mariposas muertas. (velina)

Elle a eu le temps de ruminer pendant tout le trajet à pieds. Et il a duré un moment. Les mots de Deandre et de Dom se sont bousculés dans sa tête déjà pleine à craquer. Elle est comme une canette de soda qu'on aurait trop secouée, prête à exploser. Son cœur a été salement amoché, mais il cogne encore, parce que sa tâche n'est pas terminée. Elle doit obtenir sa vengeance. Et fur et à mesure du trajet, elle en est même venue jusqu'à oublier la menace Sean. Bien trop obnubilée par le cours des derniers évènements et par ce qu'elle allait bien pouvoir faire à MJ pour lui faire payer.

Elle s'est passée en revue mille et une chose. Tout ce que MJ aime, tout ce à quoi elle tient. Toutes les choses qu'elle n'aimerait pas perdre, ou pas entendre. Zaza s'est fait une liste mentale de tout ça et elle compte bien n'omettre aucune ligne. Ne rien lui épargner, la piétiner comme elle l'a fait. Elle tremble de rage lorsqu'elle s'engouffre enfin dans l'immeuble. Le visage rougit par la longue marche, les cheveux légèrement en bataille. Elle a l'air d'une illuminée.

Elle grimpe les escaliers quatre à quatre et l'air lui semble presque toxique. Ses poumons qui s'embrasent, sa gorge qui s'acidifie. Quand elle arrive à leur étage, elle prend soin de ne surtout pas regarder du côté de la porte de Deandre - ça risquerait de lui arracher un sanglot plaintif et elle ne veut pas faiblir. Pas encore. Ça viendra, après, quand la colère sera retombée. Elle le sait pertinemment, ce sera inévitable. Ça l'est toujours avec elle.

Elle laisse tomber son sac de son épaule à moitié au beau milieu du pallier et sa main valide se pose puissamment sur la poignée de la porte qu'elle ouvre dans un énorme fracas. La porte cogne contre le mur dans un gros bruit et rebondit, se refermant à moitié alors que Zaza pénètre comme une furie dans l'appartement. MJ est affalée sur le canapé, vissée devant la télé. Zaza ne la regarde même pas, parce que ça risquerait de lui donner envie de lui sauter à la gorge, griffes et crocs sortis pour la bouffer. Mais à ce jeu-là, elle n'est pas certaine de gagner. Sans marquer de pause, elle fonce directement en direction du couloir en se contentant de la saluer. — HOLA PUTA !

Elle déboule dans la chambre de MJ avec la même violence. Le sang qui pulse dans ses veines, montée d'adrénaline qui lui fait tourner la tête. Elle a envie de hurler, de foutre le feu. Elle se dirige d'abord vers le bureau où trainent des feuilles de dessins. Elle attrape tout, déchire tout et envoie tout valser au-dessus de sa tête. Elle pivote, tombe nez à nez avec la batte posée soigneusement vers la porte. Parfait. Elle sourit, satisfaction infernale. Elle se jette dessus avant de grimper sur le lit comme une sauvage. Et l'instant d'après, l'objet en bois s'écrase sur tous les cadres qui trônent juste au-dessus.

Toute sa collection de papillons qu'elle s'acharne à massacrer. Les bris de verre qui volent de partout, les bestioles qui tombent, s'abiment, se déchirent pour certains. Tout y passe et Zaza hurle de rage, besoin viscéral d'évacuer tout ce qu'elle vient de se manger dans la gueule.

Elle a envie de tout casser dans sa chambre. Dans son appartement.
Elle a envie de lui écraser la batte en pleine gueule, de lui faire sauter toutes les dents. Pour qu'elle ne puisse plus jamais parler, plus jamais rien dire. A personne.

Puta, puta, puta.

Elle a passé la journée à ronchonner, enfoncée profondément dans le canapé, à attraper la télécommande avec son pied quand c'était les pub pour zapper. L'énervement, elle n'a pas réussi à l'étouffer. Le rhum ne lui laisse plus qu'une sale sentiment d'être barbouillée au fond du bide maintenant et elle l'éponge depuis deux heures avec un paquet de chips qu'elle mange au ralenti. Chaque coup de dents respire l'agacement. Des heures maintenant qu'elle a lancé la machine. Des heures qu'elle a pleuré dans l'appartement miteux de ce con de Deandre, des heures qu'elle attend le retour de bâton qui ne vient pas. C'est pas comme si elle pensait vraiment que Deandre allait croire que Zaza et elle sont en couple. Tout ce qu'elle voulait, c'était poser une bombe dans leur semblant de bonheur. Et que tout soit aussi ruiné que ça ne l'est pour elle, dans son cœur mis à mal. Tout ce qu'elle veut, c'est ne plus être laissée de côté, oubliée dans un coin. Pas grave de baiser le voisin, pas grave si MJ habite juste à côté, on s'en fout. C'est ce qu'elle a dû se dire, Zaza, quand elle a passé la nuit dans l'appartement voisin. Et la rage ne passe toujours pas.

Devant une telenovelas qu'elle suit malgré elle depuis très longtemps, son visage renfrogné grogne quand le personnage principal court après une fille pour la rattraper et qu'ils s'échangent un baiser passionné. Elle soupire, dégoûtée. Attrape son téléphone portable rapidement pour vérifier qu'elle n'a pas de message en attente. Non, rien. Ça l'énerve aussi alors elle zappe sur quelques chaînes colombiennes qu'elle a pris dans son abonnement. Des bruits de pas dans la cage d'escalier attire son attention, elle tourne la tête et regarde vers la porte par-dessus le dossier du canapé, attend une seconde pour voir si les bruits se rapprochent. Finalement, boudeuse, elle reporte son attention sur la télé. La seconde d'après la porte s'ouvre si fort qu'elle fait trembler les murs et MJ sursaute malgré elle. ¡Mierda! Qu'elle échappe en jetant un coup d'œil derrière elle. La porte se referme à moitié sur une Zaza en furie qu'elle reconnaît tout de suite. Mais puisqu'elle a décidé de faire la gueule, elle tourne à nouveau la tête vers la télé de mauvaise humeur. Persuadée que Zaza viendra se planter devant elle pour l'incendier, de toute façon, c'est ce qu'elle fait toujours. Au lieu de ça…

HOLA PUTA ! MJ entrouvre la bouche et se retourne d'un coup sec, accrochée au dossier du canapé. PUTA ?! Qu'elle répète, outrée par l'insulte qu'elle lui lance. Mais Zaza n'écoute rien, propulsée par une rage plus forte qu'elle qui envahie toute la pièce déjà saturée d'électricité, elle fonce dans le couloir. MJ plisse les yeux, et son cœur s'emballe dans sa poitrine. Elle serre les dents et saute par dessus le dossier du canapé. Oh donc maintenant j'suis une PUTA ? Non mais t'es sérieuse toi ? Qu'elle crache en la poursuivant. Mais c'est comme si Zaza ne l'entendait même pas. Et quand MJ arrive dans sa chambre, elle voit Zaza devant son bureau et y a que le déchirement du papier qui l'alerte sur ce qu'elle est en train de faire. Les yeux de la colombienne s'arrondissent, complètement sous le choc, avant que l'énervement ne reprenne le dessus. NON MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE ? Qu'elle hurle avant de se précipité vers le bureau pour arracher les bouts de ses heures de travails qui restent dans les mains de Zaza d'un geste brusque. MJ la foudroie du regard, mais encore une fois, c'est comme si la cubaine n'y prêtait pas attention, aveuglée par quelque chose qu'elle ne comprend pas. Elle ne sait pas à quoi elle s'attendait. À de la colère, bien sûr. Mais y a des moments où elle ne comprend pas du tout sa meilleure amie. Des moments où elle vrille complètement, pour des détails sans importance. Clairement, elle s'attendait plus à une leçon de morale longue comme le bras qu'à des gestes vengeurs. Et peut-être que c'était ce qu'elle avait voulu provoquer : une leçon, une discussion, une mise au point. Mais pas ce genre de rage incontrôlable qui ne lui laisse même pas la place de s'exprimer. D'ailleurs Zaza part déjà dans un autre coin de la pièce et MJ ne fait pas attention, après avoir lâcher quelques jurons en espagnols, elle se baisse pour ramasser le bout de ses dessins, les sourcils froncés en bougonnant : T'es de plus en plus conne ma pauvre.

Ce n'est que quand elle entend son lit grincer qu'elle relève la tête, et observe, sous la cascade de ses cheveux en bataille une Zaza guerrière, batte de baseball à la main, prête à frapper. MJ ne comprend même pas si c'est sur elle qu'elle veut taper ou dans le vide. Tout ce qu'elle fait c'est pencher la tête sur le côté d'un air condescendant pour marmonner : Por favor… plein d'une pitié insolente. Mais faut croire qu'elle n'avait pas vraiment anticiper la suite. Car la batte de baseball ne fend pas l'air, c'est contre le mur qu'elle s'écrase et MJ en a le souffle coupé une seconde. NO ! Qu'elle hurle trop tard. À la dernière seconde, elle pense à se protéger le visage des bris de verre qui s'envolent partout dans la pièce. Zaza frappe en plein dans son immense collection de papillons. Celle qu'elle fait depuis plus de dix ans. La SEULE CHOSE à quoi elle tient dans cette putain de chambre. Paralysée, les main autour de son crâne, elle entend les premiers cadres s'écraser sur le lit, sur le sol. MJ tremble de rage. Trop abasourdie pour réagir pendant les premières secondes. Ce sont les hurlements enragés de Zaza qui la ramène à la réalité. Elle relève la tête, envoie ses cheveux en arrière et l'observe, dans une expression complètement choquée jusqu'à ce qu'elle ne se transforme en quelque chose de beaucoup plus violent. Elle les voit, ses papillons qui tapissent son lit au milieu du verre brisé. Elle la voit, Zaza qui refuse de s'arrêter, qui défonce le mur en même temps. Et cette sensation, c'est comme si on venait de foutre le feu à son foyer, à son seul havre de paix. Elle en a les larmes aux yeux. Des larmes de rage. Elle pourra jamais remplacer cette collection. Et Zaza le savait très bien. Elle serre les dents, mâchoire en avant, comme une chienne prête à bondir. Et c'est d'ailleurs exactement ce qu'elle fait. Elle se relève d'un bond. Elle aussi pousse un hurlement guerrier quand elle saute sur le lit, et tant pis si elle est pieds nus et que y a du verre partout. PARA ! PARA ZAZA ! PARAAAAA ! Qu'elle crie de toutes ses forces en essayant d'arracher des mains la batte de baseball. Elle l'attrape à son manche et les deux filles se disputent l'arme pendant quelques secondes où les hurlements se mêlent au verre brisé. Elle ne sent pas les bout de verre dans ses pieds, elle ne ressent rien d'autre que son cœur qui tabasse sa poitrine, qui lui hurle de foutre à terre Zaza et de se venger. Au lieu de ça, elle lui arrache finalement l'arme des mains mais bascule en arrière dans l'action, puis tombe du lit en s'écrasant sur le sol. Quand elle se redresse, son bras est couvert d'éclat de verre accrochés à sa peau. Elle s'en débarasse d'un revers de main, quelques uns forment des coupures superficielles. Ça fait pas mal, la seule chose qui fait mal ici, c'est Zaza. Alors, pour faire bonne mesure, elle attrape un pot à crayons tombé de son bureau et l'envoie de toute ses forces contre Zaza, qui est toujours sur le lit.

Zaza ignore toutes ses remarques. Elle ne l'entend même pas vraiment. La voix de MJ fait office de sourdine, un bruit de fond sans importance qui ne parvient pas à l'atteindre. Elle n'a toujours pas posé un regard sur elle, agit comme si elle n'existait pas, comme si elle ne la voyait pas. Et elle prend un malin plaisir à faire ça. Elle espère que MJ enrage, exulte de se faire ignorer de cette façon. C'est tout ce qu'elle mérite. Que Zaza ne lui accorde plus une seule seconde de son attention. De sa vie. Zaza peut pardonner beaucoup de choses, elle en a déjà pardonné un paquet. Mais MJ a brisé toute la confiance qu'elle avait en elle. Et tellement de petits morceaux qu'il serait impossible de tout recoller, même au bout de cent ans.

Le no désemparé de MJ la fait vibrer et l'encourage encore plus à aller jusqu'au bout. Parce qu'elle sait qu'elle a visé juste. Évidemment qu'elle sait. Et quand les premiers cadres volent et s'explosent, ça provoque en elle une putain de jouissance. Le défoulement est terriblement salvateur. Elle en veut encore. Elle en veut plus. Elle veut faire voler en éclat ce foutu mur. Puis arracher le coeur de MJ et s'en servir de balle de baseball, l'envoyer le plus loin possible, le plus fort possible. Qu'il s'éclate sur le bitume en bas et que toutes les voitures de l'univers roulent dessus.

