L'épreuve du feu ? (Samay)

A peine la porte refermée, tu sentis ton coeur s’accélérer. Parce que tu craignais encore sa réaction, il avait beau t’avoir félicité d’avoir mis Seven KO, tu appréhendais les questions qui risquaient de suivre. Comment il avait fait pour savoir que vous habitiez là ? Pourquoi s’en était-il réellement pris à toi ? Comment t’était venue l’idée de de lui tatouer ton nom sur son ventre ? Même toi, tu commençais à te rendre compte que ça avait quelque chose d’extrême. Des regrets ? Tu n’en avais évidemment aucun, mais tu n’étais pas certaine d’assumer l’ensemble de l’histoire devant Samih.
C’était étrange, tu avais pensé craindre la réaction de JJ, mais finalement tu redoutais tout autant celle de Samih. Tu avais peut-être eu tendance de l’oublier un peu ces derniers temps, mais Samih restait votre meneur, celui qui t’avait accueillie avec Cal quand vous étiez seuls au monde et celui qui était prêt à se sacrifier pour la famille, comme il l’avait fait pour Eanna. Ce n’était pas rien. Sur le coup, tu n’avais pas réagi, mais maintenant tu te rendais compte du truc de dingue que ça avait été. Alors oui, tu avais peur de le décevoir, mais tu espérais aussi gagner son respect un jour. Pas seulement comme la petite dernière fragile et inutile. Non, tu avais envie qu’il te considère comme une égale. Alors peut-être bien qu’au fond de toi, tu avais envie de lui raconter toute l’histoire.
Sans rien dire, tu allais t’installer sur le canapé, une jambe repliée sous ton poids avant de jeter le paquet de petits poids sur la table, il y avait encore un peu de sang dessus, mais ce n’était pas grave, ce n’était pas le tien. Toi, tu tenais encore bien sagement ton propre paquet sur ta main, le portant d’autres fois sur ton visage, avec précaution. « Je deviens bleue ? » Questionnais-tu finalement en jetant un coup d’oeil sur Samih. Tu pinçais des lèvres. « Faut pas que JJ me voit comme ça » soupirais-tu avant d’attraper ton portable pour regarder les dégâts depuis l’appareil photo de ton portable. Ouais, le résultat n’était vraiment pas fameux, mais tu avais l’impression que c’était moins terrible que chez Seven. Son coup de boule avait été brutal, mais toujours moins que ton coup de batte.
« J’ai filmé le début »

Samih, tu le connais depuis si longtemps maintenant et pourtant, tu as parfois l’impression de voir un inconnu. Tu n’as aucune idée de ce qu’il peut bien penser, ce qu’il peut ressentir, s’il était d’ailleurs encore capable de ressentir quelque chose. Parfois, tu avais l’impression qu’il n’était qu’un mur infranchissable pour cacher une personnalité insaisissable. Tu ne le cernais pas malgré toutes ces années alors peut-être qu’à ta manière, tu t’en étais toujours méfiée. Pas parce que tu ne lui faisais pas confiance, ou parce que tu craignais un sale coup. Non, tu étais simplement tant habituée aux cris et aux coups que son calme et son indifférence te tenaient en respect. Parce que tu ne savais jamais ce que cachaient les silences. Tu n’avais pas la moindre idée de la manière dont il fallait interpréter ses gestes et ses mouvements. Finalement, JJ te semblait presque plus simple à comprendre: il n’était fait que de hauts et de bas, capable du meilleur et du pire, rarement du milieu. Le plus dur étant de saisir la demi-seconde où tout allait basculer. Samih, tu ne savais pas. Tu n’avais pas la moindre foutue idée alors tu attendais, assise sur le canapé tandis qu’il quittait la maison pour revenir quelques secondes plus tard, un air bizarre sur le visage. ça, ça ne te surprends plus. La porte qui claque te fait mordre l’intérieur des joues, mais ça fait un peu mal encore.
Dans le feu de l’action, tu avais oublié la douleur, mais à présent elle revenait, lancinante. Vicieuse. Tu avais mal à la tête, il ne faisait pas semblant de frapper, le salaud. Tu ne regrettais pas le coup de batte. Pourvu qu’il soit cassé, son nez. Ça te ferait vachement plaisir. Oeil pour oeil, nez pour nez. Et même la marque qu’il t’a laissée sur la fesse est aujourd’hui vengée. Finalement, ce n’était que justice ce qui s’était passé ce soir. Tu étais certaine que JJ serait d’accord avec toi. Samih par contre, tu n’étais pas encore tout à fait persuadée qu’il approuve ces méthodes là. Il avait ri sur le coup, mais il n’avait probablement pas réalisé l’engrenage dans lequel vous étiez, tous les deux. Ce n’était plus seulement une histoire de Kids et de Yobbos, c’était devenu une histoire d’égos et tu n’avais aucune envie de fléchir la nuque devant lui.
