disagreement. (nines)

Je comate sur le comptoir de la laverie, crevé. En réalité, il n'y a que là que j'arrive à dormir un peu lorsqu'on est deux à gérer l'endroit. Ça me permet de compenser au moins un tout petit peu avec mes nuits désastreuses. Sinon j'aurais probablement pété les plombs depuis un moment. Ma collègue, bien que curieuse ne me pose pas trop de questions, elle a compris que le sujet était sensible et que je n'étais pas enclin à communiquer dessus. Elle me laisse donc pioncer à moitié à chaque fois qu'on bosse ensemble. Mais là, on est en pleine nuit et je suis seul. Alors je ne suis pas tranquille et stagne dans un espèce d'état végétatif, entre conscience et sommeil. Je baille toutes les cinq minutes, la tête posée dans mes bras, avachis sur le comptoir. Il n'y a personne à cette heure-ci, mais la laverie doit rester ouverte pour d'autres activités qui ne me concernent pas. Mais avec tout le remue ménage qu'il y a en ville en ce moment, le lieu est souvent déserté à cause des flics qui tournent sans arrêt dans le quartier. Et la déchéance de Herman ne semble pas avoir calmé les choses, bien au contraire.

Mon téléphone se met à vibrer, encore. Je l'attrape d'un mouvement vague et check l'écran. Sans grande surprise, c'est encore le nom d'Ares qui apparait dessus. Je souffle, blasé et ferme les yeux une seconde. Je ne décroche pas, laissant retomber le téléphone sans grand intérêt. Il n'a pas arrêté d'essayer de me contacter durant toute la journée. Il m'a envoyé quelques sms obscurs sur une histoire de piste qu'il aurait trouvé, d'un endroit à aller voir, je n'ai pas tout saisi. En fait, je n'ai pas tout lu, son entêtement m'agace. Ares est génial, y a rien à redire là-dessus, mais son obsession pour cette histoire d'enlèvement me rend dingue. Je ne comprends pas pourquoi il s'obstine là-dessus. S'il veut vraiment aider cette fille, il n'a qu'à aller faire une déposition à la police et fin de l'histoire. Mais non, monsieur s'est mis en tête de la retrouver par ses propres moyens. Et il est bien décidé à m'impliquer dans l'affaire malgré mes refus répétés. Et je dois reconnaitre qu'il est tenace. Mais maintenant qu'il y a d'autres histoires d'enlèvement, je suis encore moins chaud à le suivre dans son délire. Ça ressemble à une mission suicide. Je n'ai aucune idée de sur qui on pourrait tomber, mais par contre, je suis convaincu du fait que ça se terminerait hyper mal pour nous.

Une bonne trentaine de minutes s'écoulent avant que la petite cloche au-dessus de la porte retentisse. Je soupire et me redresse avec difficulté, grimaçant un peu. Et là, c'est une tornade qui déboule devant moi. Une tornade blonde. J'écarquille les yeux, abasourdis. — Ares ?! Je me réveille d'un coup et descend de mon siège, faisant le tour du comptoir pour m'approcher de lui, un peu stressé. — Qu'est-ce que tu fous ici ? Je sais très bien ce qu'il fout ici. Et je regrette amèrement de lui avoir dit où je travaillais un jour. Je passe une main nerveuse sur mon crâne et me rapproche de la porte pour l'inciter à ressortir. — Tu peux pas rester ici Ares, va-t-en. Bien sûr qu'il peut rester ici en théorie, mais ça ne m'arrange pas du tout. J'le connais un peu, suffisamment pour savoir que s'il est venu jusqu'ici, ce n'est pas pour glander avec moi le reste de la nuit.

Détroit est en train de s’casser la gueule. Ça n’a jamais été l’grand luxe, du moins pas d’ton vécu. Mais là, c’est le chaos. SNAKE ont p’têtre imaginé arranger les choses, mais finalement, ils ont juste lancé une bombe et ont disparu d’la circulation. Comme ça. En laissant la situation pourrir. Les attaques virtuelles, les enlèvements. Et putain, tu l’sais, pour les enlèvements. Parce que t’as été témoin. T’as vu, cette nana. La blonde. S’faire embarquer par deux baraqués. Et t’as eu peur. Peur qu’ce soit elle. Athéna. Elles se ressemblaient, les deux, de loin. T’as eu la peur de ta vie. Tu t’es empressé de la contacter. Un texto, hâtif. Et un soupire de soulagement quand elle t’a répondu qu’elle allait bien. Putain, c’était pas elle. Dieu merci.

Sauf qu’cette nana que vous avez vu disparaître, bah… elle a disparu, quand même. C’est pas Athéna mais ça aurait pu l’être. Et toi, après être resté cloîtré une semaine chez Nino à paniquer, t’as décidé d’agir. Ça t’ressemble pas de perdre tes moyens. Et p’têtre qu’il y a la bipolarité qui joue. Phase de manie enclenchée. Ça fait quelques jours déjà. T’as l’cerveau qui bouillonne, les idées plein à la tête. Besoin d’agir, d’jouer les héros. Pourtant, c’pas toi, d’habitude. C’est pas ton rôle. T’es plutôt l’méchant de l’histoire. Mais pas là. Là, tu veux sauver cette meuf.

Alors t’envoies un texto à Nino. Puis deux. Puis trois. Puis sept. Puis douze. Et il répond pas, l’bâtard. Et ça t’énerve. T’aimes pas être ignoré. Être laissé en ‘vu’. Tu détestes ça. Surtout quand t’es comme ça. Du coup, tu décides de débarquer. Directement sur son lieu de travail. Tu pousses la porte à la volée, faisant retentir la clochette. "Ares ?!" "T’es perspicace, c’est quoi qui t’a fait deviner? Ma tête, p’têtre?" Tu roules des yeux et avances jusqu’au comptoir — jusqu’à lui. "Qu’est-ce que tu fous ici ?" "J’viens faire ma lessive." Sarcasme à son comble. Tu lèves finalement les bras, sidéré. "Tu réponds pas à mes messages, enculé !" Il te contourne pour aller vers la porte mais non non, ça fonctionne pas ça, pas avec toi. "Tu peux pas rester ici Ares, va-t-en." Tu secoues la tête. "Nope, j’dégage pas. J’ai une piste et tu vas venir avec moi. Faut aller la sauver, Nino, déconne pas, on peut pas rester là à rien faire !" Tu t’avances jusqu’au comptoir et tu sors ton téléphone de ta poche. "Mate moi ça. J’étais sur le dark web, j’ai un pote hackeur qui m’a appris comment y aller, avec les histoires de SNAKE et tout, en vrai c’est méga facile et tu trouves vraiment de tout là-bas, y’a des trucs mec, waaah c’est hard, même moi j’y aurais jamais pensé, mais enfin bref, on s’en fout de tout ça, du coup j’disais j’étais sur le dark web, j’cherchais des indices, en mode FBI tu vois? De la nana. La blonde là, qu’on a vu. Enfin qu’on a vu avant d’plus la voir. Et ben, j’suis tombé sur un forum chelou où y’a un gars qui postait un message en demandant comment il pouvait faire entrer une meuf dans un trafic sans avoir de réseau. Genre comment entrer dans la machine, quoi. Et j’me dis que ça pourrait être une piste. Et puis, t’as vu toutes les disparitions de ces derniers jours à Détroit? C’pas une coïncidence putain, c’pas possible." Tu plantes tes yeux enflammés dans les siens, blasés. "Nino, t’sais c’qui se passe sur le dark web? Y’a des live chats où des malades découpent des nanas en morceaux et vendent les parties du corps aux enchères. TU TE RENDS COMPTE?! Et si Blondie elle était en train d’être dépecée en ce moment même pendant qu’toi tu regardes les gens laver leur linge sale?" Ouais, t’es fucked up, Ares. T’as pété un câble. Dommage qu’ce soit tombé sur lui.

