Integrity, faith and crocodile tears_Dom

Integrity, faith and crocodile tears_
@Dom Riggs

Elle est triste à voir Détroit, sale de partout, agonisante des vies qui se meurent dans ses rues. Lacey, il la déteste cette ville, pourtant il y reste, parce qu'il sait pas ce qu'il irait faire de plus ailleurs de toute façon. Il s'accroche, il sait pas à quoi non plus, mais il le fait. Peut-être qu'il préfère ça comme ça au fond, parce que ça le rend invisible. Y'a tellement de casses et de problèmes dans la cité, que les junkies sont rien, ils sont pas vraiment important, ils causent pas vraiment de problèmes, sauf à eux-mêmes. La police elle s'en fiche, elle a pire à attraper, mêmes les pires ils s'en fichent, parce qu'ils sont pas rentables, tout le monde le sait, les junkies, ils ont jamais d'argent. Alors ils sont comme des arbres au milieu d'une forêt, ils sont une présence logique, inévitable, tellement qu'on les calcule plus, y'a plus personne qui fait vraiment attention à eux, ils sont juste là, comme les panneaux d'arrêt et les lampadaires au coin des rues. Y'a les junkies et y'a les sans abris, les vrais comme on dirait, ceux qui ont la décence de quêter l'argent plutôt que de la voler. Vieil homme aveugle, posé sur le trottoir, affiche posée contre ses genoux, où est lisible son appel à la générosité. Vieil homme que Lacey observe depuis déjà un moment. Il trouve ça triste le rouquin, il trouve ça dommage, mais en même temps, il est vieux...il lui reste combien de temps? Lui, il est jeune, il a encore tellement d'année à gaspiller, il a encore tellement à perdre. Alors, il finit par se décoller du mur où il est appuyé. Il avance, le pas silencieux et glisse une main dans le chapeau du vieillard, y récolte le billet de cinq dollars qui s'y trouve et poursuit son chemin. Quelques secondes sans respirer, quelques secondes pour laisser sa conscience encaisser, pour laisser ses remords se disséquer. C'est mal, il le sait, mais c'est pas sa faute. Il est aveugle, c'est pas sa faute à lui. C'est pas lui qui a inventé la loi, c'est pas lui qui a décidé que les plus forts devaient manger les plus faibles.

Il s'en veut Lacey, mais il oublie, il a toute une vie pour se torturer avec ça, il n'a pas besoin de le faire tout de suite. Non, tout de suite, c'est le foodtruck quelques rues plus loin qui l'intéresse. C'est Dom qui l'intéresse, Dom qui lui en veut, Dom qui veut plus l'écouter, ni lui parler. Bon d'accord, il lui a volé son fric et son weed, mais n'importe qui l'aurait fait non? Il en avait besoin, qu'est-ce qu'il était supposé faire? Demander la permission? Bien sûr qu'il aurait dit non. C'était bas d'accord, le mec avait jamais rien fait d'autre que de l'aider. C'est un gentil Dom, un plus gentil que lui en tout cas. Et les gentils, il a la mauvaise habitude de s'en faire des ennemis. Sauf qu'il sait aussi que justement, les gentils, ils pardonnent. Ils peuvent le faire et il est déterminé à l'obtenir de Riggs, ce pardon. Il attend donc que ses clients quittent la ligne, qu'ils s'éloignent pour s'avancer à son tour, rejoignant le commerce ambulant avec la légèreté d'un enfant qui n'a jamais rien eu à se reprocher. Il s'arrête devant la tablette de service et attend que Dom le capte. « J'ai ton argent. » Il pose le billet de cinq dollars devant lui. « Une partie...» Après, on dira qu'il ne fait aucun effort. Il reste là, le regard vers l'intérieur du camion, vers Dom dont il attend une réaction, n'importe laquelle serait déjà un bon début. « Come on Dom.» Prunelles teintées d'innocence, regard presque suppliant du manipulateur, de l'acteur. Et pourtant il s'en veut quand même un peu au fond, c'est pas complètement faux, il peut juste pas se permettre de l'exprimer honnêtement, parce que sinon, ça n'aura jamais de fin, il a trompé beaucoup trop de gens.

– La vie d'ma mère c'est vrai.
– C'bon tu m'as saoulé avec tes mythos, file le burger et j'bouge.

J'le vois qui lève les yeux au ciel, alors que je hausse les épaules d'un air désinvolte. J'ai l'habitude des gens qui croient plus ce que je raconte – et à raison. Ça m'empêche pas de continuer à raconter un peu n'importe quoi, à m'attribuer les anecdotes des autres ou à exagérer les miennes pour les rendre plus intéressantes. Il soupire quand je lui donne finalement sa commande, et il a pas besoin de parler pour que je sache ce que ça veut dire. Si ma bouffe était pas si bonne, ça ferait longtemps qu'il aurait arrêté de venir. C'est comme ça avec beaucoup de clients. J'les saoule, ils en ont marre de m'écouter parler et d'être aux premières loges quand mes galères s'amènent jusqu'à mon foodtruck. Mais ils aiment trop mes frites et ma weed pour me quitter. On se croirait dans un couple en crise : j'suis comme ces filles qui exaspèrent, mais qui apportent trop d'avantages pour qu'on ait envie de les laisser filer.

J'les tiens tous par l'appel du bide et de la beuh.

Alors je souris quand il s'éloigne parce que je sais qu'il reviendra, comme tout le reste de ma clientèle. Accoudé sur le rebord qui ouvre ma camionnette vers l'extérieur, je souris toujours quand une silhouette s'arrête devant moi. Jusqu'à ce que je pose les yeux dessus. C'est Lacey qui me regarde avec sa gueule de déterré. Je me redresse aussi sec, mine renfrognée, nez froncé. Pas lui, putain. – C'est fermé. Pas besoin d'être une lumière pour comprendre que je mens. Mais pour Lacey c'est fermé, maintenant et tout l'reste de la vie. – J'ai ton argent. Ça m'arrache un rire. J'y crois pas une seule seconde, et quand je vois le billet qu'il pose sur le comptoir, il est clair que j'ai raison. – Une partie... Cinq dollars. Cinq foutus dollars. Il croit que j'vais faire quoi avec ça ? Y a même pas assez pour acheter un paquet de clopes. – Come on Dom. S'il espère gagner mon pardon avec son billet tout froissé, il peut se brosser. – Ah tiens, quelqu'un a oublié sa monnaie. D'un geste brusque, j'attrape l'argent, prenant soin d'ignorer ce petit con de camé. J'ouvre la caisse avec un peu trop de hargne, ça fait claquer le tiroir et tinter les pièces. – Ça serait cool si ça pouvait rembourser tout ce qu'un connard, j'appuie le mot pour qu'il comprenne bien qui je vise, m'a volé, mais bon. Il doit manquer au moins deux cent dollars. Je referme la caisse dans le même fracas, attrapant le torchon qui traîne sur le plan de travail pour le percher sur mon épaule. Tranquillement, j'entame la préparation d'un burger, même si personne n'a rien commandé. Et j'le regarde toujours pas. – T'es là, t'essaies d'filer un coup d'main aux potes et on voit l'remerciement. Ah ça y en a qu'ont honte de rien, ça pique dans la caisse et l'stock de weed, et ça croit qu'on va tout effacer comme ça. J'suis encore trop fâché pour accepter de lui donner mon attention, mais j'peux pas m'empêcher de balancer des reproches quand même. Alors je fais mine de parler tout seul en me concentrant sur la cuisson de ma viande, les yeux qui traînent partout sauf sur poil de carotte. – Rien d'pire que les p'tits bâtards qui prennent les gens pour des cons. Je suis bien placé pour le savoir : je fais partie des p'tits bâtards en question. On est de la même trempe lui et moi, c'est juste que je l'ai compris un peu trop tard. J'sais très bien qu'il veut m'amadouer, mais c'est une opération que j'ai moi-même répété trop de fois pour que ça fonctionne. Can't bullshit a bullshitter.

