réduite au ko. (vega)

t'es une vraie salope, ivy.
les autres ont raison là-dessus même si vous n'êtes pas forcément d'accord sur la raison de ce surnom. eux ont tendance à te l'attribuer parce que tes jambes s'écartent trop facilement. toi tu te l'attribues parce que t'es une vaurienne. que t'as aucune parole, que t'as aucun cœur et pas de sentiments à déballer. et que tu traques les gens pour obtenir des réponses, que t'as pas envie de foutre la paix à ceux qui disparaissent de ta vie du jour au lendemain. et t'as même pas le courage de faire les choses en face, sale gosse. les mensonges entortillent ta langue de vipère, le masque s'est encastré dans ta gueule d'ange. tu ne peux plus tirer dessus sans t'arracher la peau à force de faire semblant. et ta nouvelle lubie qu'est vega n'arrange rien aux démons qui te secouent le cœur. tu t'accroches à elle comme un toxico à sa drogue ; tu veux savoir ce que t'as fais de mal. et pourquoi ? réparer les choses c'est pas franchement ton truc, gamine. t'as plutôt tendance à tout casser sur ton passage. mais tu veux savoir, t'as pas gaspiller ton fric pour rien en plus. t'es persuadée de lui avoir rien fait à cette fille alors pourquoi elle s'est barrée de ta vie comme ça ? pourquoi elle t'a laissé en plan alors que t'avais clairement pas franchement d'autres amis sur qui compter. t'es qu'une putain d'égoïste, ivy.
une putain d'égoïste qui s'est fait passer pour un pauvre type en manque histoire de la retrouver. t'as agité tes billets pour réclamer ses services, lui filer un rendez-vous histoire de la revoir. tout ça tous les traits de cole, brun ténébreux, la quarantaine, chef d'entreprise qui veut baiser quelqu'un d'autre que sa femme. une identité que t'as inventé pour piéger la belle. parce qu'après tout elle le mérite, c'est ce que tu penses ivy. pour t'avoir lâchement abandonné, elle mérite bien ça. et puis tu veux aussi savoir ce qu'elle fout derrière sa caméra. pourquoi elle est devenue ça. tu ne vaux pas mieux qu'elle pourtant, tu baisses ta culotte pour attirer le prêtre du couvent dans lequel t'es censée changer de vie et de comportement. mais tu craches bien à la gueule de ton comportement et si t'as envie de faire des remontrances tu vas pas t'en priver, princesse.
t'es en avance au rendez-vous. silhouette inconnue dans la nuit, le corps sculpté par une robe trop moulante. t'es clairement un peu trop allumeuse pour être cole le quarantenaire mais tu vas pas faire semblant longtemps de toute manière. parce qu'à peine elle entre dans ton champs de vision que tu l'attrapes fermement par le bras, la jolie. cinq ans sans la voir et tout ce que tu veux c'est des réponses. tu passes pas par quatre chemins, l'empoisonneuse. t'as même pas envie de t'amuser à ça, mentir en te faisant passer pour un mec c'était déjà bien assez drôle. maintenant le jeu est terminé, les yeux plantés dans ceux de ton interlocutrice. - j'espère que je t'ai manqué. t'as pensé à moi pendant tout ce temps ? t'es une brute, sale gamine. - sympa ton nouveau boulot, ça rapporte beaucoup ?

T’as du retard sur ton loyer. T’as loupé la première échéance déjà, il te manque un petit cent-cinquante euros. T’as essayé de négocier avec la propriétaire mais ça prend pas — dommage, c’est une femme, avec les hommes, t’as toujours plus de chance, un battement de cils et c’est dans la poche. Les live shows ne suffisent plus, c’est de l’argent qui rentre mais beaucoup trop lentement. Alors ce mois-ci, t’es obligée d’employer la manière forte.

Et la manière forte, c’est les rendez-vous d’escort. T’aimes pas franchement ça, tu préfères le confort de ta chambre et la sécurité d’être derrière ton écran. Mais t’as pas vraiment le choix. Ça rapport pas mal, rapidement. Alors tu traînes en ligne, tu cherches des potentiels clients. Ah, un nouveau mail — un certain Cole. Il n’est pas moche, tu lui réponds que t’es d’accord pour le rencontrer. Tu fixes tes tarifs à l’avance — il les accepte sans broncher. Peut-être que tu vas pouvoir finir de payer ton loyer, en fin de compte.

