Oiseau de nuit (Luna)

Tu t’accroches à sol plus que de raison, ces deux dernières semaines. En vérité, tu t’es toujours accrochée à lui. Mais tu as besoin de lui, plus que jamais. Parce que Malcolm n’est plus là, parce qu’vous arrivez pas à mettre votre colère, votre rancœur et votre fierté de côté pour passez autre la dispute, le cataclysme. Tu n’sais plus vraiment comme avancer, sans Malcolm a tes côtés. L’unique autre constance de ta vie, c’est ton frère, ton soleil mais tu le vois peu, en ce moment, il est là sans être là, toujours ailleurs et le soir, seule dans ta chambre, tu pries pour qu’il rentre vite, pour qu’tu puisses te glisser dans son lit comme lorsque tu avais six ans. Tu dors mal, seule. Tu fais des cauchemars, tu te tournes et te retournes dans ton lit, et t’as l’impression qu’à chaque instant, il pourrait entrer dans ta chambre, qu’il pourrait t’écraser de ton son poids et qu’ses mains viendraient griffer ta peau. Tu hurles, mais c’est comme si t’étais sous l’eau, tu t’étouffes dans tes propres cries. T’es une enfant depuis longtemps maintenant, y’a une petite fille dans ton cœur, une gamine terrorisée qui n’demande qu’à être rassuré, qu’à passer une soirée avec son frère devant la télé. Mais il n’est pas là, mais il t’avait promis. Alors tu l’attends, tu n’sais combien d’temps. Tu t’assoupies, parfois, sur l’canapé, dans l’obscurité d’votre minuscule appartement, mais tu finis toujours par t’réveiller, dans l’espoir d’le voir sourire, à l’autre bout d’la pièce. Et puis, finalement, t’ouvres les yeux, et tu l’entends, vaguement, de loin. Il parle à quelqu’un, tu mets un moment pour comprendre qu’il s’adresse au chat, et tu sourirais, Nana, si t’étais pas engluée par les antidépresseurs et toutes les autres pilules que tu ingurgites. Tu t’redresses un peu quand tu entends un gros bruit sourd, ton cœur se tord et t’allumes finalement la lumière d’la lampe, près du canapé, pour retrouver ton frère, figé, le pied en l’air, et l’air surpris. Salut qu’il te dit, salut comme s’il était huit heure et qu’c’était l’matin, salut comme si tout allait bien, comme s’il ne t’échappait pas. « T’étais où ? » tu lui demandes. Mais tu sais ce qu’il va répondre, au boulot, comme d’habitude. Comme d’habitude. T’as l’impression d’être seule, dans cet appartement.

Il t’avait promis. Mais les promesses s’envolent aussi facilement que les rêves brisés, ces derniers temps et depuis longtemps, les promesses, de Sol comme de Malcolm, n’ont plus le même poids. Tu lui souris vaguement quand tu comprends qu’il ne pourra pas s’échapper dans sa chambre, quand il comprend que tu as besoin d’explication. Tu hoches la tête. Un problème a géré. « Je comprends » que tu dis. Mais c’est faux, Nana, tu n’comprends pas, tu n’comprends plus. Depuis quand fait-il passer les autres avants toi ? depuis quand n’es-tu plus sa priorité ? Il t’a un jour promis de te protéger, promis que tu ne serais plus jamais seule. Et pourtant, ce soir, il n’était pas là. Pire, il rentre et ne se rends pas compte que toi aussi, tu as un problème à gérer, que toi aussi, tu as besoin de lui, que toi aussi, tu ne vas pas bien. Mais t’es incapable de lui en parler. Les mots restent coincer au fond de ta gorge, ces derniers temps et t’as l’impression que tu ne retrouveras plus jamais ta voix. Tu hoches la tête, et finis par te lever. « Je vais me coucher » que tu lui dis. Parce que tu n’veux plus vraiment l’voir, tu veux l’punir de t’avoir oublié. Alors tu passes devant lui sans un regard et part t’enfermer dans ta chambre. Allonger sur ton lit, tu regardes les étoiles fluorescentes qui tapissent ton plafond. Sol les a placés là il y a des années pour que tu arrives à dormir dans ton lit. Au final, tu en es pratiquement pas capable. Sauf quand Malcolm est là. Mais Malcolm est loin, et ce soir, ce soir tu ne peux pas dormir avec sol. Alors te voilà dans ton lit de petite fille, face aux étoiles et aux souvenirs. Tu remontes la couverture au-dessus de ton nez et tu inspires longuement avant t’attraper le lapin en peluche que t’a offert Malcolm. Tu le sers contre toi et ton regard s’échappe vers ta porte et l’espace entre cette dernière et le sol. Un filet de lumière te parvient. La lumière est encore allumée. Il est encore dans le salon.