Police, open now! | Tyler Mercer

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Tu viens lire une histoire, moi je te parle de partager ma vie. Tu viens te divertir, moi je te parle à cœur ouvert. Tu vas me juger, je le sais, mais peu m'importe, toute ma vie je me suis senti coupable.

J'ai toujours fais au mieux. Ça paraît con dis comme ça, mais quand t'as rien, c'est beaucoup. Je vais te parler vite fait de mes géniteurs. Mon père, un enfoiré dégénéré qui a battu ma mère à mort, j'avais six ans, j'étais caché sous mon lit... J'ai refoulé se souvenir, je m'en souviens plus, le seul souvenir qui m'a marqué, c'est qu'à six ans, j'ai appris que les larmes c'était salé.
Ma mère est morte et mon père a prit 20 ans de cabane. J'avais espéré qu'il se fasse tuer en prison, mais le sort s'acharne jamais sur les salopards. Du coup, j'ai été placé en famille d'accueil. La première, je me rappelle plus où c'était mais j'en ai pas gardé de super souvenirs. J'en ai fais plusieurs, j'ai reçu pas mal de coups dans la plupart et c'est finalement à mes 13 ans, dans une famille de North-End, que j'ai enfin trouvé ma place. Là encore, il m'arrivait de prendre des avoines, mais ça me faisait plus grand-chose et puis j'avais mes potes.
J'en ai fais des conneries avec eux, des pas trop graves puis en grandissant, des plus graves. Je n'en éprouve aucun remord, malgré les torts qu'on a pu faire à certains. Cela semble salaud et très égoïste, mais quand j'étais jeune, quand je m'amusais avec mes potes, peu importe nos actes, nous étions coupables aux yeux des gens, aux yeux de la police, aux yeux de la famille d'accueil. Alors, coupable pour coupable, autant faire le plus de tort possible.


Vouloir devenir un flic alors qu'on grandit avec une bande de voyou, ça peut sembler paradoxale. Des potes avec qui je traînais étant ado, deux sont morts abattus, un autre est en prison, un autre a fait trois ans et les autres, ils ne se sont pas encore fait choper. Puis il y a moi.
La vocation de devenir flic, ça c'est surtout exprimé vers le lycée. Bien sûr, je gardais ça pour moi, impossible de dire ça aux potes. J'étais déjà idéaliste à cet âge là. J'avais conscience de la réalité dans laquelle je vivais, les trous à rat que je fréquentais, les gamins qui jouaient pieds-nus dans des parcs jonchaient de capotes et de seringues usagés. Un quartier où il est plus facile de trouver de la morphine au coin de la rue qu'un médecin pour te la prescrire.
Malgré cette ambition secrète, de vouloir changer les choses, j'avais vu trop d'injustice de la part des flics pour être vraiment tranchés dans mon choix et puis, devenir flic, ça voudrait dire tourner le dos aux potes et ça, à l'époque, c'était mort. Du coup, je passais mon temps à jouer au basket, tout en travaillant à l'école. Le basket, ça aussi, c'était une perspective d'avenir, j'étais vraiment bon, mais pas assez pour décrocher une bourse dans une université. Bien sûr, j'ai essayé de me faire un peu de blé histoire de peut-être, caresser le rêve de jouer en équipe universitaire, mais je fumais trop de weed et j'en vendais pas assez. Finalement, je suis resté assis dans le canap' à rouler les joints, c'était pas du basket, mais pour ça aussi j'étais bon !

Quand est-ce le pathétisme de ma vie de branleur m'a sauté aux yeux ? Quand est-ce que j'ai décidé de faire du concret ? Quand la réalitée nous a rattrapés moi et mes potes. Même si j'avais conscience qu'on étaient pas les gars les plus honnêtes du monde, qu'ils nous arrivaient d'être trop borderline, j'avais toujours une excuse du genre « Ça va, c'pas si grave... ». Le jour où mon meilleur pote a décidé d'en fumer un autre pour une histoire de business, j'ai pris une grande gifle dans la gueule. Comment réagir ? J'ai essayé de le raisonner évidemment, mais rien à faire, puis à l'époque j'avais autant de persuasion que Trump disant au monde que la fonte des glaces, c'est pas si grave.
J'ai quand même agi. J'ai fais ce qu'il me semblait le mieux et je le regrette pas. Si j'avais pas appelé les flics, mon pote ce serait sûrement fait choper pour meurtre par la suite ou il se serait fait buter à son tour. Il a prit tout de même une peine de prison, mais bien moindre que s'il était allé jusqu'au bout de ses actes.

