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 naked eyes (pv un stalkeur)

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MessageSujet: naked eyes (pv un stalkeur)   naked eyes (pv un stalkeur) EmptyVen 15 Nov - 18:20

Chaque fois que Rose donne un coup, ça fait vibrer la table basse, s’entrechoquer les quilles de bière et rouler les botchs de cigarettes échappées du cendrier. No entiendes lo que digo ! Ça frappe, affirmatif, dans sa propre paume. La vibration passe au travers, va dans la table où Ares a ses pieds. Ça rit, cálmate Rose !, sauf que c’est pas pour le calmer ; Rose, Rosé, Rosario, peu importe, il se calme jamais. Un Chilien de vingt piges qui se croit l’âme révolutionnaire du temps de Pinochet, c’est pas très clair, s’il est Marxiste ou autre chose, à scander La libertad à toutes les sauces, dans tous les débats, à indexer le capitalisme au palmarès des pires péchés véniels. Il s’excite, se replace en sautillant sur le canapé, plus penché vers l’avant encore, prêt à pilonner sa main à nouveau.

Ares déplie la nuque et s’enfonce un peu mieux dans les oreillers. Il ne participe pas à ce genre de débat, il écoute juste. Quand Rose l’interpelle du regard, le Salvadorien hausse un sourcil, ou sourit platement, ou rien - pas un bon allié.

Écout-
Va chier, on en a rien à foutre de tes opinions à la con !
C’est pas une opinion hermano, c’est la vérité !


Verdad, libertad. Ils sont très copains, ceux-là.

Les multinationales, on est esclave des multinationales !
J’ai bien envie de Mcdo.
NON ! T’encourages le système, mierda, tu comprends rien !
Je chie dans la bouche du système.
Vous êtes dégueulasses.
Du Mcdo, avec un 2L de coca.
Du Taco Bell.
Oh merde, ouais.
Hijos de puta.
Insulte ma mère encore, vas-y !


Ares retire ses pieds juste à temps - un des mecs fauche l’air devant lui pour atteindre Rosario. Autour, ça gueule, ça rit plus fort. On empêche les bières de se répandre partout. Ares doit jouer du bassin pour se retrancher dans l’extrémité du canapé, et bientôt, il est sur l’accoudoir, un bras enroulé autour du dossier. Un de ses cousins se penche dans son dos, touche son épaule ; ven conmigo.

Sur le perron, les agitations du débat ne sont plus qu’une rumeur joyeuse. Détroit se rafraîchit - la nuit, Elle gèle. Mais Ares laisse sa gorge exposée, sa veste grande ouverte. Il a encore la chaleur moite en enfumée de l’appartement sur la peau. Le vent gruge le cuir qu’il a sur les bras. Il regarde Victor : son front plissé, sa main pleine d’encre faisant enclave autour de la cigarette qu’il tente de s’allumer. Son cousin mord dans le filtre, marmonne putain. Ares ne bouge pas. Il aimerait s’adosser contre la porte, mais il sait qu’ils vont bouger.

Le feu prend. Victor lui tend la clope et s’en allume une autre.

« Bon. Ils m’ont donné la dalle avec leur connerie. »

Ils marchent, pas d’urgence. Pas d’heures. Ils lui ont donné la dalle et l’envie de respirer ailleurs, surtout. Alors ça grille quelques topes, ça doit même fermer leurs manteaux, entre-temps, et déambuler le menton près du torse, un peu voûté. On va aller à la tiendita au coin, ok ? Ok. Ares s’en fout. Il se sent pareil partout. Calme, pour l’instant. Victor lui parle de choses anodines, mais le Salvadorien sent qu’il tourne autour d’un truc dont il parle à mots couverts. Un truc lourd, un truc qui s’installe dans le creux des tripes. Ça fume plus vite, alors. Ça respire que dans le filtre.

Puis y’a le portable de Victor qui vibre. Ils sont presque rendu. Son cousin arrête, répond. Ares fixe la supérette, à dix mètres. Antón, por favor…, il promène son regard sur la rue, les façades autour, le gros rond orangé que la lumière du lampadaire fait à quelques pas d’eux. Necesito mas tiempo, Antón, et y’a rien, dans ce rond, rien de particulier, mais peut-être qu’ils seraient mieux là. Comme protégés. Comme touchés d’une impression de chaleur, à cause de la couleur.

