Saturday night was never really meant to do right [Jjay]

Au début, le départ de Daire et Samih t’avait laissé un goût amer, toi qui espérais que votre petite famille soit enfin réunie dans la joie et la bonne humeur…c’était raté ! Ensuite, tu avais craint la solitude. Tu avais eu peur de te retrouver comme l’année dernière, à te retrouver seule face au monde. Ta crainte a pourtant vite été balayée par JJ qui t’avait ramenée à l’intérieur, un bras autour de ton épaule. Et depuis, il ne t’avait plus vraiment relâchée.
Aujourd’hui encore, toute cette histoire te paraissait encore un peu étrange, comme si tout ce qui se passait entre vous était irréel, un mirage ou pire encore, une illusion. Chaque matin, tu t’attendais donc à te réveiller en te rendant compte que tout ça n’avait été qu’un rêve inavoué. Et pourtant, chaque matin il était encore dans ton lit, le visage enfoui dans ton cou et ses jambes mêlés aux tiennes.
C’était agréable. Mais tu ne savais pas lâcher prise. Peut-être parce que tu t’en méfiais encore ? Ou peut-être parce que finalement, tu le redécouvrais ?
Vous n’aviez jamais été si proches que ça jusqu’à présent. Vous n’aviez jamais vraiment passé du temps tous les deux non plus. Juste tous les deux. Tu ne savais même pas si vous aviez déjà eu de réelle discussion, sans qu’il ne te couvre de reproches. Tu n’avais plus envie que ça arrive et surtout, tu avais peur qu’il finisse par se lasser de ta réserve.
Alors tu lui avais proposé de sortir ce soir. Rien de fou. Tu avais juste envie qu’il te fasse entrer dans son univers et pas seulement celui que tu lui fantasmais.
C’est donc les incisives refermées sur ton index que tu te mordillais l’ongle, vêtue comme à ton habitude beaucoup trop court et les cheveux remontés en un chignon lâche. Tu avais longuement hésité et puis finalement, tu étais venue comme tu venais habituellement. Quitte à passer du temps tous les deux, autant que ce soit sans faux-semblants…

Rien ne me fait plus plaisir de pouvoir dire à nouveau des phrases du genre : non désolé j'peux pas v'nir, j'vais voir ma meuf. Ça a quelque chose de canalisant et ça me remplis toujours d'une fierté sans limite. Pour moi, c'est un peu comme dire : quelqu'un m'aime, je suis important. Et ça, ça a une sorte d'effet magique sur moi. Depuis que je suis avec May, une partie de mes idées noires se sont faites la malle. J'suis pas fait pour fonctionner en solo, moi j'avance en tandem, c'est comme ça. Et sa présence m'aide à mieux accepter le départ de Samih et de Daire. C'est le genre d'absence qui me rend malade, parce que y a toujours cette crainte qu'ils ne reviennent pas. Qu'ils nous abandonnent. Daire l'a déjà fait et avec Samih, les choses sont toujours compliquées à l'heure actuelle. Mais si ce connard se fait la malle, j'le jure, je le retrouverai. J'y consacrerai ma vie s'il le faut, mais j'le retrouverai. Ne serait-ce que pour avoir le plaisir de l'buter ensuite pour avoir osé me faire ça. Que ce soit clair.

J'abandonne mes activités du soir pour prendre la direction de Krainz, on doit se rejoindre avec May devant un bar que je fréquente souvent ces derniers temps. Comme à mon habitude, je fais une entrée fracassante. La vieille voiture fait un bruit d'enfer, je freine comme un sauvage et me gare à moitié sur le trottoir, car la place la plus proche n'était pas assez grande pour la voiture. Aucun problème, de biais, ça rentre toujours. Je remonte jusqu'au bar où May m'attend déjà. Je lui souris de loin et la détaille de haut en bas. Je n'ai jamais été de ces copains relous qui pètent un plomb dès que leur meuf s'habille au-dessus du genoux. Moi, j'en ai rien à foutre. Ce n'est pas ça qui me fait péter les plombs. Arrivé à sa hauteur, je l'attrape par la taille et viens la coller contre moi, me penchant au-dessus d'elle, mon nez qui frôle le sien. — Putain, t'es belle. Que je lâche, un peu excité par sa tenue. Je l'embrasse, appuyant fermement mes lèvres sur les siennes un bref instant. Puis je viens me caler à côté d'elle et passe mon bras autour de ses épaules, l'invitant à rentrer dans le bar. Une fois à l'intérieur, j'agis comme un petit prince. Comme si c'était ma maison. J'ai toujours eu tendance à m'approprier tous les lieux dans lesquels je vais. Je lève la main pour saluer le barman. — Hey, salut JJ. Qu'il me lance en souriant. — Comme d'hab ? Je hoche la tête et ajoute, tout en pointant May du doigt de ma main libre. — Ajoutes en une deuxième pour ma meuf. Le barman salue May d'un signe de tête, chaleureux et s'affaire à préparer nos bières. Je repère quelques autres têtes connues, notamment les gars avec qui je bois tout le temps quand je viens ici. La plupart sont blancs et rasés, comme moi. Ils gueulent en me voyant, me font des grands signes pour m'inviter à les rejoindre, comme d'habitude. Je refuse et gueule depuis là où je suis pour qu'ils m'entendent. — Pas c'soir les gars, j'suis accompagné ! Ils se marrent, se mettent à siffler et lâchent quelques "ouhhh" taquins. Je secoue la tête en riant et nous trouve une table. Mais il n'y a qu'une chaise. Je laisse May s'installer dessus et pivote pour trouver une chaise libre. J'en vois une disponible à la table d'un groupe et je l'attrape sans un mot. Je me fais héler aussitôt. — Hey ! On en a besoin de la chaise. Je me retourne, dévisage la personne qui vient d'parler et hausse les épaules. — Bah moi aussi. Il proteste et ils s'y mettent à plusieurs, blablabla, c'est pour notre pote qui arrive, j'sais pas quoi, rien à foutre. Je m'installe sur la chaise et pour toute réponse je leur balance mon majeur. Puis je reporte mon attention sur May, agacé. — Non mais ils s'sont crus où sans déc' ? Gnégnégné, elle est réservée. Ferme ta gueule, c'est pas une chambre d'hôtel t'sais. Je souffle, nerveux. — Bon j'reviens, j'vais pisser et j'récupèrerai nos boissons  au retour. S'ils tentent de reprendre la chaise pendant qu'j'suis pas là, tu leur fracasses sur la gueule, ok ? J'me marre tout en me levant et m'éloigne pour rejoindre les chiottes. Je ne doute pas une seconde de la férocité de May et je ne m'inquiète pas du tout quant au fait de retrouver ma chaise à mon retour.