— T’es perspicace, c’est quoi qui t’a fait deviner ? Ma tête, p’têtre ? Je me braque un peu, saoulé de cette entrée en matière. Il a l'air survolté et je n'ai clairement pas le courage d'affronter un tel état de nervosité. Je souffle, exaspéré d'avance. C'est raté pour dormir visiblement. — J’viens faire ma lessive. Mon regard dévie de lui et je viens prendre appui contre le comptoir en soupirant, dans un mouvement de lassitude. Lui au contraire, continue de s'agiter et lève les bras. Il a pris de la coke ou quoi ? — Tu réponds pas à mes messages, enculé ! J'hallucine. J'écarte les bras et les laisse retomber bruyamment sur mes cuisses tout en levant les yeux au ciel dans un mouvement d'humeur, agacé. — Ok donc toi quand on te répond pas, tu débarques en pleine nuit en gueulant ? Tu t'es pas dit : ah tiens, peut-être qu'il est pas dispo, ou qu'il n'a pas envie ? Non clairement, il ne s'est pas dit ça, ça crève les yeux. Je passe une main sur mon front et grogne un peu. Je tente de l'attirer vers la sortie, lui indiquant qu'il ne peut pas rester là, sans préciser pourquoi. Mais il n'est pas de cet avis. Il me suit du regard mais reste planté à sa place, bien loin de la porte. Il m'énerve. Il secoue la tête en signe de négation et je sens que la nuit va être longue, très longue. — Nope, j’dégage pas. J’ai une piste et tu vas venir avec moi. Faut aller la sauver, Nino, déconne pas, on peut pas rester là à rien faire ! Oh putain j'en reviens pas, il recommence avec ça. Je viens me prendre la tête entre les mains et échappe un long râle de frustration, excédé de l'entendre ressasser cette histoire. Je vérifie qu'il n'y ait personne et je m'approche de lui, reprenant en baissant un peu la voix par réflexe. — Si, justement, c'est exactement c'que j'compte faire : rien du tout ! Je secoue la tête, sidéré que ça ne lui semble pas évident. — Ares, on est qu'deux, on la connait pas et on sait pas sur qui on peut tomber. J'mettrai pas ma vie en danger pour une inconnue, c'est mort. J'ai un gosse moi j'te rappel, j'ai pas l'intention d'le priver d'son père pour une de tes lubies. Et je commence à saturer de voir des cadavres. J'ai rangé cette histoire dans un coin de ma tête bien sombre histoire de ne plus m'en souvenir et j'suis passé à autre chose. J'ai bien assez d'emmerdes en ce moment pour perdre mon temps et mon énergie avec ça. C'est triste pour cette fille, mais c'est la vie, chacun sa merde. Les flics doivent probablement la chercher, c'était une blanche. Alors laissons-les se démerder et faisons semblant de leur faire confiance pour une fois - ça m'arrange bien en tout cas.

Et là, j'le perd. Il se met à déblatérer sans s'arrêter, je me demande même s'il respire encore ou s'il a tout fait en apnée. Mais je ne capte que la moitié de ce qu'il raconte. Mon cerveau tourne trop longtemps comparé à son débit de paroles. Alors les mots affluent une fois sur trois et plus rien n'a de sens. Je grimace et plisse les yeux, tentant de me concentrer sur ce qu'il m'explique mais je n'y arrive pas. Et de toute façon, une partie de moi ne veut rien savoir. Ça pue les embrouilles, ça pue la mauvaise idée. Et j'ai déjà assez donné, je ne veux pas encore m'embarquer dans je ne sais quoi. Ça finira forcément par se retourner contre moi de toute façon. Comme à chaque fois. Il reprend enfin son souffle, me cherche du regard. Je le fixe, complètement dépassé par la tornade qui vient de s'abattre sur moi. — Nino, t’sais c’qui se passe sur le dark web? Y’a des live chats où des malades découpent des nanas en morceaux et vendent les parties du corps aux enchères. TU TE RENDS COMPTE?! Et si Blondie elle était en train d’être dépecée en ce moment même pendant qu’toi tu regardes les gens laver leur linge sale? Ma réaction est immédiate, viscérale. Je recule d'un pas et grimace, écœuré. — Mec, putain ! Que je proteste, ne voulant absolument pas avoir connaissance de ce genre de détails. Je souffle et m'éloigne un peu, lui tournant le dos quelques secondes, un peu brassé par cette histoire. Je secoue nerveusement la tête de gauche à droite, mon corps tout entier est contre l'idée de s'impliquer là-dedans. C'est probablement l'instinct de survie qui se manifeste et qui me hurle d'arrêter de jouer avec la vie. — Écoute Ares, ça craint cette histoire, j'suis d'accord, ok ? Mais si tu t'mets à vouloir sauver toutes les gonzesses de Detroit bordel, ça va devenir un taf à plein temps et t'en sortira jamais. Je lui fais face de nouveau et hausse les épaules, résigné. — J'vois pas c'qu'on peut faire et j'ai franchement d'autres choses à gérer en c'moment. Je vais m'asseoir sur la chaise la plus proche, exténué. — Tu devrais t'poser et reprendre ton souffle, tes esprits, tu vas nous faire un AVC là. Et je refuse de voir une troisième personne crever. Mais les mots d'Ares cheminent dans ma tête pourtant épuisée. Ça me refile une certaine angoisse. Fait chier. Je plante mon regard dans le sien, sceptique. — De toute façon, qu'est-ce que tu voudrais qu'on fasse, hein ? Pitié, dites-moi qu'il n'a pas réfléchit à ça aussi et qu'il n'a aucune idée de comment procéder. Au moins, ça règlerait le problème et il me foutra la paix. Sinon, je sens qu'il ne va pas me lâcher.

T’aimes pas être ignoré. Vraiment, tu détestes ça. Besoin viscéral d’être au centre d’l’attention. Qu’on te remarque. Désir de gloire, de reconnaissance, qui brûle dans tes veines depuis l’adolescence. Alors quand on répond même pas à un putain d’sms, ça t’fout en rogne. Tu débarques, direct. Face à face provoqué. "Ok donc toi quand on te répond pas, tu débarques en pleine nuit en gueulant ? Tu t'es pas dit : ah tiens, peut-être qu'il est pas dispo, ou qu'il n'a pas envie ?" Tu fronces les sourcils, littéralement perplexe. "Bah non." Que l’autre ait envie d’te parler ou pas, ça t’importe peu toi. Si toi t’as envie d’parler, tu parleras, et tu forceras l’autre à te répondre s’il faut. Égoïste au possible, c’est tes propres envies et tes propres besoins qui passent avant ceux des autres. Sauf avec Athéna. L’exception. Mais y’a bien qu’avec elle qu’t’es pas un connard fini. Et encore.