Le burger finalement terminé, il est chaud, luisant et laisse émaner ce doux parfum de malbouffe. Je me tourne et m'appuie nonchalamment contre le plan de travail, de façon à ce que Lacey puisse bien me voir même si je continue de l'ignorer. – J'espère qu'il crève bien la dalle, maintenant qu'y a plus personne pour avoir pitié d'lui. Depuis son coup d'pute, je préfère encore jeter les restes que les lui donner. Il n'aura plus rien de moi, et surtout pas ma bouffe. Alors je lâche un soupir de contentement en mordant dans mon burger, exagérant comme si c'était le meilleur de toute ma vie. Mon regard est mauvais quand il daigne enfin croiser le sien. J'veux le narguer – j'espère juste qu'il manque de nourriture autant que d'honneur.

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@Dom Riggs

Il a le regard qui se froisse un peu quand Dom arrache le billet du comptoir, le qualifiant de monnaie. Monnaie son cul. C'était plus que ça, c'était...bon cinq misérables putain de dollars, ok, mais il s'était fendu en quatre pour l'avoir ce fric lui! Presque. Quel manque de savoir vivre, quel manque de reconnaissance. Il a presque envie de lui dire, de lui dire que si c'est pas assez bien pour lui, il peut lui redonner et il saura comment les investir plus intelligemment qu'en les donnant à un ingrat qui sent la frite. S'il ne dit rien, cependant, c'est qu'il sait très bien que son beau film de rouquin bafoué, il est que dans sa tête, et que dans les faits, le connard c'est lui, l'ingrat c'est lui. Alors il se contente de laisser couler, croise les bras sur le comptoir et y appui le menton, ne quittant pas Dom de son regard faussement innocent. Et il écoute, il écoute son plaidoyer accusateur, ses mots lui coulant sur le dos comme l'eau coule sur celui d'un canard. Ou presque. – Rien d'pire que les p'tits bâtards qui prennent les gens pour des cons. Il se redresse un peu Lacey, se ronge l'ongle nerveusement, très inconsciemment. Connard peut-être bien, bâtard, fallait pas charrier. Il avait deux parents en bonne et due forme, même si c'était des bâtards eux-mêmes. Peut-être qu'au fond, les pommes, elles tombent jamais bien de l'arbre comme on dit. Le rouquin se redresse finalement de son appui quand Dom s'y pose, de l'autre côté, craignant peut-être de se prendre de la moutarde en travers du pif, ou pire encore, de la mayonnaise. Son regard se pose quelques secondes sur le burger. Beau burger, odorant burger. Il ne s'attend pas à l'avoir, alors il va juste prétendre qu'il en aurait pas voulu, de toute façon. – J'espère qu'il crève bien la dalle, maintenant qu'y a plus personne pour avoir pitié d'lui. Mauvaise tête. Lacey plisse les yeux, l'air presque mauvais, mais plus boudeur qu'autre chose. « J'sais pas s'il crève la dalle, mais en tout cas, sûr que son taux de cholestérol va mieux que le tien. »

Il croise les bras, le fixe d'un regard impudent. Il aime pas qu'on lui fasse la gueule Lacey, même s'il le mérite. C'est pas sa faute à lui, c'est jamais sa faute. « Tu pourrais p't-être essayé de voir le bon côté des choses, hein. J'ai prit que ton argent et ton weed. J'aurais pu te voler ton foodtruck aussi et je l'ai pas fait. C'est assez généreux je trouve, parce que j'aurais eu plus en vendant ton tas de ferraille que ta mauvaise herbe pas top. » Si peu pour la résolution de conflit. On ne peut pas être maître dans tous les arts, et Lacey son art, c'était plutôt celui de se faire détester. Sauf qu'il est pas venu pour ça, faut pas qu'il l'oublie. Le plan de base, c'est le pardon de Dom, c'est regagner son droit d'accès à ses frites moles. Et peut-être un petit peu de sa confiance aussi, si c'est pas trop abusé de sa part. Il se découragera pas, non, des cartes il en a plein son jeu, il manque pas d'idée, le problème étant juste de savoir laquelle jouer et quand la jouer. « Et si t'y penses, c'est un peu ta faute tout ça. Je suis un junkie et tu le savais très bien. Tu m'as laissé seul avec ton fric et ton stock, t'espérais quoi? » Il écarte légèrement les bras, appuyant de ce geste l'évidence de cette déclaration. « Dom, tu donnes pas un couteau à un meurtrier en espérant qu'il te tue pas avec. » Ton railleur, air presque assuré. Est-ce qu'il fait le malin? Un peu, mais tout autant qu'il est sérieux, malheureusement. « Tu peux pas m'en vouloir, c'était pas ma faute. » C'est la faute de personne au fond, ou la faute de tout le monde. Il mérite pas d'être châtié pour ça, pour si peu. Il lui a volé quoi finalement? Moins de trois cents? C'est pas comme s'il lui avait fauché son existence au grand complet, c'est démesuré comme sentence. Il a pourtant pas le sentiment que Dom le voit du même œil et c'est peut-être pour ça qu'il fait l'effort de ponctuer ses dernières paroles d'un sourire, peut-être pour essayer de l'amadouer un peu, ou simplement pour éviter qu'il lui envoi son huile à frite bouillante à travers le visage.

– J'sais pas s'il crève la dalle, mais en tous cas, sûr que son taux de cholestérol va mieux que le tien. J'ai presque envie de sourire, mais je me retiens. Manquerait plus qu'il pense que je le trouve drôle. Dans l'fond c'est le cas, moi je l'aime bien Lacey, mais j'aime pas me faire pigeonner. Je crois que j'suis plus vexé qu'autre chose. L'arroseur arrosé, tout ça, ça m'fait chier. Alors je fais comme si j'entendais rien, comme si sa voix était passée sur une fréquence qui n'est pas à ma portée. Je mange bruyamment, comme si je faisais un grand doigt d'honneur à son histoire de cholestérol. C'est pas ça qui me tuera en premier, de toute façon.

– Tu pourrais p't-être essayer de voir le bon côté des choses, hein. J'ai pris que ton argent et ton weed. J'aurais pu te voler ton foodtruck aussi et je l'ai pas fait. Je manque de m'étouffer avec le morceau de burger que j'ai dans la bouche. Je tousse, mon corps qui se penche en avant alors que j'essaie de retrouver un peu d'air. Comment ça, voler mon foodtruck ? Ça veut dire qu'il y a pensé ? Rien que de l'imaginer se tirer avec mon bébé, j'en ai des palpitations. Qu'on le raye, qu'on le caillasse, qu'on le tague, ça va j'ai l'habitude. Y a Coco, ma tarée d'ex, qui s'en charge souvent. Mais le voler ? J'vais pas m'en remettre. – C'est assez généreux je trouve, parce que j'aurais eu plus en vendant ton tas de ferraille que ta mauvaise herbe pas top. Je m'étouffe une seconde fois, et décide d'abandonner mon burger définitivement, le posant derrière moi. – Ma mauvaise herbe pas top ? Je répète, la voix qui part dans les aigus. Il est en train de m'insulter là. – C'est moi qui la cultive, moi qui vérifie la qualité et j'le fais avec amour, ok ? J'fume que la mienne alors crois-moi que c'est d'la bonne putain, j'te le garantis. Mauvaise herbe pas top non mais sans déconner, tu sais même pas de quoi tu parles ! J'suis blessé dans ma fierté, ça se voit, ça se sent. J'en oublie presque l'histoire de vol – insulter mon herbe, ça me paraît bien pire là tout de suite. On peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas de vendre de la mauvaise qualité. Je le regarde avec le même dédain qu'affichent les mômes vexés. – T'façon toi tu prends que d'la merde, reste avec ta poudre ou j'sais pas quoi, au lieu de critiquer c'que tu connais pas. Moi au moins, j'vends pas du poison.