Victor se détourne, expédie la fin de l’appel en marmonnant quelques mots fatigués.

« … Désolé, Isaàc, j’dois…
- Ça va, c’est bon.
- Je dois y aller.
- C’est bon. »

Désolé. Victor, c’est bon. C’est Antón, je sais, tu sais comment il est, je sais, on s’écrit ?, comme tu veux, Isaàc...

Il est rentré dans le rond, est ressorti de l’autre côté. A laissé Victor hors du cercle, et ça s’est refermé sans lui - hermétique, maintenant. Ares s’avance près des néons de la supérette, à l’entrée, pour finir de fumer. Les vitres sont presqu’entièrement envahies par des posters publicitaires du début des années 2000. L’affiche Malboro est déchirée en deux. Du coin de l’oeil, le Salvadorien voit une ombre bouger derrière le comptoir. Il regarde pas. Il regarde rien, tire sur le tube, tranquille, puis laisse son visage retomber derrière le col de cuir noir.


Vous êtes dégueulasses.


Il lâche la fumée là, sans se donner la peine de lever la tête. Alors ça lui remonte doucement sous le menton comme un champignon au napalm de ces anciens docu qui font pas de bruit. Un souffle de dragon. Par la bouche, les naseaux. Qui s'élève paresseusement, s’échappe en léchant tout son visage, ses cils bas. Il s’est trompé - les lumières artificielles de la ville ne donnent aucune chaleur. Surtout celle-ci, puisqu’elle est blanche. Quand c’est blanc pur, presque bleu, c’est là que tu sais qu’elle te gèle bien, t’as saisis ?

Le mégot tombe au pied du mur. Il pousse la porte. Ça sonne pas - ou alors si, et il n’a pas fait attention. Air doux, sur son front, ses paupières. Une chanson pop du moment, dans les haut-parleurs, un ronron des réfrigérateurs. Une odeur de javel. Faut pas qu’il reste planté là - la porte s’est refermé dans son dos. Il a eu un instant, c'est tout, un instant où il savait plus ce qu'il foutait ici.

Ares relève à peine le coin du visage, pour aviser le mec derrière le comptoir. Sauf qu’il grimpe pas jusqu’au sommet. Il s’arrête au torse, puis se détourne, va errer plus loin. Pas besoin de savoir pour bouger.

Faut qu'il rôde un moment, avant de sentir que ça le regarde. Lui, ou ses cicatrices, mais est-ce que c’est pas un peu la même chose. Ça regarde tout le temps ce qui lui manque, les absences dans sa peau - cherche sans cesse à l’annihiler. Alors il fait dos, en respirant un peu plus profondément. Laisse ses doigts retourner quelques produits, sans intérêt, comme si l'illumination allait venir au contact. Et quand il sent que ça devient trop lourd, sur sa nuque, que ça creuse dans le cuir de sa veste pour chercher au travers, Ares se décale avec agacement pour gagner le fond des rangées ; c’est une irritation qui le rend plus lourd, plus lent dans ses gestes. Il est pas comme Rosario, Isaàc. Il devient fauve. Bande des muscles, lentement, comme si la contraction dans sa chair pouvait chasser cette sensation désagréable.

Près des congélateurs, il laisse le son des moteurs ronronner contre ses paupières lourdes. Bouge plus. Pas envie d’être là-bas. Pas envie d’être ici non plus - mais ici, c’est chaud. Alors il ouvre pas les portes, regarde les boissons au travers. Puis regarde la vitre, et le reflet, dedans. Pas le sien, mais celui de la silhouette derrière, trop indéfinie pour deviner des traits, ou des yeux, mais juste assez pour comprendre qu’elle fixe encore. Dans cette direction.

Ares ouvre brusquement. Ça fait un bruit, avec le scellant de caoutchouc, presque surpris. Sa main attrape une canette au hasard - c’est que ça le pique, entre les omoplates, ça le pique et il doit faire un truc, choisir un truc, bouger un truc. Quand la porte du réfrigérateur se referme, le Salvadorien est déjà en train de pousser l’exploration dans d'autres recoins de la supérette. Là où on lui fiche la paix.
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MessageSujet: Re: naked eyes (pv un stalkeur)   naked eyes (pv un stalkeur) EmptySam 16 Nov - 20:39

    Mains croisées, quatre pieds sur six sur le plancher. Ça se balance en douceur pour caresser les frontières de l'équilibre et éprouver l'ossature du bois raboté. Ça pousse sur les orteils pour faire craquer les lattes pas droites et ça contracte le ventre pour mieux lier les phalanges.