L’truc, c’est que t’es venu avec une idée en tête. Tu voulais pas juste taper la discute pour faire passer le temps. C’est important. Ça concerne l’enlèvement de la blonde. C’dont vous avez été témoin l’autre jour. Y’a maintenant deux semaines. Et depuis, les kidnappings se sont multipliés à Detroit. Tu t’es dit qu’c’était sûrement lié. "Si, justement, c'est exactement c'que j'compte faire : rien du tout !" Chuchotement, confessions qui se veulent discrètes mais toi, tu t’en fous un peu, fais pas attention aux autres qui pourraient trainer autour de vous — t’façon y’a personne pour l’instant, c’quoi l’problème ? "Ares, on est qu'deux, on la connait pas et on sait pas sur qui on peut tomber. J'mettrai pas ma vie en danger pour une inconnue, c'est mort. J'ai un gosse moi j'te rappel, j'ai pas l'intention d'le priver d'son père pour une de tes lubies." Et toi, t’aurais fait pareil en temps normal. Tu t’en serais foutu. Une meuf en moins qui court les rues de Detroit, c’est pas trop grave. C’est une sur combien? Des centaines? C’pas une grande perte. Mais là, c’est différent. Là, t’as été triggered. Tu veux retrouver cette meuf. C’est pas comme si les poulets allaient faire leur job t’façon. Tu seras plus doué qu’eux dans tous les cas.

Alors tu racontes des horreurs à Nino. C’pas des trucs faux hein, ok, t’extrapoles peut-être un peu pour le choquer et le convaincre plus facilement, mais c’que tu dis, les live chat de dépeçage, ça existe vraiment. "Mec, putain !" Il grimace, recule, visiblement dégoûté. Ouais, tu comprends. "J’peux te montrer si tu veux." Genre, histoire de prouver qu’tu dis pas de la merde. T’as pas c’genre de fantasmes déviants, toi. No stress. C’est pour la science. "Écoute Ares, ça craint cette histoire, j'suis d'accord, ok ? Mais si tu t'mets à vouloir sauver toutes les gonzesses de Detroit bordel, ça va devenir un taf à plein temps et t'en sortira jamais." Mais putain, tu veux pas sauver toutes les nanas de Detroit. "J’m’en branle de ces tapins, là !" Qu’tu lances, piquant, vif, suite à sa remarque. Il hausse les épaules et tu t’dis qu’tu l’as toujours pas convaincu. Qu’il compte toujours pas t’suivre. Abusé. "J'vois pas c'qu'on peut faire et j'ai franchement d'autres choses à gérer en c’moment." Tu fronces les sourcils. "Genre, quoi? La partie de foot de ton gamin dimanche prochain ?" Ok, t’es peut-être un peu méprisant. Mais y’a quoi d’plus important qu’l’enlèvement de cette meuf, franchement ? Qu’il se justifie correctement et p’têtre que tu penseras à le laisser tranquille. Peu probable mais bon, il peut toujours tenter. "Tu devrais t'poser et reprendre ton souffle, tes esprits, tu vas nous faire un AVC là." Yeux mitraillettes. "Ta gueule." T’arrives pas à te taire. C’la manie qui parle, mais tu t’retiens bien de lui donner c’détail. Il a pas besoin de tout savoir. "De toute façon, qu'est-ce que tu voudrais qu'on fasse, hein ?" AH ! Le cheminement s’fait quand même, dans ses p’tits neurones. P’têtre qu’il est pas sans coeur, finalement. (Haha, c’est drôle, venant de toi.) "Bah alors, justement, puisque tu demandes." Tu sors de ton sac à dos quelques screenshots de pages web au design douteux, que tu poses sur le comptoir. Des conversations de forum du dark web. Pages gribouillées de ton écriture sale, des notes prises de manière hâtive dans la frénésie du moment. "J’pensais que je pouvais répondre au sujet du forum là, qui demande comment faire entrer une meuf dans un trafic. J’ai des contact, j’me renseigne sur comment ça se passe ces trucs là, et je l’aiguille. P’têtre que du coup, la meuf qu’il voudra faire entrer dans la chaine, ça sera la nôtre. Enfin, la 'nôtre' genre pas la nôtre mais tu piges quoi? Celle qu'on a vu. Tu vois?" Ok, t’as pas vraiment de plan défini. Ça tient à beaucoup de ‘peut-être’. Mais faut tenter dans la vie, non? La chance sourit aux audacieux, comme dit l’adage?

"Écoute Nino." Air sérieux, mains posées à plat sur le comptoir, par dessus les feuilles qui se mélangent. "Cette meuf là. Ça aurait pu être ma frangine, ok? Genre, j’ai cru qu’c’était elle. De loin, elle lui ressemblait vraiment. Mais c’était pas elle. Et tant mieux ok? Mais ça aurait pu. J’laisse rien arriver à ma soeur, tu piges?" Et ouais, c’est pas ta soeur, cette meuf. C’est une inconnue. Mais ton esprit fait une sorte de transfert freudien et t’y peux rien, tu t’sens responsable. T’as b’soin d’agir. D’la sauver, ouais.

— Bah non. J'le dévisage, sidéré. Ok, j'abandonne. Je passe une main sur mon front, épuisé en quelques secondes à peine par cette conversation. Aucun intérêt de débattre avec lui et d'essayer de lui faire comprendre quoi que ce soit, il n'a absolument pas l'air disposé à entendre ce que je lui dis et moi, je n'ai vraiment pas la force de m'engager là-dedans. Je tente quand même de lui expliquer que son idée c'est vraiment de la merde et qu'il doit lâcher cette obsession. J'lui sors tout un discours, mais la façon dont il me fixe me fait très largement comprendre que ça ne l'atteint pas. Son foutu cerveau semble tourner en boucle, comme rayé, il rejoue toujours le même morceau. Bordel, pourquoi fallait que ça tombe sur moi. Pourquoi fallait que j'me retrouve dans cette situation. Il est sympa Ares, vraiment, mais je me serais bien passé de sa détermination à la con. Il se met à me raconter pleins de trucs horribles et ça me crispe, personne n'a envie d'entendre ça. J'veux pas savoir, j'veux rien savoir. Je peste, de plus en plus contrarié par la tournure des évènements. Et ça ne va pas en s'arrangeant. — J’peux te montrer si tu veux. Je crois halluciner. Mes yeux s'arrondissent et je le dévisage avec stupeur. Ma réaction est immédiate, viscérale. — Quoi ?! Mais non ! T'es taré putain, j'veux rien voir du tout moi ok ? Mais dans quelle merde il est allé s'enfoncer exactement ? J'ai l'impression que tout nous échappe, surtout à moi. Ou alors j'suis juste le seul à m'en rendre compte, car Ares lui semble parfaitement à l'aise avec ce qu'il se passe. Et je n'arrive pas à déterminer s'il est juste inconscient ou si y a potentiellement un truc qui ne tourne pas rond chez lui. J'essaye de le raisonner encore une fois, gardant l'espoir qu'il réalise l'absurdité de ses paroles. Ça ne marche pas vraiment. — J’m’en branle de ces tapins, là ! Je lève les yeux au ciel et écarte mes bras avant de les laisser retomber le long de mon corps dans un mouvement exaspéré. Alors s'il s'en fout, c'est quoi le problème avec cette fille là en particulier ? J'comprends pas. Et finalement, je n'ai peut-être pas envie de comprendre. En fait, je n'ai juste pas envie de m'occuper de toute cette histoire. J'lui explique que j'ai d'autres choses à gérer et sa réponse ne se fait pas attendre. — Genre, quoi? La partie de foot de ton gamin dimanche prochain ? Woh. Je me raidis aussitôt et recule d'un pas, lui lançant un regard mauvais. J'le détaille de haut en bas, avec la furieuse envie de lui cracher à la gueule. Je passe ma langue sur mes dents et secoue lentement la tête de gauche à droite, fâché. — Calme-toi Ares. La voix est sèche, la phrase claque autour de nous. Ouais, calme-toi ou j'te jure que j'te fous dehors. J'suis ultra susceptible quand il s'agit de mon fils. Et j'le suis d'autant plus que je ne supporte pas qu'on minimise les choses. Il ne peut pas savoir, c'est sûr. Mais dans le doute, on ferme sa gueule, c'est toujours la meilleure des solutions. Je m'éloigne un peu et inspire fortement, saoulé. Fatigué de cette discussion, j'lui demande ce qu'on peut bien faire de toute façon, convaincu qu'il n'a pas vraiment de plan et que je pourrais enfin balayer tout ça et passer à autre chose.

