la planque (otto)

Je monte sur les barricades, bousculé par la foule qui me compresse derrière moi. On ne forme qu’une marée, une marée humaine qui cherche simplement à s’échapper. Au début, c’était juste pour casser des trucs. Uniquement pour ça. Sam m’a saoulé tout à l’heure, j’étais vraiment énervé. À Krainz Wood, c’est chaud en ce moment. J’y ai emmené Sam par simple instinct de provocation. J’ai rejoins un groupe de gars qui pétaient des vitrines. Survoltés. J’me suis fait dépassé par l’agitation, le gaz lacrymo m’arrache complètement, et j’peux même plus fendre la foule. Juste devant moi, une rangée de flics qui nous poussent en arrière, comme des sauvages. J’leur gueule de m’laisser passer. Rien à foutre. Un coup d’matraque me projette sur le sol. Pendant une seconde je vois le ciel, et puis la foule se densifie à nouveau, j’suis dans le noir et j’évite comme je peux les piétinement. Merde, merde, merde !

Qu’est-ce qu’il fout là ?
C’est quoi ce bordel ?
Sam ouvre les yeux, horrifié. Il se passe les deux bras autour de la tête pour se protéger d’une chaussure qui lui arrivait en pleine poire. Il roule sur le ventre, et rampe quelques mètres pour s’éloigner du gros de la foule et dès que l’air devient à nouveau respirable, il se redresse et tangue sur trois pas. Son corps lui fait affreusement mal, ses yeux aussi. Merde, c’est quoi ce bordel ? C’est quoi ça ? Qu’est-ce qu’il fout à Krainz Wood. Qu’est-ce que t’as fait. Rien, c’est les flics. Sam se passe deux mains dans les cheveux, et puis un autre groupe de flics arrivent d’une rue de gauche. Shit. Sam a appris, au fil du temps, à éviter les flics comme la peste. Son année de prison a été suffisante pour le vacciner. Un ex-taulard arabe, c’est un motif suffisant d’arrestation pour les flics américains. Sam se retourne en espérant s’échapper par derrière. Tout aussi bouché. La panique commence à monter. Il suit un mouvement de foule qui s’engouffre dans une rue adjacente, et quand les flics lance dans grenade de désencombrement au milieu, il se plaque contre un mur un bras devant les yeux. On fait quoi ? On fait quoi ? Sam se faxe contre la façade de l’immeuble pour rejoindre la place principale. Il peut attendre dans un coin que ça se tasse ?

Non.

Je me lève d’un bond et attrape une brique qu’un manifestant a envoyé. Je prend un peu d’élan et l’envoie de toutes mes forces devant moi, sur la lignée de flics qui bloquent. J’attends pas la réaction, je fonce à travers eux et cours du plus vite que j’peux. Ils me suivent quelques mètres mais l’agitation générale les empêchent de nous pourchasser trop longtemps, je m’arrête une fois dans une rue plus calme et reprend mon souffle.

Shit. Merde, on est où là ? On entend encore les cris de la foule, mais d’un peu plus loin. Sam a la respiration courte sans même savoir pour quoi. Il regarde ses mains, elles sont égratignées. Il crache par terre un peu de bile et de sang, sans savoir d’où ça lui vient, sans doute des quelques heures dont il ne se rappelle pas. Mais encore une fois, la colère se répand comme un virus, et la rue dans laquelle il reprend son souffle est contaminée. La rage s’explose contre les vitrines des magasins, et Sam regarde les enragés s’approcher trois secondes, avant de courir en sens inverse. Il faut qu’il s’arrache d’ici. Il a toujours détesté les gens, alors imaginez un peu se retrouver au milieu d’une panique générale ? Faut pas qu’il se fasse repérer par la police, en ces temps de trouble, il se ferait coffrer. Y a des moments - la plupart du temps en fait - où Sam aimerait disparaître. Complètement, ne plus exister.

Il reconnaît le motel, celui où il a rejoint JJ, un soir où il comptait rentrer à Detroit. Sam ne connaît pas encore bien la ville, et il se perd une fois sur deux. Mais là il sait que personne ne viendra le faire chier. Il court à travers le parking et s’écrase contre la première porte qu’il rencontre. Fermée. Il tape dessus, puis passe à la suivante. Il en fait trois avant d’écraser son épaule contre la quatrième, s’attendant encore à une porte verrouillée il manque de se casser la figure quand celle-ci s’ouvre aussi violemment. Il fait trois pas dans la pièce, accroché à la poignée. Dans un sursaut il la claque derrière lui et se précipite regarder dans le judas pour voir si personne ne l’a suivi. Clean. Il échappe un soupir de soulagement et s’adosse contre la porte pour enfin essayer de se calmer, les yeux fermés.