Zaza a le temps de faire pas mal de dégâts avant que MJ ne réagisse vraiment. — PARA ! PARA ZAZA ! PARAAAAA ! Oh non elle ne va pas s'arrêter. Si elle veut qu'elle cesse ce massacre, elle va devoir l'assommer et la foutre dehors de force avant de barricader sa porte à double-tour. Parce qu'elle ne cessera pas tant qu'elle n'aura pas eu totale satisfaction. Tant qu'il y aura encore un seul truc qui tiendra debout dans cet appartement de malheur.

Zaza élève les bras, prête à donner un énième coup, mais une force contraire l'en empêche. Elle échappe un cri de frustration et se retourne, se mettant à tirer sur la batte pour en récupérer la pleine possession. Elles se la disputent quelques secondes, dans un capharnaüm de rugissements fébriles. Finalement MJ l'emporte et toutes deux basculent dans le sens contraire. MJ se rétame sur le sol tandis que Zaza s'effondre sur le lit. Elle sent les bouts de verre sous elle, mais par chance la souplesse du matelas et le fait qu'elle soit bien couverte la protègent. En revanche, quand elle pose ses mains dessus pour se redresser, la chance tourne et des bouts s'incrustent dans ses paumes. C'est particulièrement douloureux dans la main brûlée. Elle ouvre grand la bouche et retient un petit cri, le visage froissé. Elle dévie son attention un instant pour regarder sa pauvre main endolorie et ça suffit pour laisser une ouverture à MJ. Elle voit l'ombre foncer vers elle, a à peine le temps de tourner la tête qu'elle se mange déjà l'objet en plein visage. Ça percute sa lèvre et les dents en-dessous, et c'est excessivement désagréable. La peau pincée de sa lèvre s'abime et se fendille légèrement, laissant entrevoir quelques gouttes discrètes de sang. Elle pose une main dessus et se redresse vers MJ, les yeux mitrailleurs, tout simplement hors d'elle.

Elle se redresse brusquement sur les genoux, avance rapidement à quatre patte sur le lit et tend le bras pour attraper la lampe de chevet qui traine là. Elle tire dessus, arrache le fil électrique et provoque la chute de la table de chevet avant de balancer la lampe sur MJ en guise de riposte. Puis elle bondit du lit et se jette sur la colombienne, se retrouvant à califourchon sur elle. Elle a vraiment l'air d'une folle avec ses yeux exorbités, son pansement sur le front et ses cheveux électrisés par sa colère. Elle attrape à deux mains la batte, même si sa main droite faiblit légèrement et tente de récupérer l'objet avec acharnement. — REND LA MOI ! J'AI PAS TERMINE ! Mais MJ est plus forte qu'elle, elle l'a toujours été et Zaza ne parvient pas à prendre le dessus. Ce qui la fait encore plus enrager. — ¡TE ODIO, PUTA! Qu'elle hurle, déchainée, s'agitant dans tous les sens sur MJ pour tenter de récupérer son arme du crime. Elle veut finir son carnage.

Mais puisqu'elle n'y arrive pas, elle abandonne. Elle se relève, marche vers le meuble le plus prêt, ses pieds qui écrasent la tignasse de MJ au passage sans même s'en rendre compte. Elle renverse tous les bibelots présents sur la commode, shoot dedans au passage avant de continuer à avancer. Elle contourne le lit, se penche, ramasse les papillons épargnés, se pique un peu les doigts sur les épingles qui les maintenaient accrochés. Puis elle se redresse, cherche MJ du regard et froisse tous ceux qu'elle a ramassé entre ses mains avant de se mettre à les déchiqueter, lueur de défis au fond des yeux.

Une chose est sûre, elle n'a jamais vu un tel déferlement de rage émaner de Zaza. C'est comme si la digue était soudainement rompue. Elle sait qu'elle peut péter des plombs parfois, esclave de ses émotions trop fortes, elle la connait violente dans ses mots, à bouillir de l'intérieur. Jamais à exploser, pas aussi fort. Et MJ, elle peut pas s'empêcher de se dire que y avait que contre elle que ça pouvait péter aussi fort. Forcément, elle pouvait pas se mettre dans des états comme ça contre Ali ou contre tous les autres cons qui ont tapissé sa vie. Ça renforce simplement le profond sentiment d'injustice qu'elle ressent face à toute cette situation. Ce sentiment de n'avoir jamais été traité comme il le fallait dans cette relation, et d'avoir eu des kilomètres de retard par rapport à tout le monde dans une course que Zaza voulait forcément qu'elle perde. Comme si finalement, depuis qu'elle avait appris pour Ali, elle attendait simplement le bon moment pour se retourner contre elle. À moitié allongée sur le sol donc, avec autant de rage que de débris de verre sur elle, elle envoie valser une boite à crayon qui arrive pile sur sa cible, et y a aussi cette satisfaction sourde d'avoir atteint sa cible et qu'elle déguste un peu. Mais c'est rien comparé aux dégâts que Zaza a déjà fait. La chambre est méconnaissable, et chaque fois que le regard d'MJ s'attarde sur ses tableaux de papillons brisés, y a comme un coup de chaud qui lui donne envie de tordre le cou de quelqu'un. Mais Zaza ne se calme certainement pas. Elle arrache la lampe de chevet et MJ n'a même pas le temps de crier quoi que ce soit, que le projectile fonce vers elle. Réflexe expert, la batte en main elle tape dedans avec de toute ses forces et la lampe s'écrase finalement un peu plus loin. QU'EST-CE QUI VA PAS CHEZ TOI PUTAIN ? Qu'elle hurle, mais Zaza est déjà en train de ramper jusqu'à elle et s'écrase à califourchon au-dessus d'MJ qui essaie instantanément de se détacher, furieuse. Elle tient de toutes ses forces la batte que Zaza essaye de lui dérober. REND LA MOI ! J'AI PAS TERMINE ! Qu'elle hurle à la mort, complètement sortie d'elle-même, dans un état de crise d'hystérie à peine croyable. Mais MJ tient bon, les doigts crispés sur son arme, le visage tordu par la haine. ¡TE ODIO, PUTA! Les mots assassins sont recouvert par un brouhaha intérieur. MJ n'en revient pas de cette situation. BARRE-TOI PUTAIN, DÉGAGE ! Qu'elle hurle pour se défendre à son tour en tournant la batte dans tous les sens pour forcer Zaza à la lâcher. Finalement, elle a gain de cause et, un peu essouflée elle laisse à nouveau sa tête tomber contre le parquet dans une expiration excédée. Elle veut se redresser ensuite mais ses cheveux sont retenus une seconde par la chaussure de Zaza et dans un mouvement d'humeur elle envoie un coup de batte dans son mollet, vu l'angle, pas très fort, mais assez pour lui signifier son énervement à son paroxysme.

Elle se redresse au moment où un grand fracas résonne à nouveau contre les murs. Zaza vient de renverser la totalité des objets de sa commode. MJ reste là, la batte en main, à bouillir littéralement de l'intérieur. MAIS PUTAIN ARRÊTE ! Qu'elle crie à bout de nerfs. Elle sent son bras qui veut attaquer, comme si tout son corps réclamait une réaction naturelle chez elle : celle d'attaquer. Mais y a quelques choses qui la retient encore pour le moment, quelque chose qui l'empêche de vraiment se défendre. Elle reste plantée là une seconde. Mais Zaza ne sait que trop bien comment la faire réagir. Elle se penche et MJ ne comprend pas tout de suite ce qu'elle vient de ramasser, Zaza prend le temps d'accrocher son regard, juste pour bien insister, juste pour frapper le plus profondément possible dans sa chair. Elle écrase des papillons ramassés par terre entre ses mains crispés de rage. MJ la regarde, bouillante, fiévreuse de colère. Elle est dégoûtée, blessée, comme si c'était son coeur qui se faisait écraser au creux de sa main. Cette fois s'en est trop. Elle lâche la batte sidérée et saute sur Zaza qu'elle attrape par les poignets qu'elle serre de toutes ses forces pour qu'elle lâche les papillons déjà en miettes. CONNASSE TU VAS L'REGRETTER ! LÂCHE ÇA PUTAIN ! LÂÂÂÂCHE ! Qu'elle s'énerve. Et puisque les poignets n'ont que peu d'effet, elle en lâche un et attrape les cheveux de Zaza qu'elle tire de toutes ses forces sur le côté pour la déstabiliser et la faire tomber. Mais en réalité elles tournent plutôt en rond et se prennent un mur, puis deux avant qu'MJ ne les envoie toutes les deux contre la penderie, dans une pluie de fringues qui tombent de leurs cintre. Nouveau hurlement de rage, elle lâche les cheveux de Zaza et la pousse en arrière de toutes ses forces, puis une deuxième fois quand Zaza revient à la charge. Elle a besoin d'air, elle se sent étouffer. Étouffer de colère, étouffer de dégoût. Elle ne s'en est pas rendue compte, et heureusement, mais elle s'est mise à pleurer de rage. IL VAUT L'COUP ? HEIN ? IL VAUT LE COUP TON PUTAIN DE NOUVEAU MEC ? Qu'elle hurle maintenant qu'il y a un mètre entre Zaza et elle. Ça vaut vraiment tout ça Zaza, pour lui ? Après tout, ils ont toujours valu plus qu'MJ dans le cœur de la cubaine.

MJ parvient à éviter l'impact de la lampe grâce à la batte et ça crée une vague de frustration en elle. — QU'EST-CE QUI VA PAS CHEZ TOI PUTAIN ? Toi, qu'elle a envie de répondre. Mais elle se contente de grincer des dents et de se jeter sur elle, tigresse sur sa proie. Sauf que la proie est un fauve aussi, pas de bol. Zaza bataille, véritable tornade que rien ne semble pouvoir arrêter. Elle hurle, jure, veut absolument récupérer la batte mais MJ ne lâche rien, adversaire redoutable. — BARRE-TOI PUTAIN, DÉGAGE ! Elle a envie de lui cracher au visage. Et si elle ne le fait pas, c'est uniquement parce qu'elle décide d'abandonner la batte pour continuer à tout retourner avec hargne.

Elle se relève, lui marche sur les cheveux et se récolte un coup de batte dans le mollet. Sa jambe sursaute et elle la relève rapidement en échappant un petit gémissant de contrariété. Elle n'a pas tapé fort, mais suffisamment pour que ça la gêne quelques secondes. Elle la foudroie du regard même si MJ ne peut pas vraiment la voir dans cet angle et balance son pied dans sa direction, heurtant son épaule dans un mouvement de rejet. Elle ne s'attarde pas et reprend sa petite activité destructrice. MJ beugle encore, visiblement dépassée par la furie de son amie. Elle a du mal à comprendre, du mal à suivre le rythme, toujours un train de retard sur la folie vengeresse de Zaza.

Le coup des papillons est celui de trop. Celui qui marque la fin de toute retenue chez MJ. Qu'elle vienne donc, elle l'attend. Elle n'a pas peur d'elle. Elle l'a connait trop pour ça. MJ lâche la batte et lui bondit dessus, saisissant ses poignets et se mettant à les serre de toutes ses forces. Zaza grimace sous l'effet de la douleur, dents serrées et lèvres retroussées, mais elle ne lâche rien. Continue de broyer les papillons sans défense. — CONNASSE TU VAS L'REGRETTER ! LÂCHE ÇA PUTAIN ! LÂÂÂÂCHE ! Mais Zaza ne lâche rien, se contente de se laisser secouer par MJ tout en la fixant, grand brasier dans ses yeux sombres. — ET TU VAS FAIRE QUOI, HEIN ? T'AS DEJA TOUT DETRUIT SALOPE ! A croire que MJ empoisonne tout ce qu'elle approche, Zaza y compris. Frustrée de ne pas réussir à faire céder Zaza, elle lui lâche un poignet et vient agripper sa tignasse, se mettant à tirer sur sa tête. Zaza se met à hurler, furibonde et lutte tant bien que mal. Elles se mettent à tourner en rond, à heurter des meubles. Zaza redresse sa main libre et vient écraser les restes de papillons sur le visage de MJ, appuyant sa main dessus avec insistance. Puis ses deux mains accrochent les hanches de la colombienne, ses doigts se plantent violemment dans sa peau, les ongles mi-longs qui font de même, cherchant à la faire reculer pour qu'elle la lâche.

