(intrigue) too high (maycolm)

C’pas compliqué, y a tellement rien à faire à Delray, qu’on remarque vite quand un nouvel endroit est à la mode. On y est passé une fois ou deux, avec le groupe de pote de mon adolescence, juste histoire de voir et de s’extasier devant les flippers. Y a ce côté retour aux sources ici, comme une madeleine de Proust qui n’en est même pas une, parce qu’on a pas grandit avec tout ça, mais qu’on l’a vu tellement de fois dans les films, que ça semble vrai d’y traîner. Alors on profite de l’ambiance et on parle fort avec nos cocktails fluo. J’en suis au 4e verre, et j’suis plus ou moins pompette quand j’la remarque enfin, son visage me saute à la gueule, à l’autre bout de la pièce qui sert de bar. haaaaaaaan… les gars, les gars, les gars ! Et ils se rapprochent tous comme si on allaient faire notre cri de guerre avant un match de basket. La nana là-bas, avec le short en jean. Putain r’garde pas tout de suite ! Mon pote se rattrape au dernier moment, je continue en me mettant à chuchoter, même si le bruit couvre mes paroles et que de toute façon, elle ne m’a même pas remarqué. Pourtant j’peux pas l’oublier, y a comme une décharge électrique dans mon cerveau quand je la vois. Peut-être parce que mon dernier souvenir d’elle est le coup de taser à la gorge. Cette idiote, sous l’Ambassador. C’est elle qui m’a piqué mes stocks et m’a électrocuté la gueule. Mes potes sont au courant, parce que la moitié d’entre eux n’ont pas pu avoir la commande que je leur avais promis à cause de ça. Ils entrouvrent tous la bouche dans un geste de soutien et la foudroie du regard, j’en rattrape un par la manche de sa veste en jean pour le ramener contre moi et qu’il ne se fasse pas remarquer, les autres l’imite. T’veux qu’on aille la chopper ? Propose Akil. Je fais non de la tête en lui lançant une oeillade, à la meuf. J’suis pas doué pour ce genre de chose, et si Drax était là, sans doute qu’il la plaquerait contre le mur jusqu’à ce qu’elle chiale des excuses. Faut que j’frappe fort, si j’arrive à lui expliquer que j’nous ai vengé correctement, peut-être bien qu’il arrêtera de me faire la gueule. Ouais, parce que Drax, il l’a encore en travers de la gorge que j’ai paumé un sac entier de médocs. Pendant que je réfléchis mes potes lancent des idées en vrac et moi j’arrête pas de me retourner vers elle d’un air mauvais, et dans mes pensées.

Mec, t’as pas un des cachets que j’t’ai filé sur toi. Il fronce un peu les sourcils, Akil. Euh… si. Je tends la main en lui demandant de me filer un cachet. Il allait le faire mais se coupe en plein élan, la boite entre les mains, pendant que les autres font barrage pour pas qu’on se fasse repérer. Et tu comptes faire quoi avec ça ? Les benzos, ça sert aussi à violer des filles, je le sais, tout le monde le sait. Parce que ça te provoque des trous de mémoires pas possible si t’en abuse, encore pire avec de l’alcool. J’en sais quelque chose, on me prescrit ça depuis des années pour la « dépression chronique » et le « choc post-traumatique » qu’un connard de psy m’a détecté. Mais j’suis quand même un peu choqué qu’Akil me lance ce regard là. J’hausse les sourcils et soupire : T’es sérieux mec ? C’est bon, j’vais juste la faire chier t’inquiète. Il fait tomber deux cachets dans la paume de ma main. Je les laisse tomber sur ce qui sert de comptoir et avec le fond d’un verre je les écrase du mieux que je peux, sous le regard ahuri de mes potes. J’attrape un vieux ticket et fait glisser la poudre dedans, ça me servira de verseur. On se met rapidement d’accord, mes potes vont faire les cons dans un coin, pour attirer l’attention, j’aurais plus qu’à glisser le contenu dans son verre.

Et ça se passe exactement comme ça.  Alors que mes potes jouent aux fléchettes, j’arrête pas de la regarder, complètement stressé. Ouais, j’vois bien que ça commence à faire effet, mais finalement, je sais même pas ce que j’ai envie de faire de la suite de mon plan. Et quand je la vois s’éloigner pour quitter la pièce, quasi persuadé qu’elle va dégobiller dans les toilettes parce qu’elle n’est qu’une bleue qui supporte pas les cachetons, j’me lève dans la hâte, un peu trop vite, moi même éméché. Allez, j’y vais. Faites le guet, que ses potes viennent pas la chercher. Akil me lance encore un drôle de regard, persuadé que j’suis désormais un violeur en série. Je lève les yeux au ciel et suit les pas de travers de cette nana.   Finalement, elle va pas aux chiottes, elle va dans une pièce, je sais même pas à quoi elle sert. Genre de bureau. Elle a fermé la porte derrière elle mais je la rattrape avant qu’elle ne claque. Et j’passe une tête, puis le corps. Elle remarque enfin ma présence, je ferme la porte derrière moi et m’appuie contre : Bah alors, elle te plait pas ma came ? Large sourire.

