jj o'reilly // seven popescu

Il a envie de gerber. Et c'est pas à cause de la redescente, des excès de la veille, de son corps qui essaie de s'en remettre. C'est la vidéo. Il a l'impression que les images se sont incrustées au fond de ses rétines et qu'il pourra plus jamais s'en débarrasser. Son premier réflexe a été d'effacer le message, parce qu'il veut pas garder ça sur son portable. Il veut plus jamais voir cette putain de vidéo. Puis il y a eu la panique et l'envie de hurler, de tout casser – il s'est contenu, parce que Barbra dormait à côté de lui. Alors il s'est levé et maintenant il est là, enfermé dans la salle de bains, assis sur le rebord de la baignoire abîmée. Ses doigts tremblent sur son écran, remontant ses conversations encore et encore jusqu'à trouver celle du numéro qui l'intéresse. Mais plutôt que de se contenter d'un texto, il appelle. Trois fois d'affilée, sans réponse. Il perd patience, insulte le vide, s'agite dans la pièce trop petite. À deux doigts de s'arracher les cheveux quand il tente une quatrième fois. Ça finit par décrocher, il aboie avant que l'autre ait pu dire quoi que ce soit. – C'EST QUOI CETTE MERDE ? Il réalise qu'il a gueulé trop fort, que ça risque d'attirer l'attention d'Anca ou Barbra. Prenant une grande inspiration, il se force à baisser la voix. – Pourquoi t'as filmé espèce de fils de pute ?

Le téléphone qui vibre sur mon lit, mais j'ai trop la flemme de bouger pour l'attraper. Je comate à moitié, la gueule encore un peu en vrac de la cuite que j'me suis mise après mon entrevue avec l'autre con. Je n'ai même pas envie d'y repenser. Je grogne un peu quand mon téléphone vibre une deuxième fois. Ce n'est pas un kids, je le sais, ils sont tous à la maison et ils savent tous que je suis là. Troisième fois. Bordel, je vais péter un plomb. A la quatrième, je suis pris d'une impulsion et je me redresse brusquement et décroche sans même prêter attention au nom sur l'écran. — QUOI ?! Je souffle et me frotte les yeux, encore un peu à l'ouest. Mais ça gueule par-dessus moi. — C'EST QUOI CETTE MERDE ? Oh woh. Ça gueule dans mes oreilles et j'apprécie moyennement. J'écarte le combiné une seconde en grimaçant, me sentant quelque peu agressé. — Pourquoi t'as filmé espèce de fils de pute ? J'comprends rien et je ne sais même pas qui me parle. Cet appel est tellement improbable que mon cerveau ne tilt pas sur la voix. Je soupire et prend le temps de regarder mon écran, le numéro ne semble pas enregistré dans mon répertoire. J'imagine que c'est une erreur. — Mauvais numéro, stop m'appeler, bye. Je raccroche, jette mon téléphone sur le matelas et me recouche. Tout ça pour ça.

– Mauvais numéro, stop m'appeler, bye. Et il raccroche, cet abruti. Seven reste bouche-bée, éloignant le portable de son oreille pour fixer l'écran comme si tout était de sa faute. Il saurait même pas dire si JJ a vraiment cru que c'était une erreur, ou s'il est en train de le prendre pour un con. Dans le doute, il choisit forcément de croire à la seconde option. – Mais il se fout d'ma gueule. Il marmonne rageusement, se retenant d'envoyer voler l'objet contre le mur. C'est pas l'moment. Il souffle par le nez longuement, luttant contre la colère qui bouillonne en lui. Et il rappelle. – Raccroche pas, gros con. Il marque une pause, puis finit par préciser au cas où : – C'est Seven. Il comprend l'envie de mettre fin à l'appel, il a pas envie de lui parler non plus. Mais il a pas franchement le choix. C'est une question de vie ou de mort, à ses yeux. – C'est quoi cette putain d'vidéo ? Il se force à parler bas, mais sa rage pulse à travers chaque syllabe prononcée. Il est au bord de l'implosion.