Mais au lieu de ça, elles s'effondrent toutes les deux dans la penderie ouverte, entrainant dans leur chute les fringues qui tombent sur elles comme une pluie diluvienne. MJ la repousse violemment en arrière après lui avoir libéré les cheveux, son dos qui heurte le mur de la penderie. Elle encaisse, ravale un souffle douloureux et revient à la charge, mais se refait expulser salement, faisant croître encore plus son état d'énervement. Elle fulmine. — IL VAUT L'COUP ? HEIN ? IL VAUT LE COUP TON PUTAIN DE NOUVEAU MEC ? Et voilà, toujours la même rengaine. Elle n'en peut plus de ça. Sa main part brusquement pour venir s'écraser sur la joue de MJ. — PUTAIN mais t'es trop CONNE ! Qu'elle exulte. Elle s'éloigne à quatre pattes, elle a repéré la batte qui jonche le sol sans surveillance un peu plus loin. Ses mains et ses genoux s'accrochent sur quelques bris de verre qui ont été éparpillés un peu partout dans leur bataille infernale. Mais ça ne l'arrête pas. — C'est pas à propos de lui ! Lui ou Ali ou qui tu veux putain ! Il y en a eu combien d'autres évincés sans même qu'elle ne le sache ?

Mais au moment où elle pose la main sur la batte elle sent MJ lui attraper la cheville et tirer dessus. Elle se ramasse sur le ventre et se tortille pour se retrouver sur le dos. Elle a eu le temps de s'emparer de la batte. Elle se met à l'agiter dans tous les sens pour tenir MJ éloignée d'elle, quitte à ce qu'elle se prenne des coups au passage, elle en a plus rien à foutre. — C'EST A PROPOS DE TOI ET DE C'QUE TU FAIS PUTAIN ! Comment on peut prétendre aimer quelqu'un et lui faire autant de mal volontairement ? Ça lui échappe. Elle se met à donner des coups de pieds dans le vide pour qu'elle la lâche. Et dès qu'elle se sent libre de ses mouvements elle se recule vivement et se redresse à la hâte, sauf qu'elle commence fatiguer un peu, particulièrement essoufflée. Elle marque une pause, la batte en main, débraillée, blessée, la poitrine qui se gonfle et se vide frénétiquement. Les larmes sur les joues de MJ ne lui font rien. Elle en revanche, n'a toujours pas commencé à pleurer. La colère assèche tous ses canaux. — J'te jure MJ, j'vais tout péter dans ton appart. J'en ai rien à foutre que tout n'soit pas à toi. Et après j'veux plus jamais entendre parler de toi. T'es toxique putain ! Elle se redresse, inspire un grand coup et s'apprête déjà à filer en direction du couloir pour poursuivre la démolition.

Elles sont toutes les deux dans une valse mortelle invraisemblable. Accrochées l'une à l'autre par la force de la rancœur qui les anime, elles se bagarrent salement, sans vraiment savoir ce qu'elles font. MJ voit rouge, beaucoup trop rouge. Complètement dépassée par l'état dans lequel Zaza est venue la trouver, détruite en même temps que les papillons qui s'émiettent dans les mains tremblantes de colère de la cubaine. Elle va l'regretter, qu'elle prévient, faisant sauter ses dernières barrières, celles qui l'empêchaient de vraiment attaquer. ET TU VAS FAIRE QUOI, HEIN ? T'AS DEJA TOUT DETRUIT SALOPE ! Et si MJ n'était pas trop occupée à tenter de mettre Zaza par terre en la tirant par les cheveux du plus fort qu'elle peut, elle trouverait sans doute quelque chose à répondre. Parce que dans la cohue, ces mots lui transpercent les entrailles. Alors ils représentaient vraiment tout ? Deandre représentait tout, Ali ? Sans doute y en a jamais eu que pour eux. Petite Zaza, dépendante des enfoirés qui ont peuplé sa vie, rythmé tout ce qu'elle a toujours fait. Dépendant d'un amour qu'elle n'accepte que d'eux, alors qu'MJ avait tellement à lui offrir. Elle a tout détruit hein ? Elle enrage d'entendre des conneries pareilles ! Et Zaza, elle ne décolère pas, écrase les papillons sur le visage déformé de colère d'MJ qui pousse un cri étouffé, puis elle sent une douleur vive sur ses hanches, Zaza y plante ses griffes de tigresses. Nouveau cri suraigue, elle n'arrive même plus à respirer, à penser, à réfléchir, à voir ce qu'elle fait. C'est ce qui précipite leur chute contre la penderie d'MJ et met fin à cette chorégraphie effrayante, pendant un temps seulement.

MJ la repousse pour enfin respirer, et passe dans une convulsion explosive une main sur son visage pour virer les bouts de papillons qui se sont collés à son front suant, crachote sur le côté, dans un état si terrible qu'elle ne croit jamais avoir rien ressenti de pareil. Le sang qui boue littéralement, tous ses muscles qui crépitent, vibrent sous sa peau, et son cœur qui bat tellement fort elle a l'impression qu'on peut l'entendre dans tout le quartier. Elle regarde une seconde Zaza avant de lui demander si vraiment ça valait le coup. Si ce mec valait le coup. La réponse est sans appel, et douloureuse sur sa joue qui s'enflamme. MJ a l'impression que sa tête va se dévisser tant elle y a mis toutes ses forces. Tétanisée par une rage qui consume tout elle reste ainsi, le visage tourné par l'impact, à fixer un tas de fringues à sa gauche. D'ailleurs, elle fait tomber un t-shirt qui venant de s'accrocher à son épaule d'un geste lent, pendant que Zaza hurle : PUTAIN mais t'es trop CONNE ! C'est pas à propos de lui ! Lui ou Ali ou qui tu veux putain ! MJ tourne lentement la tête vers Zaza, respirant bruyamment, si bien que ça ressemble plutôt au grognement d'un animal quelque chose de bestial. Sa lèvre tremble et la regarde s'éloigner à quatre pattes jusqu'à la batte qu'elle avait laissé plus loin. Elle n'arrive même pas à réagir immédiatement, non, il lui faut encore quelques longues secondes avant qu'elle ne bondisse d'un coup, en poussant un cri bestial et elle se lance à plat ventre, le bras tendu pour attraper la cheville de Zaza et la tirer violemment en arrière, ses ongles dans sa peau. Alors que Zaza est stoppée en plein élan et se retourne sur le dos, MJ s'avance et la bloque, un genou sur le ventre en la foudroyant du regard. C'EST A PROPOS DE TOI ET DE C'QUE TU FAIS PUTAIN ! Un petit rire court et désabusé la secoue, jusqu'à ce qu'elle n'explose : ET QU'EST-CE QUE J'AI FAIT HEIN ? QU'EST-CE QUE J'AI FAIT ? Elle hurle et se redresse, ouvrant les bras , d'un air de dessus, toujours en retenant Zaza par le genou. J'ai fait croire un truc complètement absurde à ce débile et il m'a cru ! Maintenant t'as pu lui dire la vérité et tu vas pouvoir continuer à baiser avec lui MJ attrape un objet et le lance contre le mur opposé, celui qui séparer leurs appartements. là dans l'appart JUSTE À CÔTÉ ! La fin de sa phrase lui arrache la voix tellement elle le cri. Son désespoir, son amour frustré, sa grande tragédie. Mais sa petite mise en scène permet à Zaza de se libérer de son emprise et MJ bascule à nouveau en arrière, sur les fesses. Zaza reprend la batte de baseball et pendant une seconde, MJ serre les dents, persuadée qu'elle va se prendre un coup dans la tête qui va l'assommer. Mais non, toutes les deux fatiguées, y a quelques secondes où elles sont juste par terre, à se fusiller du regard, le souffle court. J'te jure MJ, j'vais tout péter dans ton appart. J'en ai rien à foutre que tout n'soit pas à toi. Et après j'veux plus jamais entendre parler de toi. T'es toxique putain ! MJ esquisse un sourire haineux. Et c'est ce qu'il lui fallait pour remonter dans les tours, à la seconde où Zaza se relève, elle l'imite. PARFAIT ! Attends, je vais t'aider. Tiens, ça, c'est pas encore pété ! Elle attrape un objet qu'elle lance tout droit dans la direction de Zaza. Puis, elle se lance dans le couloir en bousculant la cubaine au passage pour qu'elle s'écrase contre le mur d'en face. Elle commence à marcher dans le couloir, attrape un cadre au mur se retourne pour le montrer à Zaza. TIENS ÇA NON PLUS ! Et elle le lance également vers Zaza, elle fait ça avec les trois cadres qui sont dans le couloir, partant à reculons dans le salon. Arrivée là bas, elle tourne à nouveau dos à Zaza et en profite pour s'attraper une seconde le visage dans les mains, mais ça ne la calme pas. Non, elle envoie valser d'un coup de poing un vase qui est à proximité et, au milieu de la pièce ouvre les bras, théâtral pour se retourner à nouveau vers Zaza, secouée d'un rire nerveux qui ne passe pas : VAS-Y HEIN, détruis tout, vu que je le mérite. Vu que c'est clairement de ma faute. J'ai vraiment gâché ta vie, wahou ! Elle hurle et continue à rire en même temps, à bout de nerf, en plein craquage. Toi par contre, t'es parfaite hein. Toi t'as rien fait de mal, tu m'as pas fait du mal à moi ? Et pis si Deandre se méfiait déjà de toi de base, et a tout de suite cru à mes salades, c'est pas parce que tu te fous de la gueule du monde en permanence, bien sûr ! Et enfin elle fait retomber ses bras le long de son corps, restant au milieu du salon, au milieu de cette relation totalement gâchée entre elle. Parce que c'est la seule chose qu'elle voit. La seule chose qui lui saute à la gorge quand elle est en face de Zaza, à quel point elle est en colère contre elle, à quel point Zaza lui a brisé le coeur. Une mèche de cheveux qui lui tombe en travers du visage, et elle reste là à la regarder, les sourcils froncés et le cœur en miettes.

Elle se retrouve bloquée au sol, le genoux d'MJ sur le ventre qui lui coupe à moitié la respiration alors qu'elle peine déjà à faire rentrer l'air dans ses poumons tant elle est essoufflée. — ET QU'EST-CE QUE J'AI FAIT HEIN ? QU'EST-CE QUE J'AI FAIT ? Et voilà, elle recommence. MJ, reine du déni. MJ, merveilleuse actrice qui sait toujours se placer en victime. Rendre tous ses actes les plus abjectes en missions honorables. Zaza échappe un cri de frustration, les dents serrées, elle a envie de planter ses ongles dans le visage de MJ pour l'obliger à tout avouer. — J'ai fait croire un truc complètement absurde à ce débile et il m'a cru ! Maintenant t'as pu lui dire la vérité et tu vas pouvoir continuer à baiser avec lui... là dans l'appart JUSTE À CÔTÉ ! Zaza ne regarde même pas l'objet voler, mais le choc contre le mur vibre jusque dans son squelette. Elle s'époumone aussi en retour, fatiguée de voir que les discussions ne sont jamais les bonnes. — OH PARCE QUE S'IL AVAIT VECU A L'AUTRE BOUT DE LA VILLE TU L'AURAIS ADORE PEUT-ÊTRE ? Qu'elle ne vienne pas se foutre de sa gueule non plus. MJ déteste tous ses mecs, par principe. Voisin ou non. Le problème n'est pas là. Le problème est que ce sont des hommes. Et que Zaza ne l'aime pas elle, mais ça, elle ne l'a découvert que récemment.

Elle réussit à se défaire de son emprise, à récupérer la batte et à se redresser. Mais elle marque une pause, haletante, l'air lui manque. MJ aussi a besoin d'une seconde pour souffler. Le tumulte qui les anime est éreintant, bien plus que les attaques physiques qui elles, s'avèrent être plutôt libératrices. Zaza lui expose ses plans et il n'en faut pas plus à MJ pour réagir au quart de tour. Elle s'élance derrière elle en gueulant. — PARFAIT ! Attends, je vais t'aider. Tiens, ça, c'est pas encore pété ! Zaza n'a pas le temps de se retourner que déjà elle sent quelque chose la percuter au niveau de l'omoplate. Elle couine un peu et pivote à moitié, mais se fait aussitôt bousculer par MJ qui sort en trombe de la chambre pour la devancer. Elle se réceptionne avec son avant bras pour éviter de se heurter totalement au mur et resserre sa poigne autour de la batte, prête à en découdre.

