lose ourselves (samay)

C’était dingue la vitesse à laquelle on s’habituait aux bonnes choses. Tu commençais tout juste à te faire à la présence chaleureuse de JJ dans ton lit et voilà que tu te retrouvais à nouveau seule. Complètement seule. Et tu détestais ça finalement, retrouver tes draps froids le soir quand tu t’y glissais et te réveiller dans le noir sans entendre sa respiration te bercer. Oui, tu avais à peine eu le temps de t’y habituer et voilà que tu étais revenue à la case départ. Et il te manquait. Il était passé où putain ? Qu’est-ce qui s’était passé dans sa tête pour qu’il réagisse comme ça ? Tu n’avais rien compris, vous regardiez distraitement la télé puis d’un coup, JJ n’était plus là. Au sens figuré parce que son cul était toujours sur le canapé, mais il n’entendait plus rien. Et sans crier gare, il s’était levé pour partir. Juste comme ça. Il n’avait pas dit un mot et tu n’avais même pas réalisé qu’il s’était vraiment barré. Ce n’était qu’une fois la porte claquée que tu avais ouvert grand les yeux et essayé de le rappeler. C’était trop tard et quand tu avais tenté de le joindre sur son portable, tu avais entendu sa sonnerie résonner depuis votre chambre. La merde.
Et depuis…depuis, tu avais juste été soulée. A quoi bon jouer au petit couple parfait si c’était pour te laisser en plan comme ça ? Son portable t’avait d’ailleurs été bien utile pour découvrir qu’il se foutait bien de la gueule du monde. Tu avais cru halluciner en voyant son nom s’afficher. Pas juste une fois hein, non s’il avait eu vingt appels ce serait encore trop peu. Bref, assise sur le rebord de ta fenêtre, un joint entre tes lèvres, tu nageais encore en plein seum, comme chaque soir où JJ manquait à l’appel.
Et ce n’était certainement pas Macha qui te remonterait le moral. En même temps, c’était bien connu que c’était pas du clown qu’elle avalait, la cocotte. Alors quand elle vint dans ta chambre avec sa poker face, tu levais le nez les sourcils arqués. Macha était peut-être ce qu’elle était, elle ne faisait jamais rien pour rien alors la voir venir dans ta chambre, c’est qu’il y avait une bonne raison. Et stupidement, au fond de ton petit coeur, tu espérais que ce soit pour t’annoncer le retour de JJ. Qu’importe dans quel état d’ailleurs. Tu la regardais avec plus d’espoir que tu ne l’aurais souhaité. « Faut descendre » qu’elle annonça et tu plissais la lèvre. Descendre ? Pourquoi faire ? Au lieu d’obtempérer, tu portais le joint aux lèvres. Evidemment que tu allais descendre, mais réflexe de gamine capricieuse, tu faisais durer. Merde quoi, toi aussi t’avais attendu comme une conne alors il pouvait bien prendre son mal en patience ! « Pourquoi ? » demandais-tu alors que tu savais très bien que Macha ne répondrait pas. Cette dernière se contenta d’ailleurs de hausser des épaules en tournant des talons. Tu soupirais et déversais le contenu de ton cendrier par la fenêtre avant d’y éteindre délicatement le joint histoire de pouvoir le rallumer plus tard.
Emboîtant le pas de la gothique, tu la suivis dans les escaliers et si tu t’attendais à voir JJ, ce n’était finalement que Samih. Parce que oui, tu espérais quand même que ce soit JJ, même si tu te préparais mentalement à lui faire regretter de t’avoir laissée en plan comme une merde. Dans l’histoire, tu avais oublié que Samih aussi était absent et qu’il pouvait rentrer à tout moment. Voilà qui était fait et vu sa tête, il avait l’air fou de joie de vous retrouver. Il était bien loin le Samih que tu avait croisé la fois où tu lui avais ramené u sac plein de cachetons, hein ! Sur le coup, tu ne remarquais même pas l’absence de Daire. La rousse vous avait bien trop habituée à ses absences ces derniers mois. Tu souris quand même, loin de te douter de l’état de Samih. Il avait l’air déprimé, mais ce n’était plus loin d’être son état constant. « Hey ! » Le ton trop joyeux que tu emploies fait tache et Macha te regarde comme si tu étais la dernière des connes. Parce que Macha comprend sans doute plus vite que la moyenne et son regard est déjà dardé sur Samih. Sa question tombe en guise de réponse et tu soupires. « Super, comme ça on est deux à se poser la question. » tu te forces à sourire en haussant des épaules. Ce n’est pas si grave que ça, hein ? « Je te raconterai, il est parti. Ah ben non, je t’ai déjà tout dit: il est parti, voilà » On le sentait ton seum ? Tu haussais des sourcils en revenant vers le salon, loin de te douter que ta petit bombe, c’était à peine un claque doigt en comparaison à celle qu’il allait vous sortir.