A peine quelques secondes de tranquillité et déjà, ça sonne de nouveau. C'est une blague. Faut que j'le dise en quelle langue que c'est un mauvais numéro ? J'échappe un râle d'exaspération et attrape mon téléphone pour la seconde fois, prêt à gueuler sur cet enfoiré qui insiste avant de mettre mon téléphone sur silencieux, voire même de l'éteindre. Et qu'on me foute la paix. Mais j'ai à peine eu le temps de décrocher que déjà, ça grogne de l'autre côté. — Raccroche pas, gros con. Je hausse un sourcil. Hmm, potentiellement, il se peut que ce soit pour moi finalement. — C'est Seven. Je bug. Petite pause le temps que les connexions se fassent et finalement. — Ahhhh... Que je lâche en comprenant enfin. Je souris. — T'en re-veux déjà ? Que je lâche en ricanant. Ça y est, il est dingue de moi. Comme moi, j'baise pas si mal que ça finalement. — C'est quoi cette putain d'vidéo ? Je soupire et m'étale de tout mon long sur mon lit, les yeux rivés vers le plafond. — De quoi tu m'parles putain ?

– Ahhhh... T'en re-veux déjà ? Il s'étrangle dans sa propre haine. Ses doigts se crispent autour du combiné, ses mâchoires si serrées qu'on comprend à peine ce qu'il répond. – Ferme ta gueule. JJ fait toujours la même chose ; il joue l'arrogant, nargue, s'amuse à remuer le couteau dans la plaie. Ça le rend fou de rage. – De quoi tu m'parles putain ? Il n'arrive pas à dire si JJ est vraiment dans l'ignorance ou s'il se fout encore de lui. La panique et la colère l'ont pris d'assaut – il est incapable de réfléchir, et l'idée que JJ soit à l'origine de tout ça lui paraît totalement plausible. La paranoïa lui ronge la cervelle. – Tu sais très bien connard, arrête de m'prendre pour un con. Mais les secondes s'étirent et la confusion semble bien réelle. Il sait plus quoi penser. – Hier soir. Ça l'emmerde de devoir donner des précisions, évoquer ce qui s'est passé. Il aurait préféré qu'on le laisse tout oublier. – J'ai reçu une vidéo. Si c'est toi qu'as fait ça, j'te jure que j'te bute.

Je me marre quand il me dit de la fermer. Je préfère jouer le mec qui s'en fout et qui le provoque, ça me permet de mieux encaisser et de dédramatiser la situation. Sinon j'pense que je casserais tout dans ma chambre. — Tu sais très bien connard, arrête de m'prendre pour un con. J'expire bruyamment, saoulé. — Oh la la, ça fait beaucoup d'insultes pour très peu de conversation. Non mais franchement, fils de pute, gros con, connard. Tout ça dans maximum cinq phrases. Ça se soigne une telle agressivité. — Hier soir. Pourquoi il me parle d'hier soir ? Pourquoi il ne fait pas comme la dernière fois : on n'en reparle plus jamais. Sauf moi occasionnellement pour le rabaisser. — J'ai reçu une vidéo. Si c'est toi qu'as fait ça, j'te jure que j'te bute. Je bloque un peu, pas certain d'assimiler tout ce qu'il me dit. Comment ça il a reçu une vidéo ? Une vidéo de quoi ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Je commence un peu à devenir nerveux. J'écarte mon téléphone de mon oreille pour regarder mon écran d'accueil et je remarque que j'ai pas mal de trucs en attente. Dont un message d'un numéro inconnu avec une vidéo. J'ai quelques palpitations. — Attend. Que j'lui dit avant de lui raccrocher au nez une seconde fois. J'ouvre le message mais ne prend pas le temps de le lire, je lance immédiatement la vidéo. Douche froide. J'me redresse aussitôt et termine debout sur mon lit en gueulant à moitié. — C'EST QUOI CA ?! Je deviens tout blanc, puis tout rouge de colère et de panique. Je continue de beugler pendant que tout s'affole sous ma peau. Les mains tremblantes de stress, je rappelle Seven. Dès qu'il décroche, je lui hurle dessus, contaminé moi aussi par l'affolement. — J'L'AI AUSSI ! Putain ! C'est pas moi, j'te jure ! J'préfèrerais mais, PUTAIN. C'est PAS MOI ! Je descends de mon lit, une main posée sur mon crâne et je me mets à faire les cent pas dans ma chambre, le cœur battant. — T'as regardé si elle était publiée sur internet ? Quelqu'un d'autre l'a reçue ? Je- putain, putain, putain, c'est quoi cette MERDE. J'suis foutu, j'suis foutu, j'suis tellement foutu.