Mauvaise pioche.

— Bah alors, justement, puisque tu demandes. C'est une blague ? Je pivote vers lui, dépité. J'le vois ouvrir son sac-à-dos et commencer à sortir pleins de trucs. C'est un cauchemar. Mes épaules s'affaissent et je geins discrètement, la bouche légèrement tordue par l'agacement. Si j'avais su, j'aurais fermé ma gueule, mais alors très fort. Je m'approche prudemment du comptoir et regarde de loin tous les papiers qu'il étale. Très honnêtement, je n'ai pas envie de voir ça de plus prêt ni de lire ce qu'il y a dessus. Je sais déjà que ça ne va pas me plaire. Mes yeux dévient rapidement sur lui et je l'observe sans un mot. Il a l'air en transe. On dirait un de ces vieux flics de série devenu fou après n'avoir jamais réussi à résoudre l'enquête de leur vie. Je m'inquiète un peu. — J’pensais que je pouvais répondre au sujet du forum là, qui demande comment faire entrer une meuf dans un trafic. J’ai des contact, j’me renseigne sur comment ça se passe ces trucs là, et je l’aiguille. P’têtre que du coup, la meuf qu’il voudra faire entrer dans la chaine, ça sera la nôtre. Enfin, la 'nôtre' genre pas la nôtre mais tu piges quoi? Celle qu'on a vu. Tu vois? Long silence. Je le détaille sans un mot, ahuri et désespéré à la fois. Finalement, je hausse les épaules, vraiment dépassé par tout ça. Par lui. — T'as vraiment un problème Ares. J'vois pas d'autres explications. Quelle personne sensée voudrait s'embarquer là-dedans ? Aller fouiner sur le darkweb pour trouver des informations ? Faire des screens de conversations dégueulasses et vouloir se mêler à tout ça ? Ça n'a, aucun, putain, de sens. J'sais plus quoi faire.

— Écoute Nino. Je soupire et croise les bras sur mon torse, de plus en plus réfractaire à tout ça. Mais je me tais, lui laissant l'occasion de s'exprimer une dernière fois. Les sourcils légèrement froncés, comme pour lui indiquer que quoi qu'il dise, c'était perdu d'avance. — Cette meuf là. Ça aurait pu être ma frangine, ok? Genre, j’ai cru qu’c’était elle. De loin, elle lui ressemblait vraiment. Mais c’était pas elle. Et tant mieux ok? Mais ça aurait pu. J’laisse rien arriver à ma soeur, tu piges? Merde. Je ne l'avais pas vu venir celle-là. Je baisse les yeux, regard fuyant pendant que mon cerveau traite l'information. J'ai plusieurs petites sœurs et si quelqu'un leur faisait du mal, c'est évident que je retournerais ciel et terre pour les retrouver. Fait chier. Je passe ma langue sur mes lèvres, vraiment emmerdé par tout ça. Je décroise les bras, et viens frotter l'arrière de mon crâne rasé, réfléchissant à toute allure. Encore si ça avait vraiment été la sœur d'Ares, pourquoi pas. Mais là, c'est quand même un peu absurde. Je relève les yeux vers lui. Quoi que je dise, il est déterminé, il le fera. Avec ou sans moi. Et une petite voix me dit qu'il est probablement préférable que je ne le laisse pas s'embarquer là-dedans tout seul. Il est trop excité par tout ça, ça lui vrille clairement le cerveau. Il risquerait de faire des conneries et ça se retournerait contre lui. Et j'veux clairement pas avoir un troisième mort sur la conscience. Je souffle doucement et hausse à nouveau mollement les épaules, abdiquant. — Ok, t'as gagné. Je le regrette déjà.

Je m'avance vers les papiers qu'il a disposé sur le comptoir et prend le temps de les observer. Les screens me refilent la gerbe tant les conversations sont dégueulasses. Comment on peut parler d'un truc pareil avec une telle détente ? Y a des trucs qui me dépassent. Je repose le tout, écœuré. Je regarde autour de nous, il n'y a personne. Je regarde l'heure, on a environs 45 minutes avant qu'un de mes patrons ne passent faire un tour. Ils sont réglés comme une horloge. J'hésite, trépigne un peu, sachant pertinemment que c'est une très mauvaise idée, mais je finis par craquer. — Allez, remballe tout ça et suis moi. Je m'éloigne en direction du fond de la salle, l'emmenant dans une autre pièce. C'est pas très grand et ça sert de bureau, y a un ordinateur et internet. Je lui désigne la chaise de la main. — Vas-y, connecte toi à ton truc là. Mais faut faire vite, si mes patrons nous chopent on est morts. Je l'arrête quand il me passe devant, le retenant au niveau du bras. Je pose un regard insistant sur lui, très sérieux. — J'déconne pas. Vraiment morts. C'est pas une image. Et vu les méthodes de mes patrons, j'ai vraiment pas envie de me faire crever par eux. D'ailleurs, je n'ai pas envie de crever du tout. Je le laisse s'installer et retourne vers la porte, jette un dernier coup d’œil avant de me retirer et de la laisser entrouverte pour pouvoir entendre la petite clochette de la porte d'entrée au cas ou. Puis je le rejoins et me positionne derrière lui pour observer ce qu'il fait, nerveux.

"Quoi ?! Mais non ! T'es taré putain, j'veux rien voir du tout moi ok ?" Tu hausses les épaules, un peu las. Les horreurs de la vie, y’en a partout. Vous habitez à Detroit putain, il va quand même pas t’faire croire qu’il a jamais vu quelqu’un s’faire buter? Ça serait se foutre de ta gueule. L’truc c’est que toi, t’es en pleine frénésie, alors qu’Nino, face à toi, il a l’air de rien piger. Il te suit pas, l’gamin. C’est chiant, t’as l’impression d’être seul dans la partie, l’seul à t’inquiéter pour cette fille, à vouloir savoir c’qui s’est passé, c’qui lui est arrivé, qui l’a choppée, etc. La manie qui prend l’contrôle. Les mots, blessants, déplacés, qui sortent de ta bouche sans qu’tu t’en rendes compte, sans qu’tu le maîtrises. "Calme-toi Ares." L’pire? C’est qu’tu t’en souviendras pas demain. P’têtre que si tu prenais les médocs qu’on t’a prescrit y’a des années, ça irait mieux. P’têtre. Tu sais pas, t’as jamais testé. Même quand tu t’es fait interné, t’as toujours su sauvegarder les apparences. Pilules jamais avalées, maladie jamais traitée.