Les rues commençaient à se rafraîchir à ces heures-ci. Heureusement tu n’avais pas à attendre longtemps avant que JJ ne fasse son entrée. Tu ricanes doucement quand il jette la bagnole de Seven sur le trottoir comme on ferait échouer une orque sur sa petite plateforme. Ce qui était drôle, c’est que JJ ne savait même pas d’où elle provenait cette caisse et d’un sourire satisfait, tu gardais le secret.
A son approche, tu laissais un sourire ravi éclairer ton visage, ne pouvant t’empêcher de le couvrir de ce regard trop admiratif pour être tout à fait sain. Il était beau JJ à fendre la nuit avec sa démarche de roi du monde. Il ne ressemblait à personne d’autre et c’est sans te faire prier que tu te laissais glisser contre lui, juste heureuse d’être celle à qui était réservée la petite flamme ardente dans son regard. Ça n’avait pourtant rien de niais, tu savais que JJ était comme un cocktail Molotov, formule inflammable dans sa fine prison de verre. Un rien pouvait déclencher le brasier et tu adorais cette lueur incandescente au fond de ses prunelles.
A son compliment, tu souris de plus belle et tu vins enfouir un bref instant ton visage dans son cou. Tu sais bien que tu es belle, c’est d’ailleurs ton principal argument, mais rares étaient ceux qui te le disaient. Peut-être pensaient-ils qu’on te le répétait à longueur de journée. C’était faux.
Te laissant guider de son bras par dessus ton épaule, tu t’assurais qu’il ne te lâche plus jamais en venant verrouiller tes doigts aux siens. A l’intérieur, JJ est tout de suite à l’aise et tu ne peux t’empêcher de lever le menton avec cet air satisfait. Ça tient à peu de choses, mais tu es fière d’être à ses côtés ce soir et plus encore quand il marques son territoire en t’exhibant au barman et à ceux qui semblaient être ses potes. Tu leur adressais un salut de ta main libre, le sourire engageant. « Tu connais vraiment toute la Terre » que tu dis une fois détournée, amusée. En réalité, c’était davantage l’inverse qui s’appliquait: La Terre toute entière connaissait JJ.
Prenant place, tu le suivis du regard alors qu’il allait piquer une chaise, tu ne perdis aucune miette de leur petite discussion et amusée par sa nonchalance, tu cachais ton rire derrière ta main posée devant ta bouche. A son retour, tu arquais un sourcil, une pointe de dédain dans la voix. « Ils peuvent toujours essayer, ça risque d’être drôle ! » Non, tu n’allais pas leur arracher les yeux, lui par contre…Tu avais très envie de voir la grenade dégoupillée. En fait, tu étais même tentée de les pousser à la faute alors dès l’instant où il eut le dos tourné, tu les regardais par dessus ton épaule pour leur adresser un sourire moqueur. JJ loin et toi seule, tu leurs offrais sur un plateau d’argent l’occasion de laver leur humiliation. « ça, c’est à nous » annonçait l’un d’eux. « Ah oui ? » Tu te penchais légèrement vers lui, le menton posé sur ta paume. « Il faudra la demander gentiment alors. » Tu le provoquais tranquillement, pas assez pour être désagréable, mais à ta façon, tu gagnais du temps. « Le problème, c’est qu’il ne va pas être content si je te laisse partir avec, tu sais ? » poursuivis-tu alors qu’il hésitait, les deux mains posées sur le dossier de la fameuse chaise.

— Tu connais vraiment toute la Terre. Je hoche la tête pour approuver, amusé. C'est vrai que j'ai tendance à me lier facilement avec les gens. Mais ça reste généralement assez superficiel. Seuls les kids ont su se greffer une place véritablement importante. J'ai pleins de potes de partout, ouais. Mais je n'ai qu'une famille, et ce sont eux. J'suis malgré tout content que May ne trouve rien à redire sur mes nouveaux amis, c'est mieux qu'elle n'en sache pas plus sur les discussions que l'on peut avoir et sur la haine mutuelle que l'on partage contre certaines personnes.

On finit par s'installer après un léger accrochage, mais je ne relève même pas vraiment. J'ai tellement l'habitude de m'embrouiller pour un oui ou pour un non, que maintenant je ne remarque plus. C'est comme si c'était normal pour moi de mal parler aux gens et de tous les trouver cons. Mais une envie pressante me prend et je dois m'absenter un instant. — Ils peuvent toujours essayer, ça risque d’être drôle ! Je lui offre un petit clin d’œil complice et m'éloigne, confiant. Ça bouche un peu aux chiottes et je prends plus de temps que prévu pour me soulager. Je n'arrange pas les choses en prenant quelques secondes supplémentaires pour discuter brièvement avec un gars. On s'échange quelques banalités et puis je repars, sans prendre la peine de me laver les mains. J'ai pas le souvenir de l'avoir déjà fait une seule fois dans ma vie, ce n'est pas ce soir que je vais commencer. Sifflotant l'air qui passe dans la sono, je retourne au comptoir pour récupérer nos deux bières, à l'aise. Le corps trop grand, qui se balance toujours un peu trop de gauche à droite me refilant une drôle d'allure et un air beaucoup trop confiant. Mais quand je me retourne, direction notre table, c'est la douche froide. Je me fige. Je rêve ou un mec est assit à MA place et parle avec MA meuf ? Je vois rouge, mes doigts qui se resserrent autour des hanses des verres. J'inspire un grand coup et en descend un cul sec en quelques secondes - j'ai beaucoup d'années de pratique derrière moi faut dire. Revigoré, je fonce vers eux, le mec ne me voit pas, il me tourne le dos de là où il est. Je claque les deux verres sur la table derrière la nôtre, ignorant les regards interloqués des gens qui y sont installés. Et sans plus attendre, j'attrape le dossier de la chaise et tire brusquement dessus pour chasser le squatteur. Le mec échappe un hoquet de surprise et se ramasse au sol. C'est là que je le reconnais. C'est le mec de tout à l'heure. Ma colère se multiplie par deux et ça se voit, je n'ai jamais été doué pour la camoufler. — Putain mais j'hallucine ! Tu veux ma bière aussi enculé ? J'ai gueulé si fort que la plupart des gens dans le bar s'interrompent dans ce qu'ils font pour me donner toute leur attention. Une fille de la table des connards se lève rapidement et accourt vers le mec au sol. Elle s'accroupit à ses côtés, lui demande si ça va avant de relever la tête vers moi. Elle me foudroie du regard. — Mais t'es malade, pourquoi t'as fait ça ? C'est quoi ton problème, merde ? J'écarquille les yeux, relève la tête brièvement vers May, affichant un air stupéfait. C'est le monde à l'envers. Et quand je rebaisse les yeux sur la fille, la pulsion est immédiate. Je lève la chaise au-dessus de moi avant de la fracasser sur elle - sur eux en fait, le mec se la prend au passage. — ET LA, j'ai toujours l'air d'un MALADE HEIN ? Tous les gens de leur table se lèvent immédiatement et mes potes font la même chose, il ne leur en fallait pas plus pour se chauffer, prêt à s'en mêler et à déclencher une bagarre générale. Ils n'attendent que ça, tous les soirs. Aussi accrocs que moi.