Tu avais mis du temps avant d’oser ressortir. De une, parce que ta peau avait mis du temps à retrouver une couleur acceptable et de deux, tu craignais un peu trop le retour de bâton. Parce que tu savais que tu étais allée loin, très loin, peut-être même un peu trop. Et tu savais que la réponse serait encore plus forte, plus terrible. Tu la craignais comme tu l’attendais. Tu n‘avais pourtant récolté que le silence et l’absence. En soi, ce n’était pas plus mal. Mais tu étais comme un petit chevreuil, tu ne pouvais t’empêcher de sortir de ta cachette. Et ce soir, tu en étais sortie. Seule. Sans Samih pour te couvrir ou JJ pour tirer d’un mauvais pas. Non, ce soir tu avais eu l’audace de quitter le cocon et contre-toute attente, ça ne se passait pas si mal que ça.
Tu avais entendu parler de cette soirée par le biais de Macha qui en avait elle-même eu vent par un de ses amants probablement. Peut-être que tu t’étais attendue à ce qu’elle s’y pointe, mais finalement la gothique n’avait pas daigné se bouger et tu t’étais donc retrouvée toute seule, entourée d’inconnus. Cette sensation ne t’était pas totalement étrangère, tu te sentais même plutôt à l’aise, ton verre à la main et le sourire collé aux lèvres comme le plus pur des accessoires. Tu étais comme ça, rayonnante. Les pires merdes pouvaient s’abattre sur ta tête, tu finissais toujours par retrouver ton entrain et ton enthousiasme, à croire que ta mémoire effaçait chaque jour les mauvais souvenirs pour créer chaque matin une nouvelle May. Dommage que tous ceux que tu avais baisé, au sens figuré, ne le voyaient pas de cette manière, n’est-ce pas ?
Tes cheveux bouclés lâchés à l’instar d’une crinière de lion, tu riais plus fort que les autres, parce que tu aimais beaucoup trop éclipser toutes tes rivales pour t’en priver et si l’on ne t’avais pas encore entendue, on t’avait probablement vue: parmi les gros dinons blafards de Détroit, tu détonnais avec ta peau halée, tes yeux bleu et tes jambes interminables. Tu savais y faire, pour te mettre en valeur. Encore heureux parce qu’au fond, si on t’enlevait ton apparence, il ne te resterait plus grand chose. Et ce n’était certainement pas pour ta conversation qu’on t’entourait et qu’on t’offrait des verres.
Ça t’avait manqué, cette impression d’être le centre de l’univers. Ce n’était qu’un mirage, une illusion, mais tu l’aimais bien. Tu avais l’impression d’exister le temps d’un instant et c’était agréable. Non pas que tu n’existais pas au sein de Kids, mais ce n’était pas pareil. Aucun d’eux ne te voyait comme te voyaient ces crétins qui se pressaient pour te faire boire. Sam parce qu’il te voyait comme une soeur et JJ parce qu’il savait qu’il n’avait pas à faire de gros efforts pour que tu lui manges dans la main. Eux par contre, ils pouvaient toujours espérer…
Au fond, tu devais bien te douter qu’un jour, l’un d’eux serait plus malin que les autres. Qu’un jour, tu perdrais la main.
Tu ne l’avais pas vu venir, mais brutalement, la terre t’avait semblé tourner sur elle-même et ta vision s’était quand à elle troublée. Ta langue s’était collée au fond de ta bouche tandis que tes mouvements se faisaient de plus en plus lourds. Tu n’avais pas compris ce qui était en train d’arriver, tu n’avais pas été attentive aux signes et naïvement, tu avais mis ton état sur le verre de trop. C’était le cas de le dire !
Ta tête te tournait et les yeux mi-clos, tu te faufilais tant bien que mal à travers la foule pour rejoindre l’arrière de la salle. Tu as juste besoin de te calmer. Juste prendre une pause de deux minutes, ça passera déjà. Ce n’était pas grand chose après tout, pas vrai ? Ce n’était rien. Chancelante, t’asseyais sur le bureau, posant tes coudes sur tes genoux et la tête dans tes mains. Même les yeux fermés, tu avais la sensation étrange d’être dans le coton.
La porte aurait du claquer et elle ne l’a pas fait. Tu n’es donc pas seule. Ce n’est pas difficile à vérifier, tu relèves la tête et tu le vois entrer. Il sourit, tu n’es pas bien sure de savoir pourquoi, mais quand il se met à parler, t’as cette impression tenace de le connaître. De l’avoir déjà croisé par le passé. Tu ne fais pas immédiatement le lien alors tu fais ce que tu sais faire de mieux, tu relèves le menton et tu lui souris avec cette assurance que toi seule savait afficher. Même quand la situation était merdique. Ce n’était qu’une façade, ta confiance ne reposait sur rien. « Revois le dosage, je vais te gerber sur tes pompes, ça va pas te rire » Tu te passes la main dans les cheveux pour les rejeter vers l’arrière, c’est ta tête toute entière qui manque de venir avec. Ton équilibre est précaire. Tu en peines à rester focalisée sur lui. « Tu comptes faire quoi exactement, histoire de savoir »

Son regard trouble, son débit trop lent et vaseux, elle est bien défoncée. Assez pour se rendre compte de la situation, qui ne va pas s’arranger pour elle, pas assez pour s’éclater le front contre le bureau et s’étaler en travers de la pièce, s’étouffant dans son propre vomi. Tiens parlant de ça, les nausées arrivent déjà. Revois le dosage, je vais te gerber sur tes pompes, ça va pas te rire J’arque un sourcil et baisse mes yeux jusqu’à mes Nike Air d’un geste machinal. En plus je les aime bien celles-ci. C’était Olivia qui me les avait acheté pour mon anniversaire. Franchement ça me ferait chier de les flinguer. Mais je remonte doucement mon regard vers elle, d’un air totalement insultant, je commente : Deux benzos et t’es HS, c’est à s’demander c’que tu voulais faire d’mon sac entier. C’est manifestement pas une grosse consommatrice. Les gens qui en prennent régulièrement sont comme moi, toujours obligé d’augmenter soit le nombre de prise, soit le dosage, parce que le corps s’est acclimaté. C’est pas que j’aime spécialement me défoncer de médicament, c’est juste que les doc me disent d’en prendre pour soigner un truc précis, et que j’dois en prendre de plus en plus pour que ça fasse effet. Faudrait peut-être qu’ils bossent là-dessus, au lieu de nous assommer d’ordonnance juste pour nous faire taire. Ma foi, c’pas aujourd’hui que j’aurais envie de me lancer dans ce genre de débat qui me soule de toute façon très vite. Et puis elle n’est pas en état de le tenir ce débat, à cause de la dose trop forte qu’elle a ingéré. Comme j’disais c’est pas une toxico, ça semble évident. Alors y a plusieurs options : c’est une dealer, mais bon vu comme elle se comportait comme une bleu quand on s’est vu, ça m’étonnerait, elle a un copain toxico pour qui elle pique des cachets, ça se tient et ça expliquerait ses blessures de l’autre fois, ou c’est le genre de minettes qui se fait repérer par un gang quelconque, comme Rozenn et son Black Crew à la con, ouais, ça se tient aussi. Elle a la gueule de l’emploi.