Samih est bizarre, mais tu ne t’en rends pas vraiment compte. Parce que Samih est toujours un peu bizarre et puis, parce que tu es trop occupé avec tes propres petits problèmes existentiels pour te soucier de sa tête. Tu files d’ailleurs direction le salon, parce que rester dans le hall glacial de l’entrée n’était pas dans tes plans. D’ailleurs, en toute logique, ils devaient bien venir t’y rejoindre, non ? Sam rentrait d’un long voyage, il n’avait probablement pas envie de rester planté-là. En toute logique, il était même supposé jeter ses godasses an loin, se servir un bol de benzo pour les avaler comme des céréales et vous raconter ce qu’il avait fait lors de son petit trip en amoureux avec Daire. Bref, tu n’avais pas répondu à son « Quoi ? », te contendant de hausser des épaules sans y prêter davantage d’attention. En réalité, tu ne savais pas quoi lui répondre. JJ allait et venait librement et cette fois, il était parti en trombe sans rien dire. Mais il allait revenir, pas vrai ? Il était parti sans ses papiers et sans son portable.
A ce sujet par contre, il y aurait des choses à dire. Genre, Seven qui appelle JJ ? C’était dans quel monde, que ça arrivait, ça ? Tu aurais adoré comprendre de quoi il était question, qu’est-ce qu’ils comptaient faire au lac ? Bizarrement, tu avais du mal à les imaginer barboter ensemble. En même temps, tu avais aussi du mal à imaginer qu’ils puisse s’envoyer des messages où se contacter tout simplement. Bref tu jouais à l’indifférente, mais dans ton esprit, trop de questions popaient sans trouver leur réponse. Samih les avait peut-être, mais aussi étrange que cela puisse être, tu restais loyale à JJ. Tu ne pouvais pas mêler Samih à cette histoire, surtout après que ce dernier ait vidé un chargeur vers Seven. Dans le genre réaction excessive, Samih avait de la ressource, cachée certes, mais belle et bien présente.
Dans le hall, tu les entends échanger quelques mots et tu n’interviens pas, gamine butée que tu es. Ouais, il est parti depuis un jour ou deux, quand vous étiez tout juste bien après votre sortie de folie. Il t’avait laissée sans un mot et tu aurais aimé savoir pourquoi. Tu savais que ça ne te concernait pas, qu’il était parti pour une bonne raison, il avait simplement oublié de te dire pourquoi. Et ça te blessait, qu’il ne t’ait pas jugée digne d’être dans la confidence.
Macha non plus et Macha s’agace du ton accusateur de Samih. Tu hoches du menton pour approuver et tu remontes un genou devant ta poitrine. Pourquoi est-ce qu’il s’inquiète tant de JJ ? Tu n’allais pas poser la question parce que comme à chaque fois, tu intériorisais. Parce que tu devais rester forte, parce que tu ne devais pas pleurer ou défaillir. Hors de question de passer pour une faible. Heureusement, Macha ramena la conversation sur le bon sujet. Tu relevais tes yeux bleus sur lui. « Elle est où Daire ? » Oui, elle était où elle ? Même pas foutue de passer dire bonjour ? Voilà bien longtemps que la rousse s’était éloignée du groupe, n’apparaissant qu’épisodiquement à la maison avant de disparaître dans la nature parce que telle était devenue sa vie: elle avait toujours plus important à faire que vous. Tu en avais déjà fait mention à Samih, mais sa réponse avait été directe: tu te faisais des films, Daire allait bien.
Et quand ce dernier se retourna vers toi, toujours obsédé par JJ, tu pinçais des lèvres. « Il est parti en trombe comme s’il avait vu un mort. Il va revenir Sam, ok ? » Parce que si JJ ne revenait pas…Non, tu ne pouvais pas y penser. « Qu’est-ce qu’il y a ? »

Tu n’étais pas responsable de JJ et tu détestais le regard chargé de reproches que vous réservais Samih, comme si vous étiez le baby-sitter du blond, comme s’il n’était pas assez grand pour se gérer tout seul. D’ailleurs, qui pouvait se vanter d’avoir le moindre contrôle sur lui ? Hormis Samih, tu ne voyais personne pour le faire et encore, Samih ne gérait plus grand chose en réalité et puis, s’il voulait tant gérer les Kids, il n’avait qu’à pas partir en vacances avec Daire. Toutes ces pensées, tu les gardais pourtant pour toi, préférant ravaler ta rogne plutôt que d’incendier votre aîné parce qu’il venait à peine de rentrer et parce que tu n’avais pas pour habitude d’élever la voix sur les tiens. Non, tu étais plutôt du genre à froncer du nez avec cet air renfrogné de gamine boudeuse, cette même tête qui voulait dire que tu n’étais pas contente. Et cette tête, Sam comme Macha la connaissaient bien, tu n’avais donc plus à dire quoique ce soit, ils n’avaient qu’à lire sur ton visage. Tu te contentais donc d’attraper un paquet de cigarettes largement entamé sur la table du salon. Tu en tirais une cigarettes et d’un mouvement exagérément appliqué, tu l’allumais en jouant avec la fumée qui te paraissait soudain beaucoup plus intéressante que cette conversation. Machin non plus n’avait pas l’air de s’intéresser à cette discussion, elle abordait encore sa vieille et même tête blasée. Tu ne te doutais pas qu’elle était sur le point de s’énerver, Machin elle était plutôt du genre à intérioriser, pas parce qu’elle n’osait pas s’exprimer, mais parce que d’habitude, elle n’en avait absolument rien à foutre.
