cadavre exquis.

01_t'as pas rien dans la tête, gamine. mais tu te sens pas à ta place dans ce monde, dans le monde de tes parents. les diamants dans la rétine, les billets dans la baignoire. une vie de luxe imposée par des parents absents ; occupés à bâtir un empire pour oublier une fille conçue pour une normalité à laquelle ils s'accrochent. t'as pas demandé à naître, t'en veux pas à la terre entière. juste à tes créateurs absents de tes yeux, absents de ton cœur. alors t'as décidé de pourrir leur vie, sans comprendre que tu pourrissais aussi la tienne. une vie de souffrance pour oublier l'enfance déchirée. t'es pas la seule à souffrir dans ce monde pourri gamine, mais tes parents ont apprit à te regarder que le nombril. alors tu fais chier les autres pour hurler ta détresse, tu te moques des autres appels à l'aide. ta main tu ne la tends pas parce que dans ton monde il n'y a que toi. que toi qui pleure, que toi qu'as mal. les autres existent pas dans ta tristesse, les autres ont le sourire que toi tu n'as pas. tu ne vois que toi, tu ne vois pas le mal autour. t'es imbue de ta personne, l'empoisonneuse qui souffre, qui fait souffrir.

02_t'as grandis dans la solitude. pour seule compagnie ton frère et ses copains bizarres. une peur grandissante de voir la maison envahie par ces fauteurs de trouble, amusés à l'idée de teindre votre chien en rose. t'as toujours eu peur de lui, de ton frère. pas franchement l'idée que tu te faisais d'un aîné, aucune protection à t'accorder juste de la haine et du mépris. pourtant il représentait la seule famille que t'avais, à l'époque. parents trop absents pour s'occuper de vous, t'avais besoin de lui. il n'a jamais répondu présent. et à l'école t'as jamais fais d'effort pour te faire des amies ; gamine boulimique qui piochait toutes les nuits dans le frigo pour évacuer son stress. les enfants t'appelaient bouboule pour te blesser, te faire tomber. et ton frère était pas là pour te réconforter, pour ramasser ton cœur cassé. t'as toujours de gros problèmes avec la nourriture, t'as toujours de gros problèmes pour te faire des amis. t'es toujours la même enfant perdue qu'à l'époque.

03_ les choses ne se sont jamais arrangées pour toi, gamine. t'as essayé de faire des efforts en grandissant, t'as même réussis à te faire des amis au lycée. au début, avant que tu ne foutes tout en l'air. en couchant avec le petit copain de ta pote. et la rumeur s'est répandue sur les bancs de l'école, faisant de toi la traînée des couloirs. et t'as même pas cherché à démentir parce que t'as compris une chose, princesse ; quand les gens ont une idée en tête t'as pas les moyens de la leur faire changer. alors tu leur as donné une bonne raison de te mettre cette réputation sur le dos. tu changeais peut-être un peu trop souvent de copain officiel, tu ne te privais pas de parler des officieux. tu couchais certainement un peu trop dans les toilettes et t'as bien du te taper un ou deux professeurs pour avoir une meilleure note. t'es devenue ce que les gens avaient fait de toi, marionnette lâche et stupide.

04_ l'air qui manque, l'eau qui s'infiltre dans ta bouche. une grande détresse, tes bras qui s'agitent, tes jambes qui battent pour essayer vainement de regagner la surface. on appuie sur ta tête, il appuie sur ta tête. des cauchemars, des séquelles ancrées à jamais dans ton esprit. ta tentative de noyade perpétuée par ton frère ' pour rire ' mais tu n'as jamais trouvé ça drôle, gamine. toi t'as eu peur, encore plus peur de lui qu'avant. tu pensais ta dernière heure arrivée, t'as presque vu ta vie défiler devant tes yeux. sensation désagréable de sentir la vie te quitter, puis il a lâché ta tête. quand tes poumons commençaient sérieusement à manquer d'air. on t'a tiré hors de la piscine. tu n'as jamais remis les pieds dans l'eau depuis ce jour. et tu n'as plus jamais aimé et admiré ton frère.

05_ le couvent est ta nouvelle demeure, décision prise par des parents excédés par ton comportement. t'as pleuré, t'as hurlé et même cassé des vases en entendant leur décision de t'envoyer auprès de dieu. t'as jamais retrouvé le droit chemin depuis que t'y es, la mère supérieure te tape bien souvent sur les doigts mais tu en ris à gorge déployée, tu te réfugies dans les draps des hommes d'église ; le diable infiltré dans les rangs, t'es la rebelle qui sème la discorde, la bonne sœur qui fait tomber les culottes.

06_un jour t'as trouvé un mec. un jour tu l'as amèrement regretté. des sourires, des regards échangés. un amour passionnel, des longues nuits à discuter sans chercher à se déshabiller. une entente contre tout, une nouvelle protection à laquelle tu n'as jamais eu le droit gamine. des étoiles dans les yeux qui t'ont rendu aveugle ; incapacité de voir que l'homme de ta vie détruisait ton monde, tu étais si seule sans lui. plus personne autour de toi, juste vous deux. les cris ont commencé, les larmes ont creusé leur sillon sur ta joue. et un nouveau maquillage a recouvert ton visage, des tons violets près de tes yeux. une poche de glace négligemment posée sur une lèvre fendue. et un coup fatal près de ton oreille, deux coups puis peut-être une dizaine. tu l'as plus jamais revu, l'amour de ta vie. tu ne l'as plus jamais entendu, l'amour de ta vie. d'ailleurs tu n'as plus jamais rien entendu de l'oreille droite, depuis ce jour.

07_tu répètes toujours le même schéma comme pour te rassurer : t'es infecte pour ne pas avoir d'amis et tu rencontres des hommes comme ton frère, seule figure masculine que tu connais réellement. la violence est ta maison, tu t'y réfugies pour ne pas te perdre. parce qu'après tout tu penses ne rien mériter d'autre. et pourtant tu hais les hommes violents, tu hais presque les hommes tout court pour ce qu'ils t'ont fait. mais tu peux pas changer de schéma, ivy. tu t'empoisonnes, tu te fais du mal parce que tu ne connais rien d'autre et certainement pas le bonheur.