Ça râpe et ça traîne les souliers sur le carrelage défoncé des escaliers trop maigres. Ça écoute — il entend tout de l'autre côté du mur. Ça ferme les yeux — il entrevoit très bien le bide énorme qui se gondole par-dessus les jambes fatiguées et floute la gueule joufflue qui mâchonne une vieille dent grise.

Ça va jamais atteindre le palier ; c'est essoufflé d'avance, c'est vieux, c'est plus bien fait pour gravir des sommets : ça va bientôt abandonner, ça soupire comme si le pas était pas déjà assez lourd pour faire comprendre que la journée est passée, que le temps est douloureux, que la vie est dure, qu'on est presque déjà de l'autre côté.

Ça se racle la gorge comme pour enterrer l'effort sur soi. Ça dit l'heure et ça se donne à peine la peine de toquer à la porte — ça accroche ses gros doigts aux ongles noirs à la poignée, ça l'ouvre sans s'arrêter et ça poursuit la distance.

Et ça se détend la nuque vers l'avant, ça relâche la joue que ça se bouffe pour bouffer la haine face à la répétition et à l'intrusion. 'y a trop de soirs ordinaires, trop d'habitudes, trop de similarité à hier et trop de possibilités pour changer demain. Ça rouvre les yeux : ça vit la nuit et ça oublie quel jour on est, comment le temps passe, comment on respire dehors. Six pieds par terre, ça délie ses longs doigts aux ongles bien propres, ça fixe l'entrebâillement qui gave et ça se gonfle les poumons d'écoeurement.

Faut qu'il attende encore pour pas être à l'heure, pour pas voir l'autre, et ça s'embête pas à penser qu'en bas 'y a des connes qui rient comme si tout leur appartenait. Parce que l'autre pense à l'heure, l'autre veut le voir, l'autre s'inquiète des petites connes qui se moquent de sa marchandise, lui, il attrape son téléphone et prend encore son temps pour regarder les notifications à ignorer.

Quand il se lève, c'est pour faire autant de bruit : il claque sa porte derrière lui, se muscle la langue derrière ses dents trop blanches et regarde, avant de se taper la descente des marches, si son logeur a bien disparu des environs. Il déteste ses gros yeux marrons qui jugent tout avec mépris. C'est de la jalousie et Florían le sait : lui, il peut danser des épaules dans l'escalier sans manquer d'en avaler la moitié. Puis, lui, les petites connes qui rient, elles l'attendent au comptoir, alors il y va avec une nonchalance exagérée, à la limite de l'insolence, pour se faire plaisir à provoquer les complexes de son principal belligérant. Tant pis s'il est pas là pour le regarder faire : les filles le voient, il les voit et s'il voulait pousser le vice plus loin, il pourrait aussi faire en sorte qu'on les entende jusqu'au-delà le plafond.

Hey. Sourire. Regard. Salut. Regard. Salut. Sourire. Regard. Le prix. La porte. Dernier sourire.

Voilà, elles payent pour le bonheur d'avoir eu son attention pendant quarante cinq secondes et elles sont contentes. Parce qu'il est sympa, il les suit encore des yeux, et elles rient encore : lui il pige rien à l'espagnol, elles le savent et, sitôt qu'elles disparaissent au coin de la porte vitrée, il sort son petit carnet d'en dessous sa caisse et note ces putains de mots comme des symptômes de maladie. Il en reconnaît peut-être quelques uns, mais 'y a pas grand intérêt à leur donner du sens parce que la langue est déjà trop pleine de ton et d'intonations abrutissantes.

Comme cette musique à la con qui passe en boucle. Faudrait démonter les enceintes parce qu'elles le rendent malade : ça rentre dans l'oreille, ça s'incruste, on est dans un putain d'aquarium et 'y a pas de pompe, pas de vagues, pas de filtre. Tous les rayons sont là et s'il a envie de se dégourdir les nageoires, Florían a qu'à aller zigzaguer d'un coin à l'autre du bocal, puis de l'autre à l'autre et c'est tout. C'est oppressant, quand il y pense : les murs tout droits de tous les côtés avec dedans, dessus, dessous, autour, d'autres cloisons qui ronronnent comme si 'y avait vraiment de la vie dans ces petites boîtes.