Tu ne cherchais pas à te rapprocher des potes de JJ. Au fond, tu étais même plutôt contente qu’il t’emmène à une table plus loin, en tête à tête. Le problème, c’est que vous n’étiez pas faits pour rester sagement à vous regarder dans le blanc des yeux. Vous aviez besoin de cette petite adrénaline pour pulser dans vos veines alors forcément, cette petite embrouilles insignifiante t’amusait. C’était plus fort que toi, tu ne te rassasiait jamais du chaos. Ton calme ne durait jamais qu’un temps, puis inlassablement, tu cherchais à nouveau une manière de mettre le feu aux poudres. Et si JJ était de la dynamite, toi tu étais l’allumette qui allait déclencher le cataclysme.
Il ne te faut que trois secondes pour te décider à mettre un peu plus de piment à la soirée et tu profites de son départ pour provoquer les types de la table d’à côté. C’est subtile, tu ne les insultes pas, tu ne te fais même pas piquante. Tu les attires juste dans ton piège, attendant le retour du fauve. Et pourquoi mettait-il tant de temps à revenir d’ailleurs ? Voilà que le type avait tiré la chaise pour s’y poser et se taper la discussion. A quel moment s’était-ill imaginé que tu pourrais avoir envie de lui parler ?
Heureusement, tu finis par capter le retour de JJ du coin de l’oeil et imperceptiblement, tu te redressais sur ton siège. Pour mettre de la distance entre toi et ce type. Tu ne voulais rien avoir à faire avec lui. Tu ne voulais pas que JJ se fasse des films. Pas les mauvais en tout cas.
Il finit par vous capter et sa réaction ne se fit pas attendre. Tu ris quand le mec se ramasse, c’était d’un ridicule cette chute, putain ! Tu ris un peu moins quand une gonzesse se ramène, mais heureusement pour elle, c’est vers son gars qu’elle allait. Encore heureux tiens ! « Oh la la toujours du drama ! » commentais-tu d’un air dédaigneux. Au regard de JJ, tu fis l’innocente avant de te reculer d’un pas, juste avant que JJ ne se décide à faire un truc dingue. Même toi tu ne l’avais pas vu venir et aussitôt, leurs amis se levèrent comme un seul homme, prêts à s’en mêler. Les amis de JJ aussi. Et dans ton corps, ta tension en fit de même. Ton coeur s’accélérait doucement et pourtant, tu ne laissais rien paraître si ce n’est cet air satisfait sur ton visage. Tu attrapes la bière restante et en avales quelques gorgées avant de te tourner vers le petit groupe. « Oh mais sérieux ? A cinq ? » Ils pouvaient bien être à dix, le final serait le même.

J'sais pas si c'est parce que May est là ou non, si c'est parce que j'ai envie qu'elle continue de me regarder toujours avec ce même regard admiratif, mais en tout cas ce soir j'suis en forme. Les envies brutales qui pulsent sous ma peau, infernales. Je n'ai jamais été patient, c'est vrai. Mais ce soir, je me surpasse je crois. Les choses s'enveniment particulièrement vite et ça me tourne la tête. Tourbillon qui m'excite et m'empêche de me tenir tranquille. Ça me brule si fort de l'intérieur. Ce n'est pas de la colère, c'est plus insidieux que ça. Plaisir coupable. Une nuit sans le goût délicat de la violence est une nuit de perdue. Mes pensées s'emmêlent et le monde autour de moi devient flou. Je n'arrive plus à savoir si les gens autour de moi sont en train de rire ou de crier. De me gueuler d'arrêter ou de m'encourager. Dans le doute, je choisis la seconde option. Je suis rapidement épaulé par ma nouvelle bande et ça calme celle des autres. Ils semblent subitement beaucoup moins enclin à livrer bataille. Tant qu'ils étaient tous ensemble et moi seuls ils devaient trouver ça facile. Bataille gagnée d'avance. Les naïfs. May s'était même permise une réflexion à ce sujet. Mais maintenant, l'ambiance semble retomber et ça me frustre. Je n'ai besoin que d'une excuse pour tout faire dégénérer. Un prétexte, un regard, un mot plus haut que l'autre, n'importe quoi. J'suis pas compliqué sur ce plan-là.

Et l'occasion que j'attendais se présente enfin. Une fille happe le bras de May et lui gueule j'sais pas quoi, je crois entendre un truc comme "calme ton mec". Mais ça, je m'en fiche. Moi tout ce que je vois, c'est quelqu'un qui agrippe May un peu trop fort. Une table nous sépare, mais je n'en fais qu'une bouchée. Le meuble est renversé sur le côté pour me libérer la voie, le bras tendu j'attrape au vol la gorge de la fille et l'oblige à reculer jusqu'à ce qu'elle heurte le mur derrière. — Lâche-la sale pute. Les insultes faciles, comme toujours. Ce sont les mêmes, comme toujours. Deux mecs réagissent aussitôt, avec pour but de de m'intercepter mais ce sont eux qui se font attraper par mes renforts. Et cette fois-ci, ça y est, la guerre est déclarée. Je prends le temps pendant quelques secondes de me retourner pour regarder le chaos naitre derrière moi. Je souris. Ma tête pivote jusqu'à May et mon sourire s'élargit. Je passe ma langue sur mes lèvres, éclat de jouissance au fond des yeux. Je décolle la fille du mur et la jette aux genoux de May, attrapant sa tignasse pour l'obliger à relever la tête et la regarder par en-dessous, pendant que May la domine. — Excuse-toi. Que j'ordonne en la secouant un peu. Elle chiale, balbutie, me dit de la lâcher mais ne s'excuse pas. Je lève les yeux vers May, l'air de dire : fais-lui c'que tu veux. Tellement obnubilé par ce vent de folie que je ne capte même pas les gens qui appellent les flics. Y aura toujours des gens pour gâcher les bons moments.