— TIENS ÇA NON PLUS ! Mais cette fois-ci Zaza ne se laisse pas surprendre. Elle réceptionne l'objet avec la batte et prend un malin plaisir à l'exploser contre le mur de gauche. Elles se retrouvent dans le salon et MJ envoi son poing dans un vase, le faisant s'écraser en morceaux au sol. — VAS-Y HEIN, détruis tout, vu que je le mérite. Vu que c'est clairement de ma faute. J'ai vraiment gâché ta vie, wahou ! — J'vais me gêner. Qu'elle vocifère, totalement indifférente aux paroles de MJ tandis qu'elle se dirige vers l'espace cuisine. Elle donne un grand coup dans la vaisselle en train de s'égoutter et la regarde tomber dans un grand fracas assourdissant. Elle recule de quelques pas et pivote pour revenir dans le salon, vers MJ. — Toi par contre, t'es parfaite hein. Toi t'as rien fait de mal, tu m'as pas fait du mal à moi ? Et pis si Deandre se méfiait déjà de toi de base, et a tout de suite cru à mes salades, c'est pas parce que tu te fous de la gueule du monde en permanence, bien sûr ! Elle roule des yeux, agacée.

— Bien sûr, j'me crois si parfaite, c'est totalement mon genre MJ, tu m'connais si bien ! Coup de batte dans l'écran de télévision qui continue de diffuser une télénovela qu'elle ne supporte plus d'entendre en fond. — J'sais très bien que j'ai foiré des trucs et je l'admets totalement ! Parce que moi au moins j'suis capable de me remettre en question ET DE PAS M'ENFONCER DANS LE DÉNI TOTAL ! Deuxième coup dans le téléviseur, elle aura sa peau. — Et m'parle pas de Deandre, tu sais RIEN DU TOUT ! Elle n'a aucune idée de ce qu'ils ont traversé, enduré. De la complexité de leur lien et d'à quel point elle bataille depuis le début pour comprendre où elle met les pieds et si elle peut lui faire confiance ou non. Sans parler de tout ce qui lui tombe sur la gueule à la chaine et qui la fait se noyer totalement. Et normalement, MJ est là pour l'aider à gérer, pour apaiser tout ça. Elle est son ancre, son équilibre. Mais maintenant que MJ est devenue une source de tourments également, Zaza ne peut plus se raccrocher à rien et elle enchaine les merdes sans même le réaliser.

Elle lève à nouveau le bras droit, pour revenir taper dans le téléviseur, mais sa main droite lui brûle davantage subitement et elle perd sa poigne sur le manche. L'objet lui échappe des mains, tape contre le mur le plus proche avant de glisser sur le parquet à plusieurs mètres d'elle. Elle a subitement l'impression de porter tout le poids du monde sur ses épaules et la colère se fait écraser totalement. C'est comme si toutes ses forces l'abandonnaient brutalement. Elle chouine un peu et se laisse tomber à genoux, à bout de souffle, le cerveau lessivé. — J'arrive plus à gérer. Qu'elle avoue à mi-mot. Gérer Kelly, gérer Sean, gérer Dom, Deandre, MJ, Ali, Carla. Sans soutien elle se sent partir à la dérive. Ce qu'il vient de se passer le prouve bien.

Elle a envie de tout lui dire. Tout lui raconter. Tout lui expliquer. Briser tous les abcès, sortir toutes les vérités. Mais la rancœur la garde muette. Elle malaxe mollement sa main douloureuse, l'air un peu ailleurs désormais. — T'as p't'être raison finalement. Peut-être que j'ai tous les torts puisque tout le monde me déteste maintenant. Ses yeux se sont embués mais les larmes ne roulent pas. Elle renifle un peu, résignée. Elle se relève péniblement, on dirait un fantôme fatigué d'avoir trop duré. Elle ramasse la batte au passage et retourne vers MJ. Elle la lui colle sur le torse sans s'arrêter pour autant, un tien est lâché sans conviction alors qu'elle s'éloigne déjà en direction de la porte. Elle a l'impression de ne même plus savoir ce qu'elle fait ici. Elle se sent juste vide. Incroyablement vide. Elle qui d'ordinaire déborde toujours d'un trop plein existentiel.

Non sans doute qu'elle le détesterait aussi, même s'il vivait en Chine, son nouveau mec. Elle le haïrait par principe. Parce que ces mecs retournent le cerveaux des filles, et les transforment en pauvre petites choses fragiles. Ce sont eux qui les détruisent, avec leurs testostérones qui débordent, leurs manipulations constantes. Ils remplissent Zaza de doutes et son cœur de chagrin. Elle a vu ça trop de fois, chez trop de ses amies MJ. Et c'est chaque fois la même chose, la fille qui devient folle. Zaza qui devient folle. Particulièrement atteinte de cette maladie à laquelle MJ remercie le ciel chaque jour d'avoir été protégée. Si seulement Zaza avait pu avoir la même immunité. Alors ouais, elle le détesterait sûrement, et elle aurait raison. Elle voit l'état dans lequel Zaza est aujourd'hui et ça ne fait qu'alimenter sa vendetta contre eux, tous. Par contre, que son nouveau plan cul se trouve être son voisin, franchement, ça aggrave les choses. Et c'est ce qu'elle lui hurle, d'ailleurs : Non je l'aurai pas aimé, mais j'aurai peut-être moins eu l'impression d'être prise pour une conne ! Foutue égoïste, peut-être ? Mais la localisation de Deandre ne peut pas être une coïncidence dans sa tête. Comme si Zaza cherchait à lui faire du mal, comme si elle voulait marquer un point, prouver quelque chose : eh ouais MJ, ça sera toujours eux et pas toi, et ça se passera toujours sous ton nez.

Leurs rancœurs respectives amènent à un plan sombre pour l'appartement. Zaza veut tout détruire, et comme à son habitude, MJ coupe l'herbe sous le pied. Elle veut jouer à ça, parfait. Elle détruit tout elle-même avant que Zaza ne puisse le faire. Elle ouvre la marche dans le couloir, balance tout ce qui lui passe sous la main. Parce que c'est ce qu'elle fait, en permanence. Elle préfère foirer les choses avant qu'elles ne se retournent contre elle. Blindée comme un foutu tank, elle ne veut rien laisser l'atteindre. Même si c'est bien trop tard pour ça. Zaza a contaminé son cœur y a de ça des années et des années. Combien de temps exactement ? Elle ne saurait même pas le dire. Et peut-être que c'est ce genre d'amour obsessionnel qu'on ne comprend même plus. Quelque chose de si ancré dans ses veines qu'elle ne cherchera jamais à le remettre en question. Elle sera toujours amoureuse de Zaza, et Zaza jamais. Et ça continuera à faire mal. Elle trouvait ça insupportable quand le secret demeurait, et finalement, elle trouve la situation encore pire. Parce qu'elle sait et parce qu'elle lui fait du mal intentionnellement maintenant. Coucher avec le voisin, c'était intentionnel. Lui faire une crise parce qu'elle a eu le malheur de faire du remous dans leur relation si parfaite, c'est intentionnel. Et c'est ce qui fout MJ dans une rage aussi forte aujourd'hui. Alors elle continue à hurler en rejoignant le salon, Zaza et sa batte de baseball à sa suite.

Pourquoi tu t'en préoccupes pas putain ? Pourquoi tu le vois pas Zaza à quel point ça fait mal ? Pourquoi on s'dit jamais qu'MJ, elle aussi, elle peut être triste au point de ravager un appartement entier ? Zaza a l'air de penser que c'est juste pour se marrer, pour lui faire du mal. En réalité, c'est à ça que ressemble son cœur brisé.

Au centre de la pièce, terminant son laïus, elle se retrouve à nouveau face à une Zaza toujours aussi en colère, et peut-être surtout à bout, vraiment au bout d'elle-même et au bout de leur relation. Bien sûr, j'me crois si parfaite, c'est totalement mon genre MJ, tu m'connais si bien ! MJ expire par le nez et regarde sur le côté, pas vraiment ravie de cette réponse à laquelle elle ne trouve pas de contre argument. Bien sûr qu'elle sait à quel point Zaza est remplie d'insécurités. C'est d'ailleurs pour ça que les hommes la rendent folle, pour ça qu'elle est si désespérément accrochée à des abrutis comme Ali. Pour ça qu'MJ leur en veut, principalement. De toute façon, elle n'a pas l'occasion de répondre que la télévision explose et qu'MJ sursaute, une expression effarée sur le visage, suivi de ses poings qui se serrent. La colère revient. Elle ne se rend même pas compte du champ de bataille au milieu duquel elles se trouvent et de la merde dans laquelle elle va être auprès de ses colocataires, pour justifier tout ça. J'sais très bien que j'ai foiré des trucs et je l'admets totalement ! Parce que moi au moins j'suis capable de me remettre en question ET DE PAS M'ENFONCER DANS LE DÉNI TOTAL ! Le nouveau coup dans le téléviseur la fait à nouveau tressaillir et elle ferme les yeux, énervée une seconde. Mais elle reste toujours planté là à regarder Zaza qui continue d'hurler. Et m'parle pas de Deandre, tu sais RIEN DU TOUT ! Cette fois, elle se penche vers elle et ouvre les bras d'un air évident, et reprend de plus belle, toujours avec trop de décibels : BAH NON JE SAIS RIEN ! Ses bras retombent lourdement le long de son corps. C'est bien ça l'problème ! T'es sensée être ma meilleure amie et tu m'dis même pas que tu te planques chez Dom, et j'apprends que tu te tapes mon voisin parce que j'te vois t'enfuir de chez lui au matin. COMMENT TU VOULAIS QUE JE RÉAGISSE ? Certainement pas en inventant un mensonge qui semble avoir provoqué un cataclysme. Mais c'est ce qu'elle est MJ. Sauvage, impulsive, impossible. Et c'est pas du déni, elle pense sincèrement qu'ils le méritaient tous les trois. Tant mieux si ça a foutu la merde, c'est exactement ce qu'elle voulait, et au moins Zaza aura payé ses mensonges, Deandre de lui avoir volé une nuit l'amour de sa vie, et Dom… simplement d'être celui vers qui elle s'est tournée quand elle a eu peur. MJ ne sait toujours pas s'ils se sont remis ensemble ou pas, mais vu la façon dont elle a été chassé de sa maison l'autre jour, elle en doute encore et ça la crève.

Alors qu'MJ fronce les sourcils comme pour mieux encaisser le troisième coup contre la télé que Zaza s'apprête à donner, y a un silence, et pas de fracas. Zaza s'épuise d'elle-même, n'en peut plus, le lâche à demi-voix, fragile, brisée. Elle s'effondre à genoux et MJ détourne le regard, passant d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. Elle n'aime pas voir Zaza comme ça, elle ne l'a jamais supporté. Et ça a toujours été elle qui jouait des poings pour la défendre. Sa Zaza, la sienne. MJ la protégeait de tout ceux qui la foutait dans un état pareil. Elle n'avait pas prévu qu'un jour, ça serait elle le problème. Elle et ses sentiments. Parce que les choses ont commencé à vraiment déconner à ce moment-là. Quand elle a tout avouer. Tout s'est mal enchainé, plus de retour en arrière possible. Zaza est déterminée à ne pas l'aimer, MJ a trop de fierté pour le supporter. Alors elle ne bouge pas, elle ne fait rien, elle attend simplement. T'as p't'être raison finalement. Peut-être que j'ai tous les torts puisque tout le monde me déteste maintenant. Elle serre les dents et refuse toujours de la regarder. Elle croise les bras sous sa poitrine, avec une moue boudeuse sur le visage. Elle voudrait lui crier l'inverse, elle voulait lui crier que c'est justement parce qu'elle l'aime que c'est aussi douloureux. Mais elle n'en fera rien bien sûr. Oh t'inquiète, tu vas bien réussir à te remettre avec l'un des deux. Deandre, Dom, même combat. Zaza a toujours eu un homme dans son cœur, c'est affligeant. Si ce n'est pas Ali, qui resurgirait des ténèbres pile au bon moment. MJ est mauvaise, jalouse et triste, et ça lui arrache la langue de balancer ça.