Sam en revanche, il n’en avait rien à foutre de l’absence de JJ et toi non plus, sauf que tu préférais faire comme si de rien n’était, parce que sinon, ça voudrait dire que vous n’étiez pas encore assez solides pour tout savoir l’un de l’autre. Tu refusais d’admettre la moindre faiblesse. Parce que si tu commençais avec une, tu allais devoir admettre toutes les autres et ça, il en était hors de question.
De toute manière, tu n’avais rien de plus à dire alors que Sam, il avait quelques explications à fournir, à commencer par « où était-il allé ? » et « où diable est encore passé Daire ? » Ce n’était peut-être pas des oignons, mais tu avais le droit d’être mise dans la confidence, bordel de merde. Alors tu insistais, ignorant le regard de Macha. Puis enfin, la réponse tomba: Daire ne reviendra pas. « Oh… » soufflais-tu sans trop savoir ce que tu ressentais à cet instant. Daire, ça faisait longtemps qu’elle n’était guère plus qu’un coup de vent au sein de la famille et tu en avais parlé à Sam. Peut-être que tu en tirais une certaine satisfaction finalement, de ne pas avoir tort sur un point au moins. L’explication ne tarda pas à suivre, bien que Samih traînait un peu trop à ton goût. « Juste comme ça ? Elle reste là-bas ? » Tu n’étais pas si surprise, mais tu te le répétais pour assimiler l’idée qu’elle avait choisi les autres, encore. C’est douloureux, qu’elle ait préféré ces foutus terroristes, qu’elle choisisse un combat qui ne la concernait même pas plutôt que vous, plutôt que Samih. « La sale pute » murmurais-tu tout bas, parce que c’est ce qu’elle était, pour avoir été infidèle aux Kids, de vous avoir lâché sans même un aurevoir, sans même un regard en arrière. Tu ne songeais même pas au fait que Samih puisse la défendre, qu’il puisse lui chercher des excuses ou quoi. Non, tu ne pouvais te montrer indulgente.
Tu t’apprêtais à aller chercher un remontant pour Samih. Jusqu'à ce qu’il change soudain d’attitude, revenant sur le sujet de JJ. Encore. C’était quand même dingue que tout revenait toujours et encore à JJ. Ses paroles trouvèrent pourtant un vilain écho dans ton esprit, JJ qui faisait un coup de pute ? Un peu comme JJ pactisant avec l’ennemie pour une mystérieuse excursion au lac ? L’appel, tu n’en avais parlé à personne, mais tu ne l’avais pas oublié. Ce n’était pas comme s’il t’en laissait le temps, voilà que l’aîné se rendait compte que vous aviez continué à vivre sans lui. Il se mit à vous engueuler et toi, tu te contentais de regarder le présumé bordel d’un air torve. Oui et après ? Ça n’avait jamais été vraiment rangé, ni ici ni ailleurs. Pourquoi s’en soucier maintenant ?
Machin fut la première à répondre et tu ne t’attendais pas vraiment à ce qu’elle le rabroue aussi sèchement. Ton regard passait de l’un à l’autre, la bouche légèrement ouverte, la cigarette très près de ses lèvres. D’accord, Samih avait passé ses nerfs sur vous, mais justement, il venait de se faire larguer comme une merde, c’était compréhensible ! Macha avait néanmoins raison sur un point: vous l’aviez prévenu. « Elle a raison » soufflais-tu à voix basse, sans oser prendre position entre eux. Puis un peu moins réservé, tu te levais à ton tour, approchant avec précaution. Tu attrapais la bouteille qu’il tenait en main avant de servir un second verre. « On s’en fout de Daire. On se fout du ménage. Et ne va pas dans ta chambre non plus, ok ? » Tu lui tendis le verre avec un pauvre sourire qui se voulait encourageant.