Tu jubiles devant le spectacle, devant le chaos qui s’est propagé comme un feu de prairie dans le petit bar. C’était parti d’un rien et au milieu de l’arène, JJ qui frappait ce qui lui passait sous la main, sous les pieds voir sous les dents si cela devenait nécessaire. C’était un tableau parfait auquel même Rembrandt n’aurait su rendre justice. Le spectacle aurait été parfait si l’une des fille n’avait pas fait l’affront de t’empoigner le bas. Ce n’était pas grand chose, elle te gueulait un truc et tu t’étais dégagée d’un « Mais va te faire foutre, connasse » mais ce n’était pas important. Elle n’avait probablement rien entendu, attrapée dans la gueule du fauve, ses mains autour de sa gorge, prêt à la faire grogner et danser comme un pantin désarticulé. Tout est devenu tellement dingue que tu ne sais plus où en donner de la tête, tu n’avais jamais essayé d’être sous les feux des projecteurs, tu voulais juste voir ce qu’il se passait une fois la poudre embrasée. Le vrai showman te souriait et tu lui rendis son sourire, il a l’air d’un enfant heureux et ça te chauffe le coeur de le voir si bien. Tu as presque envie de te lover dans ses bras et sentir la tension de sa violence jusque dans le bout de ses doigts. Il t’électrise et ton coeur s’emballe quand il te jette la pauvre fille aux pieds. Tu as l’impression d’avoir été promue reine ce soir, mais tu ne savais que faire de ce rôle. Alors tu la dévisageais avec un sourire et t’agenouillais un instant à sa hauteur. « Change de mec s’il a besoin de toi pour le défendre » d’un dernier sourire, tu lui tapotais la joue. « Et change de Mascara pendant que t’y es, il n’est vraiment pas waterproof »
Te redressant, tu cherchais JJ des yeux, mais ce n’est pas lui que tu remarquais, mais les deux policiers qui venaient de faire leur apparition. L’un avec la matraque en main et l’autre un talkie devant les lèvres. « Merde.. » murmurais-tu et aussitôt, tu tentais de localiser JJ. Il ne les avait pas encore vu alors tu fonçais jusqu’à lui et lui attrapais le bras au vol. « Faut qu’on s’tire ! » Il était hors de question de finir la soirée au poste de police, Samih ne serait pas fier ! Alors d’instinct, tu le poussais vers le comptoir. C’était un bar, il y avait probablement une porte de sortie, non ? Tu n’étais peut-être pas la plus futée d’entre tous, mais pour une fois, ton initiative fut récompensée par la porte arrière qui s’ouvrait sur la fraîcheur de la nuit. Une fois dehors, vous seriez hors d’atteinte !
Vous auriez pu filer. Vous auriez vraiment pu juste sortir et foutre le camp. Mais il fallut que ton regard s’accroche sur la voiture des policiers. Elle était garée-là et étonnamment, elle était seule. Pas un flic à l’horizon ! Alors sournoisement, une idée te vint en tête, tu la tournais d’ailleurs vers JJ en tirant instinctivement sur sa main. « Regarde… » Regarde ce qui est juste devant nous, comme un cadeau de Noël avant l’heure.

— Change de mec s’il a besoin de toi pour le défendre. Mes lèvres s'étirent, dents serrées, sourire carnassier. Elle a bien raison, un mec qui a besoin de sa meuf pour se défendre est une sombre merde qui mérite de se faire éclater la gueule par une chaise. Fin de l'histoire. — Et change de Mascara pendant que t’y es, il n’est vraiment pas waterproof. Je ne comprends pas la référence et fronce les sourcils, dépassé par ce charabia de gonzesses. Je l'interroge du regard, cherchant des explications, mais May semble happée par autre chose. Alors j'abandonne, finalement assez peu intéressé par une quelconque explication. Ça se bouscule dans mon dos, je relâche les cheveux de la fille qui tombe en avant, les bras tendus pour amortir sa chute et s'éviter un impact brutal avec le sol. Je me retourne et attrape le premier qui passe, mon bras qui enroule le cou d'un mec, j'sais même s'il faisait partie de l'autre bande initialement ou si c'est juste un excité qui s'est mêlé à la bagarre. Aucune importance. Je l'oblige à se courber en arrière, la pression autour de sa nuque qui se fait de plus en plus forte alors que je me marre, ne prenant rien de tout ça au sérieux. C'est rien qu'une bagarre de plus. Un divertissement particulier, certes, mais bien plus répandu qu'on ne l'imagine. C'est là que je sens quelqu'un m'attraper le bras. Je m'apprête à réagir vivement et à envoyer mon coude valser dans la tronche de la personne, mais la voix qui me parvient aux oreilles me stop net dans mon élan et je tourne la tête sur ma droite. C'est pas passé loin. — Faut qu’on s’tire ! — Quoi ?! Que je beugle, contrarié. Hors de question qu'on s'en aille, c'est le meilleur moment. Mais elle tire plus fort, m'oblige à pivoter et c'est là que je les vois. — Merde ! Les gâcheurs de soirée sont là. Je relâche le mec, me souciant peu de son sort et me laisse entrainer par May. Si je me fais coincer, j'suis mal. Surtout pour une bagarre, je risquerai de retourner directement par la case prison. Et c'est la dernière chose que je veux. Don me retrouverait trop facilement et j'doute pas une seconde du fait qu'il y ait d'autres Aryan Brotherhood dans la prison de Detroit. Je n'y survivrai pas 24h. Même pas 12h en fait.

Mais May nous trouve une autre sortie et j'oublie rapidement ces sales pensées, me marrant alors qu'on rejoint enfin l'air libre. Mais je suis survolté, je n'ai pas eu le temps de cogner assez, ni d'être assez cogné pour être rassasié. J'suis comme un obèse à qui ont aurait retiré son plat en plein milieu. — Regarde... Elle tire sur ma main et je tourne la tête pour regarder ce qu'elle me montre. Mon sourire s'élargit alors qu'une idée germe dans ma tête. Je baisse les yeux vers May, nos regards s'accrochent un instant, complices. Il est évident qu'on a eu la même idée. Je lâche sa main et viens passer ma langue sur ma lèvre inférieure tout en trottinant jusqu'à la voiture pendant que May s'assure qu'aucun flic ne rôde dans le coin. Je me penche à l'intérieur et explose de joie. — Y a les clés ! J'éclate de rire et lui fait signe de grimper pendant que je m'installe derrière le volant. On s'assure une dernière fois que personne ne nous a vu et dès que la portière de May claque, je démarre en trombe et on se casse de là, hilares. J'ouvre les fenêtres pour profiter de l'air frais et me penche par celle-ci, conduisant d'une main, regardant la route depuis l'extérieur. Forcément, ça mène à quelques slalom non contrôlés, mais rien à foutre, les rues sont quasiment désertes.