Longtemps, il fixe les enceintes, sans ciller, sans s'asseoir, son stylo encore dans les doigts, le bout de la bille appuyée sur le papier. Puis ses pensées dégringolent et s'en vont ailleurs. C'est la néantisation totale de l'âme. L'atmosphère est même pas assez saine pour réfléchir. C'est plat, immobile, faut qu'il se passe quelque chose dehors pour que l'aliénation s'arrête — ah, son coeur saute et rebondit en plein sous son tee-shirt, d'un coup ça lui agrandi les yeux et le temps s'allonge jusqu'au bout de ses doigts.

C'est lui ?
C'est lui.
Sûr que c'est lui.
C'est peut-être pas lui ?
Faut se calmer.

Il baisse la tête mais pas les yeux. La porte va s'ouvrir, ça va sonner, ça sonne tout le temps, et quand il repartira ça fera le même bruit et ça laissera tout en suspension. Il regarde l'heure sur l'écran de l'enregistreuse et retourne les pages en avant de son cahier. 'y a tellement de choses dans ce carnet que ç'en est débile. Là, vite, un coup d'oeil rapide, c'est la bonne page, vas-y, note l'arrivée, note l'habitude, retiens un morceau de son passage à défaut d'avoir su prendre autre chose.

C'est dingue l'adrénaline que ça lui met dans la gorge — ça grignote, grignote, grignote tout ; faut qu'il s'essuie le coin de la mâchoire ou se laisse submerger par l'invasion. Il a pas envie de fixer que sa gueule, 'y a tout le reste à voir et le temps est jamais assez long ; 'y a pas assez de matières, pas assez de marchandises, ça manque de tout et ça se frustre déjà de pas s'être suffisamment préparé avant de descendre. Il est pas prêt, non. On n'est jamais prêt quand le destin vient faire ses courses.

Il change un peu de posture — l'impatience — et là il se rend plus compte d'à quel point c'est lui l'invasion. Le regard est soutenu, lourd, abuse, abusé, c'est quoi l'histoire, et surveille tout. Le reflet sur la vitre, la silhouette de dos, les poches, les fringues, la peau qui se voit pas, les yeux qui l'ignorent — ah, on préfère regarder le ventre des réfrigérateurs et toucher leurs entrailles avant de savoir comment on va remplir les siennes.

Il déglutit et pince les lèvres ; ça revient, la musculation de la langue sur les dents. Il va lui parler ce soir. Faut qu'il lui parle ce soir — qu'il dise un truc, au moins, pour voir et toucher avant de se remplir aussi.

Ça disparaît comme ça, à l'angle de ces putains de rayons qui débordent de merdes. Florían a beau très exactement savoir où il faudrait qu'il regarde encore pour le suivre, ses yeux se fixent résolument sur la poignée du réfrigérateur. Quelle chance il a, ce réfrigérateur. Quelle chance il a, lui, de pouvoir en faire l'inventaire puis de le réapprovisionner.

Il se laisse très doucement tomber dans sa chaise et disparaît à moitié derrière le comptoir. Le cul de son stylo dans le creu de la joue, il mate le miroir en équilibre dans le coin du mur du fond comme l'écran muet d'une télé. Les petites idées déliées galopent toujours en fond et le stylo va chercher ses dents par-dessus sa chair — il ferme les yeux et essaie d'entendre quelque chose mais la musique remplit toute la distance qui les sépare.
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MessageSujet: Re: naked eyes (pv un stalkeur)   naked eyes (pv un stalkeur) EmptyMar 19 Nov - 3:30