Trahison. Même moi je me considère comme un traître, même si je l'ai fais pour les bonnes raisons. J'ai avoué ma traîtrise à mon pote que bien plus tard. Parce que j'avais honte et un peu peur il est vrai. Honteusement, je lui ai avoué ça au parloir, bien à l'apprit derrière le verre de sécurité.
Suite à ça, j'ai déménagé, je pouvais pas rester dans le quartier, pour ma propre sécurité. J'ai bien cogité sur moi-même et c'est aussi à cette période que j'ai décidé de devenir flic.


Je voulais être un bon flic et je pense l'être. Des fois, oui, j'ai envie de déborder, j'ai envie de répondre aux insultes par les insultes, mais je me retiens. Donner l'exemple. Je dois donner l'exemple.
J'ai réussi mes examens à l'académie de police, ça s'est pas fait sans peine et je bossais en même temps comme maton à la prison d'Etat, histoire de me préparer à la suite. J'y ai pas bossé plus d'une année heureusement. Je me sentais oppressé là-dedans et je dois l'avouer, c'est pas tous les jours rassurant. T'as un flingue et une matraque mais c'est tellement dérisoire quand t'es face au problème de la surpopulation dans les prisons.
Aussitôt mon diplôme de police en poche je me suis engagé dans la police de Détroit. À l'heure d'aujourd'hui, ma motivation est toujours intacte, apporter quelque chose à cette ville, dans ses quartiers défavorisés où j'ai grandi et dans l'ensemble je me démerde pas trop mal.
Mon fief, c'est le quartier de North-End. Contrairement à ce que vous pensez, ça se passe plutôt bien. Ça c'est pas fait sans mal, j'ai pris une balle et ça, c'était très douloureux. Mais le bon point, c'est que grâce à cette même balle qu'aujourd'hui j'ai la possibilité d'aider les gens de North-End.
Cette balle, je la dois à mon ancien pote, que j'ai envoyé en cabane. Il voulait se venger et il l'a fait. Pour faire simple, je ne me suis pas dérobé, après une conversation digne d'un drama hollywoodien il a tiré. J'ai faillit en crever, mais je suis toujours là et je ne l'ai jamais balancé pour ça. Malgré ma traîtrise, j'ai payé ma dette et si un monde me sépare entre mon pote et moi, il y a une certaine forme de respect. Et c'est ce respect-là qui me permet aujourd'hui d'entretenir un échange courtois avec la délinquance de North-End, qui me permet d'instaurer le dialogue.
Depuis quelques années, je me suis aussi porté comme volontaire dans le foyer associatif du quartier. On fait comme on peut pour intéresser les jeunes à autre chose qu'à zoner. Le sport, la musique et aussi à s'assurer que ça se passe bien dans leurs foyers.
Raconter comme ça c'est beau, mais c'est dur. Quand tu passes deux ans à aider un gosse à sortir la tête de l'eau et que tu crois y être enfin arrivé, il prend une balle. Ou bien quand tu sais qu'une gamine ce fait violer par un beau-père abusif mais que légalement t'as pas de preuve... C'est jamais facile de contenir sa frustration et sa colère dans ces cas-là.
Heureusement, depuis quelques mois, j'ai une raison d'être heureux et de toujours avoir envie de changer les choses. Ryan, mon fils, mon premier gosse.C'est dur à dire, mais il était pas vraiment désiré. Pas par moi du moins, mais Dasha, ma copine voulait le garder et on l'a fait. J'en suis content. Ryan, un petit métisse qui ressemble plus à sa mère qu'à moi, ça me semble juste, elle l'a gardée neuf mois, autant qu'il lui ressemble. Dasha... Une fille de North-End, très jolie, qui a connu pas mal de galère aussi mais qui s'en est toujours tiré. Est-ce qu'elle m'aime encore ? Je ne sais pas mais moi je ne l'aime plus et parfois je doute de l'avoir jamais aimé.
Une fois encore la vie est dure, c'est jamais noir ou blanc. Oui, je suis heureux sur certains aspects mais fondamentalement triste. Comme j'ai dis au début de cette histoire, j'ai toujours fais au mieux et j'ai toujours fais au mieux par moi-même, je ne dois rien à personne. Mais je me sens toujours coupable. Coupable de ne pas en faire assez, coupable de ne pas agir assez, coupable de se sentir coupable.
Toutefois, je positive, après tout, la culpabilité n'est-elle pas le tourment des gens bien ?