escape - MJ&PIP

Elle est en train de se brosser les dents. Dans un jogging bien trop large et un petit débardeur, prête à aller se coucher. Ça fait des semaines qu’elle dort à peine. Des jours qu’elle est surbookée de demande, avec Alba et le groupe, et qu’elle rentre aux petites heures du matin, couvertes de bleus des coups que ces putains d’mecs ont donné en retour. Aujourd’hui, elle fait un break. Et quand le téléphone sonne depuis le salon, elle ne réagit pas immédiatement, pensant bien que quelqu’un d’autre irait répondre. Mais voilà, elle avait oublié que Lexi était de sortie, et que Willy… Willy il n’était jamais vraiment en état de sortir de son lit à une heure pareille. Elle pousse un petit grognement mécontent et, toujours la brosse à dents dans la bouche, trottine jusqu’au salon, attrape le combiné avant la dernière sonnerie. ¿Si? Qu’elle demande avec mauvaise humeur, et la bouche pleine de dentifrice. Mj ? Elle se stoppe un moment. Pas très sûre d’elle. Et puis elle s’approche de l’évier de la cuisine, crache le dentifrice dedans. Pip ? C’est pas tous les jours qu’on reçoit un appel de Pip, surtout sur le téléphone fixe dont personne ne se sert jamais, et pas aussi tard. Pip il disparaît dans la soirée, réapparaît le matin, et personne ne se pose vraiment de question, ou n’ose en tout cas lui en poser. J'ai besoin d'un service. Sans questions. Qu’il commence, et c’est vraiment mal la connaître, car replaçant la brosse à dents dans sa bouche, elle esquisse un petit sourire, et demande immédiatement : Quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ? C’est pas de l’inquiétude, ça serait débile de s’inquiéter pour Pip, y a pas une situation de laquelle il ne peut pas se sortir indemne. C’est surtout de la curiosité mal placée. Évidemment, il ignore tout bonnement sa remarque, et avait déjà commencé à donner ses instructions. Va dans ma chambre, ouvre mon placard et prend la boite du fond, la bleu foncée… Elle s’empresse donc de trottiner jusqu’à sa chambre, un peu euphorique à l’idée d’avoir le droit d’y entrer, suit chacune de ses directives. Elle tourne un peu sur place à la recherche du fameux placard, puis de cette mystérieuse boite. Elle l’attrape difficilement et la pose sur le bureau. Dedans, tu prends deux liasses. Je t'attends au commissariat avec. Hein ? Quoi deux liasses ? C’est pas comme si elle pouvait se douter que y’avait un trésor dans la chambre à côté de la sienne. Elle ouvre la boîte. La brosse à dents lui glisse d’entre ses lèvres, sans même qu’elle ne s’en aperçoive. Du fric. UN TAS DE FRIC. Une montagne de fric. ¡ Dios santo ! Mais il sort d’où ce fric ? Qu’elle s’exclame. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle se rend compte que Pip a déjà raccroché. Sans doute depuis un moment. Elle regarde le téléphone outrée, lâche un coño et envoie le téléphone sur le lit de son frangin. Elle prend cependant les deux liaisses, hésite quand même à aller réveiller Willy de son sommeil de toxico pour lui raconter ça. Mais y a une règle ici. Quand on demande un service, sans poser de question, on s’exécute et puis c’est tout.

Bouche rincée, une large veste 80’s sur le dos dans laquelle elle a fourré les liaisses, elle prend la direction du commissariat en bus, un peu soulée, un peu fatiguée. Elle déboule les mains dans les poches dans le commissariat en surtension. Comme d’habitude les équipes semblent débordées, surtout en ce moment. MJ se contente de soupirer et se dirige vers l’accueil, elle le considère une seconde, hausse les épaules et s’éclaircit la gorge pour se faire remarquer. Hey, j’viens payer la caution d’Pip Fawkes. Le type lui fait répéter, genre, il comprend pas son accent ce qui la met déjà dans de mauvaises dispositions. Finalement il fouille pendant dix longues minutes dans son ordinateur et imprime quelques feuilles. Alors qu’elle les regarde d’un air un peu perdue, cherchant à savoir où elle doit signer, elle lâche d’un air morne : Et qu’est-ce qu’il a fait ? Le flic esquisse un sourire, apparemment, ça l’amuse de narguer les nanas qui viennent récupérer leurs petits copains derrière les barreaux. Une histoire de stupéfiants. Elle fait tout ce qu’elle peut pour ne pas réagir, MJ, mais sa mâchoire se contracte. Putain Pip. Elle en sait rien de ce qu’il trafique, personne ne lui pose de questions, et même si c’était le cas, il ne dirait rien. Mais y a une seule chose qui les fait tous accepter ses secrets : c’est qu’il n’a jamais le moindre problème. Muy bien. Qu’elle siffle entre ses dents, de mauvaise humeur. Et après ça elle plonge les mains dans ses poches et pose les deux liasses de billets devant le flic. C’est bon ? Maintenant, sortez-le d’là. Qu’elle ordonne.

Elle suit le flics jusqu’au cellule en ignorant le reste des cas sociaux ramassés sur le bord de la route ce soir-là. Pip est dans l’un des dernières cellules. Tranquillement planté dans un coin. Le flic s’approche et secoue les clés pour attirer l’attention du jeune homme. Fawkes, ta copine est venue payer ta caution. MJ, dans le dos du flic, foudroie du regard Pip, les bras croisés sous sa poitrine. Et quand il finit par sortir, le policier referme la cellule derrière eux et indique qu’il doit encore récupérer ses affaires et signer quelques papelards. Ils prennent donc la suite de l’agent, et MJ ne peut se retenir qu’une seule seconde avant de se pencher vers Pip et de marmonner plus ou moins discrètement : Joder, t’as d’la chance que ça soit moi qui ait décroché. C’est quoi cette histoire ? Willy et Lexi, ils en auraient fait tout un drame, ils les connaissent. Et si MJ peut prendre un minimum sur elle, ce n’est pas pour ça qu’elle est rassurée, au contraire. Pip il a jamais de problème, alors merde, c’est quoi cette putain d’histoire ?