Devenant pesant, tu finis par briser le silence avec tes bavardages à propos de tes blessures de guerre. Tu pouvais le voir sur ton écran de portable, ce n’était pas très joli. Tu avais déjà été en pire état cela dit et comme par hasard, c’était encore à Seven que tu le devais. Non cette fois, tu t’en remettrais beaucoup plus vite même s’il te faudrait te rendre au dispensaire pour ta main. « On va lui dire que je suis tombée dans les escaliers. J’avais posé mon sac à main sur les premières marches et comme j’avais fait venir un uber, je me suis dépêchée et je me suis pris les pieds dedans, d’accord ? Tu m’as vu tomber parce que t’es rentré…pourquoi t’es rentré Samih ? Si tu confirmes, il va pas chercher plus loin. » réfléchis-tu. Parce que tu sais que tu pourras pas éternellement camoufler tes marques. Puis t’as la flemme aussi, t’as jamais été du genre à t’étaler toute ta palette sur le visage et les dernières fois que tu as utilisé ton fond de teint, c’était principalement pour masquer les marques de coups. Merde, quoi !
Tu finis néanmoins à ajouter à son intention que tu avais filmé. Aucune idée pourquoi. Peut-être qu’il ne te croirait pas, tu n’en savais rien. T’étais malgré tout contente de l’avoir fait et machinalement, tu déverrouilles ton écran pour regarder ta dernière photo. C’était plus qu’un selfie, c’était un trophée. Samih reprend d’ailleurs enfin la parole et tu relèves le nez vers lui. Tu le regardes longuement sans rien dire. C’était quoi le bordel avec Seven ? Une longue histoire. Les questions s’enchaînent sans que tu ne répondes jusqu’à ce qu’il termine avec sa petite tirade digne d’un père de famille. Sauf que Samih, c’est pas ton père. Tu finis par bouger sur le canapé pour te mettre en tailleurs sur ce dernier, tu te prends même le temps de reposer le sac de petits poids sur ta main avant de prendre la parole, sans le regarder. « C’était un hasard s’il est venu ici je crois, il m’a juste vu quand je fumais à la fenêtre et il a compris qu’on était tous là. Il sait très bien que je ne serais pas venue seule. » c’était la question la plus facile, un bon moyen de débuter. Tu marques une pause en jouant avec les petits poids gelés, les faisant rouler sous tes doigts, dans le sachet. « Si j’y repense, avec Seven on a pas mal de trucs en commun alors on a souvent fini par se croiser, genre au bar de Nash par exemple…D’ailleurs c’est à partir de là que c’est devenu le bordel comme tu dis. Il a tenté sa chance et il s’est pris un stop, il a pas aimé » commences-tu avant de relever les yeux sur Samih. Et c’est en le regardant droit dans les yeux que tu modifies un peu la réalité. Parce que oui, Seven s’était pris un stop, mais pas aussi vite que tu le sous-entendais. Ça, Samih ne le saurait pas parce que tu mentais sans sourciller. Tu y étais habituée. Il valait mieux déguiser la vérité qu’être trop honnête. Ça n’apportait rien à l’histoire de toute manière. « Bref, à partir de là il s’est mis en tête de me faire la misère et je peux te dire qu’il s’est fait plaisir le fils de pute. » tu marques une pause, le temps d’attraper tes propres cigarettes. « Il y a un soir ou Cal a ramené sa pute à la maison, ça m’a énervée et je suis allée chez des amis, manque de bol c’est aussi des amis à lui alors tu penses bien que ça a mal tourné. Il a fait exprès de me verser du café chaud dessus alors j’ai peté un câble et je lui planté un couteau dans la main » tu lèves ta main blessée pour lui montrer le résultat « Il s’est vengé de ça, ce soir. Mais c’est pas grave, moi aussi je lui ai rendu la monnaie de sa pièce. » tu souffles la fumée au dessus de ta tête. « Entre nous, y’aura jamais de point final à cette histoire. »

C’est difficile pour toi de tout lui dire, mais il le fallait. Tu avais besoin de confier à quelqu’un, quelqu’un qui saurait quoi décider, quelqu’un qui aurait un avis tranché. Macha avait beau t’écouter, elle ne faisait qu’écouter. Samih par contre, il avait les rênes en main. Peut-être moins que JJ, ou peut-être plus, parfois tu ne savais plus trop. Heureusement pour toi, vous étiez à nouveau tous réunis et il n’y avait plus de questions à se poser. Tu ne cherchais plus à comprendre qui avait raison, qui avait tort. Non, vous n’étiez plus qu’un seul et même front. Vous étiez les Kids, point. Mais c’était bien connu, les Kids ne se disaient pas tout. C’était là une leçon que tu avais apprise de Samih et au fond, il ne t’en voudrait pas si tu ne disais pas tout, pas vrai ? Et tu étais pratiquement certaine qu’il approuverait ton idée de laisser JJ loin de toutes ces histoires. Ça n’arrivait pas souvent, mais ce soir tu avais l’impression que vous étiez plutôt sur la même longueur d’ondes. Vous vous compreniez du moins et c’était plutôt pas mal. Surtout quand il s’agissait d’inventer un bobard pour expliquer ton état. Tu ne t’en formalisais même plus. Tu ne t’y habituerais jamais, mais tu t’en accommodais.