Petite robe en satin noire enfilée, lèvres pulpeuses colorées de rouge, trait d’eyeliner qui souligne tes yeux de chat. Petit sac dans lequel se trouve ton couteau-suisse et ta bombe lacrymogène — sait-on jamais, dans les rues de Detroit, on est jamais trop préparée. Tu te rends sur le lieu de rendez-vous et tu passes sur le trottoir une silhouette féminine que tu contournes sans trop y prêter attention.

Jusqu’à ce qu’elle te choppe le bras.
Hein, quoi? C’est qui, celle-là ?
Tu fais volte-face — t’as pas vraiment eu le choix, sa prise t’y oblige.
Et tu te retrouves nez à nez face à…
Ivy?

Tes muscles qui se raidissent instantanément, l’esprit replongé des années en arrière, des années que t’as préféré oublier. "j’espère que je t'ai manqué. t'as pensé à moi pendant tout ce temps ?" Figée, pétrifiée. Le cerveau qui délire, t’as l’impression d’être face à un fantôme. "sympa ton nouveau boulot, ça rapporte beaucoup ?" Elle est pas censée être là. Elle n’habite pas à Detroit.

Quelques secondes de confusion et tu te reprends, tu reviens à toi parce que la nouvelle Vega, elle ne flanche pas. Tu reprends ton bras d’un coup sec et tu recules d’un pas, l’air mauvaise. "Sûrement plus qu’être une menteuse qui s’ennuie sur internet." Elle a plutôt intérêt de ne pas te piquer parce que tu n’hésiteras pas à répliquer. Le temps de la soumission, c’est terminé. "Qu’est-ce que tu veux?"

retrouvailles chaotiques.
en même temps tu cherches pas à te la jouer gentille et fine, ivy. directement tu lui rentres dans le lard pour mieux la bousculer et la malmener. tu cherches des réponses à tes questions. au fond t'es comme un animal blessé qui cherche à se défendre ; t'es blessée d'avoir été lâchement abandonnée par ta seule vraie amie. pas vraiment aussi vraie que tu te l'imaginais à l'époque, pauvre adolescente dans le désarroi. tes lèvres étirées en un sourire narquois lui dresse le portrait de la nouvelle femme tu es : une sale gosse qui aime foutre la merde pour passer le temps dans sa petite vie bien trop pourrie. et au fond tu tiens tous ces gens de passage responsables de ta pauvre situation ; si t'avais reçu un peu d'attention, une main tendue, peut-être que ta vie serait différente. t'as jamais su te débrouiller toute seule à l'époque alors t'as appris sur le tas.
et aujourd'hui ça t'amène à croiser le regard de cette vieille amie disparue, à lui mentir et l'embobiner. - si t'étais un peu plus respectable ... pardon, respectueuse, je n'aurais jamais eu besoin de faire ça.
petit pique lancée pour la blesser une nouvelle fois ; évidemment que tu ne la trouves pas respectable à se dandiner derrière son ordinateur, de même que tu trouves irrespectueux de t'avoir abandonné à ton triste sort. parce que tout tournes autour de toi, sale gosse. - passer du temps avec toi, c'est pour ça que je t'ai payé, non ? tu daignes enfin lâcher ta prise - y'a quoi comme services compris dans le tarif ? ta mine est renfrognée, ivy. t'as pas envie d'être plaisante, pas envie de faire des efforts. - les explications pour ta disparition c'est combien ?

Face à face inattendu avec nulle autre qu’Ivy. Fantôme du passé qui ne te hantait plus depuis quelques années. Son frère, lui, n’a pas complètement disparu de tes pensées. Il y est beaucoup moins présent, certes. Mais il garde sa place attitrée dans les tréfonds de ton esprit. Elle, à force, elle s’est effacée. Son aîné lui a trop fait de l’ombre, tu l’avais presque entièrement oubliée, obnubilée par l’autre Byrds.

Alors sa vue te fait l’effet d’un électro-choc. Décharge de mille volts qui te parcoure le corps. Les poils qui se hérissent, le crâne qui brûle, le myocarde qui s’agite. Pourtant, à force de prétendre, la façade extérieure est intacte. Regard sombre, lèvres fermées, teint mat, posture droite. Incassable.

Joute verbale qui commence, les remarques qui cherchent à blesser, tu répliques parce que ça fait bien longtemps que tu t’es promis de ne plus jamais laisser personne te marcher sur les pieds.

"si t'étais un peu plus respectable... pardon, respectueuse, je n'aurais jamais eu besoin de faire ça." Alors c’est ta faute? C’est à cause de toi si elle ment? Hm, oui, logique. Elle aurait très bien pu te contacter en étant elle-même, avec sa véritable identité. Bon, tu lui aurais sûrement pas répondu, certes. Mais c’est pas de ta faute si c’est devenue une mythomane et arnaqueuse en puissance.