Les yeux d’la fille ont du mal à suivre mes mouvements, alors que je bouge même pas. Elle a sans doute la tête de plus en plus lourde, tant mieux. Moi c’est Drax qui est de plus en plus lourd avec moi depuis que j’ai foiré cette mission qu’il jugeait « trop facile ». J’ai balancé un « bah si c’était si facile, t’aurais pu t’en charger » et c’est parti en couilles comme à chaque fois que j’essaie de me rebiffer. Si j’lui disais, il me démolirait complètement, mais Drax et mon père ont beaucoup trop de truc en commun. Tous les deux, ils supportent pas qu’on leur tienne tête, ils ont la sensation de savoir tout mieux que tout le monde, et ça les emmerde profondément quand quelqu’un essaye de dire quelque chose de différent. Drax il tient de lui, et moi j’tiens de ma mère. Tout le monde nous l’a toujours dit. Des fois j’me dis que Drax et moi, on vit comme un vieux couple tous les deux, toujours fourrés l’un avec l’autre, et quand j’me souviens que ma mère a fini par se taillader les poignet dans sa baignoire pour échapper à mon père, ça m’angoisse. Mais trêve de vieux souvenirs. La nana me balance à nouveau : Tu comptes faire quoi exactement, histoire de savoir Bon, elle me pose à moitié une colle parce que j’ai pas de plan très précis en tête. Alors j’hausse les épaules d’un air insolent et répond avec tout le cynisme dont je dispose, malgré mon état d’ébriété évident : J’sais pas, j’vais peut-être te donner un coup de taser et te dépouiller. un petit rire me secoue, même si ça n’a rien de drôle. Alors je soupire un grand coup et m’approche d’elle. Trop vite pour elle, d’ailleurs. Je l’attrape par un bras et la tire vers moi. Tu m’as fait perdre plein d’fric à cause de tes conneries. Alors soit tu me rends les cachets, soit tu me rembourses, comme tu veux. Au moins, vu son état j’suis quasi sûr qu’elle ne puisse pas me refaire une pirouette et s’échapper. Enfin j’espère, ça serait quand même sacrément la honte sinon. Déjà que de se faire aplatir par une nana handicapée, c’est pas la joie, mais alors par une nana défoncée, c’est vraiment pas mieux. Je la lâche subitement pour la déséquilibrer, ce qui se passe et j’me met à rire. Eh, tombe pas ! J’me moque, soudain mesquin. L’alcool m’aide à faire ressortir le côté petit con des quartiers. Je prends un pas de recul et enfonce les deux mains dans ma veste en jean. J’attends. T’en as fait quoi d’mon sac ? Tu l’as filé à ton mec ? Ou peut-être à ton mac ?

Si l’on devait commenter ta vie en voix off, probablement qu’on dirait que tu l’avais bien mérité, ce juste retour de bâton. Peut-être même que d’une certaine manière, tu t’y attendais un peu. C’était juste que tu oubliais un peu trop vite que chaque acte avait ses conséquences et tu devais bien te douter que terrasser un dealer, c’était pas anodin. Il y avait de meilleurs manières de faire son entrée en ville, quoi. Comment il t’avait retrouvé ? Tu n’en avais pas la moindre idée et tu ne voulais même pas savoir comment. A moins que ça ne soit que de la chance ? Peut-être, mais entre cafards, vous finissiez souvent par votre retrouver les uns et les autres. De toute manière, tu étais trop dans le mal pour réfléchir et te faire une idée de la situation et ce n’était qu’une fois l’épisode du sac évoqué que tu réalisais qui il était. Un peu tard pour ça, maintenant tu étais prise au piège. Même si tu le tasait encore, tu étais bien trop dans les choux pour prendre la fuite. « Ha ! C’était toi ! » Tu fais en fermant les yeux. Au moins, maintenant tu savais d’où vous vous connaissiez, ce n’était pas forcément une bonne nouvelle. Tu tentes de te fixer sur lui, pour éviter que le monde ne tourne davantage. « J’aurais été conne de partir juste avec une boîte si je pouvais avoir tout le stock, non ? » C’était logique. Une fois le garçon assommé, il n’était pas question de faire le tri, en plus si tu ne le prenais pas, d’autres se serviraient. Autant être égoïste. Le ton de ta remarque n’était même pas spécialement mauvaise ou ironique, tu remettais simplement les faits dans leur contexte. Rien de plus. Peut-être qu’il finirait même par se frapper le front en se disant que « Mais oui bien sur, c’est normal j’aurais fait pareil ». Ou pas, évidemment, tu pouvais toujours espérer.
En attendant, tu étais assise là, à attendre sans trop savoir à quelle sauce tu serais mangée. Vu ton état, tu étais incapable de le juger. S’il était comme Seven, il t’aurait déjà frappée. S’il était comme JJ, c’était plus mauvais. Tu te méfiais toujours plus du calme parce que la tempête n’en serait que plus brutale. Alors dans ta naïveté, tu lui posais la question, histoire de savoir.
Il finit par te répondre et tu arques les sourcils. « Pff copycat de merde. En plus j’ai même rien sur moi » L’insulter n’était probablement pas la meilleure de tes options, tu n’y avais pas réfléchi, c’était tout naturel. T’étais peut-être plutôt jolie, mais ton language n’avait rien de fleuri. Sa réaction fut quand à elle sans attente et d’un mouvement brusque, il t’attrapa le bras et telle une poupée de chiffon, tu te fais trimballer sans opposer la moindre résistance. Même si tu l’aurais voulu, tu avais trois temps de retard sur lui. « Oui ben déjà, elle était certainement volée aussi cette marchandise alors fais pas comme si j’avais volé l’argenterie de ta mère » objectives-tu d’un froncement de sourcil renfrogné, le visage levé sur lui. Tu le voix un peu flou, faute à tes yeux trop dilatés. « Et j’peux pas te les rendre de toute façon » Parce que tu les avais donné à Samih. Tu pourrais bien en récupérer une grande parte, mais tu n’en avais pas vraiment envie, en fait.
Sans prévenir, il te lâche et tu te ramasses au sol d’un bruit sourd, cognant la tête la première dans ses tibias. Tu as l’impression de sentir ta cervelle rebondir dans ta boîte crânienne et tu grognes un peu. Il se moque et tu fais une moue, vexée d’être par terre, à ses pieds. Il se recule et toi, tu restes au sol. Tu finis néanmoins par relever le nez vers lui. « Faut vraiment arrêter de croire qu’on est toutes des putes hein, c’est super sexiste. Mais non, je les ai données à un ami. Il était super content et juste pour ça, je regrette même pas. Voila. » C’était la vérité. Tu ne le provoquais pas, tu le disais juste comme ça, tel quel. « Si tu veux vraiment une contre-partie, je peux te filer une bagnole. C’est bien ça, non ? » Tu pensais à celle de Seven, Daire l’avait réparée et puis tant qu’à faire, autant qu’elle serve à ne pas te faire démonter.

Ha ! C’était toi ! Ouais ça me vexe qu’elle se souvienne pas de moi. Alors je plisse les yeux d’un air mauvais et échappe un petit ‘pff’ grognon. Mais elle se démonte pas, au contraire. Cette nana a une grande gueule, beaucoup trop grande et ça m’énerve. Son air angélique m’a trompé une fois, pas deux. J’m’attend à tout moment à ce qu’elle fasse semblant d’être défoncée rien que pour pouvoir me casser la gueule. J’aurais été conne de partir juste avec une boîte si je pouvais avoir tout le stock, non ? J’échappe un petit rire outré. La meuf n’est même pas un peu impressionnée. Drax, il dirait que c’est parce que j’ai une gueule de môme et le regard d’un chaton en colère. Ça impressionne pas. Y a que quand j’ai un flingue sur moi que j’arrive à faire taire les gens. Alors je me renfrogne, un peu soulé, parce que je pensais que ça serait nettement plus facile et j’espère secrètement que la drogue va lui donner un gros coup sur le crâne et qu’elle va finir par s’adoucir. La prochaine fois, j’en mettrais trois, des benzos. Moi j’trouve que t’as été conne de m’emmerder. Que j’ajoute comme un gosse, capricieux et boudeur, comme si cette menace avait un quelconque effet - non.