On se rapproche soudainement d'une bande de mecs en train de dealer visiblement et je décide de les prendre en chasse. — Trouve comment on met la sirène. Que j'ordonne à May, histoire de bien les faire flipper. Je me remets à l'intérieur de la voiture et ferme les fenêtres, afin qu'ils ne puissent pas nous voir - sinon ils n'y croiront pas une seconde. Et dès que la sirène s'enclenche, les lumières s'allument à leur tour et j'appuie sur l'accélérateur. D'un coup, ils détalent tous, comme des animaux sauvages en fuite. J'en choisis un qui m'a l'air plus lourd et donc plus lent que les autres. — Regarde ça, on va faire suer l'gros un peu. Que je lâche en ricanant. Je conduis comme un fou, la voiture se prend tous les trottoirs, d'ailleurs je roule à moitié dessus parfois pour gagner du temps dans un virage. Je fauche au passage quelques poubelles qui volent derrière nous et ça m'éclate. L'euphorie a gagné tout mon corps, je perds toute notion du raisonnable ou de la sécurité. Il tente un demi-tour à un moment donné, pour éviter de s'engouffrer dans un cul de sac, sauf que je freine trop tard et j'ai le sale réflexe de donner un coup de volant dans sa direction. Résultat, j'le percute de plein fouet. Les pneus crissent, la voiture s'arrête. Je me redresse en avant pour l'apercevoir. Il gémit au sol. — Ça vaaa, il est pas mort. Que je dis en levant les mains devant moi en guise d'innocence. — Bon par contre il va plus trop courir j'pense, fait chier. Le jeu est écourté et je secoue la tête, dégouté. Je me retourne, cale une main derrière l'appui-tête de May et entame une marche arrière rapide pour regagner la rue principale avant de repartir en avant, à la recherche d'une autre activité. Je hausse les épaules et ajoute sur un ton complètement détaché. — Au pire, une voiture de flic qui écrase un black, rien d'nouveau à Detroit. Je tourne la tête vers May, cherchant son approbation et son soutien.

L’ambiance était électrique, il suffirait d’un rien pour que tout parte en vrille, comme une symphonie désastreuse et désordonnée. C’était parfait et t’étais aux premières loges pour assister au spectacle. T’avais cette sensation d’avoir ouvert une boîte de pandore et libéré un démon que tu brûlais de rencontrer. C’était là une facette de JJ que tu aimais réellement, pas juste parce qu’il te le demandait. Tu aimais voir son regard briller comme enfiévré par l’adrénaline, l’excitation et la violence, tout comme tu aimais son rire un peu tordu, un peu dément, barrer son visage d’enfant content. En fait, tu avais l’impression de vraiment renouer avec lui ce soir, pas ceux d’avant, non. Ceux d’avant étaient encore trop étranges à tes yeux, trop nouveaux aussi. Non, le JJ de ce soir, c’était celui que tu avais entre-aperçu avant qu’on ne le jette en prison, celui que tu idolâtrais depuis plusieurs années déjà.
La soirée aurait pu se poursuivre ainsi jusqu’au bout de la nuit, mais quelqu’un avait jugé bon de mettre fin à la fête en invitant ces relous de flics. Toujours prêts à matraquer et passer des menottes. Mais pas à vos poignets à vous. Sam n’était pas là pour vous tirer de la garde à vue, Daire non plus. Macha, ce n’était même pas la peine d’essayer, elle était bien capable de vous raccrocher en nez en vous disant qu’elle était occupée là. Non, pas question qu’on foute en l’air votre soirée alors tu tentais d’attirer l’attention de JJ manquant de peu de te prendre un coup. « Woh la » soufflais-tu en écarquillant tes yeux bleu. C’était pas passé loin, mais tu ne lui en voulais pas, tu aurais du te douter que dans le feu de l’action, il ferait pas gaffe. Il l’avait pourtant arrêté à tant et tu ne t’attardais pas sur le sujet, insistant pour qu’il t’écoute.
Une chance que ton plan fonctionne sinon, vous auriez été mal, hein ? Là, tu jubilais simplement à l’idée d’avoir pu sauver vos fesses, toi qui n’avait de cesse de jouer à la princesse en détresse ! Mieux encore, tu trouvais un nouveau jouet pour continuer la soirée sur la même lancée. D’un seul regard, vous aviez déjà compris la suite et comme si vous vous étiez concertés, chacun fit ce qu’il avait à faire.
L’annonce te laissa un instant sans voix. « C’est une blague ? Ils sont vraiment si cons que ça ? » rigolais-tu, ébahie par tant de connerie. Tu n’étais plus si croyante, mais si ça, ce n’était pas un signe de là-haut, c’était quoi alors ? En tout cas, tu ne te fis pas prier pour monter, morte de rire, et à peine la porte refermée, vous ne laissiez qu’un nuage de fumée derrière vous, tout comme dans les dessins-animés. Aussitôt, tu fouillais la boîte à gant et fourrais les menottes dans ta poche, un des képis finis sur ta tête. Tu ne pouvais t’en empêcher, telle une pie tu cherchais ce qu’il y avait de quoi voler. Ce n’est qu’une fois le tour fait que tu te laissais porter par l’euphorie du moment avant de t’exécuter, testant tous les boutons te paraissent suspects. Tu allumais les essuie-glaces un bref instant avant de trouver la sirène.
C’était là le début des festivités et JJ s’amusait comme un petit fou. Tu te fichais bien de savoir ce que vous feriez ce soir, ça t’étais complètement égal et tout ce qui t’importait, c’était d’immortaliser dans tes souvenirs ce moment. Et c’est presque naturellement que tu tirais ton portable de ta poche pour le filmer. « JJ, attention ! » Hoquetais-tu néanmoins alors qu’il se rapprochait dangereusement jusqu’à percuter le type. Il bouge encore et finit même par se redresser, déboussolé par le choc, mais il a raison JJ, il n’est pas mort. Tu respires un peu mieux et alors qu’il cherche ton appréhension, tu plisses des yeux avant de réagir, enfin. D’une tape dans son épaule. « Fais gaffe putain, j’veux pas que tu retournes en taule ! » Ce serait trop dur de le voir repartir et plus encore pour un accident du genre ! Il était hors de question qu’on vous le reprenne.

