le volant comme un dingue, jusqu'à m'en faire mal aux mains. Puis je me laisse retomber contre le siège, la tête basculée en arrière, avec une sale envie de hurler ma rage et ma peine au monde entier. Mais j'ai l'impression que personne ne m'écoutera à moins que je les y force.
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