Mes menaces de toute façon, elle s’en fout complètement. Et quand j’lui propose de lui renvoyer l’ascenseur, elle commence même à m’insulter et je rétorque d’un sourire mauvais. Elle a rien sur elle hein ? Alors elle est où ma dope ? Que j’demande en commençant clairement à perdre patience. Alors il est temps de corser un peu les choses, je l’attrape fermement par le bras pour la secouer un peu. Mauvaise pioche, madame ne veut toujours pas fermer sa gueule. Le regard braqué sur moi et ses pupilles qui se dilatent lui donnent un drôle d’air. Moi je détourne pas les yeux la mâchoire serrée. Voilà qu’elle va se dire qu’elle était dans son droit, comme si la drogue des dealers étaient un genre de proriété collective. P’tain mais tu vis sur quelle planète toi ? Que je siffle entre mes dents. L’énervement commence à monter, mes joues à rougir et ma prise se resserre une seconde autour de son bras trop mince. Et j’peux pas te les rendre de toute façon J’inspire profondément, pas du tout satisfait de cette réponse. J’sais pas trop à quoi je m’attendais. Peut-être à ce qu’elle se confonde en excuse, paniquée à l’idée que je puisse la retrouver, la droguée et la menacée. Mais y a rien qui fonctionne sur elle. Pour-quoi ? Que j’articule à bout de nerfs avant de la lâcher violemment pour la faire tomber. Enfin, ça fonctionne et la voici par terre et j’commence à m’énerver. Elle a pas pu s’enfiler tout mon sac en si peu de temps. Alors soit elle l’a vendu et dans ce cas elle me doit tout ce fric, soit elle les a encore quelque part, chez elle, chez son mec. Son mac peut-être. La voilà devenue féministe. Faut vraiment arrêter de croire qu’on est toutes des putes hein, c’est super sexiste. J’me mets à rire, et c’est clairement ironique. Je retire une main de la poche de ma veste pour la passer dans mes boucles d’un geste nerveux. Ah qu’elle me lance pas là-dessus, en ce moment les meufs, j’en ai ras-le-cul. Et j’ai bien assez de Nana et ses copines pseudo-féministes pour avoir ma dose sur l’année. Le pire c’est qu’elle enchaîne en confirmant exactement ce que je venais de dire. Comme quoi, une nana, ça reste à la botte de son mec. Enfin, faudrait peut-être passer le mot à Olivia. P’tain, fait chier, j’ai pas envie de penser à elle. Chaque fois que je suis bourré j’finis par chialer sur son répondeur. Bref. Mais non, je les ai données à un ami. Il était super content et juste pour ça, je regrette même pas. Voila. Je fais un genre de moue dégoûtée, m’approche d’elle, me penche en avant les mains dans les poches pour me rapprocher d’elle. Bah tu te démerdes et tu d’mandes à ton mec de te les rendre. C’est bon quoi, si son gars il veut de la dope, qu’il l’a paye, il envoie pas sa nana handicapée, la jambe dans une attelle faire le sale boulot. C’est quoi ça ?

Bon, j’avais pas prévu la contre-proposition qu’elle me sort ensuite : Si tu veux vraiment une contre-partie, je peux te filer une bagnole. C’est bien ça, non ? J’hausse les sourcils, étonné. Je me remets debout et la regarde un moment sans trop savoir si elle est sérieuse ou pas. Je fais la moue et regarde bêtement autour de moi, puis inspire profondément. Finalement, après un silence, je finis par lâcher : Et elle est où ta caisse ? Si ça se trouve, elle n’en a même pas, et pas envie de me faire enculer une deuxième fois par cette nana. Finalement je sors les mains de mes poches et me penche vers elle, l’attrape à nouveau par le bras et la hisse debout. Ok, on va s’promener, si ta caisse est cool, ça peut valoir le coup. J’en ai marre de m’trimballer avec celle de Drax et qu’on doive se la partager, si on en a une chacune, franchement ça serait cool. Ok, ça me rachètera pas auprès de mon frère, mais bon, j’suis d’humeur égoïste, et j’ai tellement voulu une caisse à moi tout seul depuis toujours que c’est clairement la bonne proposition. Je la traîne hors de la chambre, et elle marche de plus en plus tordu, alors je suis obligé de l’appuyer complètement sur moi. Quand on repasse dans la salle principale, y a mes potes qui se tournent vers moi et Akil, il a pas l’air rassuré. Je lui fais un signe de tête que ça va, il hésite et puis nous laisse filer. Une fois à l’extérieur, on galère sur les marches du perron, en fait, on galère tellement qu’on se pète tous les deux la gueule. Mais putaaaaain. Que j’gueule en me redressant. Et pendant que je suis à genoux sur le sol, à côté d’elle, je mate les voitures autour de nous. Alors, c’est laquelle ? Que j’demande, parce que clairement, elle a intérêt à être garée à deux pas, et elle se démerdera toute seule pour rentrer.