Mais sinon, trève de blabla — qu’est-ce qu’elle veut en fait? "passer du temps avec toi, c'est pour ça que je t'ai payé, non ?" Regard qui s’assombrit davantage. "y’a quoi comme services compris dans le tarif ? les explications pour ta disparition c'est combien ?" Tu hausses les épaules, reculant d’un pas maintenant qu’elle a relâché ton bras. "Désolée, cette prestation n’est pas sur la carte." Tu prends une fausse voix-off administrative, le ton un peu pinçant. "Sur ce, y’a des gens qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche et qui doivent travailler." Et tu tournes les talons pour t’éloigner de sa personne. Non, tu lui donneras pas d’explications. Pour lui dire quoi? 'Tu sais que ton frère est un violeur?' Non, t’façon, elle te croirait pas.

tu lèves un sourcil, tes lèvres se tordent en rictus. si elle pense avoir le choix elle se trompe, c'est ce dont t'es persuadée en tout cas. tu ne vas pas la lâcher de la soirée, tu veux des réponses gamine et tu sais te montrer autant capricieuse qu'harceleuse. les remords et les regrets ne font plus partis de ta misérable vie maintenant alors tu te moques bien de gâcher celle des autres. un soupir s'échappe de ta gorge, tu secoues la tête pour montrer ton impatience. - maintenant elle y est, faut savoir renouveler sa carte pour attirer les clients. tu n'es pas respectueuse, ivy. t'as pas envie de l'être avec elle, surtout quand tu la vois aussi réfractaire à ta demande. t'as peut-être pas agis de la bonne manière en mentant derrière ton écran mais t'avais pas le choix. tu pouvais pas juste l'appeler pour lui proposer de boire un verre, vous n'êtes plus amies.
alors tant pis pour elle, tu la rattrapes pour marcher à ses côtés. - j'ai peut-être menti mais j'ai payé. alors respecte ta part du contrat. tu jettes pas l'argent par les fenêtres (si) alors tu comptes bien l'avoir toute la soirée à tes côtés. elle finira bien par parler, tu l'y forceras s'il le faut. ou peut-être qu'avec quelques verres sa langue finira par se délier. - tu traites tous tes clients aussi mal ou c'est réservé aux anciennes amies que tu abandonnes sans un mot ? t'as pas envie d'en démordre, t'as besoin de savoir. alors tu t'arrêtes une nouvelle fois devant elle pour l'empêcher d'avancer. - tu vas me fuir encore longtemps avant de m'expliquer ce que je t'ai fais ? vous deux c'est sûrement trop tard, t'as tiré un trait sur votre amitié après son départ. mais si tu pouvais éviter de refaire la même erreur avec une autre. pas qu'avoir des amies te plairait mais histoire de faire semblant d'avoir au moins une vie sociale décente. c'est ta seule chance de te sortir de ce taudis de détroit.

Non, les explications ne sont pas un service que tu proposes. La vérité, encore moins. De toute façon, est-ce qu’elle serait prête à l’accepter? Pas sûre. "maintenant elle y est, faut savoir renouveler sa carte pour attirer les clients." Tu ricanes, quelque peu moqueuse, pas le moins du monde amusée. Et tu secoues la tête. "C’est moi la patronne, c’est moi qui décide de renouveler ma carte ou non. Et j’ai décidé que non." Parce que c’est bien ça, la démarche de base. Être au contrôle de ce que tu proposes. De ce que tu fais. Avoir le pouvoir de dire 'non'. Et tu vas pas la laisser te forcer comme son connard de frère a pu le faire quelques années en arrière.

Alors tu fais volte-face, reprends ta route mais tu la sens sur tes talons telle une limace qui laisse une trace humide et gluante derrière elle. "j’ai peut-être menti mais j'ai payé. alors respecte ta part du contrat." Tu roules des yeux et lâches un soupire franc, bien marqué. Tu fouilles dans ton petit sac, tu sors deux billets de cinquante dollars de ton portefeuille et tu lui fous dans la main. "Hop, voilà, j’ai aucun problème à rembourser les clients non-satisfaits du service. T’oublieras pas de me mettre cinq étoiles sur Yelp?" Fausse voix de pimbêche idiote et grand sourire faux-cul que tu perds instantanément. "Bye, maintenant."

