(intrigue) higher than the clouds (lupe)

Duncan a un grande maison à MexicanTown. Modeste mais débordant d'un fric que les autres n'ont pas dans cette ville. Y a sa mère qui pose des viennoiseries toutes les heures sur la grande table en chêne sur laquelle ils sont assis. Chaque fois elle interpèle Nico, lui propose d'en prendre un, chaque fois elle répond d'un sourire et d'un pas maintenant. Ça pourrait difficilement l'emmerder plus que ça. Cette après-midi chez Duncan, bosser sur ce foutu examen, et la mère qui propose de goûter toutes les cinq minutes. En jean et en t-shirt un peu crop-top, elle se protège dans la lourde chemise qu'elle porte par-dessus. Elle n'avait pas prévu que Duncan la foutrait si mal à l'aise. Elle ne comprend pas vraiment sur quel pied danser avec lui, depuis l'autre fois. Elle ne sait pas s'il espère la draguer ou s'il est trop occupé à lui faire payer l'attitude de Lapo. Tout ce qu'elle sait c'est qu'elle n'a pas voulu enfoncer le clou en annulant leur séance de travail de cette après-midi, mais qu'elle aurait dû. Ça ne se passe pas bien. Nico a des lacunes énormes en cours, puisqu'elle n'y assiste qu'une fois sur deux, voire moins. Elle ne sait pas par où commencer, elle a même oublié leur sujet. Duncan a bossé de son côté pendant deux semaines, maintenant elle est larguée. Ça la fatigue tellement qu'elle n'arrête pas de souffler, de gonfler les joues. Quand Duncan essaye de la faire participer, elle hausse les sourcils d'un air désintéressé, lève les épaules. Il s'énerve le premier. Dis-le hein, si ça t'emmerde ! Elle lève les yeux au ciel, comme si ce n'était pas déjà évident, ça fait des heures que chacun de ses gestes est soigneusement choisi pour faire passer ce message : ça m'emmerde. Elle se passe les mains sur le visage en soupirant. C'est pas ça mais… pff je sais pas on avance pas là… Elle essaye simplement de lui faire avouer que ce groupe de travail ne sert à rien. Duncan hausse les épaules : Bah c'est clair que toi, t'avances pas. Elle lâche son stylo d'un mouvement d'humeur et le foudroie du regard. Avec sa tête d'adolescente en pleine crise qui en veut au monde entier. Puis elle commence à refermer ses cahiers brusquement. Tu sais quoi, j'suis pas venue ici pour me faire enfoncer. T'façon, tu tires la gueule depuis l'autre jour. Duncan se met à rire, halluciné. Ils s'engueulent comme ça quelques minutes, s'envoient des vacheries. Duncan balance qu'il n'aurait jamais dû avoir pitié d'elle et la prendre pour l'exposé, puisque personne d'autres ne voulaient se mettre avec la nana dépressive et absente tous les deux jours. Nico répond qu'il a bien raison, car de toute façon, elle a prévu d'être encore absente le jour de l'exposé. Sans surprise, ils se quittent en mauvais terme. Juste avant qu'elle ne passe la porte d'entrée, la mère de Duncan propose à nouveau des viennoiseries et Nico lui aboie un NON, putain ! agressif.

Son sac en bandoulière sur une épaule, elle avance difficilement, ne se souvenant pas que ça ait été aussi laborieux. Finalement elle se rend compte que dans la précipitation, elle a pris son classeur et un bouquin qui pèse une tonne. Elle s'arrête au milieu de la rue, les affaires dans la main. Clairement, elle n'a pas envie d'y refoutre les pieds. Tant pis pour lui. Il récupèrera ses cours s'il la trouve pour s'excuser.

Elle appellerait bien son père pour qu'il vienne la chercher, mais elle a la flemme d'expliquer que ça s'est mal terminé. Au lieu de ça elle commence à marcher. Les rues se perdent de plus en plus dans un brouillard épais qui l'effraie au début. Tout s'assombrie. Ce n'est pas du brouillard, mais une fumée épaisse, odorante, qui pique les yeux. Putain qu'est-ce que c'est que ça ? L'odeur est tellement forte, que presque pas reconnaissable. Ça semblerait irréel que ça soit du cannabis, en si grande quantité, pas vrai ? Elle retire sa chemise et la place devant son visage dans l'espoir de traverser le nuage, mais il semble interminable. Bientôt elle n'arrive même plus à garder les yeux ouverts, elle a l'impression qu'un millier d'aiguilles se sont enfoncés dedans. Et puisqu'elle n'arrive plus à avancer, elle se laisse tomber un banc publique, penchée en avant elle se protège le visage et part dans une quinte de toux interminable.