Tu ne l’avais pas reconnu au premier coup d’oeil, mais ce n’était pas ta faute, tu l’avais rencontré dans l’obscurité d’une ruelle et à présent, tu n’avais plus les yeux en face des trous. Il a l’air fâché et soupire d'un air dédaigneux, peut-être même vexé ? Tu as du mal à saisir la nuance, trop concentrée à rester droite et ne pas tomber comme une mouche. Tu ne savais pas ce qu’il t’avait vraiment donné, mais c’était clairement plus dosé que les médocs que tu avais déjà avalé jusqu’à présent, à moins que ça ne soit la faute à l’alcool ? Dans tous les cas, le mélange qu’il t’avait servi n’aidait pas ton bon sens, bien au contraire, tu perdais le filtre séparant tes pensées et tes lèvres. A ta réflexion, il n’a pas l’air convaincu alors tu hausses des épaules. « J’voulais pas t’emmerder, l’occasion était juste trop belle » tu lèves les yeux sur lui et par la même occasion, un indexe accusateur. « Jure que tu ne l’aurais pas fait ? » Parce que tu étais sure que si, il l’aurait fait. C’était juste qu’il était énervé d’avoir été le dindon de la farce et toi, tu n’étais pas désolé s’il avait été assez bête pour te faire confiance. Tu n’avais pas beaucoup d’estime de toi, alors ceux qui se faisaient baiser par tes petites entourloupes ne méritaient pas ta compassion. Ils ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-même.
Le problème, c’est que tu n’étais pas en position de jouer à la moralisatrice. Le dealer s’impatientait et tu le regardais d’un air torve sans répondre à sa question et d’ailleurs, il ne t’en laissa pas le temps, t’attrapant pour te faire tomber. Ce n’était pas difficile et tu finis à ses pieds. Il se fâche et trop ivre ou défoncée, tu ne réfléchissais pas à tes réponses, tu ne te préparais pas à arrondir les angles, tu répondais simplement et naturellement. Les mauvaises réponses, évidemment. Il voulait savoir où était passée la drogue et tu envisageais un temps de lui donner ton adresse. Il pourrait toujours y aller réclamer son bien à Samih, pas dit que ça finisse bien. Ceci dit, pas dit que tu finisses bien ce soir non plus. « Il voudra pas, on en a besoin » argumentais-tu en sous-entendant que vous en aviez plus besoin que lui en tout cas. « Et c’est pas mon mec je te dis ! » Tu insistes sur ce point. Non, SamSam n’est pas ton mec, c’est Samih, c’est tout. Même si concrètement, le dealer s’en foutait de savoir si vous étiez frères, amis, amants ou voisins, lui ce qu’il voulait, c’était son stock. Donc vous aviez un soucis.
Jusqu’à ce que tu aies une idée lumineuse. La voiture de Seven ! Rien que pour le plaisir de l’imaginer réclamer ce que vous n’aviez plus, tu avais envie de la lui donner. Parc que la proposition était honnête, tu ne cherchais pas à le berner cette fois. Le jeune homme ne sembla pourtant pas tout à fait convaincu. En même temps, il ne fallait pas s’attendre à une Roll’s non plus, hein ! « Dehors » réponds-tu un peu stupidement, essayant de te remettre sur tes pieds, maladroitement. Il finit par t’attraper et te remettre debout, avec toute la douceur de ce bas-monde. Instinctivement, tu t’accroches à lui, parce qu’aussi merdique soit ta situation, tu ne pouvais compter que sur lui ce soir. « Mais oui ! C’est pas des conneries, en plus elle a de la valeur sentimentale et tout » racontes-tu presque gaiment, oubliant que dans l’histoire, tu étais menacée par le dealer, de base. Il ne te faisait plus vraiment peur maintenant, moins que dans la ruelle en tout cas, alors tu t’appuyais sur lui, prenant garde à ne pas t’emmêler les pinceaux.
Ceci dit, c’était sans compter sa propre maladresse et sans crier gare, vous vous retrouviez tous les deux au sol. Il s’énerve et toi tu commences à rire de bon coeur, parce que la situation est beaucoup trop drôle. « J’ai rien fait ! » préviens-tu quand même, histoire de ne pas avoir d’ennuis. « Elle est plus loin, faut marcher un peu, tu vas y arriver ? » Tu souris de toute tes dents, prenant toutes cette situation pour un jeu, trop high pour réaliser que tu venais de trouver un plan de génie pour lui filer la trouille de sa vie, s’il avait le malheur de foutre un seul de ses pieds dans votre maison. Samih et JJ ne le laisseraient pas sortir vivant. « J’habite le vieux quartier de Delray en fait, j’avais pas prévu de me faire agresser ce soir t’sais, alors faudra un peu marcher »

Bah non, je l’aurais pas fait. C’est pas tellement crédible, venant d’un cambrioleur. J’ai l’habitude de prendre ce qui ne m’appartient pas. Drax et moi, on en a fait notre fond de commerce. Mais forcément, quand c’est sur moi que ça tombe, ça fait beaucoup plus chier. Un peu soulé qu’elle ne prenne même pas la peine de s’excuser, je soupire sans répondre à sa question. De toute façon, elle flingue mes derniers espoirs de récupérer la dope. Son mec en a besoin, enfin en plus, c’est même pas son mec. Genre, GENRE moi j’en ai pas besoin de ce fric. Je me passe une main dans les cheveux, sans trop savoir quoi faire. J’vais quand même pas me mettre à lui taper dessus, j’pensais qu’elle serait beaucoup plus vite impressionnée et qu’elle chercherait même pas à négocier. Pas de bol, j’tombe sur une fille clairement plus perchée que les autres. Mais, dans mon malheur, je tombe quand même sur celle qui a une voiture à se débarrasser. Elle marque un bon point avec sa proposition, et même si je reste un peu méfiant. C’est vrai quoi, la première fois je l’ai pas vu venir avec son taser, peut-être que ce coup-ci elle m’attend avec un couteau. Ou une grenade. Ou bien peut-être que c’est une voiture piégée.
Tant pis j’ai toujours voulu une voiture à moi. Alors quand elle me dit qu’elle est dehors - no shit - on se dirige tous les deux vers la sortie. Enfin, je la dirige vers la sortie. J’sens qu’on est tous les deux dans un état de plus en plus pitoyable. Elle s’accroche à moi et on dérive jusqu’à la sortie d’un pas peu sûr. Elle tente de me rassurer au passage. Mais oui ! C’est pas des conneries, en plus elle a de la valeur sentimentale et tout J’ai la tête qui tourne un peu, l’alcool n’aidant pas, et je réponds d’une voix vaseuse et Ouais bah ma dope aussi, elle avait une valeur sentimentale. Et quand on atterrit dehors, c’est là qu’on se prend mutuellement les pieds l’un avec l’autre, on chute sur le gazon, je lâche un juron, l’esprit embrumé, pendant qu’elle se marre. C’pas drôle. Que je chouine, pendant qu’elle se défend qu’elle n’a rien fait. OUAIS, enfin, À PART M’ENVOYER UN COUP DE TASER. Et vu que j’ai encore la haine contre elle, parce qu’en plus, sa bagnole, elle est même pas garée devant, je me penche vers elle, toujours à genoux sur le sol, et je tire sur le col de mon t-shirt pour découvrir un peu ma gorge, la marque du taser est encore là. Et ça hein ? C’pas un suçon, t’sais ! Bon, ok, ça n’a aucun rapport avec notre chute, mais j’avais juste envie de lui rappeler. Et puisqu’elle a l’air décidé à me faire chier jusqu’au bout, elle me prévient Elle est plus loin, faut marcher un peu, tu vas y arriver ? Je pousse un long soupir. J’ai la flemme putain. Mais ma fierté me pousse à lui prouver que j’peux parfaitement y arriver alors j’me relève non sans rouler sur le sol et dériver ensuite sur quelques pas. J’écarte les bras et lui en tend un pour l’aider à se relever à son tour. P’tain tu fais trop chier comme meuf. Que je commente. On reprend donc la route pendant qu’elle m’explique où elle vit : paumé. Bon, j’vis aussi dans Delray, mais j’ai le bon sens d’être dans le seul endroit qui bouge ici. ... j’avais pas prévu de me faire agresser ce soir t’sais, alors faudra un peu marcher J’m’arrête net, genre, outré, et ça nous déséquilibre tous les deux. Ok ça commence à vraiment tourner, la tête. J’sais plus si j’ai beaucoup bu, si ? Peut-être que c’est elle, au final, qui a mis des benzos dans mon verre. Ma foi. Atteeeends, attends, attends, attends. Qui a agressé qui là ? Et vu qu’elle continue de marcher de traviole, je la suis, en insistant lourdement. Un coup de TASER. Dans ma GORGE. Et puis j’suis resté là, genre, sous l’pont des toxicos, j’aurais pu me faire tuer par tous les gars. Et j’continue de m’en plaindre pendant encore quelques minutes. Et on continue de marcher pendant au moins, cent dix ans.

