toma mi mano

(cette partie est obligatoire, vous devez remplir au moins 7 anecdotes, mais vous pouvez en faire autant que vous voulez si vous êtes inspiré)

01_Rosa. Deuxième patronyme, celui de sa grand-mère. Panthère Noire, fille de l'Oncle Tom, poing serré, tendu haut vers ce ciel qui jamais ne répond. Rage de vaincre l'ennemi invisible, soif d'acceptation, haine nourrie par la haine , combat de toute une vie, rébellion qui fait bouillir l'hémoglobine dans les veines. Sang carmin noirci par un pays qui l'a laissée pour compte. Héritage dont on ne sait pas bien quoi foutre, qui lui donne le sentiment d'appartenir à tout, et donc à rien. Elle roule les R et jure en espagnol comme tous ces bandits de mexicains. Crinière indomptable, la même que Rosa, qui lui a valut bien des surnoms, des échanges de regards confus, le droit de traîner avec les petits blacks du quartier, mais pas de se comporter comme eux. Métisse de métisse. "T'as de la chance, ça se voit moins que ton père." Blanc ou noir, il faut choisir. Pour Mano, tout est gris.

02_Papo. Pur produit de Mexico, exporté après quelques années de maturation en Californie. San Diego, nouveau terrain de jeu, nouvelle mère patrie. Soleil qui brûle pareil que de l'autre côté de la frontière, qui allume un feu trop longtemps resté tapi. Soif de mélange, de différence, du grand clash, du big boom. Soif intarissable qui le jette dans les bras d'une inconnue à la peau plus brune que la sienne. Rose noire aux milles épines, sauvage qu'il apprend à apprivoiser. Il est son calme, elle est sa tempête. Pour elle, il irait jusqu'au bout du monde. La côte dorée, quand on a grandi dans l'est, ce n'est qu'une parenthèse, une aventure qui ne peut pas trouver de fin ici. L'appel du berceau, Detroit en colère. Jusqu'au bout du monde, il avait promis, alors dans les gorges de la ville qui s'embrase, il la suit. Rage au ventre, lionne qui gronde et sort crocs et griffes pour combattre aux côtés des siens. Un peu trop d'huile sur le feu, les émeutes éclatent, rien ne peut retenir une rose noire dont le vase déborde de haine. Pourtant pas assez d'épines, et dans ce brasier nourri par la violence et la peur de l'autre, elle les y laissera toutes, jusqu'à la dernière. De la fleur charbon, il ne reste plus grand chose, si ce n'est ce fils qui lui ressemble tant, fruit d'un amour interdit, en avance sur son temps. Papo doit apprendre à être père, et à l'être seul. Quitter Detroit ? Ça jamais. Ce serait comme quitter Rosa, et ça, ça il ne peut pas.

03_ Jodie. Nom qui se balade sur toutes les lèvres, qui se répète et se propage comme une une vilaine rengaine. Une fois que tu l'as dans la tête, impossible de t'en débarrasser. Ça te ronge, ça te bouffe de l'intérieur, ça te colle à la peau, et t'adores la détester. Crin d'ébène, yeux plus bleus que le plus bleu des océans. Tu nages en eaux troubles, c'est tellement froid que ça te paralyse, mais toujours t'y retournes. Elle est tellement belle que ça te crame la rétine. On veut la posséder mais c'est elle qui possède tout. Elle sourit si rarement que quand ça arrive, c'est comme un raz de marée. C'est finalement le fils Soto qui tire son épingle du jeu. Si c'est parce qu'il fait quasiment deux mètres, qu'il est bien plus vieux qu'elle, ou alors qu'elle se découvre un goût soudain pour ce mélange d'ethnies auxquelles elle n'appartient pas, personne n'a jamais su. Toujours est-il que c'est sur lui qu'elle jette son dévolu. Elle le rend fou, elle le rend chèvre, mais il lâche rien, et vite, vite, avant qu'elle s'en rende compte, qu'elle se réveille et qu'elle s'échappe, il lui passe la bague au doigt. Mais elle s'ennuie Jodie. Jamais contente, jamais assez. Un gamin bon d'accord. Mais faudra quand même s'assurer qu'il parte pas trop loin, qu'à elle seulement il appartienne, toujours et pour toujours. Elle le garde près d'elle, plus près encore. Un peu trop près d'ailleurs, mais c'est pas grave, personne ne regarde. Et puis une gamine. C'que c'est moche une gamine. Ça non vraiment elle sait pas quoi en faire. Comme c'est écoeurant toute cette affection que son foutu mari lui porte. Son fils non plus n'en mène pas large, ce crétin. Si elle n'a pas déjà trouvé de moyen de se défaire de la gosse, c'est uniquement pour ne pas le froisser lui. Bon, d'accord, elle a quand même essayé, mais ça a foiré. C'est le père qui s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, et qu'en a perdu l'usage de ses jambes. Comme si elle avait besoin de ça, un éclopé, un bon à rien, même plus à la baiser. Pour ça elle s'est trouvé un nouveau jouet. Un membre des Zetas, oui, ça c'est excitant, même si tôt ou tard, elle le sait bien, il finira par lui manger dans la main. Y'a bel et bien que cette saleté de môme, de fille à son papa, qui lui résiste, qui jamais ne plie. La faire passer pour folle et l'expédier au royaume des camisoles, finalement, c'était le seul moyen de trouver un semblant de paix. Mais pour combien de temps ? 