Plans sur la comète, sentiment de toute-puissance. T’es invincible, Ares. Ton plan mal échafaudé est p’têtre une mission suicide — c’pas grave, tu d’mandes pas à Nino de t’accompagner sur le terrain, t’iras toi, tu te jetteras à l’eau, rien n’peut t’atteindre t’façon, tu n’peux pas crever, toi. Plan qui t’paraît réalisable, réaliste, probable. Tu n’reconnais pas encore ses failles, ne penses pas aux possibles couacs, aux gros échecs, à la captivité, à la torture, à la mort. Non, toi, tu pars du principe que vous allez y arriver, les doigts dans le nez. C’est facile, que tu t’dis. Clair comme de l’eau de roche. S’infiltrer dans le trafic, chopper les infos et la fille et en sortir. Simple comme bonjour. "T’as vraiment un problème Ares." "On m’le dit souvent." Simple répartie, vérité qui t’échappe quand tu hausses les épaules. Ça t’atteint pas — on a tous un problème. L’tout, c’est d’avoir des solutions.

Et même s’il a l’air clairement pas chaud, t’insistes. Parce que même si tu peux t’débrouiller seul, tu veux pas. Tu veux l’inclure dans ton délire, parce que vous étiez à deux quand elle s’est faite kidnapper, la nana qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Athéna. C’est chez lui qu’tu t’es terré pendant une semaine après l’incident, à attendre que les ravisseurs vous tombent dessus. Lien qui s’est tissé, soudé. Tu t’sentais pas d’aller faire tout ça sans l’impliquer. Ça l’concerne aussi. "Ok, t'as gagné." Putain, c’est pas trop tôt. Enfin, il revient à la raison. (En réalité, il la perd un peu plus en te suivant.)

Il s’avance vers tes feuilles qui sont entassées sur son comptoir de laverie, il en lit certaines, en pousse d’autres. "Allez, remballe tout ça et suis moi." Cool. Tu rassembles frénétiquement et maladroitement tes documents et le suit jusqu’à l’arrière boutique. On dirait un vieux truc où personne ne va, mais y’a un ordi au moins. Il pointe la chaise vite du doigt en s’adressant à toi, sac dans une main, papiers dans l’autre. "Vas-y, connecte toi à ton truc là. Mais faut faire vite, si mes patrons nous chopent on est morts." Et toi, tu souris. Comme un gamin à qui on aurait enfin dit ‘oui, c’est d’accord, je vais te l’acheter, cette glace à la vanille’. Tu te diriges vers le bureau, prêt à prendre place sur la chaise. Mais t’es retenu dans ton élan par sa main sur ton bras. "J’déconne pas. Vraiment morts." Et son visage sérieux contraste avec le tien, guilleret, presque candide. Nouveau rire. "On mourra pas. On peut pas mourir." Trop forts pour ça. Trop balèzes pour ça. L’égo amplifié par la crise. Invincible, on a dit. Finalement, tu vas t’installer quand il te lâche. Ouvre déjà un nouvel onglet. Et, comme une machine, tu suis les étapes qu’on t’a appris pour trouver c’que tu cherches sur Tor. Tu comprends pas forcément c’que tu fais, tes doigts pianotent frénétiquement dans une suite bien mémorisée. "C’est bon, j’y suis. Pas sur les snuff movies hein, sur le forum. T’inquiète tapette, tu peux regarder sans risquer d’te pisser dessus." Tu déroules la conversation, t’arrêtes sur le dernier message. "Putain, y’a eu une nouvelle réponse ce matin ! Un gars qui dit qu’il peut le mettre en relation avec ‘celui en charge’. Ça veut déjà dire qu’y’a un boss et des sous-fifres. Ok. Cool ! Comment tu veux qu’on procède, du coup? J’te demande pas d’y aller avec moi hein t’inquiète, j’ai compris qu’tu voulais pas te mouiller. J’irai, tranquille. Mais si j’disparais sans prévenir, tu pourras transmettre un message à ma soeur ? Genre, que j’lui explique. Qu’elle sache." Non, la mort n’te fait pas peur, t’en parles comme si c’était normal et qu’c’était pas définitif. Parce que tu sais qu’tu vas pas mourir. Pas toi. T’as encore trop de trucs à vivre, trop d’trucs à prouver à ton boss, tu peux aller très loin dans la vie et tu l’sais. Et finalement, t’avais un début de plan. Mais ça s’arrêtait là. Tu comptais bien sur Nino pour t’aider à l’rendre crédible et réaliste. Toi, t’as pensé au ‘quoi’. Maintenant, tu t’dis que Nino saura penser au ‘comment’, pour que toute cette opération se ficelle correctement et que vous retrouviez votre meuf. Enfin. Pas votre meuf, mais genre… bref. La meuf.

— On m’le dit souvent. Tu m'étonnes. Mais je ne dis rien, me contente de hausser les sourcils dans un mouvement désabusé. De toutes les personnes sur qui j'aurais pu tomber pour assister à cet enlèvement, il avait fallut que ce soit Ares. J'étais content à la base de ne pas être seul pour affronter ça. Les quelques jours enfermés chez moi à se terrer avaient été plus sympas finalement, une fois la pression retombée. Mais si j'avais su qu'il allait être à ce point obsédé par ça, je me serais tiré du Mall sans lui ce soir-là. Il ne m'aurait jamais retrouvé et n'aurait pas eu l'idée de vouloir m'impliquer dans son délire. Le genre de délire où on peut y laisser sa peau. Mais il insiste trop et moi je suis si fatigué, je n'ai pas la force de résister encore. Peut-être que si j'avais été dans mon état normal les choses auraient été différentes. Je lui aurait probablement tenu tête mieux que ça, peut-être même que je l'aurais réellement envoyé chier. Mais là je n'ai pas l'énergie pour. En fait, je n'ai plus d'énergie pour quoi que ce soit. Le manque de sommeil à atteint mon cerveau, je tourne constamment au ralentit. Alors j'abandonne, je baisse les bras. Il a gagné. Et qu'on règle cette histoire au plus vite histoire qu'il me foute la paix avec ça, pitié.

Je lui dis de rassembler ses affaires et on migre dans la petite pièce derrière. Je lui somme d'aller vite, faut pas qu'on traine ici. Mes patrons peuvent débarquer à n'importe quel moment et s'ils nous chopent ici, on va rapidement finir six pieds sous terre. Je l'avertis à ce propos mais il prend les choses à la légère. Le visage décontracté, il sourit même. Je le dévisage, méfiant. Il est suicidaire ou juste stupide ? — On mourra pas. On peut pas mourir. Mais qu'est-ce qu'il raconte bordel ? Je m'agace un peu, nerveux et contrarié de voir qu'il prend ça avec autant de légèreté. C'est la vraie vie putain, c'est pas un jeu vidéo. On peut vraiment y laisser notre peau, il en a conscience ? — Rassure-moi, t'as conscience de qui sont les proprios de la laverie ? Parce que si c'est pas le cas, laisse-moi te donner l'information : les Zetas. Et j'peux te dire que quand il s'agit d'exterminer des nuisibles, ils sont imbattables. Alors putain, SI, on peut mourir. Je souffle bruyamment, excédé, avant de me remettre à surveiller la porte. S'il ne réalise même pas à quel point on peut se faire buter salement pour avoir trainé ici, je comprends mieux pourquoi il veut se lancer à la poursuite de cette fille. Il n'a clairement aucune conscience des dangers. C'est un fait plutôt récurrent chez les jeunes de Detroit, j'ai souvent pu le constater à mes dépends. C'est peut-être pas plus mal que je me joigne à lui finalement, ça lui évitera probablement de se faire buter bêtement.

