Fill my cup with endless ambition_Malcolm

Je regarde mon téléphone pour la trois-cent-millième fois. Je sais pas ce que j’espère, c’est pas comme si Ollie m’avait donné des nouvelles ces derniers jours, semaines. Mais y a des soirs comme ça, où le manque d’elle est juste trop fort. Je me sens incroyablement seul, dans ce studio trop petit. Et pourtant, j’entends l’agitation des couloirs, le voisin de gauche qui saute sa femme, Drax entrain de se faire à manger à droite, Yolanda qui gueule à l’étage du dessus, Tyreese qui bidouille sa moto au rez-de-chaussée, Phil qui gueule contre on ne sait qui depuis le fond du couloir. Le Com’ est tellement mal isolé que j’pourrais vous dire ce que fait la plupart de mes voisins. J’ai toujours trouvé que ça avait un côté rassurant. J’viens d’une famille de six gamins. Du bruit, y en avait tout le temps. Et j’ai rien ressenti de plus angoissant que ma première nuit en centre, dans le silence morbide de ma chambre aseptisée. J’voudrais quelqu’un avec moi pour m’empêcher de regarder mes messages toutes les deux minutes. La déception est toujours la même, même si elle est attendue. Je lance le portable plus loin sur le canapé et étend mes jambes sur la table basse. J’ai sur les genoux un bol de céréales et du lait, à la télé y a les dessins animés qui tournent. Je laisse mon regard glisser jusqu’à ma vieille télé cathodique, sans vraiment que je regarde. Comme si les images s’imprimaient dans mon cerveau sans être traitées.

La porte.
Je sursaute et y a mon bol de céréales qui s’étalent sur le sol, créant une marée de lait et de bouillis. Fais chieeer… Que j’sors la bouche pleine. Je me penche pour attraper le sopalin et en fait tomber une montagne sur le sol pour éponger le lait. Et puis je me relève avec paresse et m’approche de la porte tout en jetant un coup d’oeil derrière moi au tas de sopalin. Surprise, c'est moi Je bloque une seconde et cligne plusieurs fois des yeux. Ça, je l’avais pas vu venir. Azel ? Que j’hoquète de surprise. Elle m’offre son plus beau sourire (dieu sait qu’il est beau son sourire), auquel je réponds timidement, sans trop savoir ce qu’elle vient foutre là. Mais elle m’explique pas et force carrément le passage. J’la laisse gentiment entrer et ferme la porte derrière elle. Et puis je fonce comme un idiot devant la télé et l’éteint au passage en me raclant la gorge. Inutile de griller tout de suite le peu de sexappeal qu’elle veut bien me trouver. Ouais, parce que c’est flagrant. C’pas tous les jours qu’une fille vous aborde dans un bar. Qu’une fille drague ouvertement, fait des tonnes de compliment et revient me trouver tard le soir dans mon appartement. Mais je sais jamais vraiment comment me placer avec elle, elle est trop entreprenante, et trop distante à la fois. Impossible de la cerner. La dernière chose dont j’ai envie, c’est qu’elle fasse un thread twitter sur moi #Connard parce que j’aurais mal interprêté ses signaux. Cette nana, elle a pas l’air de déconner. Charmant Je me gratte machinalement l’arrière de la tête et balayant la pièce du regard. J’ai fini par m’habituer aux moisissures le long des plaintes et à la peinture qui s’écaille, au parquet de travers et à la mauvaise aération. Au