Mais il rouvre les yeux la seconde d’après, pris d’un doute. Un doute qui se confirme : la chambre n’est pas vide. Il sursaute en voyant la silhouette sortir de la salle de bain. Mais rapidement sa peur retombe et se mute en un genre de sentiment blasé infini. C’est ce mongole d’Otto. Vague d’énervement qui le recouvre tout entier, il laisse échapper un souffle choqué. Jamais il ne se serait attendu à le voir ici, et il lève les yeux au ciel avant de faire tomber la tête contre la porte. Les emmerdes, ça s’arrête vraiment jamais. Sans déconner… Qu’il marmonne à bout de nerf. Il peut pas le voir en peinture ce mec, même si ça fait des années qu’il ne s’était pas retrouvé en face de lui. Mais May les a prévenu, l’autre jour, elle a lancé ça au milieu d’une conversation et Sam n’a écouté qu’à moitié. Il percutait pas ce qu’elle voulait vraiment dire. Mais cette tafiole en manque d’attention les a bien suivi depuis Detroit. May blaguait pas, putain. qu’il s’énerve. Il se décolle de la porte et retire sa veste à capuche poussiéreuse. Il a chaud parce qu’il le contrôle rien de ce qui s’est passé aujourd’hui. L’autre l’a foutu dans la merde, et voilà qu’il se retrouve dans une chambre d'hôtel avec Otto Hard, l’allumé pas foutu de passer à autre chose. Sérieusement, dans le genre gestion des échecs, ce type est au niveau zéro de la réussite. Il dévoile son corps trop frêle qui flotte dans un t-shirt sombre, le creux de ses coudes abimés, et ses frissons nerveux qui le secouent souvent. Il fait quelques pas jusqu’aux fenêtres et entrouvre le rideau pour surveiller le parking. Contente-toi de la fermer, j’ai pas envie de t’entendre. Qu’il lâche alors, très peu intéressé par les raisons de sa présence ici. Sérieusement ? Genre, sérieusement ? Tu trouves pas ça bizarre ? C’est pas l’moment.

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C'était tellement la merde dehors ! Alors bien sûr Otto s'en doutait, il avait vu les information, il savait que c'était en train de chauffer dans les rues. Et peut être que oui... oui il était sortit pour voir à quel point c'était la merde et se délecter du chaos ambiant. Mais pour le coup il devait reconnaître qu'il ne s'attendait pas à ce que ce soit tant le chaos... et peut être qu'avant ça l'aurait éclaté ! Mais maintenant il aimait bien rester genre en un seul morceau le Otto ! Car il y tenait à son corps, un pauvre petit corps qui avait tendance à se faire vachement malmené en ce moment. Alors quand ça avait commencé à devenir trop violent pour lui il avait préféré prendre la fuite, cherchant à retourner à son appartement mais ne trouvant pas de chemin dégagé pour y retourner alors... alors il avait juste cherché une planque ! Et celle ci se présenta sous la forme d'un pauvre motel miteux. Mouai... c'était pas brillant mais ça ferait l'affaire ! Otto trouverait bien une porte qui ne serait pas verrouillé pour rester à l'abri le temps que ça se calme dehors sans que personne ne vienne le faire chier. Ou le propriétaire peut être mais ça au pire... il avait bien des méthodes pour s'en sortir dont notamment l'argent. Alors il avait tenté les portes les unes après les autres jusqu'à enfin trouver son bonheur, prouvant aussi que ce motel était géré avec les pieds, en se dégotant une chambre ouverte et inutilisé pour se glisser dedans.