Alors doucement Zaza se relève et se traîne jusqu'à elle, la batte en main. Elle se poste devant MJ qui soutient enfin son regard, toujours une sale moue d'enfant en colère sur le visage. Quand la batte se plaque contre sa poitrine elle l'attrape d'un geste brusque et laisse Zaza se diriger vers la porte. Les larmes lui remontent, sans qu'elle ne sache vraiment ce que ça veut dire. La peur que ce soit la dernière image qu'elle voit de Zaza, son dos vouté, une fois la colère échappée, à bout de nerf, qui s'éloigne ? L'amour qu'elle a pour elle est comme un feu qui la consume, trop vite, trop fort, qui fait des étincelles, mais l'amitié est sa plus solide attache avec le monde. Elle a peur de la perdre, soudain, et elle regrette de l'avoir embrassé dans l'arrière boutique du salon de coiffure. Elle regrette d'avoir été assez faible pour se laisser tenter. Y a de la colère aussi, parce qu'elle en veut toujours à Zaza pour tout ce raffut et pour les mines qu'elle a placé dans son cœur. Alors juste avant qu'elle n'atteigne la porte, elle l'interpèle : Tu l'savais ? Juste assez pour la faire arrêter de marcher. Quand on s'est embrassées chez le père de Dom, tu savais déjà que ça mènerait à rien, pas vrai ? T'étais déjà avec Deandre ? Elle n'est pas sûre de vouloir la réponse, finalement. Et puis c'est de cette manière qu'elle se justifie de ses actes, de ce mensonge qui aura décimé leur trio amoureux à Zaza, Dom et Deandre. En fait, elle supportait juste pas de ne pas en faire partie, d'un côté.

— Non je l'aurai pas aimé, mais j'aurai peut-être moins eu l'impression d'être prise pour une conne ! Le reproche fait écho à ceux de Dom et ça l'épuise. Parce que c'est injuste. Parce que ce n'est pas juste une histoire de coucherie dont elle aurait pu se passer facilement et ils le savent pertinemment tous les deux. Zaza est une sentimentale. Si De compte, ce n'est pas rien. — Putain mais tout ne tourne pas autour de toi et de ce que tu veux MJ ! J'y peux rien si Deandre est ton voisin, OK ? Elle n'y peut rien non plus si elle a vite craqué sur lui. Ce n'est pas le genre de choses que l'on maitrise et MJ est la mieux placée pour le savoir dans cette histoire.

Le combat continue encore un moment, se déplace jusque dans le salon et Zaza a l'impression que ça ne s'arrêtera jamais. Qu'elle ne sera jamais rassasiée de cette envie de vengeance qui la consume. Jusqu'à ce qu'elle finisse en cendre, après s'être consumée elle-même.

Le sujet de Deandre revient sur le tapis. Sujet épineux et douloureux qui met Zaza dans tous ses états. Elle crie mais MJ crie encore plus fort, elle lui crache toute sa peine au visage et ça trouve un écho dans la cage thoracique de Zaza. Elle voudrait en être immunisée, mais elle est bien trop empathique pour ça. Surtout quand il s'agit des gens qu'elle aime. Même quand ceux-là sont responsables de bien de ses maux. — BAH NON JE SAIS RIEN ! Zaza roule des yeux, l'air de dire : et ça t'étonnes ? Comment peut-elle lui reprocher ça après tout ce qu'il s'est passé ? La confiance s'est brisée après les révélations sur Ali, elle n'avait plus envie de lui confier quoi que ce soit et à a juste titre. Si c'était pour la voir aller encore foutre la merde dans son dos, non merci. Elle aura malgré tout trouvé le moyen de le faire. A croire qu'elle y arrivera toujours. — C'est bien ça l'problème ! T'es sensée être ma meilleure amie et tu m'dis même pas que tu te planques chez Dom, et j'apprends que tu te tapes mon voisin parce que j'te vois t'enfuir de chez lui au matin. COMMENT TU VOULAIS QUE JE RÉAGISSE ? Et là, à l'évocation de sa cachette chez Dom ça sort tout seul. Comme un cri de désespoir, un aveu trop longtemps contenu. Elle écarte les bras à son tour et s'époumone à en perdre la voix. — J'ESSAYE DE FAIRE EN SORTE QUE TU CRÈVES PAS PUTAIN ! Et lâché comme ça, ça n'a aucun sens. Elle le sait et elle s'en mord les doigts d'avoir échappé cette information. Mais au fond, elle sait pertinemment que ce n'est pas anodin. L'envie de tout lui raconter est toujours là, brûlante. C'est trop dur de lui cacher un truc aussi gros. Encore plus maintenant qu'elle n'a plus nulle part où aller, plus personne pour s'en soucier avec elle. Elle secoue la tête de gauche à droite. — Rien, oublie, j'sais plus c'que j'dis. Qu'elle marmonne, en chassant ses mots d'un revers de la main. Peut-être qu'une partie d'elle à envie qu'elle insiste, qu'elle lui tire les vers du nez. Histoire de pouvoir se soulager de ce poids. L'autre ne veut rien laisser filtrer, toujours tétanisée à l'idée que MJ devienne une meurtrière, ou qu'à contrario, elle soit tuée. Les deux idées la terrifie pleinement. Et elle ne veut plus de cadavres. Elle en a vu assez pour toute une vie.

Elle s'acharne un moment sur le téléviseur avant de tout lâcher, elle ne tient plus. Elle n'est désormais plus qu'une coquille vide, épuisée de se défendre dans le vide contre le monde entier. Il lui semble subitement bien plus facile d'accepter toutes les critiques et d'endosser le rôle de la méchante, sans faire la moindre objection. Juste pour qu'on lui foute la paix. Mais même là, face à toute la faiblesse qu'elle lui offre, MJ trouve encore le moyen de ramener ça à Dom et Deandre. — Oh t'inquiète, tu vas bien réussir à te remettre avec l'un des deux. C'est pas vrai. Zaza soupire, l'entêtement de MJ lui donne envie de pleurer. Elle passe une main sur son visage, masse brièvement ses yeux, à bout. Elle laisse retomber sa main et souffle longuement par le nez, avant de relever la tête vers la colombienne, dépitée. — Pourquoi tu fais ça MJ ? Pourquoi tu ramènes toujours tout aux mecs ? Elle hausse les épaules, confuse face à cette obsession. — Et nous alors ? Qu'elle demande tout bas, démunie. Elle a parfois l'impression que leur relation passe totalement au second plan. Comme si tout dépendait de Zaza et de ses mecs. Et ça la blesse profondément. Ça la déçoit, aussi. Elle se relève péniblement, récupère la batte et va lui rendre avant de s'éloigner, sans un regard.

Sa main se pose sur la poignée lorsque MJ reprend la parole et la coupe dans son élan. — Tu l'savais ? Elle pivote et hausse un sourcil, l'interrogeant du regard. — Quand on s'est embrassées chez le père de Dom, tu savais déjà que ça mènerait à rien, pas vrai ? T'étais déjà avec Deandre ? Y a un truc qui se dégage de son amie à cet instant et qui la rend immensément triste. Parce qu'elle connait cette douleur, pour l'avoir subite si souvent avec des hommes. Elle n'aurait jamais cru un jour pouvoir en être responsable chez quelqu'un d'autre. Elle souffle doucement et ferme la porte. Puis, elle revient vers elle, le visage marqué par la fatigue. — Je suis pas avec Deandre, MJ. Qu'elle commence par clarifier. Et ça ne risque plus d'arriver après tout ce qu'il a pu voir d'elle. Elle ne voit pas par quel miracle de la nature il pourrait encore s'intéresser à elle un jour. Elle écarte légèrement les bras et les laisse lentement retomber le long de son corps. — Non, je savais pas MJ. J'aurais pas dû le faire, je sais et j'suis profondément désolée pour ça. Mais je savais pas. J'me disais que j'avais peut-être besoin d'un électrochoc pour réaliser que c'était réciproque. Que, je sais pas... Que si je t'embrassais ça me semblerait tout à coup évident. Parce que je t'aime démesurément. Elle affiche une petite moue désolée. — Et, crois-moi, j'aurais vraiment voulu que ça marche. Mais j't'aime pas comme toi tu m'aimes. Elle baisse les yeux un instant, ça lui fait tellement mal de lui dire tout ça. D'être à l'origine de ses peines de cœur. — Et c'est pas toi le problème. J'aime les hommes, c'est comme ça, j'y peux rien. On choisit pas. Sinon elle l'aurait choisi il y a bien longtemps déjà.

Mais une autre question la taraude. Elle hésite un instant à la poser avant de se lancer. — Y en a eu d'autres ? Elle relève les yeux vers elle, cherche son regard. — Des mecs que t'as fait fuir dans mon dos, y en a eu d'autres ? Il n'y a aucune animosité dans sa voix. Si elle disait oui ça n'aggraverait pas la situation, il serait de toute façon difficile de faire pire que maintenant. Elle veut juste savoir. Combien de fois elle l'a flouée en secret ? A quel point elle a craché sur sa confiance aveugle depuis toutes ces années ?

Cette chorégraphie périlleuse à laquelle MJ se soumet depuis tant d'années est le plus dur à gérer. Entre ses sentiments amoureux et cette amitié qui les unie plus fort que de l'acier. Y a toujours eu conflit d'intérêt. Et maintenant que les secrets sont dévoilés, entre Ali et ses sentiments, elle a l'impression d'avoir trop perdu au change. Elle n'a plus besoin de cacher des sentiments qui la bouffaient de l'intérieur, mais le prix à payer à été trop lourd, trop dur. C'est forcément pour ça que Zaza s'est éloignée. Pour ça qu'elle ne lui même pas dit qu'elle avait quitté le domicile familial. Pour ça qu'elle ne lui confie plus rien. C'est l'histoire typique. MJ n'est pas la première fille lesbienne à tomber amoureuse de sa meilleure amie hétéro. Et qu'est-ce qu'elles font les meilleures amies dans ces cas-là ? Elles s'éloignent irrémédiablement. Alors c'est ce qu'elle lui reproche, MJ, encore plus blessée par cet abandon que par le rejet amoureux. Mais la réponse de Zaza hurlée sans réfléchir, est complètement à côté de la plaque : J'ESSAYE DE FAIRE EN SORTE QUE TU CRÈVES PAS PUTAIN ! Temps mort. MJ a juste une expression de parfaite incompréhension et sort un : Hein ? Réellement paumé tandis que Zaza se reprend instantanément en bafouillant qu'elle raconte n'importe quoi. Elle essaye de comprendre, de se poser des questions, de voir de quoi elle peut bien parler. Est-ce qu'elle croit MJ assez désespérée pour se foutre en l'air de tristesse ? Est-ce qu'elle pense qu'Ali ou Deandre sont assez tarés pour lui faire du mal ? Pourquoi MJ pourrait crever si elle savait qu'elle dormait chez Dom ? Son regard se perd dans le vide et elle n'arrive pas savoir ce qu'elle a voulu dire, car elle a forcément voulu dire quelque chose. Et, par fierté et dans le doute, elle ne trouve qu'une réponse : Mais qu'est-ce que tu crois qui peut m'arriver hein ? Moi j'ai peur de personne ! Et elle lance ça sans savoir ce que ça peut évoquer chez Zaza, de toute façon, elle ne va pas plus loin… sauf en ce qui concerne le mobilier abimé.

La télé aura été la dernière à succomber à la folie destructrice de Zaza, si fragile, toujours au bord du craquage, dans des excès que MJ a du mal à comprendre. Pourtant elle-même est une fille excessive, mais qui a toujours su prendre un genre de recul avec les gens et les situations, pour se protéger. En fait, MJ s'est toujours fait passer en priorité, quitte à abimer le reste. Zaza c'est l'inverse, elle attend que ses émotions ne viennent la bouffer entièrement. Alors forcément elle craque sous la pression. Dépitée, à bout de force, se lamente de tout le monde qui la déteste maintenant que sa pseudo histoire d'amour avec Deandre avortée. Mais MJ reste mauvaise, frustrée que des relations si futiles puissent mettre Zaza hors d'elle. Pourquoi tu fais ça MJ ? Pourquoi tu ramènes toujours tout aux mecs ? Et nous alors ? MJ a soudain la gorge nouée. Toujours ce drôle de numéro d'équilibriste, entre leur amitié que Zaza aurait aimé sauver, et cet amour qui lui a fait beaucoup trop de mal. Et finalement, elle répond, sûre d'elle et amer : Parce que tu les as toujours fait passer avant moi. Peut-être injuste, et peut-être faux. Mais elle l'a toujours vécu comme ça. Elle ne l'a jamais écoutée, toutes ces fois où elle répétait qu'elle devait quitter Ali, et chaque nouvelle grande histoire d'amour était vécue comme le pire des abandons. MJ, sa plus grande histoire d'amour a été à sens unique. Des années à aimer Zaza en silence et enchainer des histoires de passage avec des filles de qui elle refusait de s'attacher. Zaza s'est toujours lancée dans des trucs romanesques qui prenaient beaucoup trop de place et d'énergie. Incompréhension totale. Peut-être que finalement c'est impossible de toute façon, et qu'on ne reste pas amie avec une fille dont on est folle amoureuse.