"tu traites tous tes clients aussi mal ou c'est réservé aux anciennes amies que tu abandonnes sans un mot ?" Putain, elle ne s’arrête donc jamais? Quoi, elle connait pas le sens du mot 'non', elle non plus? C’est de famille? "tu vas me fuir encore longtemps avant de m'expliquer ce que je t'ai fais ?" L’agacement qui grimpe en flèche, cette sensation d’être prise au piège qui te déplait, l’étau qui se resserre autour de ta gorge. Volte-face — encore — pour te planter face à elle. "Tu vas me forcer, Ivy? Tu me diras, je devrais pas être surprise." Tu fais claquer ta langue contre ton palais en signe de dédain à son égard. "Et puis forcément, faut que ce soit toi, hein? Parce que tu te crois toujours être le centre du monde? Désolée de te l’annoncer mais non, ma vie ne tourne pas autour de toi." T’es mauvaise mais en même temps, elle ne te laisse pas trop le choix. Elle te cherche, elle te pique, et la bestiole est en train de se réveiller.

tu bouillonnes à l'intérieur, ivy. tu les veux tes réponses et tu vas pas lâcher l'affaire avant d'être arrivée à tes fins. parce que c'est comme ça que tu fonctionnes maintenant, t'as plus le choix. pas quand on grandit dans une famille de pourris comme la tienne. t'as trop fermé ta gueule sur la violence de ton frère, sur les paroles trop dures de tes parents. t'en as eu marre d'être la gentille gamine. t'as même balancé ton ex à tes parents dans l'espoir d'avoir leur amour. mais ça n'a pas marché, trop bête et influençable gamine de l'époque. mais t'as changé. t'es une connasse, une connasse qui cherche des réponses. - patronne de ton cul, bravo vega t'es vachement haut gradée dis donc. ta langue claque contre ton palais. les discussions tranquilles n'existent plus pour vous, tu peux pas t'empêcher de la piquer. t'essaies peut-être de lui faire du mal comme elle t'en a fait en se barrant sans dire un mot. t'es sacrément rancunière ivy.
tu lâches les billets qu'elle te balance dans les mains. papiers qui tombent sur le sol pour finir leur course.
t'as pas besoin qu'elle te rembourse, t'es assez riche comme ça. puis tu récupères jamais ce que tu donnes, pas même l'argent. par contre t'en as ta claque, princesse déchue. que la jeune femme tourne les talons pour échapper à tes griffes acérées. comme si elle comprenait pas que tu vas pas lâcher l'affaire. c'est ton droit de connaître la vérité. - il faut que je te force pour obtenir des explications ? tu lèves les yeux au ciel - je pensais que t'avais plus de couilles que ça. t'as une grande gueule mais pas assez pour t'expliquer visiblement. elle n'a pas tord pourtant, heureusement que sa vie ne tourne pas autour de toi. malheureusement, tu peux pas t'empêcher d'le déplorer. parce que c'était ta grande pote avant. avant que quelque chose se passe. et d'pas savoir quoi ça te bouffe. - putain mais parle moi.

"patronne de ton cul, bravo vega t'es vachement haut gradée dis donc." Tu lâches un rire mauvais. Elle se croit drôle, elle se croit maligne. Ça se voit. Toujours à penser qu’elle détient le monde entier dans le creux de sa paume. Qu’elle peut faire plier tout le monde sous sa simple envie. Mais toi, tu marches pas.

Tu t’éloignes, l’ignores. La rejettes. Parce que tu ne lui dois rien. Tu ne l’affectionnes plus, tu ne la portes plus dans ton coeur. Ce n’est pas vraiment de sa faute, c’est ça le pire. C’est de la faute de son frère. Mais bon… C’est la même famille. C’est le même sang. Et toi, ça passe pas. Trop de souvenirs qui remontent quand tu vois ses joues bombées, ses cheveux noirs et ses yeux bruns.

"il faut que je te force pour obtenir des explications ? je pensais que t'avais plus de couilles que ça. t'as une grande gueule mais pas assez pour t'expliquer visiblement." Elle essaye de te provoquer. À croire qu’elle te cerne vite. Si on te pique, tu répliques. T’aimes pas te laisser marcher sur les pieds. Plus depuis ce jour. Du moins, après que tu te sois relevée. Après les cinq étapes du deuil. Le deuil de l’ancienne toi. La toi naïve, émotive, sensible. Qui accorde trop facilement sa confiance. Qui se fait briser.