Voila, il ne lui restait plus qu'à attendre que la tempête passe à présent... et putain c'était déjà chiant ! Il allait faire quoi pendant ce temps sérieux ? Bah... s'occuper comme il pouvait. Il avait donc dégainé son téléphone, joué un petit moment avant de finalement aller s'éclipser aux toilettes histoire de se vider la vessie un coup vu qu'il avait que ça a faire franchement. Le truc... c'était qu'Otto avait été aussi con que le propriétaires des lieux ! En quoi ? Bah tout simplement dans le fait qu'il avait genre oublié un détail capital, à savoir verrouiller la porte... car bien vite il entendit celle ci s'ouvrir puis claquer, le prenant par surprise au point qu'il en avait foutu partout avant de remonter sa braguette à la hâte (Et sans se la coincer, merci !). Il se glissa donc lentement vers l'ouverture de la porte pour juger un peu cet intru. Un autre paumé comme lui ? Ou le patron ? Voir un client ? Puis s'aventurant un peu plus dans la chambre pour détailler ce qui semblait être un homme... disons qu'il eut l'impression de se prendre un putain de coup de batte dans la gueule ! Car une fois qu'il pu bien le détailler il le reconnu immédiatement : Samih. Et merde... il avait vraiment pas besoin de ça pour le coup ! Limite il aurait dû resté caché dans la salle de bain quoi mais c'était trop tard... il avait été repéré et l'autre semblait aussi tomber des nus que lui. Mais qui sait ? Peut être que l'autre ne se souvenait plus de lui ? Après tant de temps après tout. Sauf que voilà, il lâcha des mots, un nom notamment, celui de May et là Otto avait comprit qu'il était foutu « Putain... » car ouai elle avait cafté la pute mais du coup ça avait dû réveiller la mémoire de l'autre. Maintenant comment ça allait se passer ? Rien de bon, surtout quand il voyait à quel point il tremblait l'autre barjot. Il fut cependant rassuré en entendant la suite, se disant que peut être qu'il avait moyen de s'en sortir « Pas de soucis, je reste pas... » qu'il répondit simplement avant de se diriger à la hâte vers la porte. Mais l’entrouvrant à peine, observant comment c'était dehors, il fut dévasté de voir que le gros de l'action se passait juste en face maintenant ! Refermant alors la porte et lâchant un autre « Putain... » Il était donc retourné vers le lit, grimpant sur ce dernier, assit en tailleur et bien décidé à attendre en silence... son regard cependant fixé sur Samih, flippant un peu à l'idée que l'autre change d'avis et décide de lui chercher la merde.

Appuyé contre les rideaux, Sam surveille le parking qui fourmille, les bruits qui se rapprochent, l'adrénaline qui redescend pas. Il tente d'ignorer la présence de cet individu, parce qu'il n'a pas de toute façon pas la capacité mentale de traiter l'information. Ce n'est pas parce qu'il semble avoir deux personnalités indépendantes qu'il a deux fois plus de place pour réfléchir. Dans sa tête, tout est fragmenté, les pièces ne s'assemblent souvent pas. Un bordel permanent et un profond sentiment d'incertitudes qui l'étranglent, voilà à quoi ça ressemble la plupart du temps. Pas de soucis, je reste pas... Sam lève les yeux au ciel et continue de scruter le parking avant, et toute cette foule qui se forme, on dirait une vraie chasse aux sorcières. Il n'écoute qu'à moitié ce que dit ce con, de toute façon, il lui avait demandé de ne pas se faire entendre. Peut-être bien qu'il finira par comprendre de cette façon. Rien pendant quelques secondes, et puis d'un coup le brouhaha qui s'infiltre par la porte entrouverte. Sam sursaute à peine et se tourne vers Otto. Shit ! qu'il expire. Putain il était pas assez con pour ça ? Si, le voilà en train de buguer une demi-seconde, totalement à découvert. Avant de claquer la porte. Sam se jette sur lui juste après et le pousse avec force contre le mur opposé. Mais t'es débile, putain ! Sans doute pour ça qu'il a refusé de prendre ce dégénéré sous son aile, à l'époque. Sam n'avait pas souvent refusé du monde, il avait simplement attendu qu'une personne assez tarée veuille bien se ralier à lui. Il avait même accueilli Trixia comme un membre de la famille, contre l'avis général. Mais Otto, il a dû sentir, au fond de lui, que ce mec foutrait la merde.

Il fait tomber le verrou sur la porte et jette un regard noir à Otto, qui est toujours contre le mur perpendiculaire. La seconde d’après il se rue à nouveau vers Otto, et l’empoigne par un bras avant de le jeter sur le lit dans un grincement de ressorts inquiétant. Je viens de te dire que j’voulais pas t’entendre ! Il n’est pas patient, surtout pas avec un type qu’il a viré et qui revient le hanter des années plus tard. D’ailleurs, cette pensée n’arrête pas de parasiter dans son cerveau, comme quelque chose de désagréable, qui grésille sur ses tympans. Qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre là ? Ça fait longtemps qu’on croit plus aux coïncidences Sam se passe une main contre sa tempe, nerveusement. Il jette un dernier coup d’oeil à travers les volets tirés, les couleurs vives des sirènes zèbrent à travers la fenêtre par intermittence, l’atmosphère se charge en électricité. Enfin il reporte son attention vers Otto, et soupire bruyamment. Il a les dents serrés, l’autre brûle de savoir, de demander, mais Sam n’a pas envie de s’en occuper. Comme souvent. Comme toujours.