– Oh la la, ça fait beaucoup d'insultes pour très peu de conversation. Il lève les yeux au ciel. Jamais il ferme sa gueule ? Et finalement il obtient ce qu'il veut, quand il explique un peu plus, quand le silence répond à sa menace. Mais ça l'agace en moins d'une seconde ; il a besoin d'une réaction, d'une réponse, de savoir s'il doit foncer à la baraque des Kids ou paniquer dix fois plus. – Attends. C'est tout. Il raccroche à nouveau. – Mais. Connard putain. CONNARD D'ENCULÉ D'MERDE ! Il enrage complètement et tant pis pour Anca, Barbra, il en a rien à foutre. Il envoie un grand coup de pied dans le meuble près de lui et étouffe un cri, parce qu'il est pieds nus et que ses os craquent sous la force de l'impact. La douleur lui permet de redescendre en pression, juste un peu, juste assez pour s'empêcher de tout fracasser. JJ rappelle finalement. – C'EST QUOI CA ?! Au moins, ils sont enfin sur la même longueur d'ondes. – J'L'AI AUSSI ! Putain ! C'est pas moi, j'te jure ! J'préfèrerais mais, PUTAIN. C'est PAS MOI ! Sa gorge se noue si brutalement que l'air lui manque, et il se raccroche au lavabo pour pas s'effondrer. Ça veut dire que quelqu'un sait. Quelqu'un a tout vu. Et l'envie de gerber revient de plus belle. – T'as regardé si elle était publiée sur internet ? Quelqu'un d'autre l'a reçue ? Je- putain, putain, putain, c'est quoi cette MERDE. La panique de JJ ne fait qu'accroître la sienne, ça transpire si fort dans sa voix que ça le contamine complètement, il se met à s'agiter sur place comme un con. – Et tu veux que j'la cherche comment espèce de teubé ? Il saurait même pas quels mots clés taper pour voir si elle est en ligne quelque part. Et rien que l'idée que ça soit possible lui donne envie de voir la terre s'ouvrir sous ses pieds. – Putain attends. Il garde le téléphone collé à son oreille et sort de la salle de bains rapidement, retournant dans la chambre qu'il partage avec Barbra. Elle est toujours à moitié endormie et il en profite pour prendre son portable, avant de revenir au point de départ, verrouillant la porte derrière lui. Il se met à fouiller dans ses messages rapidement, fébrile, terrorisé à l'idée de voir apparaître la vidéo. Mais il ne la voit nulle part. – Barbra a rien eu. C'est toujours ça de pris, sûrement. Mais ça veut pas dire que la vidéo n'a pas été envoyée ailleurs, et il se sent si impuissant qu'il a des envies de carnage. – Faut qu'on trouve d'où ça vient putain. Faut qu'on les bute ou j'sais pas, mais faut qu'on s'bouge avant qu'la vidéo tourne. Parce que si qui que ce soit d'autre qu'eux la voit, sa vie est foutue. – Y a un numéro qui s'affiche ? Tu peux les appeler ou répondre par SMS ? Il peut pas vérifier sur son portable – il a tout effacé.