Elle ne sait pas combien de temps elle reste comme quand, et quand elle lève la tête, ses yeux piquent encore mais ça va un peu mieux, elle a l'impression que la fumée, bien qu'encore très présente s'est un peu dissipée, assez pour qu'elle puisse y voir quelque chose en tout cas. Enfin, un peu. Elle a la tête qui pèse une tonne, vraiment une tonne. Et ses yeux s'ouvrent à peine. Elle se met les cheveux derrière les oreilles, tout son corps semblent lesté de plomb. Ça ne la dérange pas tant que ça, ça la fait un peur rire. Elle attrape son téléphone portable. Veut envoyer un message à Vivi pour lui raconter tout ce qui s'est passé, entre Duncan, la fumée, et maintenant la voilà perdue au milieu de MexicanTown. Finalement, elle a la flemme et ne termine pas le message. Oh mon Dieu, elle n'arrivera jamais à rentrer. Elle continue un peu de tousser et essaye de se motiver. Elle se lève du banc, dérive sur deux pas, se remet à tousser, penchée en avant. Elle ne remarque pas qu'une voiture fonce vers elle. En fait, quand la voiture passe, elle s'écrase à moitié contre la portière. Elle n'aurait sans doute jamais osé faire ça avant, mais aujourd'hui, franchement, elle n'y pense pas. Elle tapote contre la vitre jusqu'à ce qu'elle s'abaisse : Eh, eh,… v'pouvez m'aider je… pfff… j'suis paumée là. Et elle ponctue sa phrase d'un petit rire hallucinée par la situation, et aussi la tête de la conductrice.

Invité

un jour de plus en moins.
y a eu de l’action aujourd’hui. elle est au courant. le whatsapp familial a pas arrêté de biper pour tenir tout le monde au courant des divers joyeusetés qui explosent partout en ville. injonction à son égard d’éviter north end et krainz wood. et delray aussi.
bon dieu bon dieu.
à un point où elle a décidé de zoner à dearborn.
t’façon jesus a dit, alors lupe fait.
son frère hein, pas le fils de dieu.
il a pas whatsapp lui.
même si mama aguirre est certainement persuadée que les deux ne font qu’un.
jesus et jesus.
pas jesus et whatsapp.
bref.

ça a failli être une journée quasi comme une autre au final. ayant évité les épicentres des problèmes divers et variés. sauf qu’on s’fait l’oeuf à deadborn. dearborn pardon. alors elle s’est décidé à rentrer et puis c’est tout. une margarita, des potins, les enchiladas de maman, netflix & chill et au lit.

sauf que le téléphone a sonné.

y a un glaçon qui se pose sur sa nuque. les bras du froid qui glissent sur le côté pour l’étrangler et le cuir chevelu qui se contracte. duvet de sa nuque hérissé. et le glaçon dévale sous sa peau, sur chaque vertèbre et rebondit sur la chute de ses reins. elle se rend compte que ses poumon sont vides, lpe, alors elle inspire. merde ptn, décroche. elle se secoue, et décroche son téléphone. enfin... la convo familiale sur whatsapp. jamais utilisée, oh grand jamais, parce que c’est pas possible de tous les avoir sans que ça termine en se criant dessus et en se raccrochant au nez. alors c’est que quand ça va pas qu’ils s’en servent. en fait, c’est pas compliqué. ils s’en sont servis la première fois pour elle, elle son couteau dans le bide. une fois pour son jumeau qu’avait plus donné signe de vie depuis trois jours. et une fois quand l’un de ses ainés s’était retrouvé à l’hosto après un accident de la route.