Ce qui l’interpelle le plus, Sam, c’est pourquoi quelqu’un voudrait rejoindre les Kids. De l’extérieur, ils ne sont rien de plus que des désaxés, leur vie se résume à un enchaînement perpétuel d’emmerdements. Ils sont captifs d’une système, d’une prison qu’ils se sont eux-mêmes construits. Faut pas être net pour renoncer à une vie plus confortable pour ce genre de survie qui vous use, petit à petit. Sam est bouffé jusqu’à la moelle, et y a plus rien qui le fait tenir debout, rien qu’une habitude d’automate. Encaisser, ignorer, survivre. S’adapter. Ce gosse ferait bien de retourner là d’où il vient. Mais pour pouvoir couper court à ses rêves, encore faut-il être sûr. Sam passe devenant lui, excédé, et fonce jusqu’au minibar (plus ou moins en état de marche). Il l’ouvre et en sort une de ces mini-bouteilles de whisky. Ouais, ça fera l’affaire pour le moment. Il est tiède, tant pis. Il referme le mini-bar, et reste dos à Otto une seconde, quand il commence à parler : Bon, tant qu’on y est. Il prend une grande inspiration, et fait volte face. Il s’adosse contre la commode et regarde son colocataire de fortune : S’il-te-plait, tu nous as quand même pas suivi jusqu’ici ? Hein, rassure-moi ! Y a un petit côté condescendant dans sa voix. Sam est du genre à soutenir l’équipe local, les “vrais Kids”. Le seul côté revendicatif qu’il peut avoir, c’est pour défendre les siens, sa meute. Toute personne extérieure est automatiquement désignée comme ennemi, voilà comment ça marche. Parce que je t’ai déjà dis de disparaître, et c’est le genre de conversation qu’on a pas envie d’avoir à nouveau, tu crois pas ? C’était assez gênant comme ça la première fois. Sam ouvre la petite bouteille et la vide d’un trait, avant de grimacer, le corps parcouru d’un frisson.

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Non mais sérieux, de toutes les personnes qui auraient pu trouver refuge ici il avait fallu que ça tombe sur lui ? Alors ouai, il pouvait pas critiquer, les Kids qui l'avaient vu ou avaient eut connaissance de sa présence ici devaient aussi se poser la même question mais justement, lui ce n'était pas un hasard mais Samih ?! En plus si Otto était certes accro à JJ au point de supporter tout ce qu'il lui faisait subir tant qu'il le touchait à la fin de la journée, si il adorait emmerder May juste pour le plaisir de la voir enrager, quand il était question de Samih... Ce mec ne le mettait pas à l'aise, il le faisait même flipper d'ailleurs, depuis le début, il y avait un truc qui avait l'air de dérailler quand on le regardait dans les yeux... quoi que... JJ était très certainement pas mieux mais hey, en attendant c'était Samih qu'il trouvait plus flippant car JJ était prévisible, lui il n'arrivait pas à savoir ce qui pouvait bien lui traverser l'esprit ! Alors ouai forcément Otto ce qu'il voulait là c'était se barrer. Et il avait essayé en soit... mais avec l'agitation dehors c'était même pas pensable. Et pire... il avait réveillé la fureur du Kid qui se trouvait avec lui au point de se faire pousser contre un mur pendant que l'autre le traitait de débile. Et Otto ? Otto ne s'était pas sentit de lui répondre pour être totalement franc. Si JJ savait qu'une personne arrivait à le faire rester silencieux il ragerait sûrement !