Et puis on arrive dans un genre de terrain en friche, au bout d’un chemin de terre. Et là y a un manoir immense qui se dresse devant moi. Je bloque. C’est là qu’tu vis ? Bon, ça ressemble à une ruine hantée par tous les serial killer de la région. Du coup j’ai même pas envie d’approcher. Même si l’idée me vient à l’idée. Vous savez : de l’assommer et de courir à l’intérieur pour retourner tout le manoir à la recherche de ma dope, ou mon fric. Ou on fric. Ou n’importe quel trésor que peut renfermer ce musée des horreurs. Je lui jette un coup d’œil, elle n’a pas l’air plus effrayée que ça de me mener chez elle. Elle peut pas vivre toute seule là-dedans. Si peut-être. J’en sais rien. Je me rapproche de la seule voiture qui trône là. C’est ça ta caisse ? Ok, je suis déçu, elle est pourrie. Et toute poussiéreuse. Je me rapproche en titubant et me colle contre, les mains autour de mes yeux pour regarder à l’intérieur. Putain, tout aussi dégueu. Elle marche au moins ? J’ouvre la portière et m’assois, ça tourne encore plus. Je mets mes mains sur le contact, me rappelant soudainement que bah, j’ai pas les clés. Je soupire un peu vaseux et me laisse tomber contre le dossier du siège passager. Et lève les yeux vers elle. Je lève une main en mimant une clé. T’as la… la… la clé là ? Et puis, mon regard est attiré par une lumière qui s’allume dans le manoir, là, juste devant. Ça me fait baliser une seconde. On dirait vraiment que c’est hanté ce truc. Il est là ton mec ? J’me reprends juste après devant la tête qu’elle me fait : Ton pote, ton mec, n’importe. J’préfère autant que ça soit lui plutôt que la gamine de l’Exorcist. Sinon tu peux aller lui d’mander d’me filer mon fric hein, ça me va aussi.

D’aussi loin que remontaient tes souvenirs, tu n’avais jamais été droguée à l’insu de ton plein-gré, tu ne savais pas bien comment tu étais supposée réagir dans ce cas de figure, mais étonnamment, tu ne ressentais pas la peur. Peut-être que ce qu’il t’avait refilé bloquait cette émotion ? Peut-être qu’il t’avait rendue docile comme un agneau, tu ne savais pas trop, mais une chose de certaine, tu ne le trouvais pas terrifiant. Peut-être que s’il t’avait frappée, tu aurais commencé à le craindre, mais non. A part te bousculer comme un enfant fâché, il n’avait pas fait grand-chose de terrifiant. Limite, tu le trouvais presque marrant. Tu ne mesurais absolument pas le danger qui planait au-dessus de ta tête et visiblement, une fois de plus ta bonne étoile avait brillé dans le ciel, t’évitant de tomber sur un enragé. Non, le dealer semblait pas plus dangereux que toi, même pas plus malin. Vous pouviez presque vous donner la main parce que vous faisiez une belle paire, à ne plus savoir marcher droit.
Marchant vers la sortie en te tenant à lui, histoire de ne pas finir le cul par terre, tu ne réalisais même pas à quel point il était lui-même alcoolisé. Son propre équilibre plus que précaire aurait pourtant du te mettre la puce à l’oreille, mais quand bien même, tu ne risquais plus de t’échapper en courant, pas ce soir en tout cas ! De toute manière, il te fit trop rire en te faisant remarquer que sa came avait valeur sentimentale. « T’inquiète, on a pensé à toi quand on a sniffé l’oxy » Techniquement, tu mentais puisque c’était à un autre que vous aviez porté un toast, mais ça il ne pouvait pas le vérifier, pas vrai ? L’annonce sembla le chambouler parce que sans crier gare, il perdit l’équilibre et t’entraîna dans sa chute, te faisant rire de plus belle. C’était drôle, tu n’avais pas eu mal en plus, alors tu riais de bon cœur. Un rire sincère, pas pour lui mettre les nerfs, loin de là. T’étais peut-être un peu conne et droguée, mais tu n’étais pas insolente pour autant, du moins pas volontairement. Ta proposition était donc sincère, tu n’étais pas en train de lui tendre un piège.
A sa manoeuvre, tu tendis le visage pour voir de plus près ce qu’il te montrait. « Ah oui, c’est pas un suçon. Mais ça y ressemble un peu quand même. » tu marquais une petite pause « Tu pourras toujours dire que t’as eu un coup de foudre ! » OK t’étais vraiment atteinte ce soir. Dommage pour lui, il en était quand même sacrément responsable, qu’il assume. Tu attrapes son bras pour te relever à ton tour et reprendre le chemin vers la maison des Kids. Sans raison aucune, il se mit à rouspéter après toi et tu te renfrognas, ne sachant même pas pourquoi il en avait après toi. Tu n’avais rien fait, là. Grognant dans ta barbe, ta remarque ne sembla pas lui plaire et le voilà qui stoppa net et tu te cognais dans son épaule. « On va pas y arriver si tu s’arrête tous les deux pas ! » Réclamais-tu tandis qu’il remis les choses au clair, recouvrant tes paroles sans t’écouter. En plus, le voilà qui revenait avec cette vieille histoire de tazer ! Tu roulais des yeux dans tes orbites, comme si cette histoire n’en était plus qu’un lointain souvenir. « Mais pardon pour çaaaa ! J’ai pas fait exprès de te choisir toi, en plus tu n’étais même pas super sympa alors je me suis dit que c’était bien fait pour toi, j’savais pas ! » Tentais-tu d’expliquer avec cet air presque dédaigneux de celle qui n’avait fait que se tromper de destinataire, le coup de tazer en revanche, tu ne semblais pas le regretter. Bref, tu ne voyais vraiment pas pourquoi il restait buté là dessus. « Mais non ils ne t’auraient pas tué puisque tu n’avais plus rien à voler ! » Objectivais-tu sans t’arrêter de marcher.

