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 regards croisés.

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Deandre Parker
Deandre Parker

Feuille de personnage
regards croisés.  13e8298d6b883321e666c4befa8543c3 : Voix graveleuse, mains veineuses, quelque chose en V pour compléter l'allitération.
DEDEEEE, il est où dédé ???
bolossage du staff : regards croisés.  Original
Messages : 1243
pseudo : Snegurochka
crédits : miserunt (av) + vocivus (icons) + pinterest (img)
but i am not hercules,
not even a distant relative.

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Points : 127
avatar : Dimitri Simms (Meechy Darko)
âge : Vingt-huit ans.
statut : Désillusionné.
quartier : MexicanTown. Les trois verrous de la porte sont plus dissuasifs que le dobermann de Dom.
https://crocodilegames.forumactif.com/t1002-deandre-parker https://crocodilegames.forumactif.com/t1001-deandre-parker https://crocodilegames.forumactif.com/t998-stop-actin-like-a-bitch-already-be-a-visionary

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MessageSujet: regards croisés.    regards croisés.  EmptyVen 29 Mai - 18:15


Premier regard.

Il n’y a pas de dialogue. Seulement une musique trépidante qui accompagne les voitures dans les rues pixelisées. L’une d’entre elles se retourne et fait crisser ses roues, avant de semer sa poursuivante au détour d’un virage. Deandre s’est figé, assis en tailleur devant l’écran de télévision, les yeux écarquillés comme s’il attendait le dernier rebondissement d’un film d’action. Mais il n’y a rien de plus. Rien d’autre que Grand Theft Auto qui étale sa promesse à l’écran, celle de retrouver les belles voitures et les belles cascades contre une modique somme d’argent.

Ce n’est pas la première fois qu’il le réclame, mais il le fait cette fois sur un ton particulièrement plaintif.

« Je veux une game-boy. »

Le silence est le premier à lui répondre, chargé d’un refus qu’il devine déjà. Son beau père passe la tête par la porte, jette un regard à l’écran de télévision. Il a cette façon de dire non, Darnell, avec un sourire complice qui endigue les pires caprices. Ce n’est pas comme Kisha qui impose son rejet sans autre forme de procès, catégorique, prête à débattre un peu mais seulement pour mieux écraser.

Darnell sourit. Il a les mains occupées, une écharpe entre les doigts. Derrière lui sa femme s’agite, pousse un geignement un peu rauque.

« On en a déjà parlé, Deandre. Tu es trop jeune pour ça. »

Une moue glisse sur le visage juvénile, accompagnée de sourcils froncés. Lorsqu’elle voit cette tête, sa mère lui dit généralement qu’il ressemble à son grand-père et que, comme lui, il va finir ridé et flétri comme une petite pomme blette. Elle lui cale alors les pouces à la commissure des lèvres, et elle force un sourire pendant qu’il fronce impossiblement plus les sourcils. Cette mine renfrognée, trop adulte sur un enfant, la fait finalement pouffer. Et c’est là qu’il craque, sourit vraiment, récolte une caresse affectueuse sur le crâne.

« Terrence il en a une. »

La voix de sa mère lui parvient du hall d’entrée, étouffée et un peu tendue.

« Terrence est trop gâté. J’ai dit à Yolanda qu’elle lui faisait passer trop de choses, à ce garçon… Darnell, il faut vraiment qu’on y aille, les contractions se rapprochent. »

Darnell hoche gravement la tête. Il entre dans le salon, s’empare du gamin sous les aisselles et le soulève comme s’il ne pesait rien. Deandre bat des jambes dans le vide, mais il ne se tortille pas vraiment, niche son nez au creux du cou de son beau-père. Ses yeux sont toujours rivés sur l’écran de télévision. Les publicités sont passées à autre chose, mais il a encore Grand Theft Auto et ses collisions de voiture en tête.

« Allez viens. On reparlera de tout ça plus tard. Tu vas rencontrer ta petite soeur, aujourd’hui. T’es pas content ? »

GRAND THEFT AUTO crie son esprit alors qu’il se renfrogne, niche un peu plus son menton contre la peau. Darnell rit - un petit ronronnement indulgent qui vibre contre le nez du gamin capricieux.