Et il ne faisait toujours pas le fier, surtout en le voyant lui foncer dessus juste après avoir verrouillé la porte. Cela dit, à se faire jeter sur le lit comme ça, Otto en aurait presque rit. Ouaip, ça lui faisait vachement penser à sa première fois avec JJ. Sérieux il allait pas se faire passer dessus par tous les Kids, si ? Ce serait trop beau. Mais malheureusement non, pas de pulsion sexuelle cachée cette fois, juste de la violence et de la rage. « Je voulais me barrer pour pas que tu m'entendes ! » avait fini par répondre Otto une fois qu'il avait reprit assez son calme pour répondre. Mais pour le moment pas plus de provocation, il s'était simplement redresser, s'asseyant en tailleur sur le lit, ses chaussures aux pieds car c'était un rebelle ! À observer l'autre s'affairer devant la fenêtre. Ça ne servait à rien de rester les yeux rivés là dessus, ils étaient à l'intérieur à présent, la porte était verrouillés, si des gens venaient foutre le bordel par ici il les entendrait venir à des km. Sauf des personnes isolées bien sûr mais ils se retrouveraient devant une porte fermée. Puis finalement l'autre Kid qui fonce vers le minibar, vidant les bouteilles qu'il y avait à l'intérieur. Merde... il aurait dû y penser pendant qu'il attendait tout à l'heure ! Mais alors qu'il était prêt à se lever pour lui aussi fouiller ce dernier la voix de Samih le stoppa net « Woaw, je crois que t'es le premier Kid à connaître ces trois mots : S'il-te-plaît. » Ouai, il avait jamais rencontré l'un d'eux ayant des mots aussi gentils pour lui « Et tu veux que je réponde quoi ? Si je te dis non tu vas pas me croire et me casser la gueule jusqu'à ce que j'avoue un truc. Si je te dis oui tu vas me casser la gueule par principe. Si je répond pas tu vas me casser la gueule aussi. Après je dirais bien que je suis là pour que tu me jette sur ce lit et que tu me baise comme un animal mais là encore je me ferait casser la gueule alors... bah choisit la réponse que tu veux, dis toi juste que dans tous les cas je suis dans le voisinage, aussi désagréable que ça puisse être pour vous comme pour moi. » Il essayait de s'en sortir avec du vent, mais il sentait que tout ce qu'il allait gagner c'était de se faire casser la gueule.

Je voulais me barrer pour pas que tu m'entendes ! Sam tourne lentement la tête vers lui, très lentement. Il lève les yeux au ciel en expirant un soupir désespéré. Ce gosse le blase complètement. Il l’observe se poster en tailleur sur le lit et détourne rapidement son attention de lui au profit du minibar. Il sait parfaitement qu’il ne survivra pas sobre à un enfermement forcé avec un type qui fait une finette sur les Kids et dont il se fiche éperdument. Dieu sait combien de temps ils seront encore bloqués ici, et c’est ce qui l’angoisse le plus dans cette histoire. Peut-être bien que les casseurs vont squatter ici longtemps, peut-être que les flics ont bouclé le périmètre. Il en sait foutre rien. Et quand on prend de l’héroïne, on a besoin d’un minimum d’organisation, ne serait-ce que pour se réserver le créneau du prochain shoot. Il n’a rien sur lui, tout est à la maison, sous son matelas. Quand il a attrapé quelques petites bouteilles de whisky, il trouve enfin le courage de poser quelques questions à la groupie. Malheureusement, les seules réponses qu’il veut bien lui apporter sont complètement à côté de la plaque. Woaw, je crois que t'es le premier Kid à connaître ces trois mots : S’il-te-plaît. Sam arque un sourcil, peu intéressé. Ce type est fasciné par un « s’il te plait » débordant d’un cynisme mal dissimulé, c’est comme s’il cherchait des preuves que les Kids ne le détestaient pas complètement. Peut-être bien que y a que toi qui le déteste par principe. Et cette pensée lui tord le bide. Parce que y a forcément un truc qui colle pas. Comment Otto a su qu’ils se rendaient à Detroit ? C’est qui son allié parmi les Kids ? Qui a continué à garder le contact après son refus dans le groupe ? Y a forcément quelqu’un, forcément ! Ça lui prend la tête, mais Otto ne lui apporte aucune réponse, rien qu’un laïus qui n’a aucun sens.