— JJ, attention ! Trop tard pour ça. Et de toute façon, ce n'est pas en faisant attention qu'on s'amuse. Je feinte l'innocence mais très vite je me remets à ricaner, incapable de prendre la situation au sérieux. Mes yeux se posent sur May, espérant qu'elle se joindra à moi et ne paniquera pas ou je ne sais quelle autre connerie qui viendrait gâcher l'ambiance. Y a un petit silence et je hausse un sourcil, la fixant intensément. Me déçois pas May. Finalement, elle vient me tapoter l'épaule, signe qu'elle ne m'en tient pas rigueur. J'aurais surtout aimé qu'elle félicite ma performance. Je viens de faire un strike et y a personne pour apprécier ça. C'est d'un triste. — Fais gaffe putain, j’veux pas que tu retournes en taule ! Mais ses mots balaient tout et j'oublie ma petite déception. Je souris de plus belle et la détaille quelques secondes, une lueur de fierté brillant au fond des yeux. Je passe ma langue sur mes lèvres avant de mordre celle du bas pour me retenir de me marrer. Je me penche finalement vers elle, lâchant le volant de ma main droite pour venir attraper son menton. Je l'oblige à s'approcher également, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. — J'te manquerais trop, hein. Elle me manquerait aussi. Je lui vole un bref baiser avant de la relâcher et de reprendre la route, filant d'ici à toute vitesse. Quand je capte qu'elle filme avec son téléphone ça me fait rire à nouveau. L'objectif braqué dans ma direction, je fais un clin d’œil à la caméra avant d'enchainer avec quelques grimaces. La sirène tourne toujours et ça commence à me casser les oreilles. Je tâtonne jusqu'à trouver le bouton pour la couper et le silence fait du bien. Au même moment, on tombe nez à nez sur un groupe de prostituées. En nous voyant arriver, elles se tirent toutes dans les ruelles adjacentes. Sauf deux qui décident visiblement de jouer avec leur destin. A moins qu'elles ne soient habituées à sucer des queues de flics. Je ralentis et gare la voiture en ricanant. — Filme donc ça ! J'attrape la matraque qui traine là et sors en claquant la portière. Aussitôt, elle s'éloignent, me tournant le dos, ne remarquant alors pas que je n'ai pas du tout l'allure d'un policier. Je les interpelle. — Hey les putes, c'est combien ? Je fais claquer la matraque dans la paume de ma main de façon continue. L'une d'entre elles se retourne, visiblement perplexe face à ma remarque. En me voyant débarquer elle s'arrête et me fait face en riant un peu. — Non mais t'es qui toi ? C'est quoi c'merdier encore ? La deuxième s'arrête aussi, curieuse. Mais ça ne dure pas. — J'arrive pas à croire qu'des gens paient pour vous baiser. Vous êtes dégueulasses et voilà c'que j'fais aux vieilles meufs comme vous. Elles ont toutes les deux un mouvement de recul, mais ça ne suffit pas. La matraque qui fend l'air en une fraction de seconde avant de s'abattre sur le visage de celle qui m'a parlé. L'autre se met à gueuler et se tire en courant, disparaissant rapidement. Et moi je continue de matraquer celle qui vient de tomber au sol sous le premier impact. Elle tente de se protéger le visage tant bien que mal et hurle, appelle à l'aide, mais y a personne qui viendra pour elle. Tout le monde s'en fout des putes. C'est genre, un fait universel, tout le monde s'est tacitement mit d'accord à ce propos. Ça me procure une décharge électrique qui me traverse tout le corps et j'adore ça. Et c'est encore meilleur en sachant que May regarde. Quand la fille arrête de se débattre, ça perd tout son intérêt alors je me calme et cesse. Je me redresse et contemple mon œuvre. Je l'ai bien amochée. Sourire carnassier. Je me tourne vers la voiture et agite la main pour inviter May à me rejoindre. — Hey, May ! Ramène tes menottes. Je lâche la matraque au sol et attrape la fille au niveau des aisselles, la trainant sur le bitume jusqu'au poteau le plus proche. Je l'assois - plus ou moins - contre et tire ses bras en arrière. — Vas-y, attache-là, j'suis sûre qu'elle adore ça. Je cherche le regard de Meadbh, particulièrement contente de la faire participer à cette petite escapade nocturne. Et j'espère qu'elle s'éclate autant que moi.

JJ manque d’écraser le type et tu t’accroches un peu à ton siège avant de te pencher en avant pour voir si le type n’était pas mort. Heureusement, ce n’était pas le cas, il se relève, complètement choqué par cette course-poursuite improbable. Et JJ qui n’en finissait plus de jubiler et se marrer. Tu le frappais sans violence, plus inquiète que tu ne l’aurais voulu. Tu détestais étaler tes sentiments et plus encore de passer pour une faible. C’était une sorte d’idée fixe qui n’avait jamais eu de cesse de parasiter tes pensées depuis que vous aviez rejoint la bande. Tu avais cette peur constante de ne pas être à la hauteur, peur de les décevoir et qu’ils finissent par se rendre compte que tu n’étais rien de plus qu’une sale gosse en mal d’attention. Non, tu ne pouvais rien laisser entr'apercevoir alors tu occultais tout, rien que pour lui plaire. Tu n’en étais pas moins sincère: Il était hors de question qu’on te prenne JJ pour le remettre en taule et ce serait bien qu’il évite les conneries en ce sens, hein ! Il te regarde d’un air fier et tu sens ton coeur sautiller dans ta cage thoracique tandis que docile, tu te laissais faire. Un sourire vint néanmoins illuminer ton visage. « Ah bon, tu crois ? » T’amusais-tu même si oui, il te manquerait. Puis tu aimais beaucoup trop l’idée que les Kids soient ressoudés pour pouvoir accepter qu’on vous ampute encore une fois de lui.
Son bref baiser te parut un instant trop court, mais déjà la furie s’était remise en route. D’instinct, tu tirais ton portable de ton sac pour immortaliser l’instant. Et il y avait de quoi faire parce que JJ n’en avait pas terminé comme il le prouvait en s’arrêtant près d’un petit groupe de prostituées. Ne comprenant pas bien ce qu’il avait en tête, tu t’enfonçais un peu davantage dans ton siège, pas certaine d’avoir envie de découvrir ce qu’il avait en tête. Tu continuais malgré tout de filmer, te mordant la lèvre quand il donna le premier coup. « merde ! » Le film tressaute un peu. Au fond de toi, tu savais bien que ce n’était pas bien, que tu devrais effacer ça et pourtant, tu ne stoppais rien. Ni le film, ni l’agression. Ce que tu n’avais pas prévu en revanche, c’est qu’il t’invite à le rejoindre et tu n’osais pas refuser.
Trottinant vers lui, tu lui apportais les menottes non sans une certaine appréhension. « Tu vais faire quoi ? Viens, on la laisse, elle est nulle. » Tu ne voulais pas le voir dépasser les bornes, tu ne voulais pas en être témoins. Ou si ? Tu ne savais plus trop ce que tu voulais vraiment.