Encore. C’est ce qui lui pulse dans les tempes, encore, parce que s’il n’avait pas oublié, il n’y pensait tout simplement plus, à ce regard Effraie perché sur ses atmosphères secrètes dès qu’il met le pied dans l’entrée. Ares pratique l’amnésie volontaire, et l’autre, là, qui le tire dans l’existence même au travers d’une vitre ; ça le bute. Sous le couvert des étagères, le Salvadorien baisse les yeux vers sa prise. Entre ses doigts, il roule l’étiquette mal arrimée au métal - des couleurs criardes pour s’exploser les yeux, une calligraphie éclatée, regarde-moi, prends-moi, bois-moi. Deux taureaux rouges se rencontrant sur une étoile jaune. Y’a un truc qui se passe ; un silence dans le ronron des hauts-parleurs. Ares relève la tête, fait glisser sa botte sur le tapis de caoutchouc qui court jusqu’au bout de la rangée, s’avance. Il rencontre le flanc du miroir adossé là comme une grande poupée sans visage. Et s’il se décale juste un peu, voilà, ça prend des airs d’homme. Des airs de jais, dans les boucles. De statue, dans le marbre attentif du visage fermé, à l’écoute, en attente.

Ares est un voleur. Une seconde. Deux secondes. Un très grand voleur. Trois secondes. Mais qu’est-ce que c’est, que ce temps condensé, pris sur un visage reflété, alors que le sien est espionné chaque fois qu’il s’aventure sous le radar de ce garçon étrange. Il tient la canne près de son ventre. L’y presse, même, comme rien ne bouge, et c’est froid - une raison pour contracter doucement des abdominaux, retenir le souffle qui veut sortir, comme si ça pouvait rebondir contre le miroir, voyager jusqu’à l’Autre. Le réveiller.

Six secondes. Ça, c’est la moitié d’un refrain de chanson pop, peut-être, parce qu’en fait, Ares n’écoute pas - il écoute la respiration qu’il ne peut pas entendre, celle du brun, là-bas. N’entend que la sienne, quand elle s’écoule enfin, très lente. Lente comme sa main libre qui s’élève, attrape une barre de chocolat dans l’étagère comme on joue au Mikado, et la glisse dans la poche arrière de son pantalon. Pendant qu’il le fixe. Fixe ses paupières closes. Frémissantes. Bleues. Ombres.

Ça sonne.

Ares spasme ; la canette gémit dans sa paume. Il s’est détourné, leste, a peut-être accroché deux orbes balayés par cette lisière de cils trop droits.

Il croise le regard d’un client quelconque, ça semble pas trop savoir ce que ça veut, ça se frotte les mains vigoureusement pour se réchauffer - et ça s’arrête, sec, en voyant les lézardes dans la peau. Si ce serait des lézardes dans un mur, ce serait la même chose. Les gens regardent. La misère, c’est un objet de curiosité, même pour ceux qui y habitent. Les pupilles d’Ares fuient ailleurs, naturellement. Vers le comptoir. Le mec lambda fixe toujours sa mâchoire avec une incrédulité de bonehead. Alors le Salvadorien revient sur lui, violent dans son silence, dans le mouvement imperceptible de ses épaules qui se contractent, de son visage qui s’avance. Qu’est-ce que tu regardes, petite pute.

La petite pute fait une tête de plus que lui, mais tourne enfin la tête. Relâchement temporaire. Ares sort des allées - il va déposer la canette sur une tablette où elle n’a pas sa place, bien en vue, et sortir sans passez go, réclamez 200 $ auprès de l’éphèbe derrière le comptoir. Mais voilà, il passe devant le miroir, capte simultanément le regard du caissier et du client. Sur lui.

Ça fait quatre. Quatre ronds. Pas de chaleur. Sauf celle qu’il a dans le front, d’un coup. À quel moment c’est devenu trop, Ares ne sait pas, et il s’en fiche. Il garde la canette, contourne l’allée du centre, décroche une oeillade acérée au brun toujours sur sa chaise, regarde ça. Il fonce sur l’autre crétin, plonge en plein vol - ses doigts vont piocher le sac de chips sur lequel ça venait tout juste de jeter son dévolu. Ça avait même tendu le bras. C’était prêt. Juste pas assez rapide.

Ares, c'est toujours le plus rapide.

« He ! » que ça s’étrangle juste, entre l’incrédulité et la frustration.

Le Salvadorien ignore, trace en sens inverse, le coin des yeux ridé sous l’impulsion d’une expression étrange. Entre colère, défi et amusement, peut-être. Il jette le sac sur le comptoir, claque le cul de métal de la canette sur le verre qui recouvre les tickets à gratter. Creuse le visage de la rapace comme s’il voulait passer au travers, pour mieux faire demi-tour, retraverser à nouveau, et fondre tout droit sur la gorge du client derrière qu’il sent toujours hésiter sur la réaction à avoir.