Et tu veux que je réponde quoi ? Sam fronce les sourcils, impatient : La vérité, par exemple. Et c’est ce qui est le plus compliqué à avoir, il le sait. Les Kids sont passé maître dans l’art de contourner la vérité, de s’avouer des demi-mensonges, ne serait-ce que pour ne pas se faire du mal. Et c’est usant, de devoir recouper les informations en permanence. Usant de devoir composer avec des bribes d’informations, à chaque fois. Au moins, sur ce point, Otto est pareil. Comme quoi finalement, y en a des points communs. Si je te dis non tu vas pas me croire et me casser la gueule jusqu'à ce que j'avoue un truc. Sam vide une deuxième mini-bouteille et grimace sans lâcher le gosse du regard. Il pose les deux cadavres vides au-dessus du minibar et garde le silence surtout parce qu’Otto enchaîne avec rapidité. Si je te dis oui tu vas me casser la gueule par principe. Si je répond pas tu vas me casser la gueule aussi. Il lève les yeux au ciel l’égyptien, un peu soulé par ces sous-entendus. Déjà, il n’a jamais dit qu’il lui casserait la gueule, mais semble que ça soit tellement courant pour le petit, que c’est devenu une habitude. Il a une tête à claques en même temps. Personne va te casser la gueule, God ! Qu’il expire à bout de nerf. Il se passe une main sur le front, aimerait que l’alcool lui monte plus vite au cerveau. Mais ce qui suit est encore pire que tout. Et Sam écoute la diarrhée verbale d’Otto complètement accablé par ce mec qu’il ne comprend pas, faisant couler sa main le long de son visage d’un air choqué. Après je dirais bien que je suis là pour que tu me jette sur ce lit et que tu me baise comme un animal mais là encore je me ferait casser la gueule alors... bah choisit la réponse que tu veux, dis toi juste que dans tous les cas je suis dans le voisinage, aussi désagréable que ça puisse être pour vous comme pour moi. Sam fronce les sourcils et secoue la tête, atterré. De. Quoi. Il. Cause ? Ce type est encore plus attaqué que lui, et dans le fond ça a un petit côté rassurant.

Waouh. qu’il lâche finalement. Y a une troisième petite bouteille qu’il a sorti. Il l’attrape, hésite à la boire cul-sec pour se remettre de cette proposition de le prendre sauvagement sur le lit, parce que franchement, ça lui file une gerbe pas possible, mais dans un élan un peu dingue de solidarité, et une envie de le faire se détendre pour qu’il arrête de raconter des conneries, il attrape la petite bouteille et l’envoie sur le lit, à côté d’Otto. Si c’est si désagréable pour toi, qu’est-ce que tu fous là ? Qu’il finit par lâcher une fois qu’Otto a pris une gorgée. C’est vrai quoi, le gars n’est pas clair dans ses explications, et tout ça commence réellement à lui prendre la tête. Soit un Kids t’a dit de venir, soit tu nous as suivi comme un putain de psychopathe, y a que ces deux solutions. Silence, Sam le fixe droit dans les yeux pour essayer d’y déceler les réponses qui lui échappe. Et puisque le silence s’étire il tape d’un coup, violemment, contre le minibar. Sérieusement Otto, juste dis moi la vérité, j’ai autre chose à foutre que d’me prendre la tête avec ça.

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Non mais sérieux... Ok, il evait bien l'admettre, souvent les Kids il les croisait car il avait envie de les faire chier ! Mais c'était quoi ce retour de karma de merde qui lui faisait croiser leur chemin même quand il ne les cherchait pas dans le plus grand des hasards ? Pire ! Dans le plus grand des bordels ! Et en fait c'était ça la réponse, sitôt qu'il y avait du chaos il y avait forcément des Kids autours. Et franchement ça aurait été May il se serait marré, il aurait joué avec cette conne ! Il l'aurait nargué et tout jusqu'à ce que ça parte totalement en couille. Et si ça avait été JJ bah... même chose au final ! Même si ça aurait pas fini dans le même genre de couilles avec lui. Mais Samih ? Otto n'aimait pas Samih. Lui pour le coup il était trop bizarre, trop imprévisible, il lui foutait froid dans le dos. Il était un peu comme un de ces chiens totalement cinglés qui pouvaient rester là tranquille, simplement agité par le rythme de leur respiration, pour ensuite se jeter sur vous à grand coups de crocs sans prévenir. Et c'est pour ça qu'Otto voulait partit, quitte à braver la foule, quitte à braver les flics, s'éloigner le plus loin possible de cette bombe à retardement ! Mais ça n'avait pas été possible, Otto ne parvenant qu'à énerver encore plus celui qu'il ne devait pas provoquer qui l'avait balancé contre le mur avant de le jeter sur le lit.