« Tu verras, tu changeras d’avis lorsque tu l’auras vue. » L’homme enroule du mieux qu’il peut l’écharpe rayée autour du cou de l’enfant, avant de tendre le bras à sa femme. Kisha a les mains crispées sur son ventre rond. Elle cherche à donner un rythme à sa respiration, la bouche entrouverte. Un petit œil glisse dans sa direction, toujours un peu boudeur, chargé d’anxiété. Deandre se cache à nouveau contre le cou de son beau-père. La vision de sa mère en train de souffrir l’a effarouché, et il ne sait pas comment manifester sa gêne, son désir qu’elle aille mieux.

Alors il se tait et met sa ceinture de sécurité lorsque Darnell lui jette un coup d’oeil entendu dans le rétroviseur. Leur petite voiture vrombit dans les ruelles glacées de Baltimore. On est loin de toute la trépidation de Grand Theft Auto - cette réalité là n’est pas pixelisée. Sur le siège devant lui, sa mère halète et pousse des petits gémissements de plus en plus douloureux. Darnell lui jette des coups d’oeil inquiets et lui murmure des mots d’encouragement.

À leur droite, une bicyclette rouge vif file, s’arrête au même feu qu’eux. Deandre se plaque contre la vitre, le nez collé à Terrence qui se penche pour le saluer. C’est vrai qu’il est gâté. Maintenant qu’il sait pédaler, il se balade tous les jours en bicyclette dans le quartier, et rit lorsque sa mère le poursuit avec le casque qu’il est censé porter.

La voix de Terrence est étouffée par le verre qui les sépare.

« Vous allez où ?
- L’hôpital ! » Deandre enfonce un doigt dans son propre estomac, comme s’il tentait de percer un ballon de baudruche. « Elle va se vider ! »

Sa mère pousse un grondement qui le rappelle aussitôt à l’ordre.

« Fais attention à ce que tu dis, Dre, je te préviens ! J’ai peut-être très mal mais je peux encore te tirer les oreilles si j’veux ! »

Le gamin esquisse un sourire un peu penaud, avant de glisser dans son siège. Il adresse un signe de la main à Terrence qui s’éloigne et accorde son attention aux vitrines qui défilent, à l’extérieur. Celle de la boucherie est particulièrement pimpante. Il se colle de nouveau à la fenêtre lorsqu’ils la dépassent, dans l’espoir d’apercevoir un de ces grands couteaux.

Mais ils vont trop vite.

L’hôpital l’intimide. Tout y est trop grand, trop blanc, trop propre. Les infirmières qui le croisent lui envoient des sourires auxquels il ne répond pas vraiment, la main au creux de celle de sa mère. Il a décidé qu’il allait l’aider à marcher, en sortant de la voiture, parce que ça a l’air difficile et qu’il veut avoir l’air d’un grand garçon. Kisha joue le jeu, s’appuie parfois sur son épaule. Deandre renonce à protester lorsque les médecins viennent finalement l’asseoir sur un fauteuil roulant, et il se contente de poser une main sur le dossier, juste à côté de la femme qui le pousse, pour se donner l’illusion qu’il imprime aussi le mouvement vers l’avant.

Lorsqu’ils atteignent la chambre dans laquelle Kisha va accoucher, les adultes l’arrêtent et palabrent entre eux. Sa mère lui offre son meilleur sourire rassurant avant de disparaître au milieu d’un essaim de docteurs. Darnell se penche finalement vers lui, met une main sur son épaule et le guide dans le couloir, jusqu’à une chaise en plastique sur laquelle il l’assied.

« Je sais que tu es un grand garçon, mais il n’y a que les adultes qui peuvent entrer dans la pièce pendant l’accouchement. Cette gentille dame a une surprise pour t’occuper. »

L’infirmière en question lui adresse un autre sourire radieux - tous ces sourires commencent à le rendre soupçonneux - avant de disparaître dans une pièce. Elle en ressort quelques minutes plus tard avec un objet qu’elle lui tend, et dont il se saisit avec méfiance.

C’est une game-boy.
Un grand sourire lui illumine la figure.

« Il y a Grand Theft Auto dessus ?
- Non, mais il y a Street Racer. Tu verras, c’est presque exactement la même chose. »

Darnell allume la console pour lui et sélectionne le jeu, les doigts un peu tremblants. Il jette des regards intermittents en direction de la pièce dans laquelle il a laissé sa femme.

Et pourtant, il ne perd pas son aplomb.

