Le bien ou le mal (Intrigue)

Les tensions, tu les avaient déjà vécues à Savannah. Celles de Détroit ne t’effrayaient donc plus vraiment. Non, en ce moment tu craignais autre chose que le grabuge en ville alors tu ne t’éloignais guère du périmètre de la maison des Kids. Parce que ça te rassurait de savoir qu’à tout moment, ils pouvaient intervenir, t’aider ou te protéger. Surtout Samih maintenant qu’il savait pour Seven. Maintenant que ce dernier connaissait votre adresse, tu n’osais plus sortir. Du moins, tu n’étais pas sereine, mais tu ne pourrais pas non plus te terrer éternellement entre vos murs, pas vrai ? Tu avais besoin de médicaments. Puis besoin de voir autre chose que votre fichue télévision.
Traversant le quartier à pieds, une veste à JJ sur les épaules, tu avançais silencieusement avant de couper par le jardin communal. A vrai dire, le jardin ressemblait davantage à une friche abandonnée depuis mille ans, mais ce n’était pas grave. Tu n’étais pas tout à fait venue pour chercher des fraises, d’ailleurs tu n’avais même pas l’impression qu’il y poussait quoique ce soit. L’odeur par contre, tu la reconnus assez vite. De l’herbe. Pas du gazon, non. Cette odeur là était très caractéristique et tu en avais déjà suffisamment fumée pour la reconnaître. Alors à défaut d’avoir des médicaments, peut-être que tu pourrais bien fumer un peu ? Ça passait toujours.
Un bruissement te fit pourtant aussitôt te redresser. Merde, il y avait quelqu’un ? Tu tendis l’oreille et dans l’obscurité, tu crus apercevoir une silhouette. Fronçant des sourcils, tu n’osais plus bouger, attendant que cette dernière s’approche.
« Oh ? » lançais-tu soudain pour forcer la personne à se découvrir, ou du moins s’approcher sans faire de conneries. Instinctivement, tu pourrais ta main dans la poche à la recherche du taser à main que Daire t’avait fourni quelques semaines plus tôt. Le même qui avait servi à neutraliser le roumain. Une sacrée machine.
Un gémissement dans les fourrées te détourna et si ton coeur ne battait pas déjà trop vite, il accélérait encore. « Putain, mais c’est quoi ce plan ? »

@Trixia Cunningham Désolée, c'est un peu court et pas ouf...

Invité

Detroit sans dessous dessus, Detroit qui parvient encore à chuter des abysses jusqu'aux tréfonds des enfers dans l'esprit étriqué de Trixia. La ville s'embrase, les quartiers s'enflamment et du haut de sa piaule minable, elle espère simplement qu'ils s'entretuent, tous autant qu'ils sont. Elle contemple les flics enragés, les voitures brûler et les gangs s'égorger dans la valse de son indifférence. Trop égoïste pour s'attarder sur le menu détail qu'est la vie humaine lorsque la sienne n'est pas en jeu, elle se fiche de l'apocalypse sous ses pieds ... jusqu'au moment où la violence s'invite chez elle, dans son putain d'immeuble délabré.
C'est mort. C'est mort et Trixia guette la première accalmie pour se tirer d'ici. Elle flirte avec le danger, s'infiltre entre les ombres et parvient à se tirer sans encombres de son quartier sous les bombes. La rumeur veut que Delray soit épargné, parce que la destruction y a déjà opéré. Il ne reste rien dans ce no man's land et comme toute personne encore dotée de quelques neurones, Trix y trouve refuge le temps que Detroit retrouve les pédales ou bien que quelqu'un l'assassine pour de bon, pour toujours. Cette décharge à ciel ouvert ne manquera à personne. Ses pas martiaux battent le bitume alors qu'elle rejoint un terrain vague que quelques illuminés osent appeler un jardin. Il faudrait être sacrément dégénéré pour avaler quoique ce soit poussant dans cette terre autrefois dévolue aux usines, probablement polluée à toutes les merdes possibles mais ... pour se dissimuler aux oeillades avides, c'est l'idéal. Elle déambule la belle, ravagée à l'idée de se prendre une balle perdue alors même que sa propre vie ne tient qu'à un fil, tout sauf préservé entre ses phalanges. Mais sa fierté persiste à dicter ses lois et Trixia obéit. Elle erre entre les carottes et la weed qui écorche ses narines lorsque sa scandaleusement précieuse Louboutin, l'un des derniers cadeaux de Kurtis avant qu'elle ne soit injustement privée de sa présence, heurte quelque chose de mou. Qui geint en retour.
Putain de génial.