Ça m'a tellement énervé que je laisse tomber tout le stratagème de l'indifférence. J'arrive pas à me contenter de l'ignorer, quand il me provoque comme ça. Et en plus il continue, cet idiot. – Et si t'y penses, c'est un peu ta faute tout ça. Je suis un junkie et tu le savais très bien. Tu m'as laissé seul avec ton fric et ton stock, t'espérais quoi ? Un grand classique : faire croire à l'autre que c'est de sa faute. J'le fais tout le temps aussi. Je comprends mieux pourquoi les gens ont envie de me baffer, finalement. – Dom, tu donnes pas un couteau à un meurtrier en espérant qu'il te tue pas avec. Tu peux pas m'en vouloir, c'était pas ma faute. J'ai un air incrédule placardé sur la tronche, les bras croisés contre le torse. Il croit quand même pas que son p'tit sourire va suffire ? – Cinq minutes, Lacey. J't'ai laissé CINQ MINUTES. J'exagère. J'ai dû partir quoi, deux, peut-être trois heures ? Quand j'suis revenu, plus de Lacey, un trou dans la caisse, et la weed disparue. – T'étais censé être clean ok, tu voulais reprendre ta vie en main blablabla, j'te faisais confiance moi ! Puis c'est même pas d'la weed que tu prends normalement, comment j'pouvais savoir que t'allais m'la voler hein ? Franchement, s'il m'induit en erreur c'est pas ma faute non plus. – T'es même pas venu t'excuser après, p'tit con. Ça n'aurait pas suffi non plus, mais j'aurais été plus clément. J'pense. On saura jamais, de toute façon. – D'ailleurs j'attends toujours que tu l'fasses, j'te signale. Autant en profiter, s'il tient absolument à se racheter. Faut toujours saisir les opportunités quelles qu'elles soient, et j'en vois une belle juste là, sous mon nez. Alors je croise les bras contre mon torse, mes yeux dans les siens. – Tu veux vraiment te racheter ? Moi j'suis prêt à passer l'éponge et à te redonner des frites, mais faut le mériter. Et je compte pas le ménager.

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@Dom Riggs

On va dire qu'il a une belle façon de se faire aimer Lacey. Il vient pour gratter l'amour, cirer les pompes, lécher les pieds, tout ce que vous voulez, et il se retrouve là à piquer, narguer, chercher la merde. Comme d'habitude, comme toujours. C'est pas qu'il aime spécialement la merde non plus, il s'imagine bien vivre dans un monde tout propre, arc-en-ciel et boule de gomme, tout ça. Le problème, c'est qu'il peut pas s'en empêcher le rouquin, c'est plus fort que lui. Ça le dépasse complètement. Comme son addiction, il peut pas se retenir, il sait pas où s'arrêter. Il n'a pas la moindre volonté. Peut-être que ça fait partie de son charme au fond, peut-être que c'est pour ça que personne lui a encore troué le bocal avec du plomb. Parce qu'il est con, parce qu'il est chiant, mais à la fin de journée, il en fait bien rire un ou deux. Et il s'en branle bien au fond Lacey, qu'on se moque de lui, qu'on le calcule pas, qu'on le prenne pas au sérieux. Ça le détache de tout, il doit rien à personne -sauf un tas de fric, ok-, il a rien à prouver non plus. Il est libre, libre et tellement pas en même temps. Libre d'être un connard. Libre de se tenir là, face à Dom, comme un bel enculé au regard innocent, comme s'il avait jamais rien fait de mal et comme si sa colère n'avait rien de légitime. Il s'en brosse un peu pour tout dire, il s'imagine pas Dom comme un type réellement dangereux, ou peut-être qu'au fond, c'est de sa vie qu'il se brosse un peu. Alors il reste là, l'effronté, se retient de rigoler quand Dom s'insurge, quand il se vexe de savoir qu'il aurait pu voler son foodtruck, quand il s'outrage qu'il qualifie son weed de mauvaise herbe. Et au fond, qu'est-ce qu'il en sait vraiment? Il n'a même pas prit la peine d'y goûter à son herbe. Il tourne sur plus fort que ça et il doute que du gentil weed lui donne l'effet qu'il recherche. Il critique juste parce que...parce qu'il est chiant, voilà. Chiant et de mauvaise foi. – T'façon toi tu prends que d'la merde, reste avec ta poudre ou j'sais pas quoi, au lieu de critiquer c'que tu connais pas. Lacey secoue légèrement la tête. Il voulait pas lui gratter l’orgueil comme ça, bon un peu quand même. « Chill out, Heisenberg. N'importe qui est capable de faire pousser du gazon, c'est pas comme si t'avais réinventer la roue. » Bon peut-être que lui, il sait pas comment faire pousser du gazon au fond, mais passons. Il lève la main, tapote légèrement le fer du foodtruck. « Et t'inquiète pour ta belle, j'me casse pas avec l'amour des autres, c'pas mon genre. »

Saloperies mise à part, Lacey, il la joue à l'envers, parce que ça, c'est son genre. Retourner la situation, se délayer de ses fautes en les pinant sur les épaules des autres. Ça passe rarement pour être honnête, mais il s'empêche jamais d'essayer. – Cinq minutes, Lacey. J't'ai laissé CINQ MINUTES. Il pince les lèvres, moue d'enfant boudeur. « Si tu savais tout c'que je peux faire en cinq minutes. » Une éternité. Est-ce que c'était réellement que cinq minutes? Il saurait pas dire, réellement, mais il avait l'impression que c'était un peu plus que ça, franchement. – T'étais censé être clean ok, tu voulais reprendre ta vie en main blablabla, j'te faisais confiance moi ! Puis c'est même pas d'la weed que tu prends normalement, comment j'pouvais savoir que t'allais m'la voler hein ? Cette fois, il hausse vaguement les épaules, détaché. « Si ça peut aider, je savais pas non plus que j'allais t'la voler, c'était pas vraiment planifié. » Et parce que Lacey, il entend bien juste ce qu'il veut entendre, sourd sur commande, il ignore complètement la partie où Dom spécifie qu'il s'est toujours pas excusé. Pourquoi il le ferait, hein? C'était pas sa faute. Et puis il fait pas les excuses, c'est trop honorable pour lui. Il reste donc planté là, impassible, presque perplexe, comme s'il ne comprenait pas du tout ce qu'on attendait de lui. – Tu veux vraiment te racheter ? Moi j'suis prêt à passer l'éponge et à te redonner des frites, mais faut le mériter. Dom croise les bras, plante son regard dans le sien et Lacey arque un sourcil. « Me racheter? J'ai rien du tout, qu'est-ce que tu veux que je fasse? » Il pause, marque un temps, puis se peint d'un air consterné. « Je vais quand même pas te tailler une pipe, dude.» Il croise les bras. « J'aime tes frites, mais pas celle-là. » Il sourit de nouveau, parce qu'il se trouve drôle Lacey. Un peu quand même. « Mais je suis prêt à faire d'mon mieux, hein. » Pour se racheter.