« Voilà, tu peux essayer de jouer. Tu vas voir, c’est sûrement un peu difficile pour toi, parce que tu es trop petit. Mais puisque tu veux tellement essayer… Ça restera entre toi et moi, n’est-ce pas ? Pas un mot à maman. » Ils crochètent leurs petits doigts pour sceller la promesse. Deandre est bientôt complètement absorbé par son jeu vidéo.

Darnell n’a pas menti. Il est trop jeune pour vraiment saisir les commandes, et le GAME OVER le nargue plus d’une fois lorsqu’il précipite sa voiture fantaisiste dans le décor.

Il est aussi déconcentré par la porte close devant lui, et la tension qui émane de la pièce fermée. On entend des bruits - des petits cris douloureux, des encouragements, des halètements précipités.

Elle a intérêt à valoir le coup, la petite sœur.

Il a difficilement gagné sa première course de voitures lorsque la porte s’ouvre en grand et qu’une infirmière sort en se débarrassant de sa paire de gants. Deandre manque de faire tomber la console par terre lorsqu’il se lève, les yeux écarquillés, et se hisse sur la pointe des pieds pour tenter de mieux voir à l’intérieur.

« Deandre, tu peux venir ! » Sa mère a la voix usée, rauque. Deandre se précipite dans la pièce, s’arrête aux côtés du lit. Kisha lui intime d’approcher et passe une main affectueuse dans ses cheveux. Sa propre chevelure, d’ordinaire excessivement bien ordonnée, tombe en mèches éparses sur l’oreiller blanc. Malgré la sueur qui brille encore entre ses clavicules et la fatigue qui lui tire les traits, on devine un grand bonheur dans ses yeux, sur son sourire. Elle attire Deandre encore plus près et dépose un baiser fiévreux sur son front, comme si l’accouchement avait exalté son instinct maternel. «  T’es grand frère, Dre ! Tu te rends compte ? Tu te rappelles de ce qu’on a dit ? Elle va être la prunelle de tes yeux. Vous allez être meilleurs amis, comme moi et ton oncle Anthony. »

L’oncle Anthony.
Celui qu’elle a adoré, étant petite, et qu’elle a perdu depuis qu’il lui a préféré le crack.
Kisha reporte cette perte sur son fils. Elle veut que la fratrie soit soudée, que jamais la petite soeur ne ressente cette fêlure, cette séparation causée par l’âge et une mauvaise décision.

De l’autre côté du lit, dans un berceau, le nouveau-né se met à hurler. Il est entouré de médecins qui l’auscultent patiemment. Deandre ne voit qu’une sorte de chiffon blanc qui remue. Les trois paires d’yeux de la famille sont rivés sur cette espèce de manège autour d’un fantôme gigotant.

La sage femme se redresse finalement et se frotte les mains. « Tout va bien pour elle. Vous pouvez l’approcher sans la brusquer avec le grand garçon. »

C’est Darnell qui le guide, présence sempiternelle dans son dos. Il l’arrête juste à côté du berceau, se penche au-dessus de son épaule et désigne l’évidence du bout du doigt.

« Deandre, voici Tianna. »

Tianna a deux grands yeux écarquillés qui reflètent ceux de son grand-frère. Elle a cessé de hurler et joue avec sa bouche, dans laquelle elle tente de fourrer un poing minuscule. On l’a nettoyée, mais son teint est encore un peu rougeaud, violacé.

Leurs yeux se rencontrent. Darnell trace des ronds rassurants dans son dos, un sourire irrépressible sur les lèvres.

« Maman, comment tu-veux qu’elle soit mes prunelles… »

Deandre pince les lèvres et plaque ses petits poings contre ses hanches.

« Alors qu’elle en a pas, elle, de prunelles ? Elle a les yeux tout noirs ! »

Un rire nerveux éclate dans la pièce, fait redescendre toute la tension que l’accouchement avait accumulé dans l’air. Deandre sent lui-même qu’il s’est détendu. Avoir une petite soeur, ce n’était finalement pas si terrible que ça. Et puis en plus, il a pu jouer à la game-boy.

Tianna esquisse une sorte de grimace qu’un optimiste qualifierait de sourire.
Les deux enfants restent plongés les yeux dans les yeux quelques instants de plus, comme s’ils tentaient de nouer un lien entre leurs iris.
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Deandre Parker
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MessageSujet: Re: regards croisés.    regards croisés.  EmptyVen 29 Mai - 18:25


Dernier regard.