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MessageSujet: Re: naked eyes (pv un stalkeur)   naked eyes (pv un stalkeur) EmptyMar 19 Nov - 18:11

    Des cailloux sous la peau. C'est l'impression que ça fait quand les mâchoires ne sont pas verrouillées et qu'on laisse un peu trop l'extérieur s'infiltrer sur les couches molles puis aller agacer l'émail. Des cailloux sous la peau, si durs, qui refusent tout, prêts à briser n'importe quoi pour se défendre de tout ce qui fait mine d'être une agression. Mais là ils n'écrasent ni ne lapident plus rien : ils sont là, patients, petites armées de dents rondes prêtes à bouffer la souris et pourtant si sages en écoutant l'orage des claviers électroniques.

Entre ses molaires qui ne refoulent pas ou plus la salive, Florían sent ce petit morceau de plastique dur qui s'enfonce comme une épine et pousse jusqu'à ce que ça ne tire trop. Il se concentre sur ça, cette sensation là, pour oublier les autres et, en même temps, desserre mieux encore les dents. Là, ça retient plus grand chose de ce qui le déconcerte dans le fond. Là, ça remonte depuis le gosier, et parce que c'est incapable de parler, ça se baigne dans ses réflexions.

Regarde-moi. Regarde-moi. Regarde-moi. Je veux que tu me regardes. Je mérites que tu me regardes. 'y a rien de pire que l'ignorance dans ce monde ; t'as deux yeux, tu pourrais m'en donner un, je t'en rendrais autant. Alors regarde-moi : je suis patient, je t'attends. Finis ton tour dans cette décharge, je t'attends, juste là, à la sortie, m'oublie pas : t'es obligé de me passer devant ; t'es obligé de me voir, de m'accorder de ton temps. Je suis plus palpitant que les bulles cancérigènes de tes consommations ; je suis plus beau que l'emballage et le sel brillant des chips au fromage et au barbecue. Pourquoi tu mangerais ça alors que je suis là ; t'as qu'à t'approcher, me montrer tes trouvailles, quémander en silence mon approbation et moi, moi, moi, je te tiendrais bien la main, je les mettrais dans un sac, ce sera mon cadeau pour toi, et on se reverra demain soir, à l'heure que tu veux : je bougerais pas de là, sauf si tu cilles, sauf si tu m'invites, sauf si tu me dis ton nom.

Et ça sonne.

Ça déchire le voile des cils et ça rétracte le coeur de la bouche qui s'était ouvert pour mieux aspirer l'idée. C'est plein d'on ne sait trop quoi quand ça regarde le perturbateur et que ça s'inquiète, en jetant vite les yeux dans le coin du fond, d'avoir perdu une intimité toute implicite. Florían est persuadé que son client préféré vient exprès aux heures où 'y a le moins de passage : consciemment ou inconsciemment, c'est pas des canettes que le gars vient chercher, non. C'est ses yeux et le Hongrois les lui donne sans modérations.

Il se verse un peu plus pesamment dans sa chaise, fait couiner l'ossature du dossier et balance son stylo sur la table. Il se lisse les doigts et suit des yeux le connard pas invité à la soirée. C'était mieux avant ; c'était mieux, et là, il a la langue sèche et de la cendre à vomir sur les dents. C'est lui qui a un regard méprisant, soudain, comme son logeur, c'est pour ça qu'ils s'entendent si bien. Puis il déteste viscéralement ce type qui fige sur le visage de sa baleine blanche. Il est laid et vilain quand il le punit avec ses billes noires ; ça fait l'effet d'une balle, d'un sifflement, ça devrait attirer l'attention, mais Florían est invisible et inexistant dans l'océan de Moby Dick.

Il se racle la gorge pour ravaler la température de son tempérament tout d'un coup moins lascif, moins bon, moins aimable, et observe longuement la scène inédite qui se joue juste là. Bouffe-le. C'est ça que je veux voir : toi, lui, le gagnant, le perdant ; apprends-lui à pas te regarder comme ça, fais-lui une fête dont il reviendra pas ; montre-lui que t'es plus beau et que tu saignes mieux que les veines des voyeurs.