– Chill out, Heisenberg. N'importe qui est capable de faire pousser du gazon, c'est pas comme si t'avais réinventé la roue. J'le regarde en biais, menton relevé et lèvres pincées – je crois bien que je transpire le dédain par tous les pores. Il se prend pour qui hein ? J'suis sûr que lui, il serait pas capable de faire pousser du gazon comme il dit. C'est pas un passe-temps, c'est tout un art, mais apparemment c'est trop compliqué à comprendre pour lui. Ou alors, il veut juste se payer ma tête et essayer de me vexer. Dans les deux cas j'en arrive à la même conclusion : Lacey n'est qu'un sale petit con. – Et t'inquiètes pour ta belle, j'me casse pas avec l'amour des autres, c'pas mon genre. Ça me fait lâcher une sorte de ricanement, le genre souffle du nez qui pue le scepticisme. – Depuis quand t'as des scrupules ? T'as pas de honte à voler tes potes donc azy, fais pas genre là. J'me retiens de lever les yeux au soleil, préférant pointer un index accusateur dans sa direction. J'me sens comme ma mère à l'époque où elle me faisait encore des sermons. – Et pis t'y as pensé et rien qu'ça, c'est une trahison mec. Si un jour mon foodtruck disparaît, il sera mon suspect numéro un. Avant même Coco la tarée, et ça, ça craint pour lui.

J'essaie de l'engueuler et j'le vois qui fait la moue. Il tire la même tronche que ma gamine quand elle boude – sauf qu'il fait approximativement quarante centimètres de plus et qu'il a plus l'âge pour ces conneries. J'le trouve ridicule, et pendant une seconde je me demande si ça fait le même effet quand je tente cette technique, moi aussi. Mais finalement je décide que non, parce que j'le fais forcément mieux. J'ai l'avantage de l'expérience, ça change tout. – Si tu savais tout c'que je peux faire en cinq minutes. Les yeux plissés, je le jauge d'un air méfiant. – J'crois que je préfère pas savoir. Il en a déjà trop fait de toute façon.

– Si ça peut aider, je savais pas non plus que j'allais t'la voler, c'était pas vraiment planifié.
– Donc t'es désolé ?

Il essaie d'esquiver, ça crève les yeux. Ses techniques sont tellement similaires aux miennes que ça en deviendrait presque dérangeant. P't'être pour ça que j'insiste autant : je vois tous ses subterfuges aussi clairement que mon reflet dans le miroir.

S'il veut pas s'excuser, soit. C'est pas comme si je pouvais le forcer de toute façon. Mais j'veux pas le laisser s'en sortir comme ça. Il m'aura pas avec ses faux sourires innocents et sa tronche de fatigué – il me faut une contrepartie s'il veut revenir dans mes bonnes grâces. Dans la rue rien n'est gratuit et tout se monnaye, alors faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent à vous. – Me racheter ? J'ai rien du tout, qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Je vais quand même pas te tailler une pipe, dude. Ça me prend tellement par surprise que j'écarquille les yeux, la bouche entrouverte comme si je voulais dire quelque chose. Et pourtant rien ne sort. J'le fixe, incrédule, me mettant à faire des gestes vagues. Je pointe mes mains vers moi, puis vers lui, puis dans le vide, et je recommence. J'crois que mon cerveau n'a pas envie de comprendre ce qu'il vient de dire. – J'aime tes frites, mais pas celle-là. Mais je suis prêt à faire d'mon mieux, hein. Je l'écoute même plus. Mes bras s'écartent sur les côtés avant de retomber mollement contre mes flancs comme si j'étais consterné, et j'crois que je le suis un peu. Alors je finis par me baisser pour attraper la bouteille d'eau posée par terre, je l'ouvre, et sans prévenir j'en balance une bonne partie au visage de Lacey. – Tu. Te. CALMES. Peut-être que ça lui rafraîchira les idées et qu'il arrêtera de dire n'importe quoi. – J'suis pas gay, t'es pas bien ou quoi ? J'espère qu'il déconnait, parce que j'vois pas comment il a pu croire une seule seconde que je voudrais une pipe de sa part. C'est tellement absurde que je finis par me mettre à rire en secouant doucement la tête. – Me tailler une pipe quoi. C'que t'es con quand tu t'y mets. J'me marre mais je garde la bouteille tendue dans sa direction comme une menace, pour lui montrer que s'il recommence ses conneries, je la vide sur lui. Et il fait pas encore assez chaud pour ça. C'est pas bon de se retrouver trempé juste avant la nuit à cette période, y a de quoi passer la nuit à trembler quand les températures chutent. Tant pis pour lui.

Je souffle bruyamment et puis je me redresse un peu, balayant cette histoire du revers de la main. Faut que je recadre tout ça avant qu'il me sorte un autre truc débile. – Y a pas mal de choses à faire là-dedans. Je désigne rapidement l'ensemble du foodtruck, avant de poser les yeux sur Lacey à nouveau. – J'ai un bac d'huile de friture qui mérite d'être vidé et nettoyé à fond. Un grill à frotter pour le faire revenir comme neuf, le frigo aussi. Y a tout un ménage de printemps à faire à l'intérieur et à l'extérieur, pis j'hésite aussi à repeindre la carrosserie. Faut dire qu'entre les rayures et les tags moches que j'ai frotté mais qui laissent des traces, elle ressemble plus à grand-chose. J'ai une liste longue comme le bras de choses qui méritent d'être faites, mais trop de flemme pour m'y mettre. – Si tu t'y colles, tu pourras ravoir des frites. P't'être même que j't'en garderai des fraîches et un p'tit burger si tu fais du bon boulot. Je souris, aussi fier que si j'étais le bon samaritain venu remettre un peu de joie dans sa triste vie. – Pis comme ça, t'es sûr de pas t'ennuyer. J'présente ça comme un deal en or, mais pas besoin d'être une lumière pour comprendre ce que je propose vraiment : une place de larbin. Pourtant c'est très sérieux ; s'il accepte, j'oublie tout et on repart de zéro. Ou presque.

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@Dom Riggs

Cette tirade ne mène à rien et il le sait bien. Il le sait parce qu'il a raison Dom, des scrupules il n'en a pas, ou très peu. Il fait genre, c'est bien dit. Son foodtruck, il aurait très bien pu le voler aussi, sauf qu'il est trop lâche pour s'en donner le mal. Il s'imagine pas tous problèmes que ça lui aurait causé s'il l'avait fait. Le voler déjà, partir avec, le cacher, trouver un acheteur, fuir Dom ensuite, parce qu'il aurait forcément voulu le tuer. Non, il ne se donne pas tant de mal Lacey, il n'a pas toute cette motivation. Et pourtant quand il s'agit de tenir une discussion qui ne va nul part, il semble toujours très persévérant. Ou plutôt, c'est qu'il n'a rien de mieux à faire. Il peut très bien partir, là tout de suite, et laisser Dom ruminer tranquille. Il peut, mais franchement, pour faire quoi d'autre? Ce teigneux rancunier est le truc le plus divertissant de sa journée, jusqu'à maintenant. Alors il reste, ne serait-ce que pour voir jusqu'où il ira, ou jusqu'où la patience de Dom tiendra. Parce que s'excuser, non, il n'en a pas vraiment l'intention. Il préfère encore se racheter, comme il le propose.