Il était encore épuisé il y a une heure de cela. Le genre de fatigue qui s’insinue jusque dans l’os et abat la carcasse contre le matelas, la maintient là jusqu’à ce que le repos ait été arraché à la nuit.

Il ne ressent plus de fatigue. Son esprit est lucide, trop. Les contours de tout ce qu’il regarde sont presque coupants. Et il ne supporte pas ces mots, ce ton faussement enjoué qui émane de la radio. Les deux présentateurs débattent sur le réchauffement climatique. Le plus bruyant des deux est un sceptique, et il tourne tous les arguments de l’autre à la dérision en s’esclaffant trop fort.

Il fait chaud, sur ce parking.
Le matin se lève à peine qu’il fait déjà une chaleur insoutenable, le genre de brasier ardent qui n’est balayé par aucun vent, par aucun souffle. Il remue seul l’air lorsqu’il lève la main, actionne la clé qui va éteindre la voiture et couper la chique aux deux duellistes.

Dès qu’il le fait, les mots lui reviennent à l’esprit, hurlants. Ils l’abattent et le rivent sur place. Dans sa voiture. Sur le parking.

Deandre, il faut que tu viennes tout de suite. C’est Tianna, elle a eu un accident.
Non, on ne sait pas… Ils ont dit qu’elle était au volant et que…


Deandre, la portière ne grince pas lorsqu’il l’ouvre, remue les derniers relents de la nuit. Il faut que tu viennes tout de suite.

C’est Tianna. La portière claque. Il est debout, mais il a la sensation de flotter ailleurs, dans un autre monde. Peut-être le dernier rêve qu’il a fait. Cette réalité n’existe pas. Il ne peut pas la concevoir. Elle a eu un accident.

Elle est…
L’infirmière a dit qu’elle est morte sur le coup. Qu’elle n’a rien senti.


C’était la voix de Darnell. Il y avait eu un mouvement, au niveau du téléphone. Un hurlement étranglé lorsque Kisha avait tenté d’expliquer. C’était Darnell. Calme, comme toujours. Comme s’il cherchait à les apaiser tous les deux. Comme s’il allait le guider, une nouvelle fois, dans la bonne direction. Pour lui montrer Tianna.

Il doit se forcer à bouger en direction du bâtiment blanc, grand, familier. Tout est trop banal, dans l’hôpital. Les gens fourmillent à l’intérieur. Une fillette passe sous son nez, le bras en bandeau, tandis qu’un vieillard pousse son fauteuil roulant pour éviter de lui rentrer dedans. Les gens ont l’air indifférents. Comme si tout était normal. Comme si ce n’était pas la fin du monde.

La fin de son monde.

Deandre, il faut que tu viennes tout de suite.

La secrétaire assise derrière le comptoir est en train de répondre au téléphone. Elle arrête de parler lorsqu’elle lève les yeux jusqu’à sa figure, bouche le combiné du bout des doigts.

« Monsieur, tout va bien ? »

Non.
On m’a dit de venir.
On m’a dit que ma soeur est morte dans un accident de voiture.

« Je suis là pour Tianna Parker. »

Un instant, le temps que la réalisation atteigne la figure de son interlocutrice. Tout son visage se froisse, et elle repose définitivement le téléphone. Elle a dû la voir passer, Tianna, tout à l’heure. Sur le brancard.

Elle est morte sur le coup.
C’est ce qu’on dit lorsqu’on veut consoler la famille, non ?

« Je suis infiniment désolée pour la perte que vous venez de subir. Vos parents vous attendent dans l’aile B5, au rez-de-chaussée. »

C’est un écho. Comme les deux commentateurs, sur le parking. Un écho qui sort d’un songe. La voix désincarnée d’un cauchemar.

La secrétaire tend une main hésitante lorsqu'elle remarque qu’il reste immobile, les yeux perdus dans le vide.

« Ça va aller ? Vous voulez qu’une infirmière vous y emmène ? »

Deandre, il faut que tu viennes tout de suite.