De là que faire ? L'autre allait forcément pété un plomb, il aurait beau dire ce qu'il voulait, même la vérité, ça ne servirait strictement à rien. Donc ouai l'autre il était mignon mais Otto il la connaissait bien la méthode Kid : Jamais rien croire, toujours frapper. Putain de connards paranoïaques... Du coup il avait tenté de répondre ce qu'il pouvait tout en regardant Samih d'un air blasé quand celui ci avait balancé que personne allait lui casser la gueule, en mode outré et tout, comme ci c'était Otto qui exagérait « T'es sérieux mec ? J'ai jamais rencontré l'un de vous sans que ça en finisse aux mains et ça venait jamais de moi... enfin sauf pour May ! » avait-il répondu avec un petit sourire en repensant à ce moment glorieux où il avait menacé cette pute d'un couteau même si sa rupture avec Lenny s'était déroulé peu après. Mais surtout il avait décidé de noyer le poisson, balançant un vieux sous entendu comme il en avait l'habitude pour juste finir sur le fait que le fait qu'ils soient tous là était aussi désagréable pour lui que ça ne l'était pour eux qu'il soit là. Ce à quoi il ne s'attendait pas par contre c'était que l'autre lui balance une bouteille, ce qui faisait presque signe d'humanité venant d'un de ces déchets, woaw ! Surtout après l'avoir titillé avec une histoire de PD sachant qu'ils avaient un soucis avec ça. Il l'avait donc observé en levant un sourcil avant de juste se dire merde et de commencer à siffler la petite bouteille. « C'était pas prévu. J'étais même pas au courant que vous deviez déménager ici. » C'était la vérité ! Son voyage ici n'était ni prévu tout comme il ne savait pas qu'ils devaient tous venir ici. Cela dit la suite lui donnait envie de s'amuser tiens... serait-ce mal de jouer avec le feu ? « Mais ouai... c'est bien de votre faute si je suis là ! Je serais jamais venu me perdre volontairement dans... dans cette ruine ! Mais un de tes petits gars là... je suis désolé de te le dire mais un de tes petits est une tafiole comme moi et a fait des effort moooonstre pour s'assurer ma présence. » C'était mesquin, mais depuis que JJ l'avait fait venir il n'avait fait que morfler pour ne rien avoir en retour donc autant semer un peu la discorde jusqu'à ce que JJ assume son acte « Et traite moi de menteur si tu veux, mais même toi tu sais que j'ai zéro raison d'être ici autrement et que j'ai un peu plus rien à foutre de vous ou des gangs en général depuis que j'ai lâcher les Lost Boys. »