Ça se vérifie encore quand Zaza est sur le point de partir, parce qu'MJ ne peut retenir cette question qui lui brûle les lèvres. Est-ce que c'était prémédité. Est-ce que Zaza savait à quel point elle lui ferait du mal, en lui laissant entrevoir de l'espoir avant que la vérité ne revienne si brutalement dans sa gueule. Parce que c'est ce qui s'est passé. Ressentir cette absence de désir, ce malaise alors qu'elles se touchent. Un sentiment de rejet atroce auquel MJ ne voudra plus jamais être confrontée. Pourtant elle n'arrive pas à arrêter d'y penser, et si ça se trouve elle n'arrivera jamais à penser à autre chose, quand Zaza sera dans la pièce. Ce genre de honte mêlée à une colère qu'elle n'arrive pas à surmonter. Elle a vécu ça comme la pire des claques, et une humiliation cuisante. Les premiers mots de Zaza apportent un maigre réconfort : Je suis pas avec Deandre, MJ. Mais ça ne dure qu'une seconde, même pas. MJ est soulagée et instantanément sombre à nouveau. Parce qu'elle a ressenti à quel point Deandre semblait s'est pris une tonne de briques après ses mensonges. Y a un truc entre eux. Un truc qu'il n'y aura jamais entre Zaza et elle, et la suite lui confirme cruellement : Non, je savais pas MJ. J'aurais pas dû le faire, je sais et j'suis profondément désolée pour ça. Mais je savais pas. J'me disais que j'avais peut-être besoin d'un électrochoc pour réaliser que c'était réciproque. Que, je sais pas... Que si je t'embrassais ça me semblerait tout à coup évident. Tous ces mots sont comme des lames de rasoirs qu'on tenterait de lui enfoncer dans la gorge et elle serre les dents du plus fort qu'elle peut pour s'interdire de réagir. Bien sûr que Zaza ne savait pas. Évidemment qu'elle ne pensait pas à mal. Et ça fait chier. Ça fait mal. Parce que je t'aime démesurément. Et, crois-moi, j'aurais vraiment voulu que ça marche. Mais j't'aime pas comme toi tu m'aimes. Instantanément MJ se remet à pleurer et ça l'énerve vraiment de le faire alors elle claque sa langue contre son palais et regarde ailleurs en espérant que Zaza saura d'elle-même qu'elle n'a pas intérêt à faire une remarque. En fait, il ne faut même pas qu'elle la regarde avec cet air de pitié, car MJ se sent encore plus humiliée que jamais. Mais ses mots lui arrachent le cœur et le piétinent, parce qu'elle n'a même pas à lui en vouloir. Zaza a raison, on ne choisit pas. MJ n'a pas choisi d'aimer les filles, et Zaza les garçons. Et y a ce côté sans espoir et couru d'avance qui la désespère. Pourtant, elle savait déjà tout ça. Mais c'est comme si elle n'avait jamais voulu faire le deuil de cet amour impossible. Tant que c'était secret, y avait comme un mince espoir, rien qu'une lueur. Au moins, on savait pas. Aujourd'hui le doute n'est plus permis, et ne le sera plus jamais. On a beau s'être répété des choses en boucle, quand on l'entend pour de vrai pour la première fois, c'est comme un coup de massue.

MJ tente comme elle peut de calmer ses émotions qui lui dégoulinent des yeux et qui l'énervent, quand Zaza renchérie. Y en a eu d'autres ? Elle fronce les sourcils, comme agacée parce qu'elle ne sait pas où elle veut en venir et se tourne vers elle. Des mecs que t'as fait fuir dans mon dos, y en a eu d'autres ? Elle soupire un grand coup. Elle pourrait s'énerver comme elle le fait à chaque fois dans ces situations. Balancer que Zaza ne la ferme jamais avec ses mecs et que voilà, encore une preuve qu'elle ne pense qu'à Ali. Ça marche, généralement, pour éluder la question. Mais là, de toute façon MJ est a bout de force, et la situation est tellement désespérée qu'elle se dit que rien ne pourra l'aggraver. Pourtant, c'est dur à dire, même si le silence parle de lui-même pas. Elle se passe les deux mains sur le front et commence à remuer, s'agiter, tourner un peu dans le salon. Et finalement, elle laisse retomber ses bras dans le vide. Ouais. Qu'elle répond dans un souffle, fatiguée de mentir. Espera ! Qu'elle enchaine pour éviter que Zaza ne parte sous le coup de l'énervement et ne lui laisse pas la moindre chance de s'expliquer. Pas comme tu l'crois, et pas pour les raisons que tu crois. J'sais que tu penses que j'ai fait ça à Ali parce que je suis qu'une peste jalouse mais c'est pas le cas. Ali le méritait vraiment, et j'ai fait ça pour te protéger et pas pour t'avoir pour moi toute seule. Un peu de vrai, un peu de faux. Évidemment que sa jalousie avait été satisfaite, bien sûr qu'elle y avait mis toutes ses tripes car elle enrageait que Zaza soit avec lui plutôt qu'elle. Mais l'amie était tout aussi folle de rage contre cet homme qui avait transformé Zaza en espère de fantôme obsédé par lui qui acceptait tout et n'importe quoi. Je m'en fous que tu me crois pas, j'ai la conscience tranquille. Et ouais je regrette toujours pas, et je suis toujours pas désolée pour ça. Elle crèvera avant d'admettre qu'elle a eu des torts dans cette histoire, et jamais elle ne regrettera rien du tout. Sauf peut-être que Zaza ait fini par l'apprendre. Mais ce n'est pas ce que son amie veut entendre, ce n'est pas de ce qu'elle sait déjà qu'elle veut parler. Mais de tout ce qu'MJ a pu lui cacher. Elle le devine, elle n'est pas bête, elle ne s'en tirera pas comme ça. Alors elle pousse une nouvelle expiration éreintée et fait encore quelques pas dans le salon jusqu'au bar qui le sépare de la cuisine où elle espère désespérément trouver de quoi faire passer ces clous qu'elle a l'impression d'avoir dans sa gorge. Elle ne trouve pas son bonheur et tapote du bout des doigts le bar avant de se retourner vers Zaza, pendue à ses lèvres. Des fois j'ai pas aidé à ce que ça marche, je le reconnais. Et peut-être que j'ai poussé un peu fort quelques uns vers la sortie, mais pas comme Ali, pas à ce point si c'est ce qui t'inquiète. Ça n'a pas toujours été de la menace, ça a souvent été des situations un peu manipulées, et des paroles envoyées au bon moment. Le problème c'est que ça a toujours été trop facile, et qu'ils résistaient pas. Les mecs sont des fuyards, et tout ce qui n'ont pas eu assez de couilles pour se battre pour Zaza ne la méritaient pas, de toute façon. Et comme pour prouver ce point, elle ajoute : Dom par exemple… Elle est soulée d'avance de se lancer là-dedans. J'ai rien fait contre vous. J'ai… ok on va pas dire que j'ai été d'un grand soutien pour votre relation quand il était en prison, mais je l'aurais pas sabordé. Et même si j'avais voulu le faire, ça aurait pas marché. Parce que c'était un mec bien pour toi. Ça lui arrache le palais de l'avouer (et elle espère que Zaza n'aura jamais l'occasion de lui répéter qu'elle a dit ça de lui). Dom, c'était sans doute le seul qu'elle n'a pas haït de toutes ses forces. Elle en était jalouse, et c'est d'ailleurs lui qui lui avait fait prendre conscience des sentiments qu'elle avait pour elle. Cette époque lui revient en mémoire, acide dans sa gorge et dans son cœur. Elle secoue un peu la tête, ne parle pas plus en détail de la prison. Car oui, MJ n'a rien fait pour rassurer Dom ou les aider à continuer malgré leurs familles. Elle n'allait quand même pas les aider, mais elle n'a jamais vraiment fait du mal non plus. Et de toute façon, le plus important est qu'elle n'en aurait pas été capable. Et c'est bien là où elle veut en venir, en ajoutant d'un air grave, avec les larmes qui lui remontent légèrement aux yeux, sans qu'elles ne coulent : Si Deandre est aussi un mec bien il t'en voudra pas d'un truc que j'ai fait moi. Sinon c'est que de toute façon t'avais rien à faire avec lui. C'est tout ce que je veux dire. Elle parle vite, et de manière saccadée, comme si elle voulait se dégager de cette conversation au plus vite, et rester sûre d'elle, forte et fière, elle qui ne s'est pourtant jamais sentie aussi à nue.

— Mais qu'est-ce que tu crois qui peut m'arriver hein ? Moi j'ai peur de personne ! C'est bien ça le problème. Zaza hoche nerveusement la tête de gauche à droite, l'air de dire : laisse tomber, insiste pas. Peut-être qu'elle pourrait passer aux aveux. Pour Sean et pour tout ce qu'il s'est passé avec Deandre. La fille morte, l'enterrement, le meurtrier, tout. Mais ça reviendrait à tout poser à plat dans l'idée de repartir sur de meilleures bases. Et elle n'est pas certaine de le vouloir. Ni aujourd'hui, ni jamais peut-être. Le mal qui a été fait est de ceux qu'on ne parvient pas à pardonner, même quand on est Zaza Molina.

— Parce que tu les as toujours fait passer avant moi. Elle plisse le front, mais ça ne dure pas longtemps. Au fond, elle n'est même pas surprise que MJ dise ça. Ne doute pas une seconde qu'elle le pense viscéralement. Qu'elle s'en soit convaincue au fil des années, chaque jour un peu plus. — Y a une différence entre les faire passer avant toi, et ne pas suivre à la lettre toutes tes recommandations MJ. Zaza ne l'a jamais oubliée quand elle était en couple. Elle n'arrêtait pas de la voir, de lui parler, de passer du temps avec elle. Rien qu'avec elle. Elle n'oubliait pas de lui répondre, elle ne disparaissait pas pendant 3 jours, elle ne l'appelait pas uniquement quand ça allait mal. Alors, non, ils ne passaient pas avant elle. Personne n'est jamais passé avant elle. Zaza a juste refusé de faire ce que MJ lui disait. De quitter Ali, notamment. Puisque c'est surtout autour de ça que tout le problème s'articule. Et ça la désespère que MJ ne saisisse pas la nuance. Qu'elle considère si mal leur relation.

Et puis, MJ pose une question délicate. De celles qui font inexorablement mal, quoi qu'on réponde, et même si on y met toutes les précautions du monde. Le genre de question sans happy ending. Rien qu'une vérité trash et cinglante, qui grignote le cœur. Elle essaye de choisir ses mots, de les peser, de rendre tout ça le moins horrible possible. Mais ça ne change rien. MJ finit par pleurer, inévitablement. Et ça lui donne envie de pleurer aussi, empathie à fleur de peau. Et puis, peut-être qu'elle aussi tout ça la rend triste. Elle croise les bras et détourne son regard d'MJ quand celle-ci s'éloigne un peu, probablement fâchée de craquer de la sorte. Elle le sait pertinemment, et malgré tout les ressentiments à son égard elle fait quand même attention à ça. Pour ne pas l'enfoncer, pour limiter l'humiliation qu'elle doit probablement sentir à cet instant. Elle fixe ailleurs, fixe le vide, attend que ça passe. Et ça lui laisse le temps de réfléchir à tout ça et à cette question qui tourne subitement en boucle dans sa tête.

MJ soupire, s'agace, tourne un peu en rond. Elle n'a pas envie de répondre à sa question et ça veut tout dire. Zaza se passe une main sur le visage, dépitée. Elle se sent terriblement conne. Conne d'avoir cru en elle, toutes ces années. Conne de s'être confiée à elle aussi librement, aussi souvent. — Ouais. Ça finit par sortir, mais Zaza ne réagit même pas. Amorphe. C'était trop prévisible. Ça n'empêche pas sa haine envers elle de continuer à grimper lentement, s'étaler, prendre un peu plus de place encore. Comment a-t-elle pu se tromper à ce point sur MJ ? Pendant toutes ces années, sans jamais rien voir ? Ça la sidère. Elle se sent bafouée, trompée.

MJ se précipite pour enchainer avant que Zaza ne réagisse, mais c'est inutile. Zaza n'a pas l'intention de dire quoi que ce soit. Elle demeure juste là, prend appuis contre le canapé, et fixe un point imaginaire devant elle. Elle se contente d'attendre patiemment. — Pas comme tu l'crois, et pas pour les raisons que tu crois. J'sais que tu penses que j'ai fait ça à Ali parce que je suis qu'une peste jalouse mais c'est pas le cas. Ali le méritait vraiment, et j'ai fait ça pour te protéger et pas pour t'avoir pour moi toute seule. Je m'en fous que tu me crois pas, j'ai la conscience tranquille. Et ouais je regrette toujours pas, et je suis toujours pas désolée pour ça. Elle pose une main tremblante sur ses yeux, sentant une certaine tension remonter en flèche sous sa peau. — Ne me parle plus d'Ali, MJ. Plus jamais. Elle n'arrive toujours pas à digérer cette histoire. Peut-être qu'elle n'y arrivera jamais. Elle surenchérit, le ton chargé de reproches acerbes. — Tu n'as pas le droit de décider pour moi ! Pas le droit de faire des trucs dans mon dos quand ça me concerne MOI, MA vie, MON couple ! Elle tourne la tête vers elle, la fusille du regard. C'est quand même effarant qu'elle doive préciser ce genre de choses. C'est quand même la base, putain.