— C’est bon, j’y suis. Pas sur les snuff movies hein, sur le forum. T’inquiète tapette, tu peux regarder sans risquer d’te pisser dessus. J'me crispe en entendant ses mots. La mâchoire qui se serre, les poings aussi et je me retourne brusquement vers lui, le regard noir. Y a des choses à ne pas dire. — Ferme ta gueule Ares, j't'emmerde. J'suis pas une tapette. N'pas avoir envie de regarder ce genre de merdes c'est juste être NORMAL en fait. Putain c'est quoi qui déconne chez toi. Je me rapproche de lui, plutôt énervé et vexé. C'est vrai merde, faut être tordu pour regarder ce genre d'horreur sans ciller ou être choqué. Je me poste derrière lui et observe l'écran, un peu perdu par l'interface inhabituelle. Ares reprend la parole et m'assomme de mots encore, il parle vite et me perd un peu, il semble tellement emballé par cette histoire. Ça me dépasse clairement. Je me redresse et frotte mon front, un peu anxieux. A la base, il s'agissait uniquement de prendre contact avec le mec pour tenter de récupérer la fille, mais maintenant va carrément falloir qu'on se frotte à tout un réseau. Je ferme les yeux et soupire. Toujours froissé d'avoir été traité de tapette, je réponds sans réfléchir. — Tu crois vraiment que j'vais t'laisser aller là-bas tout seul ? Tu vas t'faire buter en deux minutes vu ton état d'excitation, c'est sûr. Bon, va encore falloir que je prenne la situation en main. Ça commence à vraiment devenir une habitude j'ai l'impression. Tout mon entourage qui déraille et qui se repose sur moi. Mais moi, sur qui je me repose, hein ? Je réfléchis un peu, histoire de mesurer tous les risques et je finis par exposer mon idée.

— Ok, bon. Voilà c'qu'on va faire. Faut pas qu'on se frotte au réseau de l'autre, c'est trop gros pour nous. Essayer de sauver ta meuf là, ok, passe encore. Mais les gros réseaux, tu oublies, on infiltre rien du tout. Répond au mec, dis lui qu'on est intéressés aussi et qu'on peut le faire rentrer dans notre réseau rapidement mais qu'avant ça on doit voir la marchandise pour pas faire perdre de temps à nos patrons. Et ce sera à nous de fixer le lieu de rencontre, histoire d'avoir un avantage. Je marque une pause et baisse les yeux vers lui, très sérieux. — Par contre, j'te préviens. Si le mec débarque et que c'est pas la bonne fille, on tente rien. On se tire, j'en ai rien à foutre. J'suis pas là pour sauver toutes les donzelles en danger. Je secoue la tête, dépité de m'être laissé embarquer là-dedans. La fatigue et l'égo, ça ne me réussi vraiment pas. D'un mouvement de tête je désigne l'écran. — Allez, vas-y et pas d'improvisation Ares. Je le fusille du regard. Vu son état, je n'ai pas trop confiance. Je reporte mon attention sur l'écran et me concentre dessus pour bien lire ce qu'il écrit et l'arrêter à temps s'il fait n'importe quoi. Mais la clochette de la porte d'entrée retentit et mon sang ne fait qu'un tour. — Merde ! Je quitte mon poste de surveillance derrière son épaule et je me précipite vers notre porte, je jette un coup d’œil dans l'ouverture et échappe un soupir de soulagement en voyant qu'il s'agit simplement d'une personne venue laver son linge. Vivement qu'on se tire de ce bureau avant que je fasse un arrêt cardiaque. Je retourne vers lui. — C'est bon ? Que je l'interroge, un peu pressant.

@ares kaiser

Ouais, p'têtre que t'es taré. Et p'têtre que t'y vois pas clair. Et p'têtre que t'es trop obsédé, trop impliqué. C'est con, hein? Parce que cette nana, c'est pas ta soeur. Tu l'sais. Mais tu peux pas t'empêcher d'penser à Athé. À si c'était elle qui s'était faite enlever. Alors tu veux la retrouver. Juste par principe. Puis tu t'sens un peu invincible, intouchable, souffle qui t'anime. C'est la putain d'manie qui parle pour toi, qui s'lance dans des plans sur la comète, irréalisables, pas du tout pensés. Tu fonces, tête baissée, ça t'dérange pas, t'aviseras. "Rassure-moi, t'as conscience de qui sont les proprios de la laverie ? Parce que si c'est pas le cas, laisse-moi te donner l'information : les Zetas. Et j'peux te dire que quand il s'agit d'exterminer des nuisibles, ils sont imbattables. Alors putain, SI, on peut mourir." Tu roules des yeux. "Tranquille, t'inquiète, j'ai du monde derrière." T'es sûr de ça, Ares? Parce que t'es que la bitch des Juggalos. T'essayes toujours de faire tes preuves pour entrer dans leur cercle. T'es le newbie, le gars à qui on file les tafs sales et dangereux. Les passages à tabac, les descentes, les trafics. Les trucs où on peut soit s'faire prendre, soit crever. À double tranchant.

Tu fouilles le dark web pour enfin arriver à la page qui vous intéresse, non sans le charrier un peu au passage. "Ferme ta gueule Ares, j't'emmerde. J'suis pas une tapette. N'pas avoir envie de regarder ce genre de merdes c'est juste être NORMAL en fait. Putain c'est quoi qui déconne chez toi." Tu roules des yeux. "Dis donc, si t'faire traiter de tapette te fait réagir aussi violemment, c'est qu'ça cache peut-être quelque chose... faut se détendre mec. J'ai jamais dit qu'j'avais envie de regarder c'genre de trucs, j'sais juste que ça existe, c'est la vie." Et la vie, c'est de la merde. Vaincre ou être vaincu. Chacun à sa façon. C'pas que tu tolères, mais bon, ça t'regarde pas au final, comment les gens s'font d'l'argent. Même si faut être sacrément tordu pour animer ce genre de live. Ça t'fait grimacer rien qu'd'y penser.

"Tu crois vraiment que j'vais t'laisser aller là-bas tout seul ? Tu vas t'faire buter en deux minutes vu ton état d'excitation, c'est sûr." Tu pivotes vers lui, sourcil dressé. "Pardon ? J'te signale que je suis un pro, j'ai l'habitude, et j'suis assez malin dans ces cas là. Tu m'as pris pour un débile ?" Ouais, t'es un peu vexé. "J'ai vécu sans toi jusqu'à présent et j'suis toujours vivant hein." Nino, tu l'connais pas depuis longtemps. Il connait pas ton passé. Ce que t'as vécu. C'que t'as traversé pour en arriver là. Et puis si tu crèves, tant pis. Ça s'ra le Destin et basta.

