bite the bullet, baby

01_Une robe blanche, un voile doux sur le crépuscule, des cheveux aussi sombres que les siens, des petits pas et une silhouette qui danse… Elle n’a que ce souvenir de sa mère. D’une odeur de fleur d’oranger. D’un air fredonné dans son dos dans une autre langue… et puis un corps au visage couvert dans un cercueil. C’est tout ce qu’elle sait d’elle. Mariella. Le prénom qu’il ne fallait pas prononcé. La vie qu’il ne fallait pas chercher à ramener dans le présent. La personne à oublier. Si ça se trouve, elle avait de la famille ici aussi, ou même ailleurs. (qu’est-ce qu’elle a pu prier pour que ce soit le cas quand elle avait 8 ans… qu’ils la trouvent et l’emmènent loin, avec eux) Si ça se trouve, elle a une grand-mère, des cousins, planqués quelque part à Mexicantown. Si ça se trouve ? … C’est à cause de ses questions que tout a commencé. 02_Peut-être qu’il était fou de chagrin. Peut-être que c’est lui qui l’a tué. Elle a déjà tout imaginé. Jusqu’à ce qu’elle pose des questions et n’obtienne un revers de main dans l’visage en guise de réponse. Ça a commencé comme ça, et puis avec le temps, chaque question, chaque regard de travers, chaque silence insolent devenait une raison de lever cette main. Jusqu’à ce qu’il n’ait d’autres amis, le transformant en vrai countryman. 03_Il a arrêté de s’en prendre à elle quand il a trouvé une autre proie. Les parties de chasse, les week-ends de survie, il l’a entraîné à chacune de ses sorties. À croire qu’il fallait qu’il atteinte vraiment à la vie d’un être vivant pour retrouver son équilibre. Et il lui a tout appris. Le camouflage furtif, l’attente bouillante, puis le shot final. Elle a débuté à l’arc, très loin de l’époque de Robin des bois. Puis elle est passée aux armes à feu. Ça a été son monde une bonne partie de sa vie. Les rassemblements testostéronés à l’extérieur de Détroit, par tous les temps, le poids froid de son arme de prédilection, la bière pour se réchauffer et les remarques assez désobligeantes pour avoir envie de les prendre en chasse eux, juste pour le plaisir de les enterrer vivants. 04_Elle s’est mis à le haïr de plus en plus. Une rage comme du lierre grimpant dans sa tête et dans ses tripes. Ça a failli se calmer le jour où il a ramené une autre femme et son gosse, un peu plus jeune qu’elle. Son attention était sur Marisol. Celle d’Olivia sur Rafael. Un petit-frère qui voulait jouer au grand. Une nouvelle équation, un nouveau rythme, un nouveau monde, un sang qui lui fait peut-être écho plus qu’aucun autre, et le risque que son père ne veuille atteindre d’autres personnes. C’était comme un mauvais pressentiment. 05_Elle avait jamais imaginé qu’elle aurait un allié, mais il a été là. D’abord pour sa mère, puis pour elle. Et ça lui a donné envie de se battre pour lui aussi. L’instinct protecteur qui s’est mis à grogner. Eux deux contre lui. Ils se sont accrochés, ont survécu ensemble et ne se sont pas vraiment lâchés depuis. Surtout plus après qu’elle ait rendu les coups, retourné la pointe du fusil contre lui. Le chasseur chassé. 06_Y a eu son émancipation. Un changement de nom comme un doigt d’honneur face à sa paternité. Un rejet pour lui faire mal et morceler sa fierté. Y a eu les premiers boulots, les premières arnaques, les mecs à détrousser contre un peu de charme bien placé, parce que c’était facile, parce que les études ça prenait trop de temps et qu’il fallait de l’argent là maintenant pour leur trouver un toit. Ça a fonctionné. Au début en tout cas. 07_Quand y a eu besoin de plus d’argent, elle a voulu se diversifier. Passer un deal avec quelques gars du coin, revendre un peu plus loin en indépendante, dès qu’elle avait un occas’. On s’attendait pas à la trouver elle. Et elle avait pas peur de se frotter aux grands méchants gangs. Elle a jamais plus eu peur de grand chose une fois qu’elle avait muselé son grand méchant loup. Téméraire, elle a bien cru que ça allait fonctionné pour de bon. Trop bien, trop rapidement, finalement, ils ont pas eu le temps de vraiment en profité. Elle n’avait pas remarqué que Raf lui en demandait de plus en plus, se servait de son côté. Elle n’avait pas réalisé qu’elle l’avait fait plonger. 08_Son corps inerte, son esprit absent, Raf en train de crever sous ses yeux, entre ses mains. Elle sait plus combien de temps elle a massé sa poitrine. Elle a cru lui fracturer les côtes un nombre incalculable de fois. Elle sait juste que ce jour-là, sa drogue l’avait tué, elle l’avait tué… avant que les premiers secours ne le sauvent. 09_Peut-être que pour une fois, les flics ont fait leur job. Elle sait pas, et elle ne s’est jamais posée la question. Presque trois ans de prison, c’est pas beaucoup comme punition. Elle n’a même pas chercher à se défendre ou à négocier. Elle s’est laissée couler, bouffée par les remords et la culpabilité. Elle a tout accepté, s’est pliée sans se briser parce qu’il l’attendait et qu’elle devait se faire pardonner. 10_Malcolm a déboulé après tout ça, quand elle commençait à retrouver une vie, une confiance, un équilibre sur ses deux pieds. Plus jeune mais pas plus innocent, c’était un autre écho. Entre pesanteur et gravité. Comme une fissure, un gouffre qui fait du bien tellement ça brûle. Un truc sanguin, à part, rien qu’à elle. Et elle n’aurait jamais cru le vouloir à ce point. Peut-être que c’est mieux que ça se soit terminé avant que leur histoire ne la consume totalement. Ça lui apprendra. Il la rendait folle, elle était folle d’un p’tit jeune trop con. Elle voudra jamais l’admettre, surtout pas maintenant qu’il a tout bousillé. Animal blessé, elle a des crocs à planter pour lui faire regretter, pour pas montrer combien elle l’a aimé.