Trixia fignole le travail d'orfèvre de sa plus belle moue dédaigneuse, un minois aussi sensuel qu'il est méprisant, le parfait mélange entre la chaleur de ses pulpeuses rebondies et le glacial de sa supériorité affichée partout. Sauf que lorsqu'elle est prête à baisser enfin ses opales sur la silhouette allongée ... c'est la surprise qui domine. Un homme d'âge moyen, trop ensanglanté pour deviner s'il fut beau et surtout, le plus essentiel, s'il est suffisamment blindé pour lui lâcher une récompense conséquente pour lui avoir sauvé la vie au lieu de s'être tirée. Il gémit un truc, marée de sang entre chaque syllabe, et elle ne lui prête qu'une attention toute relative, fascinée par le spectacle des chairs dévastées. Il est en charpie et probablement que rien ne pourra le sauver. Elle n'est pas médecin, Trix, mais sait à peu près reconnaître deux litres de pourpre à vue de nez : ça sent mauvais pour lui.
Elle se baisse, nimbée de sa grâce impériale comme si un public invisible restait accroché à ses gestes, pour écouter les mots qu'il expire à demi-voix. Il va mourir. Il a mal. Il a besoin de son aide pour abréger ses souffrances. "C'est une putain de blague ??!" Elle jure Trixia, esquisse un geste de recul qui fait se cogner son talon contre le flingue qu'il lui a demandé de ramasser pour lui venir en aide. Elle hésite, figée par une incertitude qui ne la gagne que très rarement. Sa vie ne pèse rien dans la balance, l'ôter ou la conserver ne l'atteint pas et si elle pensait que le spectacle de la mort en approche lui nouerait le bide, c'est l'inverse qui se produit : elle trouve ça beau et même l'odeur de fer, prégnante, ne la dérange pas. Ce qui la gêne, c'est qu'elle n'a rien à gagner. Le flinguer ou non ne changera rien à son existence et au contraire, en l'aidant, elle se glisse sûrement dans une mauvaise posture. Les empreintes sur une arme qui ne lui appartient pas, un flingue à dissimuler, un corps sur les bras ... Ca l'épuise. Mais d'un autre côté ... Trixia rencontre ce léger problème, avec les armes à feu. Ce blocage qu'il devient essentiel de lever. Son flingue, son précieux flingue, n'a pas pu crever la peau de son géniteur, alors qu'il était à son merci. Non, à la place son bras armé a tremblé et il en a profité pour la rouer de coups, cet immonde bâtard. Et JJ ? Pareil. Elle a été incapable de tirer, malgré la haine qui l'inondait par litres et la sensation dévorante que c'était lui, ou elle. Une question de légitime défense, pas un assassinat. Alors peut-être qu'un cobaye consentant serait la clef à tous ses problèmes ? Trixia est convaincue que sa vie serait nettement plus satisfaisante avec une arme létale entre ses phalanges et les ovaires suffisamment pêchus pour tirer sur quiconque attenterait à sa vie. Ou à sa fierté. Ou à son ego.

Le plan semble bon, bien rôdé. Elle va le faire. Elle va le buter et lui rendre ce menu service car elle est une personne infiniment généreuse et bien intentionnée (sic).
Décidée à se saisir de l'arme, Trixia se baisse au moment où une nouvelle voix s'élève. Un timbre nasillard, un accent irlandais exotique ... elle reconnaîtrait la tessiture de son grain de voix entre mille pour l'avoir si souvent écouté. May. Vraiment, Trix ignore ce qu'elle a pu faire pour irriter à ce point son karma, mais c'est quand même profondément injuste que tous les cafards de Savannah se soient donnés rendez-vous précisément ici, dans cette ville morte. A leur image, finalement. Ses doigts manucurés se referment finalement sur l'arme, tant pour se préserver d'une rencontre qui s'annonce électrique que pour servir de bonne samaritaine à l'autre abruti qui persiste à cracher du sang et à murmurer des sonorités vaguement compréhensibles. "May putain, barre-toi de là." Trix n'a pas envie de la voir. Elle n'a pas envie de se mesurer au fossé gigantesque qui a remplacé leur complicité d'antan. Elle n'a plus l'âge pour les querelles d'enfant, dorénavant. Pas maintenant que sa poule aux oeufs d'or crève en taule et qu'il lui faut retrouver Seven pour qu'il paye. Mais malgré son charisme indéniable et l'autorité naturelle (sic) qui émane de ses mots crachés, la silhouette inchangée de May se dessine au milieu de l'allée de terre. Ses billes bleues coulent de Trixia à la silhouette étendue au sol et elle sent la catastrophe arriver. Putain, manquerait plus qu'une accusation de meurtre par-dessus le marché. "C'est pas ce que tu crois, il était en train de crever et il m'a demandé de l'aider. Tu me connais, généreuse comme je suis, j'envisage de le faire."