D’un hochement de menton, tu approuvais son explication. Il n’en fallait pas beaucoup plus. Si l’histoire devenait trop compliquée, JJ comprendrait qu’il y avait un loup. Donc tu étais tombée et Sam avait débauché du boulot plus tôt. Parfait. Tu hochais du menton pour toi-même. Voilà, qui était acté. Tu te sentis subitement beaucoup mieux. Jusqu’à ce que les questions commencent.
Tu avais peur de sa réaction. Peur de ce qu’il pourrait en dire. Parce que mine de rien, tu mangeais dans la main de JJ, tu savais néanmoins que c’était Samih le patron. C’était lui qui décidait, même si ses décisions étaient souvent noyées entre les décisions improvisées pour rattraper vos conneries. Genre celle de tatouer Seven. Le problème, c’est que ce tatouage n’était pas qu’un délire. C’était un juste retour de bâton à la marque qu’il t’avait laissée sur la fesse. Et ça, tu ne pouvais décemment pas lui dire. Alors tu brodais, et tu gagnais du temps. Ce à quoi tu ne t’attendais pas en revanche, c’est sa réponse à lui. Tu fronçais des sourcils. Comment ça, il était au courant ? Et comment se faisait-il que personne ne t’ai mis au courant ? Honnêtement, tu aurais pu mal le prendre, mais là toute de suite, tu avais d’autres soucis. Genre t’assurer de la complicité de Samih. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise, il m’a vu ça lui suffit pour devenir débile. Enfin tu me diras, il n’a pas besoin de mon aide pour ça, hein ? » Tu jouais à l’innocente, celle qui n’avait rien à se reprocher. Tu y mettais d’ailleurs les formes, haussant des épaules avec nonchalance. Dommage pour toi, les questions ne s’arrêtaient pas déjà. Ce que tu ne comprenais pas, c’est que Samih était persuadé de quelque chose et il cherchai des signes là où il n’y en avait pas. Enfin, pas au point qu’il imaginait en tout cas. Tu lui racontais donc l’histoire entière, en raccourci. Très raccourci puisque tu ne mentionnais pas le début, ni tous les épisodes intermédiaires. Heureusement d’ailleurs vu sa réaction.
Lui qui semblait éternellement amorphe venait littéralement de se réveiller, buguer comme rarement tu l’avais vu buguer. Et tu aurais juré avoir vu une ombre passer dans son regard. C’était assez rare pour que tu le signales. « Quoi quoi ? » fis-tu avant de poursuivre en terminant d’un dernier haussement d’épaule.
Sauf que Sam n’écoute plus, Sam agit bizarrement à fouiller la commode. Comme si c’était vraiment le moment. Sauf qu’apparemment oui, tu le regardais faire, pantoise. Il sort un flingue et tu ouvres grand les yeux. Tu ne savais même pas qu’il y en avait un dans la maison? Alors certes, tu t’en doutais bien un peu, mais là il te donnait carrément le feu vert pour en placer une entre les deux yeux du Popescu, non ? « Cool ! » murmurais-tu.
Ce qui l’étais un peu moins, c’était Sam qui pétait littéralement un plomb. Quoique, ça pouvait devenir drôle. Peut-être que tu devrais lui monter la brûlure, tout compte-fait ? Samih avait probablement besoin de se défouler un peu, ça faisait trop longtemps qu’il semblait vide de tout alors au fond, ça te faisait plaisir de revoir un peu de vie en lui.
Et quand il revint vers toi, tu haussais des épaules, peu concernée. Parce que tu n’étais pas certaine que Seven soit le vrai coupable et puis, si Samih devait pêté un câble, tu préférais que ce soit pour toi, pas pour sa soeur. « Peut-être parce qu’à l’époque tu étais occupé à vouloir régler le compte à JJ »
Il n’y avait pas à dire, tu avais l’art et la manière de lâcher ton venin là où ça faisait mal.