Il parle trop ce gosse, et sait pas quand s’arrêter, c’est certain. En plus de ça il n’est pas crédible quand il essaye de mentir. Une vraie plaie. Et pour justifier sa peur paranoïaque de se faire taper dessus, il ne trouve rien de mieux que de lâcher, là, comme ça : T'es sérieux mec ? J'ai jamais rencontré l'un de vous sans que ça en finisse aux mains et ça venait jamais de moi... enfin sauf pour May ! Sam relève ses yeux une seconde, comme frappé en plein dans la cage thoracique. Qu’est-ce que tu viens d’dire ? qu’il siffle, froid, sec, sentant la colère envahir tout son espace, et l’autre rugir sous cette annonce. Il vient bien de balancer qu’il a agressé May ? Il n’a pas rêvé ? Non mais il est con ou quoi ? Sam pourrait l’étouffer avec un coussin rien qu’à cause de ça. Peut-être qu’il faudrait le faire, ouais. Il a du mal à supporter qu’on s’en prenne à un de ces Kids, May encore moins, elle et son corps trop cabossé. Il tente d’expirer pour se calmer, mais cette situation commence vraiment à lui taper sur le système. Qu’il se fasse poursuivre par des flics, pourquoi pas. Qu’il soit enfermé quelques heures dans un motel pourri, passe encore. Mais alors devoir supporter les illuminations exaspérantes de ce mec, ça commence à faire trop. Tu veux que j’le fasse taire ? Qu’il propose gentiment l’autre. Et Sam voudrait lui dire qu’il en a fait assez pour la journée. Alors il se contente de le penser, et l’autre se vexe. De toute façon, y a quelque chose de plus fort que son énervement, chez Sam. C’est ce besoin vital de connaître la vérité. Parce qu’il sait qu’un truc cloche. Il sait parfaitement que l’un de ces Kids lui a menti, au moment de déménager à Detroit. Et Sam ne supporte plus le mensonge venant d’eux. Assez ironique venant du type qui se pique en cachette. Donc il insiste une dernière fois, envoyant une bouteille d’alcool pour lui délier la langue. Ça marche à fond. Otto passe à table en moins de temps qu’il n’en faut pas le dire : C'était pas prévu. J'étais même pas au courant que vous deviez déménager ici. Sam ne le quitte pas des yeux, essayant de contrôler son impatience - difficilement. Heureusement (ou pas), Otto enchaîne rapidement. Mais ouai... c'est bien de votre faute si je suis là ! Je serais jamais venu me perdre volontairement dans... dans cette ruine ! Il accuse ce premier coup, essayant de ne pas le prendre trop personnellement. Mais les mensonges sont comme des couteaux dans l’dos, à chaque fois. Parce que y a un trop lourd passif entre eux, entre la famille. Les mensonges les ont flingué une fois. Détroit était un nouveau départ, des bases saines. Ça commence mal. La suite n’est pas mieux : Mais un de tes petits gars là... je suis désolé de te le dire mais un de tes petits est une tafiole comme moi et a fait des effort moooonstre pour s'assurer ma présence. Sam éclate de rire, un rire bref et froid, complètement assommé. En réalité, c’est l’autre qui rigole, mais Sam n’a pas pu le retenir. Y a des fois où il a des réactions complètement à côté de la plaque, à cause de lui. Il s’arrête rapidement et cligne plusieurs fois des yeux avant de redescendre de la commode et de faire quelques pas en secouant désespérément la tête. Un des gars - JJ - parce que c’est pas Sam, et Cal a disparu de la circulation avant Detroit. Un des gars est une tafiole. Nouveau pouffement de rire incontrôlé. Et il continue Otto, il continue à parler et Sam ça se rend dingue rien que de l’entendre, parce que dans sa tête, tout s’emmêle. C’est PAS possible. C’est faux. JJ n’est pas homo. JJ ne coucherait jamais avec un mec, et encore moins Otto. Ça fait partie des rares certitudes que Sam a encore dans la vie, non pas que ça l’intéresse particulièrement de savoir avec qui JJ couche - des cas sociaux pour la plupart du temps. Mais là, il ne peut pas avoir loupé un truc pareil. Il ne PEUT PAS imaginer qu’il ne connaisse pas À CE POINT son meilleur ami. Alors chaque mot d’Otto est comme une insulte, et Sam tourne frénétiquement autour du lit sur lequel il est assit, en fixant tout et rien à la fois d’un air complètement enragé, un genre de colère contenue, trop, qui finira par exploser. Et traite moi de menteur si tu veux, mais même toi tu sais que j'ai zéro raison d'être ici autrement et que j'ai un peu plus rien à foutre de vous ou des gangs en général depuis que j'ai lâché les Lost Boys. Qu’il se justifie, et ça rend Sam deux fois plus dingue. Si, il est forcément ici parce qu’il les a suivi y a pas d’autres explications. Ça te sert à quoi de poser des questions, si t’écoute pas les réponses ? L’autre, ça le fait juste marrer. Et ça lui file des points, parce que plus JJ est un menteur, plus lui il dit la vérité. C’est mathématiques. Mais Sam ne l’accepte pas. Tant pis pour sa promesse, celle qui disait que personne ne casserait la gueule à Otto. Il se jette sur lui et l’attrape par la gorge. Là, penché devant lui, le visage à quelque centimètres, il grogne presque : T’es malade de balancer ça. JJ pourrait te tuer d’avoir sous-entendu un truc pareil. Il garde sa main autour de sa gorge deux secondes de plus et le lâche en le poussant en arrière dans un mouvement d’humeur. Finalement il se retourne et fait quelques pas vers la fenêtre pour essayer de voir, à travers les rideaux tirés, si l’agitation extérieure s’est calmée. Finalement, il se met les deux mains derrière les crânes, s’étire et c’est douloureux sans qu’il ne sache trop pourquoi. Dos à Otto il ajoute finalement : Laisse-moi récapituler, tu m’dis que tu t’en aies pris à May, ensuite que si t’es là c’est parce que JJ et toi êtes… ensemble ? Cette pensée le dégoûte, il marque un temps d’arrêt et finit par se retourner vers lui pour lui demander, avec toute la sincérité et le fatalisme du monde : C’est quoi ton problème, t’es un genre de suicidaire en manque d’attention ? Ça serait clairement pas étonnant. Finalement il soupire longuement. OK, vu que ça a pas l’air très clair dans ta tête, j’vais le répéter une dernière fois : on veut pas de toi dans les Kids, et personne ici ne veut sortir avec toi non plus. Donc, bonne nouvelle, t’as le droit de quitter Detroit et de retourner à Savannah ou même où tu voudras. Il lui offre un sourire, espère sans vraiment l’espérer qu’Otto va retourner d’où il vient.

» Otto Hard • Little Dark Age
» (22/07) Ash Hopkins, Otto Hard, Casey Andersen