Com tous les appartements sont dans un sale état. Certains les retapent entièrement. Avec le fric que j’me fais parfois grâce aux cambriolages, j’aurais clairement les moyens d’échanger avec un appartement plus grand, mais celui-ci, il est pile à côté de celui de Drax. C’est essentiellement pour ça que j’y reste. Ouais, faudrait que j’passe un coup de peinture. Ça fait plus de quatre ans que je dis ça. D’ailleurs, je fais un pas vers elle pour l’avertir quand elle s’approche du canapé : Fais gaffe j’ai… renversé des céréales partout. Et je m’empresse d’aller essuyer le tout et le jeter à la poubelle. Mon attention est attiré par le bruit des bouteilles qui s’entrechoquent au fond du sac qu’Azel vient de poser sur ma table basse. Je me tourne vers elle, planté au milieu de la pièce. Je la regarde retire une à une toutes les bouteilles qu’elle a réussi à planquer dans son sac. J’arque un sourcil, légèrement impressionné par tout ce qu’elle a. On devrait pas mourir de soif, on pourrait presque croire qu’elle tente de me saouler. C’est l’sac de Mary Poppins. Que j’commente, amusé. Les bouteilles étalées sur la table basse, elle retire sa veste. Aussi machinal que c’est mes yeux glissent le long des courbes dévoilées par ce haut beaucoup trop moulant. J’inspire un peu d’air discrètement et me passe la langue sur les lèvres. Cadeau! J'espère que tu avais rien de mieux à ton horaire, parce qu'il va falloir annuler Je fais un petit rire gêné. Ok, je peux littéralement pas me faire de films là. Je tire sur les manches de mon sweat-shirt, les joues légèrement rougissantes. J’pense à Olivia, j’pense à ce message que j’attends depuis trop longtemps. J’pense à Nana. J’pense à plein de truc en même temps. Et le regard qu’elle me lance Azel, c’est comme si elle était une mauvaise décision de plus à prendre. Une mauvaise décision que je vais forcément prendre. J’hausse les épaules d’un air fataliste : Non j’avais rien de prévu. Je jette un coup d’œil à ma télé, renchérit pour la vanne : Enfin y avait Bob l’Éponge à la télé… mais… va pour le whisky. Nouveau rire. Et quand je la vois tapoter sur le bord du canapé, mon coeur s’accélère légèrement, je me retourne de ce pas vers la cuisine pour sortir du placard deux verres poussiéreux que je passe sous l’eau. Je sens son regard dans mon dos. Et puis la rejoins sur la canapé. Elle a déjà ouvert la bouteille, je la regarde en riant et lui tend les verres. Quoi de neuf? J’me suis fait larguer. Je ferme une seconde les yeux. Super Malcolm, SUPER. Ça fait pas du tout désespéré de placer ça aussi tôt dans la conversation. Je lui fais un sourire et tend le verre. Ouais, vraiment besoin d’boire. Elle remplit le verre que je tiens, d’une main, je retiens son bras pour qu’elle le remplisse davantage avec un petit sourire. De toute façon, au point où on est. Avant de prendre une gorgée, je m’arrête dans mon élan et pose mon regard sur elle et son verre toujours sur la table basse, dont elle n’a pas encore pris une gorgée. Qu’est-ce que tu fais là Azel ? C’est pas innocent ça. C’est pas innocent les bouteilles d’alcool, la visite tard le soir, le petit haut moulant… Et j’peux pas croire qu’elle veut juste prendre de mes nouvelles.