‘fin même une garde à vue, ça déclenche pas un appel groupé.

alors la soudaine lividité de lupe est justifiée. comme ses doigts qui peinent à tenir son volant, et sa voix qui bloque au fond de sa gorge avant de réussir à articuler quelques mots : qu’est-ce qu’il se passe ...? rien, rien, y a juste noa qu'a fait cramer un stock de marie-jeanne ... mais c'est-pas-moi ! en fait y a de la fumée de beuh partout. quoi ? salut il se passe quoi ? y a noa qu'a C'EST PAS MOI J'TE DIS ! les gars j'comprends rien. moi non plus. PTN MAIS T'ES LA DEPUIS LE DEBUT TOI D'OU TU COMPRENDS RIEN ?! bah vous arrêtez pas de ... OH ! dîtes ce qu'il se passe ! saluuuut les gars ? quoi d'neuf ? ptn jpp ... j'vais raccrocher ... MAIS DÎTES LA !!! calm down ... expliquez-vous calmement. ça t'vas bien d'dire ça toi. clair. ouais commence pas à m'chaufffer toi ... c'est bon ? z'êtes tous là ?... un silence et tous répondent "oui" en chœur. vas-y altea, explique ... nan c'est bon. j'ai compris. j'vous laisse j'suis en voiture.

ça a mis trop de temps à se synchroniser dans la horde aguirre. c’est toujours comme ça t’façon. jesus, notre sauveur, avait enfin réussit à caler le truc, sauf que c’est too late. elle est déjà arrivée sur les lieux du crime. et l’odeur qui commence à filtrer à travers sa ventilation ne laisse pas franchement de doute sur la situation. l’épaisseur de la fumée non plus. elle pousse un peu lupe. penchée sur son volant, yeux plissés (comme si ça pouvait damn changer quelque chose). mais elle laisse tomber au bout de quinze mètres, après avoir hurlé et écrasé la pédale de frein en voyant passer un … sac poubelle vide devant elle. ok, laisse tomber. un poil sceptique, elle se demande pourquoi elle est pas encore en train de danser dans la rue. quand c’est trop facile c’est pas drôle c’est ça ? elle pouffe tout seule et s’enfonce dans son siège. attend attend, on va faire ça bien. en vrai dehors c’est pas cool. c’est trop fort. elle sait d’quoi elle parle après le fiasco de la voiture-bang expérimentée en famille. alors hop. on se détache, on met la ventilo au minimum et le dossier en couchette et wala on profite. tranquille.

on est en quelle année ?

elle émerge, les mains posées sur le bide, elle s’est assoupie comme une marmotte en plein hiver. elle s’étire, redresse son dossier et machouille dans le vide. la bonne pâteuse des familles. bah wala. on y voit assez clair pour rentrer. allez vamos. - non, ça connecte pas deux secondes que c’est pas une bonne idée. même pas une seconde. - elle redémarre son taxi, c’est parti, on rentre. oklm. tellement au calme qu’elle dépasse à peine les vingt kilomètres heure en vrai, même si elle ne s’en rend pas bien compte. heureusement d’ailleurs, parce que cette fois, elle n’évite pas le sac poubelle. enfin c’est pas un sac poubelle. elle a pas le temps de crier, lupe. elle sursaute, freine, et après elle glapit vaguement.

toc, toc, toc.
« c’est quiii ?? »
t’es con ptn …

elle se penche pour attraper la manivelle côté passager et s’escrimer à baisser la fenêtre? lentement. c’est dur ptn. prochain investissement, un taxi avec des vitres éléctriques ! é-lec-triques ! « salut ... » qu’elle baragouine, le mot terminant par une inflexion interrogative. qu’est-ce qu’elle veut. qu’est-ce qu’elle fout là ? qu’est-ce qui se passe ? c’est elle qu’à fait ça ? c’est une dealeuse des los zetas ? c’est un serial killer ? ghjhklmgr … elle papillonne des cils, lupe, toujours penchée en avant, regardant la nana par en-dessous. Eh, eh,… v'pouvez m'aider je… pfff… j'suis paumée là. non. non parce que déjà, elle est pas censée conduire c’te voiture dans ses conditions. non parce qu’elle est à peine capable de retrouver le chemin de sa propre maison. non parce que pouf ! elle sait plus rien sur la cartographie de détroit. et non parce qu’elle peut à peine s’occuper de ses fesses. alors elle répond.

« bien suuur ... »
c’est parc’qu’elle est mignonne c’est ça ??
elle tend une main pour attraper la poignée de la porte du côté passager et l’ouvrir.