— Et tu veux que j'la cherche comment espèce de teubé ? Mais j'n'en sais rien moi bordel ! J'suis pas en état de réfléchir là. Je n'ai juste pas envie qu'on termine sur Youtube, Twitter ou je ne sais quel site porno. Je ne réponds rien, ça tourne à toute vitesse dans ma tête. J'ai les tripes qui se nouent et ça me refile la gerbe. J'pourrais croire que c'est à cause du trop plein d'alcool, mais non. C'est l'appréhension qui me donne envie de tout lâcher par terre. — Putain attends. Je continue d'aller et venir dans tous les sens, me contentant de marmonner des putain, putain, putain, sans m'arrêter. Je finis par me laisser tomber assis au pied de mon lit, coude sur la cuisse et crâne dans la main. Je ferme les yeux et tente de calmer ma respiration tant bien que mal. J'entends Seven qui trafique je ne sais quoi jusqu'à ce qu'il reprenne enfin la parole. — Barbra a rien eu. Oh tiens, Barbie est là aussi. Intéressant, j'en prends bonne note. Je me lève finalement et ouvre la porte de ma chambre, je tends l'oreille avant de la refermer et de retourner sur le lit. — Et chez moi personne ne dort, s'ils avaient reçu quelque chose ils auraient déjà débarqué. Ou en tout cas, c'est ce que je me répète pour me rassurer. — Faut qu'on trouve d'où ça vient putain. Faut qu'on les bute ou j'sais pas, mais faut qu'on s'bouge avant qu'la vidéo tourne. Pour une fois, j'suis d'accord avec lui. Je hoche la tête pour réflexe, même s'il ne peut pas me voir. — Y a un numéro qui s'affiche ? Tu peux les appeler ou répondre par SMS ? — Attend, j'regarde. Je mets le haut parleur et va dans mes messages. Mais très vite je déchante et échappe un râle de frustration. — Non putain, c'est un 'numéro inconnu'. J'savais même pas qu'c'était possible de faire ça pour les sms ! J'enrage, complètement dépassé par la situation. — Tu crois qu'c'est quelqu'un qu'on connait qui veut nous faire chanter ou j'sais pas quoi ? J'ai pas d'idées de qui là tout d'suite, mais j'vois pas d'autres explications. Y avait un message toi avec la vidéo ? Moi y a que dalle. Je me mets à taper frénétiquement du pied par terre, la jambe qui trésaille. J'ai chaud, j'ai vraiment très chaud. Je m'essuie le front à plusieurs reprises, la respiration saccadée. — On est vraiment dans la merde si ça fuite putain. Que je minaude, anxieux.

– Et chez moi personne ne dort, s'ils avaient reçu quelque chose ils auraient déjà débarqué. Il souffle, légèrement soulagé. Si les Kids et Barbra ne sont pas au courant, c'est plutôt bon signe, c'est qu'on ne compte pas l'envoyer à tous leurs proches. Ou en tous cas, pas tout de suite. Et il a l'impression que ce n'est qu'une question de temps. Que bientôt tout le monde saura, qu'ils doivent agir le plus vite possible pour contrer l'enfoiré qui leur fait ce sale coup. Mais pour ça, faudrait déjà qu'ils le retrouvent. – Attends, j'regarde. Il laisse tomber son visage dans sa main libre, coude appuyé sur sa cuisse. Il se sent tellement mal que la seule chose à laquelle il arrive à penser, c'est son envie de se défoncer pour tout oublier. – Non putain, c'est un 'numéro inconnu'. J'savais même pas qu'c'était possible de faire ça pour les sms ! Ses dents se serrent, si fort que ça en devient douloureux. Sans numéro, ils n'ont aucun moyen de remonter à la source. – Tu crois qu'c'est quelqu'un qu'on connaît qui veut nous faire chanter ou j'sais pas quoi ? J'ai pas d'idées de qui là tout d'suite, mais j'vois pas d'autres explications. Y avait un message toi avec la vidéo ? Moi y a que dalle. Des gens qui lui en veulent y en a des tas, mais ça semble les cibler tous les deux. Et il a beau réfléchir, il est à peu près sûr qu'ils n'ont aucun ennemi commun. – Nan y avait juste la vidéo. Et c'est forcément du chantage, sinon pourquoi ils se s'raient fait chier à nous l'envoyer d'abord ? S'ils n'avaient rien voulu en échange, ils se seraient contentés de diffuser la vidéo partout – en tous cas, c'est ce que lui aurait fait. – Ils vont p't'être nous demander d'la thune. Mais si c'est ça ils sont foutus, parce qu'il est complètement fauché et les Kids n'ont jamais eu l'air de rouler sur l'or. – On est vraiment dans la merde si ça fuite putain. Il sait. Ça lui donne envie de hurler. – Faut pas qu'ça fuite. Sinon, ça signe leur arrêt de mort. Et ça l'emmerde de l'admettre, mais ils ont dans le même bateau cette fois, si l'un coule alors l'autre aussi. – L'enculé qu'a fait ça était à la soirée, obligé. T'as vu quelqu'un qu'tu connaissais toi ? Pas lui. Personne à part JJ. Et plus que jamais, il aurait préféré que leurs routes ne se recroisent pas.