@azel sparks

J'adore les céréales Qu'elle me sort pendant que je suis en train d'éponger le sol miteux, accroupi à côté d'elle. J'esquisse un sourire. Bah, comme tout le monde. Que je réponds, un peu trop enthousiaste. Mon alimentation est restée plus ou moins celle d'un enfant de six ans. Pâte, jambon, céréales et pizza. Tam avait pas le temps de vraiment nous faire des plats étudiés, et fallait pas compter sur mon père pour s'inquiéter de notre équilibre alimentaire, et puis, quand on quitte le domicile familiale à seize piges, on a pas vraiment le temps de s'habituer aux légumes ou ce genre de connerie. Les céréales, j'en bouffe à longueur de temps, j'pourrais carrément disserter dessus, si j'étais pas si nul à l'écrit. Quand je finis de ramasser mes bêtises, je jette un rapide coup d'œil à l'intérieur de paquet de céréales, encore ouvert sur la table basse, petit jouet encore à l'intérieur attire mon attention, et machinalement, je tends le paquet à Azel pour qu'elle le prenne, ça sera ma façon de rembourser tout l'alcool que je vais lui piquer. Je range tout ça, et puis la rejoint sur le canapé, guidé par l'assurance d'un puceau face à son invitation trop appuyée.

La manière désastreuse d'ouvrir la soirée, avec mon anecdote pourrie sur le fait de m'être fait largué ne casse pas tant que ça l'ambiance, elle a ce genre de regard pénétrant qui me lâche pas et le court silence qui suit ma révélation stupide me conforte dans l'idée que, si j'avais bien une chance avec elle, c'est désormais terminé. Je tends alors mon verre d'un air fataliste, avec l'envie pressante de disparaître sous une montagne d'alcool, et de m'y noyer. Ouais, c'est bien ça. Raison de plus pour boire ouais. Qu'elle répond en fait simplement m'arrachant un sourire en coin vague. Ouais, raison de plus. J'ai l'impression que les raisons de vider les bouteilles ou de me brûler les lèvres sur la pipe à crack s'entassent dans un coin de ma tête. Foutu cercle vicieux, ou je ne sais quelle loi métaphysique qui régie la malchance qui me tombe dessus en ce moment. Et ça tout qui me revient en rafale l'espace d'une seconde. Je noie tout ça sous une bonne rasade de ce whisky trop fort qui me fait grimacer. Elle m'imite quand je lui demande la vraie raison de sa présence ici. J'pouffe de rire devant nos deux visages tordus par l'alcool trop fort qu'on s'enfile, pour des gamins comme nous. Ça se voit, non? Je la regarde les sourcils haussés, sans trop osé répondre, sans savoir non plus ce qu'elle voudrait que je réponde. eeeeeeuh… Que j'sors avant de pouffer de rire à nouveau et de me remettre le nez dans mon verre pour vider le verre d'un trait. Je le laisse tomber sur la table basse et n'attend pas ne serait-ce qu'une minute de politesse pour le remplir à nouveau alors qu'elle sirote toujours tranquillement le sien. Je me suis dit qu'on pourrait p'être apprendre à se connaître un peu mieux toi et moi, mais si ça t'emmerde, te gêne pas de me mettre à la porte. Je serais pas vexée. Je secoue la tête de droite à gauche pour lui signifier que j'ai aucune envie qu'elle quitte l'appartement. Je suis un peu secoué par le cul-sec que je viens de taper et puis je reprend une gorgée sans répondre. Olivia, Monsieur Henry, Rex, le crack, tout tourne dans ma tête trop vite. Pas habitué à avoir une bonne nouvelle à fêter. Et si tu commençais par me dire pourquoi on t'a largué, hum? J'ai pas de conseil à donner en la matière, mais t'as l'air d'un mec plutôt facile à vivre. J'écarquille légèrement les yeux et lève une main d'un air évident. Non mais c'est clair, j'suis pas relou comme gars. J'sais pas elle… elle a vrillé à propos d'un détail minuscule et… Ma phrase ne trouve pas de fin. Parce que je sais que c'est pas un détail, elle me l'a trop répété maintenant. Mais est-ce que c'était si important que ça ? Que je prenne du crack ou pas, ça change vraiment que chose ? J'suis toujours la même personne, je suis clairement toujours le même gars angoissé et mal à l'aise à l'idée qu'une nana soit sur son canapé avec une arrière pensée derrière la tête. Je suis toujours le même gars qui tient ni l'alcool, ni rien du tout, et qui se laisse dépasser par n'importe quoi. Elle veut des infos, elle me regarde avec cet air là, trop intense, comme si elle cherchait directement à lire dans le bleu de mes yeux quelque chose, un indice. Et quand elle insiste, promettant de garder tous mes secrets, j'ai comme un instinct qui me revient. J'viens de North End, et à North End, on fait confiance à personne, et surtout pas aux blancs - ouais, c'est drôle d'entendre ça de la bouche d'un blanc, pas vrai ? J'esquisse un sourire un peu gêné. T’as pas l’air de t’en sortir mieux qu’moi. Que j’annonce fataliste, faisant référence à ses propres dires, mais j’explose de rire la seconde d’après en me rendant compte de ce que je viens de balancer, recrachant une partie du whisky avant de me coller une main devant la bouche. Enfin, j’dis ça, parce que t’as dit que t’avais pas de conseil à donner. Enfin… j’me doute pas que t’as pas d’mal à… bref t’as compris quoi. Je m’enfonce, clairement. Tant pis, je vide à nouveau mon verre. Et y en a plusieurs qui s’enchaine de cette manière, sans que je sache vraiment si elle me suit à chaque fois ou si elle est encore sur son premier verre. Au bout d’un moment j’finis par lâcher, légèrement embrouillé par l’alcool : Ok, on va faire comme ça. Puisque t’as l’air d’avoir envie de poser des questions. Ça va être chacun notre tour, celui qui veut pas répondre, bois. Entre temps, j’ai glissé du canapé et j’me suis assis sur le sol, adossé contre le canapé, clairement un peu pompette, et pour nous donner du courage je vide mon verre à nouveau pour partir sur des bases saines. Pendant que je le remplis, j’commence : Du coup, à moi. Parce que… bah parce que voilà ! Je ris. Qu’est-ce que… j’veux dire, pourquoi t’as envie d’apprendre à me connaître ? Elle a débarqué si vite dans ma vie, que j’ai même pas eu le temps de comprendre pourquoi. Pourquoi elle m’a foncé dessus dans ce bar, pourquoi elle débarque aussi ce soir, pourquoi un mec comme moi pourrait intéresser une fille comme elle ? J’ose même pas lui lancer une oeillade et je finis simplement de remplir nos verres.