MJ poursuit, bien consciente qu'elle n'a pas vraiment répondu totalement à sa question. — Des fois j'ai pas aidé à ce que ça marche, je le reconnais. Et peut-être que j'ai poussé un peu fort quelques uns vers la sortie, mais pas comme Ali, pas à ce point si c'est ce qui t'inquiète. Zaza échappe un rire nerveux, effarée. Elle laisse sa tête retomber en arrière et fixe le plafond un instant avant de répondre, la voix froide. — Non MJ, ce qui m'inquiète c'est que tu essayes de gérer ma vie dans mon dos depuis toujours. Quel genre d'amie fait ça ? Quelle demande finalement, laissant un regard noir retomber sur elle. C'est tout simplement dégueulasse de faire ça mais MJ ne le réalise même pas. Totalement sereine avec ses agissements. Parce que tant qu'elle est convaincue d'agir pour les bonnes raisons, elle n'a aucune limite, aucune morale. A part la sienne. Et tant pis si les autres ne sont pas d'accord, c'est parce qu'ils ne comprennent pas. Elle n'a jamais su se remettre en question. Jamais.

— Dom par exemple… Elle est soulée d'avance de se lancer là-dedans. J'ai rien fait contre vous. J'ai… ok on va pas dire que j'ai été d'un grand soutien pour votre relation quand il était en prison, mais je l'aurais pas sabordé. Elle freeze. Elle n'entend plus rien du reste de ses paroles, parce que ça n'a plus la moindre importance à cet instant. Elle a comme la sensation d'avoir mis le doigt sur un truc énorme. Ses sourcils se froncent, son front de plisse et ses yeux aussi. Elle tente d'analyser sa phrase, se dit qu'elle a peut-être mal compris le sens de celle-ci. Mais non, y a un truc qui la dérange. Elle le sent, c'est tripale. Elle se redresse, se soucie peu de savoir si elle lui coupe la parole ou non. — Woh, woh, woh, attend un peu. Qu'elle lâche sur un ton légèrement agressif en agitant ses mains devant elle. Elle vient lui faire face, dubitative.

— Comment ça, quand Dom était en prison ? Comment ça, pas d'un grand soutien ? Elle pose un regard insistant sur elle, l'air de dire : plus de bullshit, je veux la vérité. Mais au fond, elle n'est pas certaine de vouloir le savoir précisément.

Y a une différence entre les faire passer avant toi, et ne pas suivre à la lettre toutes tes recommandations MJ. Elle lâche un tss boudeur, avant de répondre, renfrognée : Bah tu devrais, parce que j'ai souvent raison. Là, comme ça, sans la moindre gêne, elle lui balance ça et elle le pense sincèrement. Persuadée d'avoir les idées plus claires que Zaza, chaque fois qu'il s'agit de ses relations toxiques, et faut dire qu'elle les a bien enchaîné. Mais c'est bien le nerf de la guerre, ce que Zaza ne supportera jamais, ne pardonnera jamais. Et quelque part, MJ sait que c'est déjà foutu. Elle ne dépassera jamais ses sentiments pour Zaza, et Zaza ne dépassera jamais sa rancoeur contre MJ. Relation foirée d'avance. MJ n'aurait jamais pensé que ça se passerait de cette manière, mais elle se retrouve bien obligée de revenir sur le douloureux sujet des ex-petits-copains. Ceux qui hantent encore la tête de Zaza. Pourquoi elle pouvait pas juste les oublier ? Passer à autre chose ? Se contenter de l'amitié d'MJ ? La colombienne tente d'avoir un discours suivi, agitée par ces souvenirs qui l'emmerdent, ces questions qui l'emmerdent, et Ali, ouais, Ali qui n'arrêtera jamais de l'emmerder, celui-là. Ne me parle plus d'Ali, MJ. Plus jamais. Elle lâche un petit rire excédé et hausse les sourcils, comme pour attirer son regard et conclure le deal : Vale, moi j'demande que ça. Que ce putain de mec ne revienne plus jamais dans l'une de leurs conversations. Mais Zaza elle en est pas capable, elle a pas pu digérer leur rupture tout comme elle ne digère pas qu'MJ y soit mêlée. Et pour la colombienne, ça ne veut dire qu'une chose : qu'elle regrette cette rupture. Qu'au fond, il lui manque. Et cette pensée lui inspire un profond dégoût. Surtout qu'elle renchérie : Tu n'as pas le droit de décider pour moi ! Pas le droit de faire des trucs dans mon dos quand ça me concerne MOI, MA vie, MON couple ! MJ secoue la tête. Et elle peut pas lâcher là-dessus, elle n'y arrive tout simplement pas, c'est trop lui demander. Elle pourrait se battre à mort juste pour prouver qu'elle avait raison. Parce que la haine qu'elle ressent pour ce type n'a pas de limite et savoir que Zaza l'a aimé, et l'aime encore toujours peut-être, ça la révulse. Y a pas de mot couple qui tienne pour parler d'eux. Y a juste un bourreau et sa victime. Comme si Zaza souffrait du syndrome de Stockholm depuis toute ces années. T'sais quoi, j'aimerais bien t'y voir. J'aimerais bien savoir ce que tu ferais si j'étais raide dingue d'une nana complètement conne qui me traite comme une merde et me fout plus bas que terre. Sans doute qu'elle a une idée toute faite sur la question, mais elle pourra jamais se rendre compte de la détresse que c'est de voir la personne qu'on aime se faire lentement découper en morceau par le vice d'un homme toxique. Zaza a comme été empoisonnée petit à petit, et voir son grand amour ou sa meilleure amie agoniser, ça a de quoi vous rendre folle.

Mais la suite n'est pas plus réjouissante, et fatiguée par cette journée trop chargée en émotion et leur relation éclatée, MJ ne trouve même plus la force de cacher ce qu'elle a passé dix ans de sa vie à cacher. Ouais y en a eu d'autres, évidemment que y en a eu d'autres. Y en a eu plein, la plupart en fait. Parce qu'ils sont tous cons, ils sont tous nocifs. Ils méritaient pas. Et comme pour prouver quelque chose, MJ n'a que Dom comme exemple à donner de son extrême générosité. Lui, elle l'a laissé tranquille. Elle en oublie presque tout ce qu'elle avait préféré taire à l'époque, comme ses visites régulières en prison. C'était parce qu'ils étaient amis, au début. Parce qu'il lui faisait de la peine. C'était pour savoir où en était leur relation ensuite, et si Dom chercherait à la reconquérir une fois dehors. Un peu des deux. Parce que finalement, elle su être son amie uniquement quand Zaza n'entrait plus en jeu. Et dès que le sujet revenait sur le tapis, elle ne pouvait pas s'empêcher d'éluder, de rester vague, de ne pas raconter comment ça se passait vraiment. Elle avait oublié tout ça, ou en tout cas oublié que c'était un problème. Mais vu le regard de Zaza, s'en est un. Woh, woh, woh, attend un peu. Elle comprend à ce moment-là, MJ et part dans un petit rire à bout de nerf en envoyant sa tête en arrière, fatiguée d'avance. Voilà ça r'commence. Elle secoue la tête et cette fois, n'a pas envie de rester en face de la colère de Zaza qu'elle sent déjà naître dans ses yeux qui envoient des éclairs. Elle s'éloigne vers la cuisine et ouvre le frigo pour attraper la bouteille de jus de fruit à l'intérieur. Comment ça, quand Dom était en prison ? Comment ça, pas d'un grand soutien ? Au moins, être planquée derrière la porte ouverte du frigo ça lui permet de cacher ses yeux qui montent vers le ciel. Faut toujours qu'elle en fasse des caisse pour rien du tout. Elle ferme la porte et son regard tombe directement dans celui de Zaza. MJ a l'air froide, et blasée. Je viens juste de te dire que j'ai rien fait contre votre relation. Ne rien faire contre ne signifie pas non plus l'aider. Et elle aurait pu le dire à Zaza, faire passer des messages, apaiser tout ce drame autour d'eux. Mais faut pas non plus trop en demander. Personne ne demande l'amoureux déçu de jouer les entremetteurs entre les deux héros, pas vrai ? Puisqu'elle sent bien que cette réponse ne suffit pas elle boit une gorgée de jus d'orange et puis se rapproche du bar, contre lequel elle pose la bouteille, un peu trop fortement. Je suis allée le voir quelques fois quand il était en prison. Et quand j'disais que j'ai pas été d'un grand soutien, j'veux dire que oui je t'en ai pas parlé et je lui parlais pas de toi non plus là-bas, même s'il essayait d'avoir de tes nouvelles. Voilà, c'est tout. Elle lève les mains en l'air comme si elle subissait un contrôle de police, et puis, insolente elle ajoute : Ça va aller ou tu veux encore ravager mon appartement ? Si c'est le cas, commence par la chambre de Willy, y a plein de trucs qui cassent là-dedans. Elle indique du menton le couloir. Pour dire la vérité, elle en veut encore un peu à Willy de l'avoir laissé seule ces deux derniers jours parce que soit-disant il commençait à en avoir marre de sa mauvaise humeur.

— Bah tu devrais, parce que j'ai souvent raison. Zaza échappe un bref rire incrédule. MJ est tout sauf objective en ce qui concerne ses relations. Si elle l'avait écoutée à chaque fois qu'elle avait évoqué un mec, elle serait toujours vierge, seule et probablement très aigrie. MJ n'aurait jamais rien fait dans son sens. Et elle se demande vraiment quel fut le sens de cette amitié. Elle qui avait placé tellement dedans, qui admirait MJ si ardemment, qui l'avait toujours vu comme une sauveuse, une protectrice. Elle avait l'impression que le rideau s'était subitement levé sur une réalité bien plus laide. MJ et ses griffes agissant dans l'ombre, Zaza pantin qui ne se doute de rien. Quelle ironie. MJ qui se targue de tout faire pour elle, qui condamne les comportements de ces hommes si horribles. Pourtant, aujourd'hui, c'est bien à cause de son comportement à elle qu'elle souffre. Elle ne l'aurait jamais cru si on l'avait mise en garde un jour. Non, MJ me ferait jamais du mal. Qu'elle aurait scandé, sûre d'elle. Quelle désillusion.

Le sujet d'Ali revient sur le tapis mais Zaza ne veut plus parler de lui avec MJ. Ne veut plus l'entendre lui dire à quel point elle ne regrette rien, qu'elle n'est pas désolée, parce qu'elle a bien agit. Alors que c'est faux. Et c'est horriblement frustrant de voir que MJ ne comprendra jamais le problème de son geste. Qu'elle restera à jamais convaincue d'avoir bien fait. Que ça ne fera que la conforter dans le fait que c'est Zaza le problème, parce qu'elle n'est pas capable d'avoir du recul sur les mecs. Alors qu'il ne s'agit pas de ça. — Vale, moi j'demande que ça. Elle n'a pas l'air de comprendre. Elle semble satisfaite de ce choix, croit probablement que Zaza veut juste passer à autre chose, enterrer cette histoire. Mais c'est tout l'inverse.

— T'sais quoi, j'aimerais bien t'y voir. J'aimerais bien savoir ce que tu ferais si j'étais raide dingue d'une nana complètement conne qui me traite comme une merde et me fout plus bas que terre. Zaza ricane nerveusement. Elle et MJ sont radicalement différentes, il est évident qu'elles n'agissent pas de la même manière. Zaza la confronte, un peu mauvaise. Le ton agressif et lourd de reproches et d'accusations non dissimulées. — Oh, je la détesterai très probablement viscéralement, ça c'est clair. Mais j'agirais pas dans ton dos MJ. Je m'occuperais pas de régler ça à ta place, parce que c'est pas mon rôle putain ! Mon rôle c'est d'être à tes côtés, pas d'manipuler ta vie merde. Mais aujourd'hui, elle n'a plus du tout envie d'être à ses côtés. MJ a tout gâché.