Sauf que Nino, il est pas d'accord avec toi. Il trouve que ton plan c'est de la merde, et il a p'têtre raison au final. Tout bonnement parce que t'en as pas. Pas de plan. "Ok, bon. Voilà c'qu'on va faire. Faut pas qu'on se frotte au réseau de l'autre, c'est trop gros pour nous. Essayer de sauver ta meuf là, ok, passe encore. Mais les gros réseaux, tu oublies, on infiltre rien du tout. Répond au mec, dis lui qu'on est intéressés aussi et qu'on peut le faire rentrer dans notre réseau rapidement mais qu'avant ça on doit voir la marchandise pour pas faire perdre de temps à nos patrons. Et ce sera à nous de fixer le lieu de rencontre, histoire d'avoir un avantage." Tu fronces les sourcils, retrousses un peu le nez en l'écoutant parler. Hm. "Par contre, j'te préviens. Si le mec débarque et que c'est pas la bonne fille, on tente rien. On se tire, j'en ai rien à foutre. J'suis pas là pour sauver toutes les donzelles en danger." "Bah moi non plus, y'en a qu'une qui m'intéresse. Les autres j'm'en tape, tant pis pour elles." Il secoue la tête, l'air blasé, et désigne l'écran. "Allez, vas-y et pas d'improvisation Ares." T'as envie d'lui lancer un regard noir mais tu te retiens, parce que tu sais qu'dans un sens, il a raison. Tu serais du genre à improviser. Mais tu soupires, quand même. "T'es pas l'chef ici ok? J'prends ton idée parce que j'en avais pas d'autres mais c'pas toi qui décide. De base, c'est ma volonté d'aller là-bas. Tu voulais même pas m'aider j'te rappelle." Histoire que vous soyez bien clairs. Et finalement, tu tapes le message.

Merci pour ta proposition, qui a retenu toute notre attention. On peut te garantir l'accès à notre réseau à condition de voir la marchandise d'abord. Les patrons sont plutôt sélectifs, on ne voudrait pas leur faire perdre leur temps avec un bien sans trop d'intérêt. Le choix du lieu de rendez-vous nous revient également, c'est non-négociable. Si ces conditions te conviennent, tu peux répondre à ce message. On sera à l'affût.

Tu vois même pas Nino dans ton dos qui s'affole à la porte et insulte le monde. "C'est bon ?" "Ouaip." qu'tu dis en poussant l'écran vers lui pour qu'il puisse lire. "C'était qui?" Référence à la sonnette que t'as cru entendre, au loin. "T'sais, en fait, t'es pas obligé d'venir avec moi. J'me débrouillerai, t'inquiète. T'mets pas dans la merde si t'as un gamin." Ouais, t'es quand même un minimum intelligent. Et tu voudrais pas priver un gosse de son père. Parce que la vérité? C'est qu'on sait pas comment ça va finir, c't'histoire. Genre... pas du tout.

— Tranquille, t'inquiète, j'ai du monde derrière. Je fronce les sourcils, interloqué. Ça veut dire quoi ça exactement ? Qu'est-ce qu'il me cache encore ? Je le sonde brièvement et brise vite les quelques secondes fugaces de silence en demandant. — Comment ça t'as du monde derrière ? De quoi tu parles ? Je n'ai vraiment pas envie que nos conneries, ou plutôt devrais-je dire son obsession pour une inconnue totale, déclenche je ne sais quelle guerre entre les Zetas et... et ne je ne sais pas qui en fait, parce que je n'ai pas la moindre idée de qui il parle. Et j'espère secrètement que c'est trois fois rien, pitié, faites que ce soit trois fois rien. Personne, des gens sans importance, ou peut-être même des gens qui n'existent pas, qu'il ait juste dit ça pour me "rassurer" - ce qui n'est clairement pas le cas au final.

— Dis donc, si t'faire traiter de tapette te fait réagir aussi violemment, c'est qu'ça cache peut-être quelque chose... faut se détendre mec. J'ai jamais dit qu'j'avais envie de regarder c'genre de trucs, j'sais juste que ça existe, c'est la vie. Je roule des yeux, exaspéré. C'est toujours la même chose, les mêmes réflexions. Parce que t'aime pas qu'on te traite de ci ou de ça, ça veut dire que ça cache quelque chose. Ou peut-être que ça veut juste dire que j'suis pas une tapette et qu'il n'a pas à m'insulter de ce que je ne suis pas. On a l'égo susceptible chez les Ernaez, fin de l'histoire. — C'est ça, t'as raison Ares. Que je me contente de grogner, excédé, ne voulant pas rebondir là-dessus et m'engager dans ce genre de débat. On a pas le temps pour ça et je n'ai vraiment pas la patience pour supporter ce type de conversation, ça m'énerve en un rien de temps et je m'emporte. Et comme je suis déjà suffisamment dans un état de nervosité avancé, on va éviter d'aggraver ma situation. Mes nerfs risquent de ne pas le supporter.

— Pardon ? J'te signale que je suis un pro, j'ai l'habitude, et j'suis assez malin dans ces cas là. Tu m'as pris pour un débile ? J'ai vécu sans toi jusqu'à présent et j'suis toujours vivant hein. A son tour d'être vexé par mes paroles, bien fait. Je soupire brièvement et continue de m'impatienter autour de lui, de plus en plus anxieux face au temps qu'on passe dans ce bureau. — J'ai pas dit que t'étais débile, fais pas la princesse susceptible. Mais regarde toi un peu, tu tiens pas en place, j'dis juste que ça pourrait te porter préjudice, monsieur "le pro". Je lève les yeux au ciel. C'est vrai que je ne connais rien de lui, peut-être qu'il a déjà infiltré des réseaux, j'en sais foutre rien et je m'en fiche pas mal en fait. Je me fie à ce que je vois et à comment je ressens les choses. Et là, présentement, je ne le sens pas du tout, parce qu'il est totalement euphorique et qu'il ne me donne pas l'impression d'être fiable ou en pleine maitrise de ses moyens. Si ça ne lui plait pas, c'est pareil.

Je lui expose donc mon plan, parce que je ne fais confiance qu'à moi-même, comme toujours. Et qu'avoir la sensation de contrôler une situation m'aide à me rassurer, me concentrer, me calmer et j'en ai grandement besoin à cet instant. — Bah moi non plus, y'en a qu'une qui m'intéresse. Les autres j'm'en tape, tant pis pour elles. Je l'observe du coin de l’œil, toujours un peu plus méfiant. Je ne sais pas si je dois y croire à son histoire de ressemblance avec sa sœur, il m'a quand même l'air de faire une sacrée fixette sur cette fille et je trouve ça suspect. Donc soit il me cache un truc et je n'aime pas ça, soit il a un sacré grain et je n'aime pas ça non plus parce que ça le rend instable et pas digne de confiance. Et très franchement, m'embarquer dans un tel truc avec quelqu'un sur qui on ne peut potentiellement pas compter, ça me fait flipper.

