how much did it cost us (malia)

Tu verras Dahlia, c’est le bon plan, avec ça tu vas nous aider. Les paroles qui résonnent encore. Encore. Les paroles qui résonnent et qui s’insinuent entre ses os, dans sa peau. Putain. Elle profite de l’absence des garçons pour s’étaler sur le lit d’Hercule, fermer les yeux, essayer de reposer un instant son esprit, son corps, son âme.
Ca la brûle affreusement, le manque, que maintenant qu’elle s’en rend compte, le vide laissé par Heather après tout ça, après l’engueulade et le départ. Elle sent encore ses mains sur sa peau, son sourire dans le creux du cou, sa façon qu’elle avait de se glisser contre elle le matin pour la tirer hors de ses rêves. Y a plus personne aujourd’hui, du vide, du vent, son choix à elle, et parfois elle se demande ce que ça aurait donné si elle lui avait pardonné et qu’elle était resté là-bas, sur la plage, en Floride.
Toc toc
Elle se redresse, chasse les mèches rebelles pour se diriger vers l’entrée. L’appartement est dans un bordel monstrueux, la flemme de repasser derrière eux, les cadavres de kebab, de joints et de bières qui se côtoient sur le sol ou sur la table basse, y a l’envie de shooter dedans et de tout envoyer bouler, de se casser. Pour de bon. Ailleurs. Encore. Fuir, toujours. Elle connait ça maintenant, lâche qu’elle est, incapable d’affronter la réalité. la boutique et les rubans jaunes autour, les sirènes de polices. Elle y était passé avec son vélo, n’avait pas prit le temps de s’arrêter pour observer, l’impression soudain que le monde avait cessé de tourner.
Jour de paie. Malcolm à l’entrée, elle s’écarte machinalement pour le laisser rentrer, rabat sa capuche sur la tête comme si ça pouvait changer quelque chose, cacher son visage des yeux de Malcolm, cacher son visage à lui aussi, ne plus le voir, ne plus voir ses yeux, ses boucles, sa peau. Les lèvres scellées comme trop souvent, y a sa gorge qui se sert un peu plus, elle referme la porte, le suit. le pourboire de Cesar. L’argent qui tombe sur la table basse au milieu des cendres et des tâches de graisses. Elle observe le vert du billet, voit déjà Cesar l’empocher pour le dépenser dans la soirée, en tout et n’importe quoi, oublier qu’il doit de l’argent aux King ou à des conneries comme ça. Elle serre les dents, les poings, imperceptiblement. Et ta part. La liasse de billet qu’il lui tend, plus grosse, elle tend la main pour s’en saisir, s’arrête à mis chemin avant de laisser son bras tomber, l’impression qu’elle pourrait étouffer là maintenant et ça ne changerait rien. Des centaines de dollars et pour quoi ?. Les sirènes. La police. Le scotch jaune. La vitrine du magasin de monsieur Henry. Son sourire. Son rire. Quand elle lui apportait chaque midi son putain de curry indien ou ses frites. Bang bang. La violence de Detroit qui frappe encore une fois, en plein dans la gueule, tout ce qu’elle ignoré pendant ces vingt ans sous le soleil, la Floride protégée, banlieue blanche et heureuse. Triste putain de réalité.
Les yeux rivés sur les mains de Malcolm, sur ses doigts, comme si elle y cherchait une trace de rouge, une trace de carmin, preuve irréfutable. Mais y a rien. Prend l’argent idiote que ça hurle dans son crâne, elle peut pas se permettre de cracher sur autant, si ça peut lui éviter de finir flingué dans une ruelle pour régler les dettes de celui qui partage son sang. Alors elle finit par tendre la main attraper les billets, les fourres dans la poche kangourou de son sweat avant de signer rapidement par habitude merci, il sait qu’elle ne parle pas Malcolm, il sait aussi depuis le temps que ce signe veut dire, à force.
Silence.
Elle le regarde enfin dans les yeux, ose relever la tête, cherche une réponse à ses questions non-formulées. 500 balles et quoi ? le sourire qui se tord, la culpabilité qui crame le ventre, qui crame le corps. pardon qu’elle articule du bout des lèvres, tout bas, avec sa voix déchirée. Parce qu’elle sait pas comment. Parce qu’elle sait pas quoi d’autre. Parce qu’elle sait pas putain. 500 balles pour tout ça.