— Nan y avait juste la vidéo. Et c'est forcément du chantage, sinon pourquoi ils se s'raient fait chier à nous l'envoyer d'abord ? Je me laisse tomber en arrière sur mon lit, une main sur mon front, tout en secouant la tête de gauche à droite. — Pourquoi ils ont pas donné d'instructions alors putain ? J'vais pas pouvoir attendre de savoir ce qui va nous tomber sur la gueule, ça m'rend déjà ouf là. La patience, ça n'a jamais été mon truc. Mais alors là, c'est mille fois pire. J'me suis jamais retrouvé dans une situation aussi anxiogène que celle-là. — Ils vont p't'être nous demander d'la thune. C'est plus fort que moi, j'éclate de rire. — Bah dans c'cas, c'est que c'n'est pas quelqu'un qu'on connait alors. T'as pas une thune et moi non... plus. Le dernier mot qui tarde à venir et que je lâche plus bas tandis que je me redresse subitement alors que ça fait tilt dans ma tête. L'héritage de mon père. Et y a qu'une personne au courant. Une personne qui vient de Savannah et qui potentiellement donc, peut avoir mon numéro et celui de Seven. Non, non, c'est pas possible. Il m'ferait pas un coup pareil ce petit enfoiré. Il sait que j'vais le crever, c'est pas possible. — L'enculé qu'a fait ça était à la soirée, obligé. T'as vu quelqu'un qu'tu connaissais toi ? Je mets du temps à réagir, l'esprit ailleurs. Je balbutie un peu. — Euh, non, non. J'crois pas non. Ma main frotte mon crâne de façon répétée tandis que je réfléchis. — Mais y avait trop d'monde et j'étais bourré, j'ai pas fait attention. Qu'est-ce qu'on va faire putain ? Je ne pensais pas un jour m'en remettre à l'avis de Seven, mais là je dois avouer que j'suis content de ne pas être tout seul dans cette galère. Je n'ai jamais été bon pour gérer les situations de crise.