Ce n’est qu’un long moment plus tard que tu lui désignais la maison de l’autre côté de la rue et à son air ébahi, tu arquais les sourcils. « Oui, c’est super à l’intérieur ! » affirmais-tu, sincère. Il y avait des planches sur certaines fenêtres et il fallait faire attention quand on marchait pieds nus, mais toi tu l’aimais assez cette maison, elle était toute de travers, mais c’était chez vous. Et devant la maison, la voiture de Seven vous attendait. C’était une chance que Samih ne soit pas parti avec, ce qui signifiait qu’il était potentiellement à la maison. Si tu avais l’esprit plus vif ce soir, tu aurais pu te sortir de cette situation avec une simplicité déconcertante: il suffisait d’appeler Samih à la rescousse. Ce dernier était peut-être dans un état inquiétant, il n’en demeurait pas moins assez intimidant et tu étais quasiment sure que le dealer n’aurait pas envie de le défier. D’ailleurs, quel était son nom ? « C’est quoi ton nom ? » Demandais-tu abruptement tandis qu’il fit le tour de la bagnole, l’air déçu. Sa question te fit froncer des sourcils. « Evidemment qu’elle marche, Daire l’a réparée » Il n’avait pas idée de qui elle était, mais à tes yeux, tout le monde connaissait Daire. Sa question te fit réaliser qu’il attendait quelque chose de toi et ton regard s’illumina. « Oui faut que je la cherche ! Et je sais pas qui est là, Sam ou Macha j’imagine, pourquoi ? » Qu’importe, il attendait sa clé et tu finis par y aller, tant bien que mal, titubant à plusieurs reprises et au prix d’un gros effort, tu finis par remettre la main dessus et revenir jusqu’à la voiture. Tu pris appuis contre la portière pour te pencher à sa hauteur et le regarder avec sérieux. « Tu vas y arriver ou tu vas te prendre tous les trottoirs ? » Non parce que si c’était pour l’encastrer dans un mur, autant te la laisser ! Tu lui tendis néanmoins la clé. Chose promise, chose due.

Cette nana ne lâche jamais l’affaire, et elle a toujours réponse à tout. C’est le plus soulant, je pense. Même à la marque outrageuse de sa violence dans mon cou, elle trouve le moyen de faire une blague dessus. Ah oui, c’est pas un suçon. Mais ça y ressemble un peu quand même. Tu pourras toujours dire que t’as eu un coup de foudre ! » Ma première réaction, c’est d’ouvrir la bouche d’un air choqué, et j’commence à réplique avec le même aplomb qui me définit, moi éternel gamin en crise d’adolescence, la même que j’ai pas eu l’occasion de terminer gamin auprès de mon géniteur : Mais tu t’fous d’ma gueule putain d’merde et en plus de ça tu t’crois drôle peut- Mais j’suis stoppé dans mon élan par un éclat de rire qui s’échappe de mes lèvres et je secoue la tête. Ok, c’était quand même un peu drôle. Et en même temps que j’me relève, j’en rajoute quand même une couche : J’te jure tu me gaves trop ! Mais je suis toujours en train de ricaner - l’alcool aidant - à sa stupide blague pourrie.

La route est longue, semée d'embûches. Ou plutôt, semée de nos grandes gueules qui nous ralentissent. Voilà pourquoi quand elle tente minablement de justifier pourquoi c’est sur moi que c’est tombé, je m’arrête pour la dixième fois d’un air dépassé. Mais pardon pour çaaaa ! J’ai pas fait exprès de te choisir toi, en plus tu n’étais même pas super sympa alors je me suis dit que c’était bien fait pour toi, j’savais pas ! Je plisse les yeux et la rattrape par petite foulée en l’attrapant par l’épaule, ce qui nous déstabilise tous les deux. Franchement, j’aurais pas dû boire, et j’aurais pas dû la droguer, l’un et l’autre on forme un bon duo comique de bras cassés. Non, non, non, alors déjà, DÉJÀ j’ai été super sympa là. Toi t’étais là à me taper la causette genre, t’as jamais été en contact avec un dealer de toute ta vie. Et tu me demandais des réducs ou des échantillons gratuit comme si c’était dans un putain de Sephora. J’suis resté grave calme ! Et puis je secoue la tête d’un air fataliste, et un peu énervé en continuant à marcher ce qui me semble le millième kilomètres : Mais ok, ok, bah t’façon t’sais quoi, j’ai l’habitude, les emmerdes, c’est toujours pour ma gueule. C’est pas des tuiles que j’me prends sur le crâne, moi j’te dis, c’est un putain de toit entier. Genre, depuis toujours. Tout le monde me traite comme un couillon, bah c’est comme ça, peut-être bien… ouais peut-être bien que je suis un couillon. Bah ouais moi j’aide la gonzesse qui veut se défoncer, j’aide Rozenn, j’aide Drax, j’aide tout le monde, et voilà, voilà on me prend pour un con, tout le temps, on me tase la gueule, et c’est tout ce que j’ai. J’suis parti dans mon laïus sans trop savoir où ça va, et j’me suis allumer une clope, ou du moins, j’ai essayé, à mainte reprise. J’ai fini par m’arrêter pour me protéger du vent, et puis la nana, elle m’a encore engueulé parce que je ne faisais que m’arrêter. OUI BAH DÉSOLÉ C’EST LE VENT. Que j’ai répliqué en faisant un genre de bras d’honneur à la météo, et enfin on a repris notre chemin. Le temps de rejoindre sa maison hantée.

Enfin, maison hantée, d’après elle, c’est genre la petite maison dans la prairie. Oui, c’est super à l’intérieur ! Qu’elle me rectifie, limite étonnée que je puisse sous entendre que c’est un taudis. J’attends qu’elle parte un peu devant pour marmoner dans ma barbe : Ouais, ça se voit. Et je continue ma route jusqu’à tomber sur l’épave que lui sert de bagnole et je fais la moue un peu soulé par cette découverte, mais elle, elle me demande d’un coup. C’est quoi ton nom ? Je tourne la tête vers elle un peu étonné, c’est vrai qu’on a même pas fait les présentations, ce qu’elle aurait pu faire l’autre jour, avant de m’électrocuter. Malcolm. Que je réponds en m’approchant du véhicule, et à chaque pas que je fais, j’ai l’impression que tout va s’effondrer, ça serait bien ma veine. Ouais, je sais, comme dans la série. Que j’ajoute par automatisme. C’est sans doute exactement pour cette raison que je m’appelle comme ça d’ailleurs, j’ai jamais eu cette discussion avec mon père. Et puis je lui lance un coup d’œil : Et toi ? Elle a une tête à avoir un prénom chiant. Parce qu’elle est chiante.