« azy monte. tu vas où ? »

La vitre se baisse lentement et Nico y accroche ses mains comme si c'était la dernière prise avant de tomber d'une falaise. Elle tient mal l'équilibre, ne s'en préoccupe pas, accroche le visage de cette conductrice d'un large, très large sourire. La nana n'a pas l'air en meilleur état qu'elle, ça ne l'alerte pas. Elle en rigole. Mieux que ça, elle lui demande de la dépanner, de la sortir d'ici. Elle a tellement la flemme de marcher qu'elle montrait dans n'importe quel véhicule. un Tuk-tuk. Un sidecar. Ça serait marrant, un sidecar. Elle a toujours rêvé de monter dans un sidecar. Mais là, la seule voiture qui passe, c'est celle de cette fille, avec les yeux aussi rouges qu'elle, et une magnifique envie de l'aider, puisqu'elle répond, immédiatement : bien suuur ... Nico laisse sa tête partir en arrière, soulagée. Haaaan, trop bien, trop, trop trop bien ! Qu'elle remercie chaudement. Puis qu'elle s'éloigne de la portière et entreprend de faire le tour de la voiture, ce n'est pas forcément une mince affaire. Elle se prend le feu avant, en rigole encore un peu. C'est pas comme si elle s'était fait mal. Quand elle arrière de l'autre côté de la voiture, la portière est déjà laborieusement entrouverte. Elle s'engouffre à l'intérieur, toujours secouée par un petit rire qui ne la quitte pas depuis vingt longues minutes. Son sac en bandoulière sur ses genoux, elle soupire longuement et commence à chercher frénétiquement dans la portière ou dans la boite à gant s'il n'y a pas une bouteille d'eau qu'elle pourrait vider. Au même moment, sa miraculeuse chauffeur lui demande : azy monte. tu vas où ? Elle est en réalité déjà montée. Ça les fait rire une seconde. Et puis, Nico se passe les deux mains dans les cheveux pour les plaquer en arrière, essayant de fixer quelque chose devant elle, sans qu'elle ne sache trop quoi. La tête lourde. Elle répond avec un long décalage : J'en sais rien, loin ! Loin de ce con de Duncan. Nouveau rire.

La voiture démarre et on ne peut pas vraiment dire qu'elle va droit, elle n'arrête pas de faire des embardées qui font beaucoup rire les filles. L'une d'elle projette le sac de Nico à ses pieds et en renverse tout son contenu. Bah meeeerde ! Qu'elle s'insurge au ralenti. Elle se penche en avant, pile quand la voiture se prend manifestement une énorme bosse et se cogne violemment la tête contre la boite à gant. Aaaaaï-euh Par vengeance, elle ramasse l'un des classeurs de Duncan et le jette par la fenêtre ouverte avec rage avant d'exploser à nouveau de rire. C'était quoi cette bosse de fou là ? Qu'elle demande à la pilote en riant. Elle allait tout simplement tourner la page jusqu'à ce qu'elle se rende subitement compte de ce qu'elle venait de faire : balancer des semaines de travail de Duncan par la fenêtre. Défoncée mais pas totalement dénuée de sa raison, elle se met une main sur le front. Oh fait chier, allez, attend, arrête toi faut que je ramasse le classeur. Elle insiste un peu en riant, et finit par ouvrir la portière en marche ce qui force la conductrice à s'arrêter. Nico pose un pied par terre, mais ses jambes semblent faites de coton et elle dérive sur quelques pas en hilare et se raccroche à la voiture au dernier moment, avant de tomber par terre.

Oula. Qu'elle pense, mais ça ne l'inquiète pas plus que ça. Ce qui est inquiétant c'est que lorsqu'elle lève la tête, certes elle tombe sur quelques papiers envolés du classeur de Duncan, mais pire que ça, elle semble voir, parmi le brouillard, une silhouette étendu sur le sol, juste à côté du classeur. Elle bloque une seconde, écarquille les yeux et recule jusqu'à arrivée à nouveau à la voiture. Elle se penche par sa fenêtre. Euh… y a un gars d'allongé sur la route. Elle ne percute pas, qu'elles l'ont certainement renversé. Non elle ne fait pas encore le lien dans sa tête. Mais tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle n'a pas envie de s'approcher de lui toute seule. Vas-y j'ai peur, viens avec moi voir s'il te plait. Qu'elle gémit, craintive. Et c'est seulement que la fille sort de la voiture à son tour qu'elle la rejoint d'un pas trottinant pour s'accrocher à son bras, apeurée.

@Lupe Aguirre

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