Détroit brûle et hurle sans personne pour l’entendre, personne pour l’écouter et la sauver. La police ne sert plus qu’à ajouter sa note stridente au chaos ambiant, hurlant à la nuit comme un cri de bête blessée, prête à attaquer le premier sur sa route. Demain, les journaux parleront d’émeutes et sur facebook de violences policières partagés en masse par les ados réacs de l’autre côté du pays, bien calés devant leur PC dernier cri, à déverser leur rage alors que leur maman vérifie encore si les dents ont bien été brossées. Deux salles, deux ambiances. Pour rien au monde, tu ne voudrais abandonner ton chaos pour le pavillon privilégié. Tu pourrais pourtant, mais au fond, tu faisais un peu parti de ce monde crasseux, pourri jusqu’à la moelle aux sourires taillés dans la chair avariée. Les cris t’exaltent, le chaos t’enchante.
Mais pas quand la menace plane au-dessus de toi comme une ombre mesquine, prête à surgir de l’obscurité pour réclamer réparation, vengeance peut-être aussi. Parce que sous tes airs de gosse innocente et un peu chiante, tu ne vaux pas mieux que les ombres. Tu as juste meilleure allure. Le problème, à révéler ton vrai visage, tu finissais par craindre que les ombres t’engloutissent à leur tour et à l’heure actuelle, ton ombre avait un nom bien précis.
Et ce n’était pas celui du visage de l’autre côté de la route.
Non, ce visage-là, elle ne l’avait plus vu depuis des mois, elle pensait d’ailleurs ne plus jamais la revoir. Plantureuse et tueuse, de cœurs du moins, Trixia l’abominable sorcière qui avait été la première à mettre Samih sous Terre. Les souvenirs des détails s’effaçaient peu à peu de ta mémoire, mais l’essentiel était là : la salope avait planté un couteau dans le dos de la famille et puisqu’elle n’avait pas de race, elle avait frappé un homme à Terre en rejoignant l’ennemi. Double trahison qu’aucun de vous ne saurait pardonner. Ton père et la Bible t’avaient pourtant appris à le faire, mais tu n’étais plus une enfant docile.
Tu ne lui as rien pardonné du tout et si tu croyais être libéré de la doctrine paternelle, ce n’était que pour rejoindre celle de Samih et JJ. Parfaite soldate bien calibrée, bien dressée. Ton regard se fait alors venimeux à la vue de la traîtresse et la haine vient chatouiller le bout de tes doigts. Un reflet détourne pourtant ton attention et enfin, tu vois le spectacle complet. Trixia, une arme à la main et un mort à ses pieds. De là où tu es, tu ne peux le deviner encore vivant, d’ailleurs vu son état ce n’était probablement plus qu’une question de minutes, bref, tu ne te posais pas de questions avant de tirer les conclusions qui s’imposaient : La vipère avait tué.
Au fond, tu n’étais pas surprise. La brune plantureuse s’était révélée être plus froide que la glace, le cœur atrophié si ce n’est arraché. Avant, vous vous entendiez bien pourtant, tu l’admirais pour son assurance et son talent d’actrice. Ce n’est que trop tard que tu avais compris que ses manipulations ne s’étendaient pas seulement à ses ennemis. Quoique, Trixia avait-elle seulement des amis ? La garce n’était pas capable d’aimer, pourquoi serait-elle plus douée en amitié ? Finalement, qu’elle se fasse tueuse n’avait rien de si surprenant. Mais malgré ça, tu restais choquée. Et peut-être qu’un bref instant, tu eus peur. Trixia s’était révélée être capable de tout. Particulièrement le pire, en fait.
L’ordre te coule dessus comme de l’eau sur la roche, sans trouver prise. Tu ne te barres pas. En fait, tu restes même immobile, les yeux ronds face à la vision d’horreur. Ses explications n’ont rien de rassurantes, pas du tout même. Tu n’en croyais pas un mot et si tu ne craignais pas de subir le même sort que le mec à Terre, tu aurais dégainé ton portable pour garder des preuves. « T’es une putain de cinglée Trixia ! » soufflais-tu, incapable de détourner ton regard de la scène. « Putain de merde ! C’est une chose de le savoir, mais le voir c’est…merde quoi ! » Tu vis chaque jour entourée des tiens et plus encore, dans les bras de JJ dont tu aimes exciter la folie, mais y assister ainsi, tu ne t’y étais pas vraiment préparé. Ça n’avait été qu’un jeu. Tout n’avait été qu’une tranche de rire, mais ce type au sol là, ce n’était plus drôle du tout et ta cervelle avait éclaté comme un champignon nucléaire dans ta tête. « Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? » Comment pouvait-elle faire preuve de tant de froideur ? Tu ne reconnaissais plus celle qui avait été ton amie, qui t’avait refilé ton premier soutien-gorge et raconté les pires secrets de l’humanité. Et pourtant, la même était là, l’arme au poing. « Tu vas faire quoi ? »

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