Elle voudrait qu’il parte. Ou partir elle-même. Elle voudrait brûler ces putains de billets, cette ville avec. Elle voudrait, elle voudrait, elle voudrait. Tellement de chose. Revenir en arrière, revenir tout au début, à quand elle avait 5 ou 6 ans, quand tout était bien trop facile, quand sa grand-mère était encore vivante, quand son grand père la faisait danser en rigolant. Elle voudrait. Voudrait lui hurler tellement de chose, lui déballer tout ce qui pèse sur son cœur, comme une foutue pierre. Si lourde. C’est tout c’que tu trouves à dire ? Ca s’étale sur son visage, le sourire triste, celui qui fait mal. parle Dahlia, bordel, parle ! et les silences qui s’enchainent. ? Elle a apprit à manger ses mots, à manger ses cris, à manger la vérité pour ne pas se faire rappeler chaque jour à quel point elle est niquée. mais putain tu vas parler ? ah si seulement elle pouvait. Si seulement elle pouvait Malcolm, tout ce qu’elle te dirait. Mais y a rien qui sort, juste du vent, tous ses efforts elle les a mis dans ses excuses brouillonnes, mais il la connait pas assez pour savoir ce que ça veut dire. Juste pardon.
Pardon pour quoi déjà ? Pardon pour nous avoir dit d’la merde, pour pas avoir fait ton job et pour quand même récupérer ton pourcentage ? Il brûle. De colère. Ca se voit. Ca se sent. Par tous les pores de sa peau. C’est mélanger à la détresse. Ca le rend dangereux, ça le rend désespéré. Les mots coupants, la flamme dans les yeux, les doigts sur l’argent rangé dans sa poche qui se crispent alors qu’elle recule un peu. Elle n’a jamais été douée face à l’agressivité, préférant la fuite à la confrontation, mais aujourd’hui y a que dalle comme option. Explique un peu, hein Dahlia. Expliquer quoi bon sang, expliquer quoi ? Le cœur au bord des lèvres, la frénésie contagieuse, alors qu’elle serre les poings un peu, au creux de sa poche. Explique, putain ! La voilà la violence, celle qui sommeille au creux de tous, alors qu’il la bouscule du plat de la main, la voila qui trébuche, se retrouve contre le mur.
Elle pourrait Dahlia, se dégager, s’envoler, si facilement. Il est trop sous les émotions, il verra rien, suffit qu’elle se glisse en souplesse, qu’elle lui file entre les doigts, qu’elle le laisse là avec ses questions à la con, avec ses émotions. Elle pourrait oui, si facile, terriblement facile. Pourtant y a tout son corps qui refuse de bouger. Bloquée, ancrée dans le sol, les yeux rivés dans ceux de Malcolm, alors qu’elle voit son visage se décomposer au fur et à mesure. EXPLIQUE-MOI EN FACE POURQUOI TU M’AS FORCÉ À L’TUER. forcé. A le tuer. Ca résonne. bang. les doigts sur la détente. Il tire. Elle aussi. Par procuration. EXPLIQUE POURQUOI T’AS DIT QU’IL SERAIT PAS LÀ, ALORS QUE T’EN SAVAIS RIEN DU TOUT. La bouche ouverte, elle cherche les mots, y a les larmes dans ses yeux à lui, les larmes dans ses yeux à elle, le sanglot silencieux, alors qu’elle retire les mains de sa poche avant, alors qu’elle essaye de signer par réflex, avant de comprendre que ça sert à rien. Y a les lèvres qui bougent, y a le silence qui sort, y a les larmes qui coulent encore, encore. Y a le poing qui s’abat, contre sa poitrine à lui, un coup, deux coups, trois coup alors qu’elle éclate. Frustrée, diminuée, alors qu’elle n’arrive pas à communiquer. Y a Heather qui lui revient à l’esprit, Heather et ses morceaux de verre, Heather et son amour couteau. Y a ce bruit qu’est pas vraiment humain, plus animal, dans le fond de sa gorge alors qu’elle se laisse tomber, alors qu’elle tremble, alors qu’elle voudrait s’agenouiller, l’implorer. Pardon. C’est si con à dire ? Pourtant elle est là, brisée, moins que lui surement, mais la culpabilité qui gonfle, alors qu’elle sort les putains de billets de sa poche qu’elle les jette au sol, parce qu’elle a l’impression qu’elle pourrait juste cramer si elle les gardait. Y a les doigts sur le téléphone, tremblants, alors qu’elle refuse de le regarder, qu’elle refuse de se relever, qu’elle pleure toujours un peu trop fort, elle tape comme elle peut, surement pleins de fautes, surement pleins de rien.

Citation :

il devait pas être là. Il devait pas. Je te promet. Il devait pas être là, il m’avait dit qu’il était invité chez sa fille ce soir. Il m’en a parlé, t’aurais vu sa tête, son sourire. Il devait pas

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Ding ding ding. Le bruit des notifications, les messages envoyés à la pelle, un mot par ligne, alors qu’elle étouffe un peu plus, ça suffit pas, elle y arrive pas.

Citation :

Je t’ai pas forcé Malcolm. Je t’ai pas forcé. Ca devait pas arriver. Il me l’a dit. Il me l’a dit je te promet

Elle recherche de l’air, asphyxie, alors qu’elle laisse son téléphone tomber par terre, dos contre le mur, y a la lâcheté qui prend le dessus alors qu’elle cache son visage entre les genoux pour ne pas avoir à le regarder. Il pourrait la frapper, l’insulter, surement qu’elle le laisserait faire. Sans résister.