soyez bénis. (raisa)

(cette partie est obligatoire, vous devez remplir au moins 7 anecdotes, mais vous pouvez en faire autant que vous voulez si vous êtes inspiré)

01_ il fait frais. les vitraux donnent une atmosphère particulière à l'église. c'est beau, c'est paisible. kaléidoscope qui s'accrochent aux mirettes ébahies. raisa, elle n'y croit plus vraiment à dieu, mais elle continue d'y aller avec son chapelet. c'est le seul endroit où elle arrive à réfléchir calmement, les doigts s'emmêlant aux petites boules du bijou. et au fond, raisa se consume, raisa enrage, parce que raisa déteste ce que représente l'église et l'importance qu'elle a dans sa vie. le prêtre vient la trouver. n'oublies pas de venir avec arthur et monica dimanche. elle hoche la tête, pense plutôt crever. pourtant, dimanche, elle viendra. et dimanche, ils chanteront tous ensemble à la gloire du seigneur.

02_ je ne suis pas normale, elle pense, nichée sous la couette. elle la repousse légèrement, juste pour faire dépasser le bout de son nez. et elle jette un regard noir à son ordinateur. c'est là-dessus que raisa fait sa scolarité depuis aussi loin qu'elle s'en souvienne. mais les sites qu'elle peut consulter sont limités. papa et maman sont persuadés que les écoles normales donnent de fausses informations et tendent à dériver les enfants du droit chemin ; à force d'aller à l'école, les enfants croient de moins en moins à dieu. alors maman, femme au foyer, donne des cours à raisa et fait toujours très attention à ses recherches en rapport avec ses devoirs. raisa n'est pas bête, raisa a tout le savoir qu'elle est censée avoir, mais raisa manque de liens sociaux. raisa ne voudrait qu'une chose : aller à l'école.

03_ papa et maman ne doivent jamais savoir. le téléphone portable comme allié, raisa appuie sur l'icône d'instagram. son cœur bat la chamade. combien de likes aujourd'hui? combien de commentaires? est-ce qu'ils aiment ses dernières photos? un sourire dévore son visage ; elle s'enferme dans sa chambre pour que papa et maman ne posent pas de questions.
poetry trop belle.  
julie421 tu l'as eu où ton haut? il est trop cool.    et tes lunettes j'en parle pas.  
sa dernière photo a eu du succès. raisa continue de regarder les commentaires, passe dans ses messages privés. aucune marque ne l'a contacté ; elle a envie de pester. elle retourne sur les commentaires.
paulito en vrai elle est pas si belle que ça.
les sourcils se froncent, le cœur se serre. des haters, il y en a partout, elle se rassure. mais dans ses opales les larmes affluent déjà.

04_ les voisins nous détestent, marmonne raisa pendant le repas.
mais non, ils ne nous ont jamais parlé, répond papa de sa voix grave. dieu n'est qu'amour, et ils sont croyants. je le sais, je les ai vus à l'église. on a parlé un peu avec monsieur meyers mais il est parti rapidement.
c'est vrai? demande maman.
bien sûr, pourquoi? répond papa, interloqué.
maman a l'air déçue, perturbée.
ils ne me parlent jamais. même quand je leur dit bonjour, ils ne répondent pas.
le silence retombe. tout le monde pense la même chose : raisa a raison. et tout le monde sait pourquoi mais personne ne met de mots dessus : c'est un quartier essentiellement constitué d'afro-américains, et raisa est métissée quand sa mère (monica) est blanche. le racisme n'a toujours pas fini d'exister.
dieu n'est qu'amour, mon cul, pense raisa. mais jamais elle ne le dira.

05_ le diable s'habille en prada. une fois, raisa a pu la rencontre. elle, la personne à la tête des témoins de jéhovah de détroit. elle était belle, une chevelure flamboyante qui a fait rêver raisa pendant quelques semaines. un manteau chic sur les épaules, une prestance certaine, la cheffe donnait sans aucun doute envie d'adhérer à ses idées pour avoir l'occasion d'être caressé par ses opales céruléennes.
elle avait ce charme particulier qu'ont parfois les dépravées qui sortent dans les rues tard le soir et qui susurrent, sirènes affamées, les mots tant espérés.
et raisa ne s'était pas trompée. elle a vu ses lèvres s'attarder sur le minois de papa. papa, c'est sans doute pas le seul à être tombé entre ses griffes. et il y a d'autres choses qui hantent raisa, imprimés sur sa rétine, qu'elle a vu et qu'elle n'aurait pas dû.
elle est presque sûre d'avoir vu la cheffe sourire quand le choc a tatoué le palpitant de la gamine kane. comme si elle avait voulu que raisa découvre ses plus sombres secrets et qu'elle les rejette.
comme si elle avait des plans plus grands pour cette gamine solaire et réfractaire.
à moins que raisa n'ait fait qu'imaginer tout ça.

06_ mélodies célestes. les seules musiques que raisa apprécie, ce sont les chants lyriques. les murmures et les vocalises des moines ou du clergé. les chants religieux qui font germer la joie dans les palpitants des fidèles rassemblés. les kane sont adeptes du gospel, une des rares mélodies à s'élever dans la maison décrépie. alors sur le baladeur de raisa, pas de pop, pas de rock, mais que des mélopées venues tout droit du cœur pour un divin qui ne les entendra peut-être jamais. le seul autre "genre" qu'elle accepte, ce sont les musiques issues des jeux vidéos comme the witcher qui rendent chacun de ses gestes épiques. c'est limite si raisa ne marche pas en slow motion quand elle a des écouteurs dans les oreilles, les poings serrés prête à en découdre avec des monstres imaginaires.

07_ raisa n'est qu'une gamine dans le corps d'une presque-adulte. et pourtant, elle prend ses poses sensuelles et lascives devant l'appareil photo. elle maquille ses lèvres d'un rouge carmin, fait ressortir le gris de ses yeux. pour instagram, raisa serait presque capable de tout. comme d'imposer une relation de couple à un garçon qu'elle aime bien, juste pour plaire à ses abonnés (et peut-être un peu parce qu'elle aimerait que ce soit vrai). raisa a souvent des réactions étranges dues à une sociabilisation désaxée. elle a pas eu l'occasion, raisa, de faire ses armes comme tout le monde pendant l'école primaire, le collège et le lycée. alors elle se heurte aux normes sociétales et elle peine à comprendre pourquoi nino le prend mal. le harcèlement n'est pas bien loin quand elle envoie dix messages à la suite à son copain virtuel pour qu'il accepte de faire d'autres photos qui enflammeront instagram. elle sait pas, raisa, que ça se fait pas. elle sait rien, raisa, comme jon snow. et ça la tue. tout ce qu'elle veut raisa, c'est qu'on reste avec elle, qu'on l'abandonne jamais, et d'avoir des repères. raisa, elle rêve d'avoir une personne à qui elle pourra tout raconter, même ses pires pensées.
pour l'instant, il n'y a que dieu pour l'aider. même si elle est persuadée qu'il n'existe pas, elle lui avoue tout ce qu'elle fait. parce qu'en parler à dieu, c'est toujours mieux que de tout garder dans son coeur fermé.