Planté devant la raison de mon ma randonnée jusqu’à ce coin paumé, avec au moins le réconfort de me dire que je vais pouvoir rentrer en voiture, j’observe l’intérieur du tas de ferraille peu confiant, elle me rassure illico : Evidemment qu’elle marche, Daire l’a réparée. J’hausse les sourcils, un peu bougon : Ah bah si Daire l’a réparé alors… Que j’ironise, parce que moi je la connais pas cette nana, mais si c’est une pote à l’autre, j’me dis qu’elle doit pas être bien douée non plus. Mais bon, je lui demande finalement la clé en me laissant tomber à l’intérieur, épuisé et ivre, et elle me balance la liste de ses colocations, je roule des yeux un peu surpris et dans ma tête j’me dis qu’elle vit avec un genre de club de toxicos qui squatte cette ruine. Mais d’un coup, j’ai plus du tout envie d’aller faire connaissance. Déjà que cette nana est tarée, j’suis presque sûr, à l’heure actuelle, qu’elle est la plus sympa de la bande. Elle disparaît dans la nuit en me laissant là tout seul. Bon ok, c’est trop flippant comme endroit et j’me sens pas hyper rassuré. Je regarde la pénombre dans le rétroviseur, m’allume une clope, commence à fouiller un peu dans la caisse. La clope fumante entre les lèvres, je mets les deux mains dessus et esquisse un sourire. L’info remonte au cerveau : j’ai une caisse. Une caisse rien qu’à moi, et c’est la première fois. Elle revient en trottinant et je sursaute en la voyant. Soupire et tape la cendre par la portière encore ouverte. Enfin, j’attrape la clé qu’elle me tend. Tu vas y arriver ou tu vas te prendre tous les trottoirs ? Je pointe avec ma main devant moi : Y en a pas de trottoir. Que je mets en évidence. Et là je tire la portière pour la refermer. Allez va te coucher toi maintenant. Pis bois de l’eau. T’auras peut-être des trous de mémoire demain. J’suis vraiment trop sympa, genre, vraiment trop sympa comme dealer slash drogueur dans des bars. Alors qu’elle s’éloigne, je tourne la clé sur le contact. Le moteur rame, froid. Je la foudroie du regard. AH BAH SUPER ! Elle l’a bien réparé là Daire ! Enfin, la voiture est lancée, les pédales sont difficiles, mais j’arrive quand même à démarrer, par accoups, difficilement. Putain ! Faut que je m’y habitue, j’ai trop envie d’une caisse pour en rester là. Je recommence à rire alors qu’elle me regarde démarrer. Finalement je termine devant leur boite aux lettres que je tord légèrement, pouffe à nouveau de rire et lui fait un signe de la main pour m’excuser. Par en marche arrière, braque avec toutes les maigres forces qui me restent. Enfin, je m’éloigne de cette maison hantée. Et j’peux pas m’empêcher de me dire que malgré tout, c’était pas si mal comme soirée.

Si Malcolm ne t’avait pas droguée, tu réaliserais sans doute la gravité de la situation : il t’avait droguée pour se venger de ce que tu lui avais fait, bref ce plan n’avait rien de réjouissant pour toi et pourtant, tu t’éclatais comme une gosse. Parce que ce mec, il était complètement peté, non ? A moins que ça ne soit naturel chez lui, dans ce cas-là tu te regrettais quand même un peu de l’avoir tasé, il était trop cool pour crever dans un caniveau. Enfin, façon de parler, il n’était pas mort, et tu n’étais pas certaine qu’on puisse mourir avec un taser. A tester avec Seven Popescu, la prochaine fois. En attendant, lui ne trouvait pas ça drôle du tout. Tu fis une moue boudeuse, mécontente qu’il t’engueule. Heureusement, ça n’aura duré que trois seconde parce que le rire qui jaillit de sa gorge balayait la mauvaise humeur. Un grand sourire fier aux lèvres, tu continuais à trotter à ses côtés, satisfaite.
Malheureusement, il restait vachement bloqué sur cette vieille histoire de taser ! Tous les dix pas, voilà qu’il remettait ça ! Et pas qu’un peu en plus, voilà qu’il ouvrait les vannes et te racontait sa vie ! Super ! Tu fis les gros yeux et gonflais tes joues comme un ballon de baudruche, mais il continuait sa tirade. « Eh bah, t’avais qu’à me la faire ta réduc ! » soufflais-tu en rigolant, imaginant si bien le garçon en vendeur chez Sephora. Le truc c’est qu’il continuait à te déballer sa vie et soudain, il te donna surtout l’air d’être un pauvre gars. En tout cas, assez pour qu’il te fasse un peu pitié. Tu en pinçais des lèvres avant de lui tapoter le bras. « T’inquiète pas, moi aussi tout le monde me prend pour une conne. On vit avec ! D’ailleurs, tu vois, tu m’as tellement pris pour une conne qu’au final, tu t’es fait niquer, ça a des super avantages ! Je t’apprendrais si tu veux ! » Tu lèves les paumes au ciel, histoire de lui faire comprendre que ce n’est pas grave.
Parvenus devant votre maison, il ne semblait pas aussi enthousiaste que toi, jamais c’était parce qu’il ne savait pas comment c’était grand, à l’intérieur. Trottinant jusqu’à la voiture de Seven, tu le questionnais sur lui, enfin tu lui demandais son nom quoi. Malcolm. OK. Il ajoutait un truc et tu haussais les épaules « Je regarde pas la télé ». Bizarrement, ça ne t’avait jamais branchée, parce que Papa ne le voulait pas et ensuite, parce que vous n’aviez pas trop les sous pour. « Meadhb. Enfin, t’embêtes pas, May c’est bien aussi »
Allant récupérer les clés de la bagnole, tu reviens auprès de Malcolm pour les lui donner. Après tout, tu avais peut-être l’impression de faire une promenade de santé, mais à la base tu étais quand même en train de te faire racketer. Revenant à sa fenêtre, tu lui offris un grand sourire. « T’es nul comme gangster Malcolm ! Il y avait Sam à l’intérieur, j’aurais pu te l’envoyer pour qu’il te casse la tête » puis d’un clin d’œil. « Mais je l’ai pas fait, t’as vu ! » Oui, tu attendais presque à des félicitations même si tu ne te faisais pas d’illusions, c’était des bolosses dans ce quartier, pas des princes.
Te reculant tandis qu’il démarrait le bordel, tu lui fis un salut de la main. Vu la conduite, pas dit que tu le revois, celui-là.

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