La réaction de Dom à son commentaire lui arrache d'ailleurs un sourire, moqueur, mais vrai. Pas de ceux qu'il planifie et peint volontairement sur son visage, quelque chose de plus sincère, quelque chose de plus rare. Et pour cette fois, il préfère profiter de l'incrédulité palpable de Dom plutôt que de continuer à débiter des imbécilités. Ou du moins, jusqu'à ce qu'il se prenne une vague d'eau en plein visage. Il se fige aussitôt, ouvre la bouche, outré, avant de la refermer en soufflant l'eau qui coule sur ses lèvres, avec l'air d'un chat mouillé. – Tu. Te. CALMES. Il écarte les bras, plante son regard dans celui de Dom. Il n'a pas mérité ça, c'est totalement puéril. « Oh my god Domi! J'ai pas besoin d'eau, j'étais pas excité! » Oui, cette douche est totalement injustifiée. – J'suis pas gay, t'es pas bien ou quoi ? Me tailler une pipe quoi. C'que t'es con quand tu t'y mets. Il le dévisage alors que Dom craque un rire. « Mais ça va, défrise mec! Je suis pas gay non plus, enfin, je sais pas vraiment ce que je suis, mais c'est pas important, parce que c'était une blague! Jeez. » D'un revers de manche, Lacey essuie un peu l'eau sur son visage. « T'as vraiment pas d'humour. » Mots marmonnés, alors qu'il tend la main vers le comptoir pour tirer une paille du distributeur et lancer le projectile en direction de Dom, vengeance peu concluante et très peu impressionnante, mais nécessaire, ou presque. – J'ai un bac d'huile de friture qui mérite d'être vidé et nettoyé à fond. Un grill à frotter pour le faire revenir comme neuf, le frigo aussi. Y a tout un ménage de printemps à faire à l'intérieur et à l'extérieur, pis j'hésite aussi à repeindre la carrosserie. Toujours boudeur, Lacey évite bien de le regarder alors qu'il lui énumère ce qui sont, sans doute, des possibilités pour lui de se racheter. Distraitement, le rouquin glisse les yeux sur le foodtruck, question de prendre conscience des éléments. – Si tu t'y colles, tu pourras ravoir des frites. P't'être même que j't'en garderai des fraîches et un p'tit burger si tu fais du bon boulot.  – Pis comme ça, t'es sûr de pas t'ennuyer. Il calcule Lacey, calcule la proposition, plissant le nez au passage. Du ménage. Il n'est pas fait pour travailler. Il n'a pas envie de travailler. La dernière fois, il était sobre, c'était différent, il était motivé à être quelque chose, comme à chaque fois qu'il décroche, mais là...là il veut juste sa prochaine dose et se donner le moins de mal possible pour l'avoir. Alors, bosser? Ew. « Donc en gros, tu veux que je bosse pour toi, gratuitement? » Bon, en échange de son pardon et probablement pour le fric qu'il lui a volé aussi, mais ça, il l'a déjà oublié Lacey. « Tu parles d'un deal, tout ça pour des frites...» Il hausse finalement les épaules, avant de raccrocher un sourire à ses lèvres. « Ok, je veux bien, mais va pas te plaindre si je te la peins en rose ta vieille caisse à roues. Je suis pas super doué pour le travail de précision. » Il marque un temps, se peignant d'un regard entre songeur et satisfait. « Pis si t'es prêt à me reprendre, c'est que j'étais pas si nul comme employé. Je te manquais, avoues. » Il le regarde, attend.

– Oh my god Domi ! J'ai pas besoin d'eau, j'étais pas excité ! Franchement, rien que pour la tête qu'il tire, j'aurais dû faire ça bien plus tôt. Il a vraiment l'air d'un chien mouillé putain, c'est hilarant. Tellement que j'arrive pas à me retenir plus de trois secondes : j'explose de rire. C'est fort, franc, j'ai un bras replié autour de mes côtes et l'autre tendu dans sa direction, l'index pointé vers lui. – P'tain mec si tu pouvais voir ta gueuule ! J'aurais dû t'filmer ! Je finis par me calmer, juste le temps d'lui dire que c'est n'importe quoi ses histoires de pipe à la con, et j'me remets à rire. – Mais ça va, défrise mec ! Je suis pas gay non plus, enfin, je sais pas vraiment ce que je suis, mais c'est pas important, parce que c'était une blague ! Jeez. Les épaules secouées par les restes de mes éclats de rire, j'le regarde s'essuyer le visage comme il peut. – T'as vraiment pas d'humour. Il marmonne comme un gamin qui boude, j'trouve ça toujours aussi drôle. Encore plus quand il balance une paille vers moi – elle finit sa course au sol avant même de m'atteindre. J'crois qu'on peut lire dans mes yeux à quel point je me fous d'sa gueule. – Ouais ben c'était PAS DRÔLE. Pourtant j'ai toujours un sourire goguenard placardé sur le visage. – La prochaine fois choisis mieux tes vannes, ça t'évitera de finir trempé. Je hausse les épaules. C'est de sa faute ; s'il a froid ou si ça l'agace d'être mouillé, il peut s'en prendre qu'à lui-même. Moi en tous cas, ça me fait bien marrer.

Je vois la façon qu'il a d'éviter mon regard quand j'énumère tout ce qu'il y a à faire dans le foodtruck. Il peut fuir autant qu'il veut, ça changera pas la sentence. S'il veut regagner mes bonnes grâces, va falloir trimer.

P't'être que comme ça, il retiendra la leçon : on ne vole pas Dom Riggs, c'est lui qui vous vole.

J'le laisse digérer une seconde, appuyant mes coudes sur le comptoir, mon menton qui vient se poser dans la paume de mes mains. J'attends. Et je sais qu'il a compris tout ce que ça implique, parce qu'il a pas l'air tout à fait convaincu. – Donc en gros, tu veux que je bosse pour toi, gratuitement ? Je souris. C'est exactement ça. Il me le doit bien ; on sait tous les deux qu'il trouvera jamais la thune pour me rembourser. Et j'me contenterai pas de ses cinq dollars minables. – Tu parles d'un deal, tout ça pour des frites... Mon sourire s'élargit. – Eh, pas n'importe lesquelles. Les meilleures de tout Detroit. P't'être même du pays. Il va encore dire que j'exagère, mais j'm'en fous. Mes frites sont super bonnes.

Quand il se met à sourire à son tour, je sais que j'ai gagné. – Ok, je veux bien, mais va pas te plaindre si je te la peins en rose ta vieille caisse à roues. Je suis pas super doué pour le travail de précision. J'me retiens de jeter mon poing en l'air en signe de victoire, mais le cœur y est. J'ai même pas le temps de répondre à sa bêtise sur la peinture qu'il enchaîne déjà. – Pis si t'es prêt à me reprendre, c'est que j'étais pas si nul comme employé. Je te manquais, avoues. Mon ricanement est tout sauf élégant, alors que je lève les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il faut pas entendre des fois, sérieusement. Il se prend pour qui cet idiot ? – Te surestime pas. T'étais potable mais c'est tout. T'façon j'comptais pas te garder, j'suis fait pour bosser seul, moi. C'est totalement faux. J'serais pas contre une paire de mains supplémentaire pour assurer le service, mais j'peux faire confiance à personne – et Lacey me l'a prouvé. Puis j'voudrais aussi choper un livreur, ou en l'occurrence, une livreuse. Mais Dahlia veut toujours pas bosser pour moi. Alors en attendant, j'préfère dire que je suis un business man solitaire. Je changerai de version quand le vent aura tourné en ma faveur. – Et t'fais pas de films, tu seras pas mon employé hein, juste mon esclave. Tu touches ni à la caisse ni à la bouffe, les clients tu les calcules pas, toi t'es juste là pour faire les trucs chiants. Mon sourire est si large qu'on peut presque voir toutes mes dents. Je finis par me détourner pour me diriger vers la friteuse, sortant le bac rempli d'huile qui stagne depuis un peu trop longtemps. Ça pue, c'est crade, j'ai vraiment pas envie d'y toucher. – Tu commences tout d'suite ! J'ai pas de temps à perdre. Et peut-être que j'ai un peu peur qu'il en profite pour se défiler, si je lui laisse le temps de réfléchir à tout ça. Alors je me tourne vers lui à nouveau, pointant le bac du doigt. – Ça, faut l'vider et le nettoyer. J'allais fermer là, t'façon. Il est pas si tard mais j'ai des trucs à faire. Alors je lui demanderai pas autre chose que cette histoire de bac, c'est juste pour le mettre en condition. Qu'il sache que c'est comme s'il avait signé un contrat : maintenant j'le laisse plus m'échapper.