— Tu vais faire quoi ? Viens, on la laisse, elle est nulle. J'attrape les menottes qu'elle me tend et vient enfermer les poignets de la prostituée autour du poteau. Je me redresse en haussant les épaules et cherche May du regard. — Ouais, t'as raison, c'pas drôle les putes en fait. En plus l'autre s'est tirée j'sais pas où. Je tourne la tête à gauche et à droite, à la recherche de la deuxième, mais rien à l'horizon. Elle a dû s'enfoncer dans une rue adjacente. L'avantage, c'est que je suis presque sûr à 100% qu'elle n'a pas appelé les flics pour venir la défendre ou les lancer à notre poursuite. En plus, on se balade en voiture de flics, ça a dû la perturber, elle n'osera pas. Vaudrait mieux pour nous en tout cas. Je prends quand même le temps de sortir mon téléphone aussi, je tire May vers la pute en riant un peu tandis que je brandis mon téléphone dans sa direction. — Vas-y, tape la pose. Moi aussi je veux immortaliser l'instant et y a pas de raison que je sois le seul à apparaitre à l'écran. Une fois la photo prise, je lui fais signe qu'on y va et range mon téléphone. En retournant vers la voiture je m'amuse à faire l'idiot devant la caméra et je finis par me rapprocher de May, je l'incite à tourner le téléphone en mode selfie pour qu'on nous voit pendant que j'enroule mon bras autour de son épaule et que je mets à déposer des baisers un peu partout sur son visage pour l'emmerder. Je me marre et on se sépare à hauteur de la voiture, chacun regagnant sa place pour repartir je ne sais où.

Les conneries s'enchainent et l'ambiance se déride de plus en plus, on fait flipper d'autres gens, j'abime un peu la voiture à cause de ma conduite plus que douteuse et on finit même par passer du côté du zoo. C'est comme ça qu'on se retrouve avec un raton laveur dans un sac en tissu et une alarme qui retentit dans le zoo ; et moi qui trace à travers toute la ville, mort de rire, pour rentrer au bercail avant qu'on nous tombe dessus. Faut dire qu'on est facile à pister, on sème un bordel monstre sur notre passage. Suffit de suivre les dégâts, comme les miettes du petit Poucet pour remonter jusqu'à nous.

On finit enfin dans Delray, loin de l'agitation ambiante et je vais garer la voiture dans l'entrepôt où Daire fait ses affaires. Au moins, elle sera à l'abri des regards et on ne remontera pas jusqu'à nous. J'attrape le raton qu'on avait balancé dans le coffre et la bête se débat comme une folle, on l'entend pousser des râles pas forcément rassurant et le sac se secoue dans tous les sens. Je sens même les griffes de la bestiole enragée à travers. Saleté ! Pourquoi on a ramené ça exactement ? J'suis pas certain de m'en souvenir. On rentre dans la maison en ricanant et je mets mon doigt sur mes lèvres pour inciter May à ne pas faire trop de bruits. — Shhh, faut pas que Macha nous entende. Quoi qu'avec un peu de chance elle est encore en train de se taper un mec chelou et dans ce cas, y a une chance sur deux pour qu'ils fassent bien plus de bruits que nous. J'indique la cuisine d'un signe de la tête. — Va m'prendre une bière, j'm'occupe du raton. Et je monte aussitôt à l'étage, me dirigeant instinctivement vers la chambre de Samih. C'est vrai que ça peut paraître être une très mauvaise idée, mais sur le moment, ça me semblait pas si mal que ça. J'entrouvre la porte, pose le sac dans la chambre de Sam, défait brièvement le nœud qu'on a réussi à faire par je ne sais quel miracle, et dès que je vois que le raton commence à sortir je recule et claque la porte. Je tends l'oreille et j'entends la bestiole qui commence à faire un raffut de l'enfer. Oups. Mais je pars du principe que si je ne le vois pas, c'est que ça n'existe pas. Alors je hausse les épaules et m'éloigne, on verra demain. Ou plus tard, j'sais pas encore.

Je file jusqu'à la chambre de May où elle m'attend déjà, avec ma bière fraiche. Je referme la porte derrière moi avec mon pied et je retire mon t-shirt que je balance à travers la pièce avant de venir me vautrer sur le lit, face contre matelas dans un râle de soulagement, un bras sur les jambes de May. Je prends le temps de savourer l'instant quelques secondes avant de me redresser dans un soupir satisfait. J'attrape ma bière, la décapsule avec les dents, comme toujours, et je crache la capsule sur le parquet abimé avant de descendre plusieurs gorgées. Putain, le paradis, c'est ici, c'est maintenant. Je finis par venir m'asseoir à côté de May, m'enfonçant dans le matelas  et me collant à elle, envahissant tout son espace comme à mon habitude. — Alors madame la caméraman, ça donne quoi ce film ? Que je demande en souriant, curieux de voir ce qu'elle a bien pu filmer. Je finis par passer un bras autour de ses épaules et l'incite à venir s'allonger un peu à moitié sur mon torse pour qu'on regarde ça ensemble.