Dénégation violente du menton. Il recule d’un pas comme pour se détacher de toute cette compassion - pourquoi de la compassion, ce n’est pas vrai de toute façon, Tianna n’est pas morte, ce n’est pas la peine de le prendre en pitié, et même si elle était morte c’est elle qu’il faudrait prendre en pitié parce que, parce que…

Parce que Deandre, tu pourrais venir me chercher ?
Je me sens pas bien, s’il-te-plaît…
Je voudrais rentrer à la maison.


L’aile B5 n’est peuplée d’aucun patient. Il traverse l’hôpital - contourne les mêmes fillettes aux bras cassés, les mêmes vieillards en fauteuil roulant.

L’aile B5 n’est peuplée que de fantômes.

Ses parents sont dans le couloir. Ils ne forment qu’un.
Kisha s’est effondrée dans les bras de Darnell, qui la tient comme si elle allait tomber en mille morceaux s’il ne serre pas assez fort. Ses sanglots sont entrecoupés de cris qu’on pourrait arracher à quelqu’un de mortellement blessé. Elle a les cheveux épars, comme si elle ne les avait pas coiffés après s’être réveillée.

Elle remarque qu’il est là presque instinctivement, sans qu’il n’ait eu à faire de bruit.

« Dre… Dre… » On dirait qu’elle veut en dire plus, mais elle n’y parvient pas. Elle se détache presque férocement de Darnell pour approcher son fils, caresser sa figure, passer une main dans ses cheveux. Elle a l’air moins effondrée, tout à coup, comme si elle s’attendait à remplir le rôle du roc à son tour. « Dre, tu es venu… Je… On l’a identifiée… Il est trop tard… Il est trop tard. Ils n’ont rien pu faire. Elle est partie. Elle est partie, Deandre. »

Il n’y a que la voix de sa mère qui ne soit pas un écho. Mais lui n’a plus la sensation d’exister.
Il est peut-être mort, lui-aussi, entre deux des sanglots qu’elle a poussé. Il est peut-être mort avant ça, lorsqu’il ne savait pas encore ce qui s’était passé. Il est peut-être mort lorsqu’il a refusé de venir la chercher, à cinq heures du matin. Il est peut-être mort lorsque son coeur a cessé de battre, seule, dans sa voiture.

Elle est morte.
Il est mort.

« Il faut que je la vois… Maman, il faut que je la vois. »

Kisha lève les yeux et secoue la tête, mais elle ne parvient pas à en dire plus. C’est Darnell qui approche, pose une main sur son épaule.

« Tu es sûr ? Elle n’est pas… Elle n’est pas comme avant, Deandre. Ils ne l’ont pas encore préparée. Pour l’enterrement. »

On va enterrer Tianna.
Mais on ne devrait pas enterrer Tianna. Tianna devrait être à la maison. Elle devrait être en train de dormir dans son lit, de récupérer parce qu’elle a trop bu. Il est bientôt huit heures du matin. Elle va se réveiller, et elle va lui envoyer un message pour s’excuser de l’avoir dérangé et le remercier d’être venu la chercher.

Il hoche la tête. Un infirmier qui était là depuis le début - il ne l’avait même pas remarqué - lui ouvre la porte avec un air soucieux. C’est à peine si sa mère accepte de le lâcher, les doigts encore serrés autour de son poignet lorsqu’il fait le premier pas dans la chambre mortuaire.

Elle est allongée sur une de ces tables d’autopsie en métal. Pas dans son lit.
Et elle a les yeux clos.
C’est Tianna.
Mais ce n’est pas Tianna.
La Tianna qu’il connaît est en vie.

Son regard ne dure pas longtemps. Les larmes rongent sa vision immédiatement. Elles étaient absentes jusque là, refoulées par le choc. Et elles se déversent d’un seul coup, l’empêchent de mieux regarder le corps, de mieux observer la mort. Elles sont une étrange bénédiction, un répit dans la tourmente qui est en train de le déchirer, qui l’empêche de se faire plus encore souffrir. Le cri qui lui échappe est semblable à celui de sa mère, comme si on venait de mortellement le blesser.

Elle est là, tout à coup, Kisha. Darnell aussi. Ils le tirent en arrière, hors de la salle, murmurent des mots rassurants, incohérents, entre leurs propres larmes. Ils l’entourent. Darnell l’empêche de tomber, Kisha passe une main inlassable dans ses cheveux. Deandre, respire.

Il faut que tu viennes tout de suite.
Deandre, est-ce que tu peux venir ?

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