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@Dom Riggs

C'est tout de suite moins drôle. Travailler, c'est pas drôle. Dom qui se fout de sa gueule, pas drôle. Être trempé, pas drôle non plus. Pourtant, c'était drôle y'a de ça quelques minutes, quand c'était lui qui jouait au con, quand il essayait juste de le fâcher. Pour tout dire, il s'était plutôt imaginé l'emmerder un peu, repartir bredouille et sans espoir de rédemption. Pas vraiment devenir esclave attitré pour une dette qu'il n'a jamais eu l'intention de rembourser. Pas plus que de 5$ en tout cas. Il s'est bien fait avoir. Non pas que c'est particulièrement difficile, il n'a pas la réputation d'être la plus fine lumière en ville, mais tout de même. Il ne l'est pas, mais il devrait. Il est malin Lacey, ou du moins, il l'était. Parfois ça lui manque un peu d'ailleurs, d'avoir toute ses capacités mentales, l'esprit aiguisé, la capacité de réfléchir correctement, mais la lucidité et la drogue, ça ne fait pas bon ménage ensemble. Et là, il se demande s'il vient pas de signer un pacte avec le diable. Le diable des frites. Et pas très humble en plus de ça, lui qui se vente d'avoir peut-être les meilleures frites de l'univers. Lace le fixe, plisse les yeux d'un air peu convaincu. Il n'a jamais eu droit qu'aux molles de fin de journée, alors de son point de vue à lui, ses frites, elles sont très classe moyenne. Il a envie de lui dire d'ailleurs, mais son esprit se laisse accaparer par les spécifications du nouveau business de Dom; l'esclavagisme des junkies malhonnêtes.  – Te surestime pas. T'étais potable mais c'est tout. T'façon j'comptais pas te garder, j'suis fait pour bosser seul, moi. Sourcil qui se arque alors qu'il observe Dom d'un air curieux, comme si d'une certaine façon, il essaie de valider la véracité de cette déclaration. « J'avais pas l'intention de rester non plus. Je me serais même surement cassé avant que tu me vires. » Ce qu'il a fait finalement, tout bien calculé. L'argent de la caisse et le weed n'étaient que des extras à sa démission surprise. « Je suis fait pour être seul aussi. » Il s'en est bien convaincu.

Pour ce qui est d'être l'esclave, est-ce qu'il est trop tard pour refuser? Il en a bien envie, parce que faire que les trucs chiants ben...c'est chiant. Et Lacey se demande si Dom en vaut vraiment la peine. Il est un peu comme ses frites après tout, très classe moyenne. Est-ce qu'il tient à ce point à gagner son pardon? Est-ce qu'il a vraiment besoin de lui dans son existence? Ou peut-être que la question c'est plutôt; est-ce qu'il ne préfère pas justement qu'il le déteste? Des frites, il peut aller en trouver ailleurs. « Tu pourras pas toujours me surveiller. T'es certain d'être capable de gérer ça? T'es pas très multi-tâche. » La bouffe, la caisse, les clients, le weed, le junkie, ça fait beaucoup de truc à calculer en même temps. Et Lacey aussi, il sait calculer, à son avantage. Sauf que ça n'a pas l'air de dégonfler Dom, pas assez, puisqu'il sort sa toilette à frite toute graisseuse et toute puante. Lacey les toise tour à tour, le bac d'huile, Dom, le bac d'huile. – Tu commences tout d'suite ! Non?  – Ça, faut l'vider et le nettoyer. J'allais fermer là, t'façon. Vider. Nettoyer. Deux mots et aussitôt une véritable congestion dans ses neurones fatigués. Il entrouvre les lèvres pour répondre, mais aucun mot ne s'en échappe. Il reste con, quelques instants, regarde vaguement autour de lui avant de ramener son regard vers Dom. « Huh...comment? » Honnête question. « Où je suis censé le vider? Dans les fleurs? Avec les poissons? Je ferai pas ça, c'est mal. Je vais pas tuer des bébés Orang-outan juste pour que tu puisses de débarrasser de ton vieux jus de frites. » Il croise les bras, question d'appuyer son objection qui n'a, en réalité, aucun but réel sauf celui d'essayer de se défiler. « J'ai peut-être pas de conscience, mais je suis pas un tueur, Dom. Tu devrais avoir honte. » Il hoche la tête, convaincu de sa propre stupidité.

– J'avais pas l'intention de rester non plus. Je me serais même sûrement cassé avant que tu me vires. Et c'est exactement ce qui s'est passé. J'suis même un peu vexé, parce que moi j'pensais tirer quelque chose de bien de cette collaboration éphémère. J'pensais qu'il serait reconnaissant et c'est toujours bien d'avoir des gens qui vous sont redevables – ça fait partie des mes techniques, après ils peuvent pas refuser les faveurs qu'on leur demande. Mais Lacey ne rentre pas dans cette catégorie. Lacey n'en a rien à foutre, parce qu'il est au moins aussi ingrat que moi. Sûrement qu'il l'est même plus encore. – Je suis fait pour être seul aussi. Sauf que moi je mens, déjà, et je ne parle que de l'aspect business. Mais vu le ton qu'il emploie, c'est pas la même chose pour lui. C'est presque triste. – Ah ouais ? Et t'as pas peur de t'emmerder à force, tout seul dans ton merdier ? J'ai un sourire railleur, mais dans l'fond c'est une vraie question. J'ai jamais compris ces gens qui se planquent derrière la solitude. Si je me retrouvais vraiment seul, je crois que je ferais pas long feu, et pas juste en terme de survie. Ça me rendrait sûrement barge. Alors eux, j'sais pas comment ils font pour se contenter de ça. J'préfère largement ma place que la leur.

Surtout quand ma place me rend grand vainqueur de ce bras de fer avec Lacey. Je sais bien que ça veut rien dire, c'est comme gagner une bataille mais pas la guerre, toutes ces conneries. Rien ne l'empêche de se défiler plus tard, et c'est probablement ce qui se passera, parce que ce garçon n'a aucune consistance dans ce qu'il fait. J'le sais. Mais je m'en fous, parce qu'il a quand même dit oui. Et je compte en profiter autant que j'le pourrai. – Tu pourras pas toujours me surveiller. T'es certain d'être capable de gérer ça? T'es pas très multi-tâche. Il a pas tort. C'est un pari risqué, mais de toute façon j'ai jamais été quelqu'un de raisonnable. J'ai envie de tenter quand même, et cette fois j'le laisserai pas m'avoir. Je sais à quoi m'attendre. – Et toi t'es un assisté. J'me marre à moitié. – Cherche pas, tu seras jamais tout seul dans l'camion, donc tu pourras pas toucher à la caisse ni rien. À moins qu'il m'assomme ou qu'il fracture le foodtruck quand j'suis pas là, il aura plus jamais une occasion comme celle que je lui avais donné malgré moi. J'apprends de mes erreurs. Parfois. Quand ça m'arrange, surtout. – Pis t'façon, si tu me refais un coup d'pute, j'te jette dans la rivière. Je hausse les épaules, tranquille, pas menaçant malgré ce que je lui dis. C'est principalement du bluff, je pense qu'il le sait, mais ça fait rien. Il saura aussi que je compte pas l'excuser s'il recommence – et je trouverai un moyen de me venger, même si ça sera beaucoup moins impressionnant qu'un plongeon forcé dans la rivière.