"putain mais parle moi." Ça sonne presque comme un supplice. Alors tu te retournes à nouveau vers elle, yeux dans les yeux. "Pour te dire quoi, Ivy?" La vérité? Pas sûr qu’elle le prenne bien. "Je suis même pas sûre que tu me croirais, donc bon." Parce que c’est bien connu, la parole des filles abusées est toujours remise en cause. Alors si en plus, c’est son frère que t’accuses… Ça se trouve, tu vas t’en manger une. "T’aurais pu avoir la réponse bien plus tôt, si seulement t’avais demandé à ton frère." Ton putain de connard de frangin.

tu perds patience. d'façon t'as jamais été douée pour attendre. c'est dans tes gênes, dans ton sang. t'as toujours tout eu tout de suite (mauvaise éducation) et t'es tombée dans ce schéma pour tout le monde. alors t'as pas envie d'attendre qu'elle te donne une réponse, tu la veux tout de suite. soupir qui déchire tes lippes, tu roules des yeux à son rire. de mignonnes amies séparées pour une raison que tu ne connais même pas. sauf qu'visiblement c'est pas de ta faute. et peut-être que ça t'emmerdes encore plus de savoir que tout ça c'est parce qu'une autre personne a foutu la merde. tu la retiens une énième fois.
t'es qu'une sale gosse, ivy.
mais t'es pas non plus totalement insensible à tout. tu vas pas l'admettre à voix haute mais ça te fais sacrément chier d'avoir perdu ta seule et unique (vraie) amie. du moins tu la croyais vraie mais peut-être que tu t'es encore trompée. c'pas la première fois que tu enjolives un peu trop ton entourage.
du coup t'as pas d'autres choix que l'agresser verbalement. parce que tu vas pas lui conter tes peines et ta tristesse. mais que tu peux pas t'empêcher de cracher ton venin pour évacuer la douleur.
et tu hausses un sourcil quand elle parle. - mon frère ? quel frère ?
rire froid qui racle ta gorge. tu t'demandes bien ce qu'il a encore foutu celui-là.
- ah oui, celui qui a essayé d'me noyer quand on était gosses. t'en parles jamais d'habitude mais t'apprécies pas qu'on se trompe autant sur votre lien. vous avez peut-être le même sang mais c'est l'unique chose que vous partagez. tu lui voues une haine profonde. et les mots se sont échappés sous le coup de la colère. - oui je suis sûre qu'il m'aurait répondu avec plaisir. tu hausses les épaules - enfin pour ça faudrait déjà qu'on se parle sans se taper dessus. c'est surtout lui qui tape mais ce n'est qu'un détail.

Tu peux pas lui parler. C’est trop compliqué. C’est surtout que tu ne veux pas forcément faire ressortir les démons du passé. T’as déjà bien eu du mal à t’en débarrasser. Le deuil a été long. Fastidieux. T’as perdu toute estime de toi. T’as longtemps pensé que c’était de ta faute. D’avoir été trop gentille, d’avoir cru en la bonté humaine, d’avoir bu un verre, d’avoir mis une robe trop courte, d’avoir succombé aux fausses belles paroles, d’être tombée dans le panneau aussi facilement. T’as du retomber sur tes pieds, t’as du te relever, t’as du prendre conscience que le seul fautif dans l’histoire, c’était lui. Son frère. "mon frère ? quel frère ?" Son putain de frère qui connait pas la signification du "non".

"ah oui, celui qui a essayé d'me noyer quand on était gosses." Tu fronces les sourcils, interpelée par ses mots. "Quoi?" Elle vient vraiment de te confier que son propre frère avait essayé de la tuer? "Tu me l’as jamais dit." Pendant vos années d’amitié, elle n’a jamais mentionné cet incident, elle n’a jamais rien laissé paraître. Si c’est vraiment le cas… peut-être qu’elle remettrait pas trop ta parole en doute, finalement. "oui je suis sûre qu'il m'aurait répondu avec plaisir. enfin pour ça faudrait déjà qu'on se parle sans se taper dessus." Donc y’a une chance pour qu’elle te croit. Vu qu’ils ne se parlent pas vraiment, ou du moins, ne semblent pas s’apprécier le moins du monde.

Tu croises les bras sur ta poitrine. Pas franchement ravie qu’elle gagne la bataille. Parce que oui, tu vas lui donner les réponses qu’elle est venue chercher. Au pire, elle te prend pour une menteuse et elle ne reviendra pas te voir. Ça ne changera rien à ta vie, ça faisait des années que c’était comme ça de toute façon. "J’ai coupé les ponts à cause de ton frère. Tu te souviens, ta dernière soirée d’anniversaire où j’étais là? J’ai croisé ton frère à l’étage quand je suis allée chercher ton cadeau pour le descendre avant que tu les ouvres. Il m’a fait des avances et j’étais pas à l’aise, je lui ai dit, mais il m’a pas écoutée. Il m’a forcée, Ivy. J’avais même pas encore seize ans." que tu finis par avouer, les yeux dans les yeux.