laisse crier (gigi.rosa)

Elle hurle. Les poings serrés, la tête dans l'oreiller qu'elle remplit de larmes, la gamine crie sa rage étouffée dans le tissu rembourré. Elle s'est encore prise la tête avec ses grand-parents. C'est fou comme des personnes d'une même famille peuvent ne pas se comprendre, ne pas se supporter. C'était pas grand chose pourtant, une broutille comme d'habitude. Apparemment elle passerait trop de temps dehors le soir, et le collège où elle est inscrite a appelé, elle n'y va pratiquement jamais. Et les grand-parents ils ne sont pas contents, parce qu'ils payent une petite fortune pour qu'elle ait une bonne éducation, la gamine. Mais elle, elle ne veut pas de ça. Elle se qu'elle veut, c'est la liberté.

Elle a l'impression d'étouffer ici. Elle a besoin d'air, de partir. Alors elle fait un gros fuck à la porte de sa chambre. Quand elle se sentira vraiment prête, ce sera aux deux vieux qu'elle lèvera le doigt. En attendant, elle ouvre sa fenêtre, enfile un sweat à capuche et fout son sac à dos sur une épaule. Et la gamine glisse sur la gouttière, finit les pieds dans l'herbe du jardin.

Maintenant qu'elle est dehors, elle se demande où aller. Son premier choix c'est de se ruer chez Dom, parce qu'il l'a comprend, parce qu'il est son phare dans cette ville toute moisie. Mais elle sait qu'en allant la-bas, il va la laisser dans son coin, ils vont peut-être parler de faire de la merde, mais ce soir Gigi n'a pas envie d'être une mauvaise graine. Alors elle oublie aussi l'idée de se réfugier chez les Kids. Non, ce soir, elle aurait bien besoin de sa mère. Et à défaut d'avoir la sienne, elle en connait une autre.

Alors elle marche dans la nuit. Elle fait des kilomètres en direction de MexicanTown, laissant des larmes de rage couler sur ses joues bouffies. Elle veut hurler, elle veut donner des coups de pied sur toutes les caisses qu'elle voit. Mais elle se retient. Elle garde en elle la colère, se sentant pourtant prête à exploser à tout moment.

Finalement elle arrive devant l'appartement. Elle toque, fort. Et quand ça ouvre, elle arrive plus à se retenir. Elle se met à chialer en fronçant les sourcils. – Rosa, j'peux dormir ici ? C'est pas vraiment une question, car la gamine est déjà en train d'entrer dans l'appartement, sans y être invité. – J'veux plus retourner la-bas, j'les déteste ! C'est compliqué d'être une adolescente sans repères, sans famille.