— T'es pas l'chef ici ok? J'prends ton idée parce que j'en avais pas d'autres mais c'pas toi qui décide. De base, c'est ma volonté d'aller là-bas. Tu voulais même pas m'aider j'te rappelle. Je ne réponds rien, me contente de grommeler dans mon coin. Dans ma tête, si, c'est moi le chef puisque c'est moi qui ait un plan et qui suis visiblement le seul à être totalement lucide sur ce qu'on s'apprête à faire et les dangers que ça représente. Mais je le laisse râler dans son coin si ça peut lui faire plaisir et éviter qu'il me tienne tête. De toute façon, je me désintéresse de lui presque instantanément à cause de la clochette qui retentit dans l'autre pièce. Je blêmis et me précipite à la porte, déjà convaincu que mon heure vient d'arriver, que c'est la fin et qu'on va crever tous les deux comme des merdes. Mais je respire de nouveau en voyant que c'est juste un client. Je passe une main sur mon front humide, je commence à angoisser sévère, faut qu'on se dépêche de partir de là, vraiment.

Je reviens vers lui et lui demande si c'est fait, il me dit que oui tout en me montrant le message. Je le lis rapidement, soulagé de voir qu'il a suivi mon idée et qu'il n'en a pas fait qu'à sa tête. Bon, finalement, peut-être qu'il est un peu fiable malgré tout. — C'était qui ? Je hausse les épaules et répond tout en finissant de lire. — Personne, un client. Je me redresse et viens caler mes deux mains à l'arrière de mon crâne, liant mes doigts les un aux autres et expirant lentement pour tenter de faire baisser la pression qui m'assaille. — T'sais, en fait, t'es pas obligé d'venir avec moi. J'me débrouillerai, t'inquiète. T'mets pas dans la merde si t'as un gamin. Je baisse les yeux vers lui, ne sachant pas s'il se montre juste bienveillant ou s'il tente de se débarrasser de moi. Il semble sincère et je fais la moue, signe que je rejette sa proposition. — Ouais c'est ça, et si jamais ça tourne mal pour une raison x ou y et que tu te fais buter, moi comme ça je passerai le restant de mes jours à culpabiliser et à me dire "j'aurais dû être là", alors non merci. J'ai déjà suffisamment de culpabilité à porter actuellement, je ne supporterai pas d'en rajouter une couche. Je finis par délier mes doigts, passe brièvement mes mains sur mon visage et laisse retombe mes bras le long de mes cuisses. — Bon, dès qu'il a répondu, donne lui rendez-vous où tu veux, dans genre deux heures ? Moi je reviens, je vais appeler un collègue pour qu'il vienne me remplacer.

Je m'échappe de la pièce et retourne au comptoir, je ne salue même pas le client, bien trop plongé dans mes pensées. Faudra qu'on repasse par chez moi, pour que je récupère le flingue, juste au cas ou. J'aurais préféré ne plus jamais toucher à cet engin maudit, mais entre tuer et être tué, le choix est vite fait malgré tout. J'appelle Jo et lui demande si elle peut venir me remplacer, elle râle, me demande pourquoi et je m'énerve un peu. Elle comprend tacitement que c'est important et accepte à contre-cœur, me disant que je lui revaudrais ça. Je raccroche, me prends un verre d'eau et quand je me retourne, Ares me rejoint déjà. Je m'approche de lui pour ne pas qu'on ait à parler trop fort étant donné qu'on est plus seuls désormais. — Alors ? C'est bon, le rendez-vous est fixé ? Je jette un coup d'oeil par-dessus son épaule. — T'as éteint le pc ? Que je demande tout en le contournant pour retourner vers la porte afin de la refermer à clé. Et y a plus qu'à prier pour qu'ils ne s’aperçoivent jamais de rien.

@ares kaiser

Faut pas qu’il panique, Nino. Vous allez pas vous faire prendre. Vous allez pas crever. Et au pire, t’as du back-up, hein? Ouais, t’espères, du moins. "Comment ça t'as du monde derrière ? De quoi tu parles ?" Tu hausses vaguement les épaules. "Bah rien, j’ai des connexions, t’inquiète." T’en dis pas plus, parce que ça servirait pas à grand chose. Juste, t’aimerais bien qu’il s’inquiète un peu moins. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer? Bon ok, pleins de choses. Vous pourriez crever, genre. Mais c’est la vie. Vous pourriez chacun crever en traversant la route quoi. À n’importe quel moment, donc bon…

Sauf qu’il remet sans cesse en question tes capacités, et ça commence à t’agacer. "J'ai pas dit que t'étais débile, fais pas la princesse susceptible. Mais regarde toi un peu, tu tiens pas en place, j'dis juste que ça pourrait te porter préjudice, monsieur "le pro"." Tu roules des yeux. "J’tiens pas en place — tu connais les gamins hyperactifs? Bah voilà, c’pas une tare, c’est juste ma façon d’être." Ouais, c’est mieux de dire que t’es hyperactif plutôt que bipolaire. Bipolaire, ça implique un autre état opposé. Hyperactif, c’est juste comme ça, tout le temps. Et t’espères qu’il va arrêter de te poser des questions. Et de se poser des questions également, par la même occasion.

Tu valides son idée, même si tu tiens à préciser que ça veut pas dire qu’il dirige toute l’opération. Il voulait même pas en faire parti déjà. Au final, il s’éclipse au bruit des clochettes et toi, tu envoies le message comme prévu. Quand il revient, tu lui montres que t’as agi. Et puis, après, tu retrouves un peu de sérieux. Tu lui dis qu’il est vraiment pas obligé de t’aider en fait. Parce que tu finis par tilter, c’qu’il t’a dit tout à l’heure. Il a un gosse. Et t’es con mais pas à ce point, Ares. Tu veux pas priver un gosse de son daron pour une cause qui le concerne même pas. "Ouais c'est ça, et si jamais ça tourne mal pour une raison x ou y et que tu te fais buter, moi comme ça je passerai le restant de mes jours à culpabiliser et à me dire "j'aurais dû être là", alors non merci." Tu roules des yeux. "J’peux m’faire buter à n’importe quel moment t’sais. Puis genre, on s’connait pas tant qu’ça. Tu me dois rien, tu s’rais pas responsable." Mais il a pas l’air d’en avoir quelque chose à foutre. L’air de rester campé sur ses positions. Comme toi. "Bon, dès qu'il a répondu, donne lui rendez-vous où tu veux, dans genre deux heures ? Moi je reviens, je vais appeler un collègue pour qu'il vienne me remplacer." Tu hoches la tête alors qu’il se barre. En attendant que votre proie réponde, tu checkes ton téléphone, envoies quelques nouvelles à Athéna, likes quelques photos sur Instagram. Boum, notification. Réponse du gars, tu lui donnes rendez-vous dans un coin paumé de Delray. Une fois fait, t’éteins tout ça et tu rejoins Nino dans la pièce principale. "Alors ? C'est bon, le rendez-vous est fixé ?" Tu hoches la tête. "T’as éteint le pc ?" Tu fronces les sourcils. "Tu m’prends vraiment pour un bleu en fait." Qu’tu te contentes de répondre, un peu sidéré. "J’t’envoie les infos par texto. Faut j’repasse chez moi d’abord." Histoire de prendre quelques trucs qui pourraient être utiles. "Encore une fois, t’es pas obligé d’venir. Je gère." Et tu lui donnes une tape sur l’épaule avant de quitter les lieux. Athéna risque de te tuer quand elle saura dans quoi tu t’es embarqué. Mais c’pour la bonne cause.