– Pourquoi ils ont pas donné d'instructions alors putain ? J'vais pas pouvoir attendre de savoir ce qui va nous tomber sur la gueule, ça m'rend déjà ouf là. Lui aussi – c'est même étonnant qu'il soit pas en train de gueuler ou tout détruire autour de lui. Faut croire que la panique est trop violente pour ça. Elle lui tétanise le cerveau et l'empêche de dérailler, mais elle le fait surtout suffoquer. – J'en sais rien putain. Sa voix est aussi sèche que sa gorge, à chaque goulée d'air il a l'impression d'avaler du verre pilé. La perspective du chantage l'emmerde et l'énerve, mais il donnerait tout pour qu'on lui demande une foutue rançon. Ça vaudra toujours mieux que la confusion dans laquelle ils sont plongés. – Bah dans c'cas, c'est que c'n'est pas quelqu'un qu'on connaît alors. T'as pas une thune et moi non... plus. Y a comme une hésitation dans les derniers mots de JJ, mais il est trop concentré sur sa respiration pour vraiment y prêter attention. Plus ça va, plus il a du mal à avaler l'oxygène que ses poumons quémandent de plus en plus. Il lève une main vers son cou pour tirer sur le col de son t-shirt, persuadé que c'est ce qui l'étrangle, mais il se rend finalement compte qu'il est torse nu. Et pourtant y a cet étau qui lui comprime la trachée. – Euh, non, non. J'crois pas non. JJ a vu personne, il a l'impression que la situation est désespérée. La panique redouble d'intensité et il suffoque toujours plus à chaque seconde qui passe. – Mais y avait trop d'monde et j'étais bourré, j'ai pas fait attention. Qu'est-ce qu'on va faire putain ? Et lui était trop défoncé. Y en a pas un pour rattraper l'autre, ça l'énerve autant que ça le fait flipper. Il sait pas comment gérer la situation, par où commencer pour sortir de ce foutu merdier. Et c'est pas comme si l'un d'eux pouvait se tourner vers qui que ce soit pour demander de l'aide. – J'sais pas j'te dis ! Il se répète parce que c'est la seule réponse qu'il a : il sait pas, il sait rien, il est trop flippé pour fonctionner correctement. Et son souffle continue de lui échapper, il respire de plus en plus bruyamment, sa poitrine qui se soulève dans un rythme chaotique. Il se lève et se met à tourner en rond, une main qui continue de planer autour de sa gorge, qui gratte et frotte et finit par tirer la peau comme s'il voulait se l'arracher. – C'est d'ta faute. Il suffoque. – Si tu t'étais barré on en s'rait pas là putain, tu pouvais pas juste dégager ? La vérité c'est qu'ils sont aussi coupables l'un que l'autre, mais c'est plus facile de tout rejeter sur JJ. Ça lui évite d'avoir à assumer.

— J'sais pas j'te dis ! Je serre le poing, de plus en plus énervé. — Hey oh ça va, me gueule pas d'ssus ! Evidemment, je lui gueule moi-même dessus en lui demandant de ne pas le faire. Mais c'est de sa faute, pourquoi il me gueule dessus ? J'y suis pour rien moi si on en est là. J'ai rien filmé, j'ai rien diffusé. Je n'arrive pas à tenir en place, voilà que je me relève déjà et recommence à marcher. Je m'avance finalement vers la fenêtre pour observer le coin, juste au cas ou. Peut-être que y a quelqu'un en train de nous surveiller. Mon regard remonte finalement vers la baraque d'en face. Et si c'était mon voisin chelou ? Mais comment il aurait eu mon numéro ? Et celui de Seven surtout ? Non putain, rien n'a de sens. Et tout me ramène encore vers Otto. Qui ça pourrait être d'autre de toute façon ? C'est l'explication la plus plausible. Mais j'peux pas le dire à Seven, parce qu'il poserait des questions auxquelles je n'ai pas envie de répondre. — C'est d'ta faute. Je manque de m'étouffer. Les yeux qui s'arrondissent de stupéfaction. — Quoi ?! Que je beugle, indigné. — Si tu t'étais barré on en s'rait pas là putain, tu pouvais pas juste dégager ? Je crois halluciner. Je me mets à rire nerveusement, avec la furieuse envie de lui cogner dessus pour lui remettre les idées en place. — Non, non, non, non ! On en s'rait pas là si tu savais te contenir et si t'étais pas venu fourrer ta langue dans ma bouche ! Le ton qui monte et pourtant faut que j'fasse gaffe à ce qu'on ne m'entende pas. Je me mords les lèvres, furieux contre lui. — Bref, qu'importe ! Que j'ajoute en secouant ma main dans le vide comme pour balayer tout ça. C'est pas le moment de divaguer et je n'ai pas du tout envie de reparler de tout ça. — J'vais passer sur place aujourd'hui voir si je trouve quelque chose, un indice, j'sais pas, on sait jamais. Peut-être que les gens y sont encore, j'en sais rien. Ça semble peu probable mais de toute façon, on a rien d'autre. Aucune piste, que dalle. Alors faut bien commencer quelque part.