Quand les taureaux métalliques s'écrasent sur son comptoir, il a le coude sur par-dessus le dossier, les doigts occupés à entortiller une boucle défaite.

C'est tellement beau quand ça arrive enfin que ça lui scie la gorge. Les pupilles comme des nuages qui se gonflent d'éclairs vont sur lui, son coude, son poignet, puis l'autre derrière qui a bien mérité de ne rien mériter de sa part. Le client est roi et certains plus que d'autres. Il croit qu'il sourit mais sa bouche garde le pli de la suspension, d'un amusement grave, d'un cynisme qui s'habille de tout son beau rouge sarcastique. Puis ça remonte les yeux pour accuser l'enceinte en même temps que ça secoue un genou pour détendre tous ces nerfs qui n'en peuvent plus.

Là je vais ouvrir la bouche et je vais pas sourire. Tu vas me parler. C'est toi qui vas parler. Pour emmerder l'autre qui attend trop ta réaction.

« Tou ceunnaîtrais pans quélqu'oun qui cherchérais des enceintés panr hansanrdé ? »

Puis ça redescend les yeux sur lui, et vite fait sur l'autre derrière, puis encore sur lui, là, au coin de l'oreille, puis tout droit dans le cratère de ses paupières. 'y a des fauves qui rugissent dans ce zoo-là, derrière les vitres imperméables où Florían aimerait bien se faire mordre.
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MessageSujet: Re: naked eyes (pv un stalkeur)   naked eyes (pv un stalkeur) EmptyMar 3 Déc - 20:34

Abandonné - c’est ainsi qu’Ares le perçoit. Abandonné à une nonchalance acescente. Le coude levé, les ongles filant les boucles froides. Abandonné à cette observation ; celle qu’il fait de Lui, et celle qu’Il fait de lui. Et ça pourrait s’étirer, comme une colle. Ares est figé, raide et prudent. La perclusion lui arrive de derrière, avec cet imbécile qui a laissé sa voix, son geste et son choix en suspens, puis de devant, où ça se cambre sans bouger, l’escompte peut-être. Ils veulent tous lui arracher quelque chose. Le Salvadorien se sent fiévreux.

« Tou ceunnaîtrais pans quélqu'oun qui cherchérais des enceintés panr hansanrdé ? »

Les plombs tombent sur ses yeux - un vertige, par hasard, oui - et tout ce qu’Ares comprend, c’est le mouvement saccadé que font ensuite les billes grises en roulant vers le mec derrière, puis en revenant sur son visage. Il a la poitrine en éclats. S’il respire trop fort, les pointes de sa chair le blesse. Il sent la forme de la barre dans la poche de son pantalon.

« He, j’te parle. »

Doucement, le regard d’Ares fait en s’assombrissant, en restant sur celui du caissier, même si ça ne lui est pas adressé, ou peut-être que si. Mais en guettant les ondulations sur son visage, Ares comprend que c’est chez lui qu’il cherche la réaction. Faut voir. Une pierre deux coups.

Alors il demande juste, rauque comme si sa gorge venait d’apprécier le retour de chaleur qu’offre le chauffage trop sec de la supérette : « C’est combien. »

Combien pour les chips et la canette. Ou combien pour les enceintes. Ou combien t’as vu que je t’ignore, derrière. Combien t’as compris que c’est à toi que je décide de parler.

Salut.

Putain d’hispano ça crache en sortant, ultime effort pour leur arracher un infime filet d’attention qui ne vient pas. Ça franchit la porte, retourne dans le désert de la rue. Ares a gardé toute sa salive pour le jeune, là, une rigole bien mince qui risque probablement de se tarir maintenant qu’ils ne sont plus que deux. Ça lui roule dans la gueule, l’eau qu’il se garde. Lui tapisse l’arrière des dents.

Vraiment, combien pour le sucre et le sel, c’est tout, je connais personne, je te connais même pas toi.

Mais quand même, Ares n’a pas pu s’empêcher de glisser un regard vers la porte close. Lenteur. Une crispation qui s’essoufle. Le bruit des néons et des réfrigérateurs lui ronronne presqu’agréablement dans les tympans. Et il reste comme ça, de profil, l’oreille prête à recevoir. Il ne veut pas de réponse spécifique. C’est de la voix qu’il veut, encore. L’accent étrange.

De profil, comme pour se laisser regarder.
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