Et les choses ne vont pas en s'arrangeant. Le sujet de Dom et de la prison est abordé et elle en oublie presque le fait que MJ en a évincé plus d'un. Ça passe au second plan, alors qu'elle sent ses entrailles faire des siennes, comme un avertissement. MJ perd patience, balance sa tête en arrière dans un mouvement d'humeur. Mais Zaza se fiche bien de ses états d'âmes à cet instant. Il y a visiblement encore un truc qu'elle ignore. Elle la suit un peu quand elle part en direction de la cuisine pour se servir à boire. Ne la lâchant pas du regard. — Je viens juste de te dire que j'ai rien fait contre votre relation. Elle croise les bras, sérieuse et déterminée. Le regard appuyé, elle insiste en silence pour l'inciter à développer ce qu'elle veut dire par-là. MJ tente de garder les informations pour elle mais finit par capituler, et la vérité qui sort a quelque chose d'âpre. Un arrière goût de pourris. — Je suis allée le voir quelques fois quand il était en prison. Et quand j'disais que j'ai pas été d'un grand soutien, j'veux dire que oui je t'en ai pas parlé et je lui parlais pas de toi non plus là-bas, même s'il essayait d'avoir de tes nouvelles. Voilà, c'est tout.

Elle ne s'attendait pas à ça. Elle a eu un léger mouvement de sursaut pendant qu'elle parlait, ses yeux qui se sont arrondis. Et elle la dévisage, estomaquée. MJ évoque la chambre de Willy, mais Zaza n'y fait même pas attention. Elle reste silencieuse, le souffle coupé.

Elle est allée voir Dom en prison. Quand elle n'en avait pas le droit. Quand elle se faisait bouffer par ses parents, manipulée par cette horde de femmes en furie qui lui bourrait le crâne de saloperies. Quand elle pleurait Dom toutes les nuits, sans savoir quoi faire pour arranger la situation, engluée par ses émotions et des évènements qui la dépassaient et qu'elle ne savait pas gérer. Elle aurait pu aider. Elle aurait pu faire le messager dès le début, la soutenir, lui maintenir la tête hors de l'eau, lui donner de sa force pour se lever contre les interdictions de sa famille. Lui dire de rien lâcher, être le soutien dont elle avait besoin. Après tout, elle l'a dit elle-même : Dom en valait le coup.

Pourtant, elle n'a rien fait. Elle n'a rien dit. Elle n'a pas aidé. Elle n'a pas été à ses côtés. Elle n'a pas assuré son rôle. Peut-être que ça n'aurait rien changé, peut-être que Zaza aurait été trop lâche quand même. Mais elle n'a même pas essayé. Pas une seule fois. Une toute petite fois.

Se remémorer cette époque et se dire que tout aurait pu être différent réveille en elle de vieilles plaies qu'elle s'évertue à ignorer la plupart du temps. Quelques larmes glissent en silence, chargées d'un passé qui ne guérira peut-être jamais.

— C'est terminé. Qu'elle souffle tout bas, la gorge trop serrée pour réussir à relever la voix. — C'est la dernière fois que tu te foutais d'ma gueule. Qu'elle ajoute, le ton irrité, la voix un peu tremblante. Pas d'animosité cependant. Juste une profonde et sincère déception. Comme un retour à la réalité trop brutal après avoir fermé les yeux pendant toutes ces années.

Elle pivote et s'éloigne sans un mot, sans un dernier regard. Elle ne veut plus rester dans la même pièce qu'elle, c'est devenu insupportable.

Combien de choses lui cache-t-elle encore ? Combien d'agissements dans l'ombre ? Combien de trucs a-t-elle gâché, caché ? L'impression que toute sa vie auprès d'elle n'a été qu'une imposture. Une vague arnaque. Zaza incapable de voir ce qu'il se passe autour d'elle, aveuglée et naïve, comme tout le temps.

Elle ouvre la porte d'entrée à la volée et la claque puissamment derrière elle avant de récupérer son sac qui traine toujours dans l'entrée. Elle le jette sur son épaule et part.

C'est la dernière fois qu'elle foutait les pieds dans cet immeuble de malheur, elle s'en fait la promesse.

Oh, je la détesterai très probablement viscéralement, ça c'est clair. Mais j'agirais pas dans ton dos MJ. Je m'occuperais pas de régler ça à ta place, parce que c'est pas mon rôle putain ! Mon rôle c'est d'être à tes côtés, pas d'manipuler ta vie merde. MJ fait les gros yeux, et part dans un nouveau rire cynique qui résonne au creux de son cœur. Elle a essayé qu'elle veut hurler. Elle n'a pas tabassé Ali dès la première semaine, dès la première heure. Et pourtant, c'était pas l'envie qui lui manquait. Elle le détestait déjà bien avant qu'il ne sorte avec Zaza. Elle a tenté de lui faire comprendre, elle lui à dit vingt fois, cinquante fois, cent fois peut-être de le quitter. Elle en a tenu des discours en long, en large et en travers de pourquoi c'était pas un mec bien. Mais Zaza refusait de voir. Elle refusait d'entendre. Elle n'a jamais eu les idées claires quand il s'agissait de ce type. Alors elle a bien dû agir, et jamais elle ne regrettera. Parce que son rôle, ce n'est pas d'être au côté de Zaza, non. Son rôle c'est de la sauver, de la protéger. Des mecs souvent, d'elle-même parfois. MJ en est persuadé, personne n'a jamais su l'aimer comme il faut, même Zaza ne s'aime pas elle-même comme il faut. Alors elle a endossé ce rôle, depuis toujours, depuis gamine. Elle a été son défenseur, protecteur, bouclier contre cette vie trop pourrie pour une fille comme Zaza. Et elle ne se doute pas de tout ce qu'elle a fait, de tous les sacrifices, de toutes les fois où elle a tout lâché pour courir à son secours. Tabasser Ali c'était pour elle, parce qu'il le fallait, parce que même si Zaza se pensait folle amoureuse elle souffrait, elle cramait de l'intérieur. Alors non, elle ne regrette pas. Et tant pis si sa meilleure amie ne pourrait jamais comprendre ça. Tant pis si elle est persuadée d'avoir raison dans cette histoire. MJ elle le sait au plus profond d'elle-même : c'est elle qu'a raison. Et tout ce qu'elle trouve à dire, c'est de conclure par un : Bah ouais, claro. Qui coupe fin au débat. Finalement, y en a peut-être jamais eu de débat. Dès la seconde où Zaza a découvert la vérité, elle avait déjà décidé qu'elle comprendrait pas. Elle a même pas essayé.

Les choses s'enveniment d'elle-même, parce que soudainement, Zaza veut tout savoir. Comme si ses petits copains la hantaient encore. Toujours là, putain de goule des ténèbres à l'entrainer vers le fond. Fatiguée MJ va jusqu'à la cuisine pour d'un air blasé. Faut bien se mettre à table. Au moins tout sera révéler. De toute façon, qu'est-ce que ça pourrait bien changer ? Le ton de Zaza veut déjà tout dire. Alors elle balance. Ouais elle est allée voir Dom, bien sûr qu'elle est allée voir Dom. Et si elle avait pas été aussi obnubilée sur à quel point sa vie était horrible et misérable et son histoire d'amour vouée à l'échec, peut-être qu'elle aurait pris deux secondes pour lui demander si c'était le cas. MJ n'avait ni parent, ni personne pour l'empêcher d'aller le voir en prison. Mais ça semble être la révélation de trop, ça se voit dans le regard complètement défait de Zaza. Y a comme un cataclysme dans le regard de la cubaine qu'MJ affronte sans ciller. Le silence qui suit fout le feu à tous ses organes. Parce qu'elle est en colère de cette réaction. Elle est en colère parce qu'elle sait déjà ce que Zaza se dit. Alors Dom aussi c'était sa faute. Bah oui, bien sûr, c'est sa faute, s'agirait pas de s'en vouloir à elle-même, ou à sa famille. Bien sûr que c'est plus facile d'en vouloir à MJ. Elle soutient son regard, un rictus mauvais sur les lèvres, sans la moindre empathie devant l'éboulement qui se passe sous ses yeux. On dirait que Zaza vient de se prendre un train en pleine face. Tant mieux, qu'elle se dit sur le coup MJ. Qu'elle se fasse écraser en rentrant chez elle. Bon débarras. La colère la rend toujours aussi excessive. Excessivement rancunière. Car l'intransigeance de Zaza la dépasse complètement. Elle se sent trahie et abandonnée à ce moment précis. Alors ce n'est pas vraiment un choc quand elle entend les mots sans appel de sa meilleure amie.

C'est terminé. Un rire froid et sec s'échappe des lèvres charnues d'MJ, qui répond du tac au tac. Oh, parce que c'était pas déjà le cas ? Elle ne compte bien sûr pas s'excuser - manquerait plus que ça. Elle ne compte rien faire d'autre que de lui offrir une avalanche d'une insolence qui pue l'injustice. Cette putain d'injustice que tout a été toujours si facile pour les autres, et si compliqué pour elle. Ali avait beau trahir, elle pardonnait. Sa famille a détruit sa relation avec Dom, mais c'est MJ qu'elle retiendra comme ultime coupable de l'ombre. De toute façon, c'était terminé y a longtemps. C'était terminé à la seconde où elle a tout avoué pour Ali. Elle sent Zaza la quitter entière, l'abandonner. Sans la moindre reconnaissance de tout ce qu'elle a été pour elle toutes ses années. Comme si finalement, elle cherchait une bonne raison depuis tout ce temps. Pas une nouveauté, MJ n'a fait qu'être abandonnée toute sa vie. Trimballée, balancée, refilée. À droite, à gauche. Pas grave. Pas de problème, elle survivra. Et pourtant, tous ses organes qui étaient en feu l'instant d'avant semblent soudain avoir quitté son corps. C'est la dernière fois que tu te foutais d'ma gueule. Ajoute Zaza d'une voix las. Et c'est peut-être le plus compliqué. La colère, ça se gère. L'indifférence l'a toujours rendue folle.

Zaza s'éloigne, et MJ se sent toujours aussi vidée de toute forme de vie à l'intérieur. Y a qu'une rage grésillante qui pollue l'intérieur de son enveloppe. Et chaque pas que Zaza fait vers la sortie est comme un coup de jus directement dans ses os. Elle ne peut pas le retenir alors, le cri du cœur qu'elle lance, juste avant que la porte ne se claque : C'EST ÇA, BARRE-TOI ! Comme si ça lui faisait reprendre le contrôle de la situation. Comme si c'était elle qui avait décidé de tout ça. Peut-être bien, dans le fond. Peut-être qu'elle aura sabordé cette relation là-aussi, d'une certaine manière. Elle aurait pu mentir, ne rien dire. Ni pour Ali, ni pour ses sentiments, ni pour Deandre, ni pour Dom, ni pour tous les autres. Elle allant raconter des salades aux voisins, elle savait bien que ça péterait. Peut-être qu'elle s'attendait à ce que ça se tordre. Peut-être qu'elle pensait pas que ça casserait. Peut-être qu'elle n'a jamais pensé que cette amitié pouvait brisé.

Le silence qui suit est interminable. Et MJ reste juste là, à fixer la porte, un bon moment. La mâchoire tellement contractée que ça fait mal, les yeux rougis de ne pas cligner. Elle a envie d'exploser.

L'heure d'après elle est affalée si le canapé, les jambes écartées et le regard vide. Elle n'a toujours pas réussi à mettre de l'ordre dans sa tête (ni dans l'appartement). Tout semble incroyablement vide, comme si elle se trouvait dans un genre de dimension parallèle. La porte s'ouvre alors.

Oh pu…tain. Articule lentement Pip qui revient de sa journée de taf. MJ n'a pas bougé d'un pouce. Euh… tu m'expliques là ? Qu'il demande d'une voix sèche en faisant tomber son sac à dos sur le sol. MJ soupire bruyamment, et répond, comme une adolescente : C'EST BON ÇA VA LÀ ? Tu vas pas me faire chier toi aussi ! Putain ! Tu vois pas que j'ai eu une journée de mierda ? Pip hausse les sourcils et un petit sourire en coin étire sa joue, un sourire qui veut le convaincre de ne surtout, surtout pas chercher à comprendre et qu'il n'a vraiment pas envie de se lancer là-dedans. Alors il reprend son sac à dos qu'il lance sur une épaule. T'as plutôt intérêt à arranger tout ça fissa. J'te rappelle que t'es chez moi ici. Et Pip il ne rappelle ça que quand il est vraiment énervé. Il disparait dans le couloir jusqu'à sa chambre et MJ, l'air mauvais, attend d'entendre la porte claquer avant de donner un grand coup de pied dans la table basse devant elle, qui la renverse. Et merde, la télécommande aussi est pétée.

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