– Hey oh ça va, me gueule pas d'ssus ! Dit-il en gueulant, bien sûr. Ça n'aide pas Seven à se calmer – c'est même tout le contraire. Sa respiration est de plus en plus erratique et il finit par lui renvoyer les fautes à la tronche, comme si ça pouvait aider à libérer un peu le poids qui lui comprime le torse et lui étreint la gorge. Ça ne marche pas. – Non, non, non, non ! On en s'rait pas là si tu savais te contenir et si t'étais pas venu fourrer ta langue dans ma bouche ! Il reçoit ses mots comme un uppercut en plein bide. – Mais ta gueule putain ! Il n'a pas envie de repenser à leur entrevue de la veille, et encore moins d'en entendre parler – surtout si ça sort de la bouche de JJ. Et il continue de suffoquer, son regard qui mitraille les murs puis son reflet dans le miroir. Il a envie de tout exploser. – Bref, qu'importe ! Il n'écoute plus vraiment, trop occupé à chercher son souffle, pas foutu de comprendre pourquoi il s'étrangle seul comme ça. Mais il a beau essayer de se concentrer c'est peine perdue, il est trop chamboulé pour ça. Paumé entre la rage et la terreur qui ont enfoncé leurs griffes dans sa poitrine. – J'vais passer sur place aujourd'hui voir si je trouve quelque chose, un indice, j'sais pas, on sait jamais. Ça lui arrache un rire, sec, étouffé. – Et tu crois qu'tu vas trouver quoi Inspecteur Gadget ? T'es tellement débile qu'tu saurais même pas reconnaître une caméra. À défaut de respirer il crache tout son mépris, parce qu'il sait pas quoi faire d'autre, parce que c'est le seul mécanisme de défense qui daigne fonctionner. Peut-être aussi que le manque d'oxygène commence à se faire sentir. La panique prend le dessus parce qu'en plus du reste il s'étouffe, et qu'il sait pas comment y remédier.  – On est foutus c'est tout. Sa voix s'étrangle, et lui avec.

— Mais ta gueule putain ! Fallait pas commencer avec ça, connard. M'en fous, de toute façon, c'est lui qui est en tort dans cette histoire puisque c'est lui qui a tout initié. Alors tout ça, c'est de sa responsabilité. Et rien que pour ça, je devrais lui enfoncer la tête dans les chiottes et le noyer dedans. Évidemment, quand j'évoque le fait de me rendre sur place, il ne peut pas s'empêcher de la ramener. Je l'entends qui se marre et ça me fout la haine. — Et tu crois qu'tu vas trouver quoi Inspecteur Gadget ? T'es tellement débile qu'tu saurais même pas reconnaître une caméra. Non mais- ! J'enrage, excédé. Il ne fait vraiment aucun effort. Je me remets à lui gueuler dessus sans plus attendre, ignorant sa remarque comme quoi on serait foutus. — J't'emmerde enfoiré ! Moi au moins j'essaye de faire quelque chose au lieu d'me morfondre comme une gonzesse. Si tu penses que j'suis tant un abrutis qu'ça, t'as qu'à v'nir aussi. Je serre les dents, laisse filer quelques centièmes de seconde avant de reprendre de plus belle. — Non en fait non, n'viens surtout pas, j'veux pas voir ta gueule. Deux fois en moins de 24h, j'le supporterais pas. Que j'grogne contre lui. De toute façon, ensemble on ne serait pas productifs, on passerait plus de temps à s'aboyer dessus qu'à chercher des indices. — En attendant, à moins que t'aies du nouveau ou une subite solution miracle pour nous sortir d'là, fous-moi la paix trouduc. Et je raccroche aussi sec. Ça ne fera que la troisième fois aujourd'hui que je lui fais le coup.