Au fond, t’étais responsable de tout ce qui avait pu se passer ce soir. Tu avais ouvert la boîte de Pandore et libéré le diable, pour le seul plaisir de sentir le pouvoir du chaos. Et ça avait quelque chose de grisant, que de le voir déchaîné et heureux comme un enfant. Parce que tu étais avec lui et parce que d’une certaine manière, lui avais ôté la laisse. Avait-il pu agir ainsi avec Eanna ? Avait–elle fait briller ces yeux de cette lueur-là ? Avec orgueil, tu espérais que non et à ta manière, tu tentais de la dépasser même si tu avais conscience que toutes ces années passées ensemble, tu ne les effacerais jamais et qu’elle resterait toujours et encore la seule. L’unique. La concurrence était rude et à ta façon, tu cherchais ta place. L’avais-tu trouvée ? Tu n’en étais pas vraiment certaine, tu n’avais pas été tant à l’aise quand, à ton tour tu avais du te mêler au chaos. Au fond, ce n’était peut-être pas toi. Tu n’étais pas une actrice, tu n’étais pas faite pour être au cœur de l’action, en revanche tu ne te lassais pas de voir la foudre s’abattre sur Terre. Et voir JJ redoubler de folie avant de revenir vers toi pour te voler un baiser, c’était grisant. Et ça te suffisait. Tu vivais par procuration, le regard plein d’admiration malgré cette pointe de crainte qui ne te quittais jamais. Ni avec lui, ni avec personne en réalité. La crainte de le décevoir aussi, ne te quittait jamais réellement, alors de bon gré mal gré, tu exécutais ses demandes, trouvant finalement une parade pour ne pas avoir à te mêler de cette affaire et bien heureusement, il n’y vit que du feu, trop occupé avec son téléphone.
Ce n’est qu’une fois rentrés que la pression de la soirée retomba doucement. Au fond, ce n’était pas plus mal que Sam et Daire soient partis, au moins vous pouviez jouer aux vilains sans personne pour vous regarder avec sévérité. A la rigueur Macha, mais Macha n’était pas en position de dire quoique ce soit, tu avais vu un mec immonde quitter sa chambre l’autre jour et ça, c’était pire que toi et JJ. Le raton n’était qu’un détail que tu laissais à JJ le soin de régler, allant sagement prendre une bière pour l’irlandais. Tu n’en avais pas spécialement envie alors tu n’en pris qu’une, remontant ensuite l’étage de ton pas furtif.
Une fois dans ta chambre, tu laissais la porte ouverte et passais ta robe par-dessus la tête pour la jeter au sol. Posant la bière sur le rebord, tu t’installais directement sur le lit, attrapant néanmoins ton paquet de clopes. Elle ferait du bien ! Mais avant même que tu ne puisses l’allumer, JJ vint se vautrer sur ton lit, prenant d’otage tes jambes nues. Tu aimais bien ce contact, tout comme tu appréciais cette possessivité dont il faisait preuve, à toujours t’avoir à portée de ta main. Le féminisme faisait de grands bonds en arrière avec toi. Qu’importe, cette situation te plaisait et tu vins te lover contre lui, attrapant ton portable pour le déverrouiller à l’abri de son regard. « T’es prêt pour le JJ show ? » t’amusais-tu en ramenant un genou près de toi pour y poser le portable en équilibre. Tu lançais le film et d’une main distraite, tu lui caressais le torse, sans lâcher le petit écran du regard.
Ce n’était qu’une fois le film terminé que tu verrouillais le téléphone l’air de rien avant de te redresser pour lui faire face, le sourire aux lèvres. « T’es toujours comme ça ? » pas de reproches dans le ton de ta voix, tu le fixais intensément. JJ était capable de beaucoup, tu en avais la preuve sous les yeux et intimement, tu étais aussi persuadée qu’il était capable du pire. Un frisson te traversa l’échine, te filant la chair de poule. Ça ne te donnait pas envie de fuir. « T’étais beau »

Rien ne peut me rendre plus heureux que de retrouver le plaisir de me blottir contre un corps. La solitude m'avait rongée jusqu'à la moelle depuis la disparition de Nana mais May s'avérait être une excellente remplaçante. Son corps qu'elle laissait à ma disposition, tout comme son lit, sa chambre, sa vie, son oxygène presque. J'avais l'impression de retrouver le total contrôle et la solitude s'éloignait progressivement, au fil des jours passés en sa compagnie. Elle comblait une partie du bruit dans ma tête et ça me permettait de retrouver un certain calme. Du moins, autant que j'étais capable de l'être. — T’es prêt pour le JJ show ? Je me marre et viens la serrer encore plus fort contre moi, m'installant confortablement. Et pendant qu'elle chasse mes plus noires tempêtes en passant ses doigts sur mon torse dans des gestes réguliers, je m'extasie devant le petit film d'horreur qui se joue sous nos yeux. Je m'agite, commente tout et explose de rire toutes les cinq secondes. Je répète sans cesse "t'as vu ? t'as vu ?" et ça a comme un goût de "tu m'as vu ?". Parce qu'au fond, c'est tout ce que je veux. Qu'elle me voit, qu'elle me regarde, moi, uniquement moi. Devenir le centre de son univers, qu'elle ne puisse plus faire autrement que de graviter autour de moi, prise au piège. Et pour l'instant, elle me le rend plutôt bien.

Le film se termine et elle retire le téléphone pour le déposer ailleurs. Elle se redresse et plante son regard dans le mien pendant que je m'enfonce un peu plus entre les oreillers, plaçant mes deux mains à l'arrière de mon crâne comme un pacha. — T’es toujours comme ça ? Je reste silencieux quelques secondes, pour faire durer le suspens. Puis je fais la moue et hausse lentement les épaules, l'air quelque peu désinvolte. — Hmm, non... j'étais plutôt calme ce soir. Je cherche ses prunelles et m'y accroche avant de lui décocher mon plus beau sourire de gamin provocateur. Je me marre et redresse légèrement ma tête une fraction de seconde, juste le temps de dégager une de mes mains que je viens poser dans les cheveux de May. J'adore qu'elle me regarde comme ça. Comme si j'étais tout, sauf un monstre. Et ça fait du bien. C'est tout ce dont j'ai besoin. Pouvoir être moi-même, réellement, et continuer à briller dans les yeux de quelqu'un. J'aurais aimé que ce soit dans ceux de Sam, mais malheureusement ce n'est pas le cas. Heureusement, elle est là. Fêlée de tous les côtés, et c'est comme si elle me voyait réellement. Au-delà des actes douteux et des pensées sinueuses. C'est comme si elle voyait la lumière dans ma pire obscurité. Et ça me plait. — T’étais beau. C'est exactement ça. Mon sourire s'assagit un peu, je redeviens sérieux. Mes doigts continuent de glisser dans ses cheveux, s'y accrochent et je l'incite à se baisser vers moi. Je lui vole un baiser. — Change jamais. J'veux surtout pas qu'elle se réveille un jour en se disant qu'elle s'est plantée sur moi durant toutes ces années, que finalement je ne suis pas si extraordinaire que ça et qu'elle ne m'aime pas tant que ça. Voire pas du tout. Non, les choses sont parfaites ainsi et je dois faire en sorte que plus rien ne change jamais. On éteint la lumière et on se love l'un contre l'autre sous les draps, comme chaque nuit depuis des semaines. Parce que j'suis comme un parasite qui ne survit qu'en s'accrochant aux autres. Après quelques secondes de silence, je finis par murmure. — Et j'suis tout l'temps beau. On se marre un peu et finalement, on se laisse aller dans les bras de Morphées, épuisés mais ravis par cette longue nuit. Vivement la prochaine.