S'il me fait chier, j'le ferai chier, c'est aussi bête que ça.

Et je décide d'ouvrir les hostilités, en sortant mon bac d'huile dégueulasse. Ah on fait moins le malin maintenant, hein. J'peux pas m'empêcher de rire encore une fois, avec la tête qu'il tire et la façon qu'il a de regarder autour de lui. On dirait qu'il cherche une caméra cachée ou quelqu'un qui viendra le sauver de cette épreuve. Mais y a rien. C'est pas une blague, et y aura pas de héros masqué. Juste lui, moi, et les restes de la friteuse. – Huh... comment ? Où je suis censé le vider ? Dans les fleurs ? Avec les poissons ? Je ferai pas ça, c'est mal. Je vais pas tuer des bébés orang-outan juste pour que tu puisses te débarrasser de ton vieux jus de frites. Ça me déclenche un nouvel élan d'hilarité, alors qu'il croise les bras d'un air désapprobateur. Il a beau être un sale petit arnaqueur, j'peux pas lui enlever qu'il fait un excellent divertissement. – J'ai peut-être pas de conscience, mais je suis pas un tueur, Dom. Tu devrais avoir honte. J'le regarde hocher la tête avant de secouer la mienne, l'air émerveillé par tant de bêtise. Au moins, tant qu'il sera dans les parages, je sais que je m'ennuierai pas. C'est toujours ça de pris. – T'arrêtes un peu tes conneries ? Je continue à rire doucement, me dirigeant vers la porte du truck pour l'ouvrir, attrapant le bac pour le porter jusqu'à l'extérieur. C'est plus lourd que ça en a l'air. Je soupire en le posant sur le bitume, sortant de la camionnette à mon tour avant de me tourner vers Lacey. – T'as qu'à le vider dans les égouts, y a une plaque là-bas. Je tends le bras vers l'autre côté de la rue. – Ou sur la voiture de quelqu'un qu't'aimes pas, ou devant sa porte, qu'est-ce que j'en sais moi. Sois créatif. Sourire en coin de lèvres, je hausse les épaules. – Mais essaie même pas d'le vider sur mon foodtruck, j'te vois venir. Le doigt que je pointe vers lui est autoritaire – j'crois que je ressemble à mon daron. Peu importe ce qu'il fait avec le bac d'huile, je m'en fous. Tout ce que je veux, là tout de suite, c'est le voir m'obéir un peu. Une maigre compensation pour ce qu'il m'a volé.

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@Dom Riggs

– Ah ouais ? Et t'as pas peur de t'emmerder à force, tout seul dans ton merdier ? Non? Oui. C'est peut-être déjà le cas. Sauf qu'il a pas le luxe d'accepter cette vérité, ce serait trop dur à vivre. Y'a rien de bon dans la vérité quand elle existe que pour rendre la vie encore plus difficile, vaut encore mieux rester dans le déni, s'enfouir la tête sous le sable et attendre que ça passe. C'est ce que Lacey fait, toujours. Parce qu'il est misérable seul, il le sait, mais il le sera encore plus s'il accepte de l'admettre. Il n'aime d'ailleurs pas spécialement la question, il n'aime pas qu'on lui pointe la réalité, a toujours l'impression de se retrouver piégé, acculé à un mur. Il veut seulement se dérober, il veut seulement qu'on le laisse être le lâche qu'il est. Alors il hausse vaguement les épaules, se voulant plus détaché qu'il ne l'est en réalité. « Comme tu t'doute, je suis pas super doué pour me faire apprécié alors...je suis très bien comme ça. Je me supporte très bien, dans mon merdier. » Probablement son plus gros mensonge de la journée, puisque la seule personne qu'il supporte encore moins que les autres, c'est lui-même. Sauf que ça, il va certainement pas s'en vanter. Il préfère plutôt en revenir à débiter ses âneries habituelle.

– Et toi t'es un assisté. Assisté lui-même qu'il a envie de répondre, mais il n'a pas trop d'argument pour soutenir l'insulte, alors il se contente de le dévisager bêtement. Il a l'air de se trouver drôle Dom, c'est irritant, est-ce qu'il le sait? Après ceci dit, il ne peut pas vraiment le blâmer, il se trouve plutôt drôle aussi, souvent, même s'il est conscient que ça ne fait que donner envie à son entourage de lui arracher la tête. Sans doute, qu'au fond, comme Dom, c'est parce qu'il est le seul à se trouver drôle. Ou pas en fait, non. Il est drôle Lacey, c'est Dom qui ne l'est pas. Ils n'ont rien en commun, merci bien. – Cherche pas, tu seras jamais tout seul dans l'camion, donc tu pourras pas toucher à la caisse ni rien. – Pis t'façon, si tu me refais un coup d'pute, j'te jette dans la rivière. Cette dernière remarque ne manque pas de le faire sourire cette fois, son air malin insupportable venant se réimprimer sur ses traits. « Mais vas-y, balance moi dans la rivière, si tu crois que ça va t'avancer. Et assures toi que je remonte pas surtout, avec des roches peut-être.» Ça lui rendrait presque service tient. Sans doute beaucoup plus efficace et rapide que de se tuer à petit feu avec de la dope. Sauf que Lacey n'est pas réellement suicidaire, il n'a pas l'intention de crever, pas si facilement. Non pas parce qu'il a un grand désir de vivre, mais surtout parce que même pour ça, il est beaucoup trop lâche.

Une option qu'il a presque envie de reconsidérer quand Dom lui ramène sa baignoire à frite dégueulasse, avec la visible intention de le laisser, lui, se charger de la vider quelque part. Lacey il va revenir sur ce qu'il conclu plus haut, Dom il est drôle aussi. Parce que c'est une blague, sans aucun doute. Ceci dit, à quoi il s'attendait vraiment? Il a accepté de travailler...et travailler c'est toujours une grosse blague, comme si la moindre personne intelligente accepterait de se soumettre à quelque chose d'aussi ingrat. Faut dire, les gens font vraiment n'importe quoi pour de l'argent. Et dans son cas, de l'argent, il en aura même pas à faire ça. C'est ridicule. – T'arrêtes un peu tes conneries ? Il garde les bras croisés Lacey, il n'a pas l'intention de les arrêter. « S'tu crois, t'as rien entendu encore. » Dom rigole et franchement, le rouquin aurait presque envie de le faire aussi, s'il tenait pas à garder son mécontentement bien en place. – T'as qu'à le vider dans les égouts, y a une plaque là-bas. Ou sur la voiture de quelqu'un qu't'aimes pas, ou devant sa porte, qu'est-ce que j'en sais moi. Sois créatif. Mais essaie même pas d'le vider sur mon foodtruck, j'te vois venir. Il y a alors un moment de silence, flottement pendant lequel Lacey considère les possibilités, sans doute à se demander si Dom est en train de se payer sa tête aussi, ou s'il est bien sérieux. Pour le coup, ce n'est pas très clair. «Mais j'ai pas envie de me faire buter hein. Si tu veux vider ta crasse sur la caisse d'un autre, fais-le toi-même. Et après c'est moi qui dis des conneries. » Il roule les yeux, mais avance néanmoins vers le bac d'huile. « Ça doit même pas être légal de jeter ça dans les égouts. » Parce que oui Lacey, c'est un gars qui se souci beaucoup de la légalité. On y croit presque.  Et parce qu'il ne va certainement pas se donner le mal d'aller jusqu'à la plaque, il agrippe aussitôt le rebord du bac pour le renverser sur le béton de la rue, directement sur place en se disant que la pluie allait s'en charger de toute façon. « Tu pourrais pas faire cuire de la salade à la place? Ce serait moins dégueulasse. » Moins bon aussi, certainement. Il relève alors la tête la tête pour regarder de nouveau Dom, étirant un sourire satisfait. « C'est bien là, non? Fastoche.»

– Comme tu t'doutes, je suis pas super doué pour me faire apprécier alors... je suis très bien comme ça. Je me supporte très bien, dans mon merdier. Pourtant il est marrant Lacey, moi j'l'aime bien. Sauf quand il vole ma thune et ma marchandise. C'est ça le problème : il fait des conneries, mais il prend pas la peine de se faire pardonner après. J'suis de ceux qui pensent qu'on peut tout se permettre, du moment qu'on sait avec qui on le fait. Faut être capable de les amadouer après. Ou de courir plus vite qu'eux. J'ai pas l'impression que Lacey y réfléchisse tant que ça, lui. – Si t'étais pas si con, aussi. Mon sourire est franc, plus amical qu'autre chose. J'sais bien qu'il a pas l'intention de s'améliorer – moi non plus. La vermine ne change pas, elle apprend juste à se déguiser.

Lacey devrait s'y mettre d'ailleurs, s'il veut pas finir dans la rivière. Ma menace n'est que paroles en l'air, mais j'suis sûrement perdu dans la masse de gens qu'il se met à dos. Il se frotte à de plus gros poissons, j'en suis certain. Et un de ces jours, y en a bien un qui finira par en avoir marre.
Il sera peut-être déjà mort, quand on le jettera dans la flotte.

– Mais vas-y, balance moi dans la rivière, si tu crois que ça va t'avancer. Et assures toi que je remonte pas surtout, avec des roches peut-être. On dirait bien qu'il s'en fout. Ça m'arrache un énième rire, alors que je secoue doucement la tête. – Tu finiras surtout ligoté à un bloc de béton pour t'faire couler. Les roches, il finira par les bouffer s'il fait pas un peu plus attention. Mais j'suis personne pour essayer de le mettre en garde, et puis il doit déjà être au courant. S'il continue, c'est que ça l'intéresse pas. Classique chez les junkies : rien à foutre de rien, même de la mort. De toute façon ils sont tous suicidaires. Et un peu masos, parce qu'ils préfèrent se tuer au ralenti.

J'me demande surtout s'il est assez maso pour tenir parole et faire tout ce que j'dis sans broncher. Peut-être assez pour un jour, voire deux si j'ai de la chance, mais probablement pas plus. Je sais bien qu'il va vite me laisser tomber. Y a qu'à voir comme il essaie déjà de se défiler face à mon bac d'huile. Il déraille et se met à me parler des bébés orangs-outans, le con. – S'tu crois, t'as rien entendu encore. Sa connerie a l'air sans fin, c'est vrai. J'crois même qu'il me bat dans ce domaine. Alors j'me marre toujours, parce qu'y a pas grand-chose de plus à faire, et que sa tronche de gamin boudeur est franchement comique. – Mais j'ai pas envie de me faire buter hein. Si tu veux vider ta crasse sur la caisse d'un autre, fais-le toi-même. Et après c'est moi qui dis des conneries. Je lâche un rohhh mi-agacé, mi-moqueur. – Ça va c'est juste un peu d'huile, y a pas mort d'homme. Et personne saura qu'c'est toi si tu t'y prends bien. Je hausse les épaules, comme si c'était rien. Mais c'est pas si inoffensif que ça évidemment : y a de quoi complètement ruiner une bagnole. J'veux même pas imaginer la dose d'eau et de savon qu'il faudrait pour se débarrasser de la couche grasse – peut-être même qu'il faudrait y aller à la javel. Et j'suis pas sûr que l'odeur partirait. C'est bien pour ça, que l'idée de tout vider sur la caisse de quelqu'un me fait rire. Tant que c'est pas moi, j'm'en fiche un peu. – Ça doit même pas être légal de jeter ça dans les égouts. Sourcils froncés, j'le jauge d'un air profondément perplexe. La bonne blague. – Parce que t'en as quelque chose à foutre ? La poudre que tu t'enfiles c'est pas légal non plus, mais eh... Ça l'empêche pas de continuer. Alors si c'est réellement le meilleur argument qu'il a en stock, va falloir retravailler ses techniques d'esquive. Peut-être que j'peux lui donner des cours.

Il finit par s'approcher du bac et je souris, parce que je pense la victoire imminente. Mais il se contente de le basculer juste là, au beau milieu de la rue, l'huile qui dégouline et dégueulasse le béton sur plusieurs mètres, l'odeur de friture qui se répand dans l'air et me fait froncer le nez. – Mais- Le petit enfoiré. C'est pas ça que j'avais en tête quand j'lui ai dit de le vider, et il le sait parfaitement. – Tu pourrais pas faire cuire de la salade à la place ? Ce serait moins dégueulasse. J'le dévisage, ouvre la bouche, la referme, planté là comme un con parce que je m'attendais pas à ça. – C'est bien là, non ? Fastoche. Et en plus il se fout de ma gueule. J'observe son œuvre, aperçoit quelques visages qui se tournent vers nous plus loin, là où la traînée d'huile finit sa course et stagne en formant une petite flaque crasseuse. Mes bras se lèvent puis retombent mollement en signe de dépit, mes yeux désespérés qui viennent se planter dans les siens. – T'es vraiment relou. J'vais être obligé d'bouger moi maintenant. J'ai pas envie d'entendre les gens râler parce qu'ils ont foutu les pieds dedans, et me demander un surplus de frites gratuites en guise de dédommagement. Il sait pas comment fonctionne le commerce ou quoi ? À voir sa tête de sale petit con, j'pense qu'il sait et qu'il s'en contrefout. J'pense même qu'il est ravi de m'emmerder. – J'hallucine, p'tain. Je m'approche pour récupérer le bac dans un geste sec, lui lançant un regard noir au passage. Je prends soin d'éviter les traces d'huile en retournant au truck pour le remettre à sa place. Quand je ressors, je soupire. – T'inquiètes, mes prochaines consignes seront plus claires. S'il revient pour les écouter. – J'comptais te filer des frites pour signer notre accord, mais du coup tu les mérites pas. P'tit con. Je contourne le fourgon pour monter place conducteur, démarrant et manœuvrant rapidement pour me placer juste à côté de Lacey. J'ouvre la fenêtre et me penche un peu dans sa direction. – J'vais migrer sur la place pas loin du Com', mais j'ferme d'ici une heure grand max. Donc on s'voit là-bas demain. Ça sonne comme un ordre, mais j'sais pas s'il l'écoutera. J'peux pas le forcer non plus, alors je me contente d'un regard insistant puis d'un clin d'œil moqueur. Et je me mets en chemin, le frôlant volontairement avec le foodtruck, ricanant comme un abruti. On verra s'il se pointe demain ou dans les jours qui viennent. Au moins, ça met un peu de suspens.

[ rp terminé ]