04_ Martín. Homonyme du pasteur le plus connu de l'Histoire. Une idée de Rosa, bien évidemment. Et puis ça sonnait pas moins mexicain qu'autre chose, alors à Papo, ça lui a plu aussi. Martín orphelin de mère un an à peine après sa naissance, et pourtant, quand on le regarde, on ne voit qu'elle. Martín que l'amour du père protège de tout, mais pas des coups qu'il reçoit pour la simple et bonne raison qu'il dérange. Jamais assez noir, jamais assez blanc. C'est pas grave, il les encaisse, peut-être qu'à force il changera de couleur et on lui fichera la paix. Et puis Martín grandit, pousse, s'allonge encore, et ne s'arrête qu'une fois qu'il est bien sûr que de là haut, plus rien ne peut l'atteindre. D'ailleurs ça marche, puisque les coups s'arrêtent. Il aurait pu devenir une légende du basketball s'il l'avait voulu, ce gamin aux membres étirables à l'infini. Mais son truc à lui, c'est la bricole. Il file bien un coup de main au vieux pour gérer les comptes du resto, parce que les chiffres, ça aussi il aime bien. Mais son rêve depuis tout gosse, c'est d'ouvrir son garage et passer la journée les mains dans le cambouis. Alors il bosse, il bosse dur, des engins déglingués il en voit passer, dans l'atelier du quartier où il se fait embaucher comme mécano. Rien ne lui résiste, il commence à se faire un nom, "Le Grand", c'est lui qu'on appelle pour rafistoler le moindre tacot qui toussote un peu. Chaque billet qu'on glisse dans sa poche, il le met de côté, et alors qu'il touche son rêve du bout des doigts, son chemin croise celui de Jodie, la fameuse, la terrible. Il aura fallu attendre vingt-sept ans avant qu'il ne décide de s'intéresser vraiment à une femme. Il faut croire que le goût des amoures incandescentes se transmet par la génétique, puisque dès lors, une seule certitude l'habite : Jodie, il la veut, il l'aura, qu'importe ce qu'en disent les autres, et surtout son propre père. De sept ans sa cadette, oh comme elle le fait tourner en bourrique ! Ça dure deux ans, et puis enfin elle craque et accepte de devenir une Soto. De cette passion qui se consume à vitesse grand V naît d'abord un fils. Les affaires vont bon train pour Martín qui ouvre enfin sa propre enseigne, et s'il fait de son mieux pour subvenir aux besoins de son gamin, il le voit bien Jodie, jouer à la poupée, elle s'en lasse déjà. Sauf qu'il est bien beau, ce petit, alors elle le supplie quand même de lui en faire un deuxième. Sauf que cette fois-ci, c'est une fille. Et sans qu'on comprenne vraiment pourquoi, petit à petit, tout change. Spirale infernale d'un père qui protège sa progéniture du monstre dont il est éperdument amoureux. Jusqu'à ce fameux jour de décembre où il est renversé par une voiture dont le conducteur prend la fuite, à quelques pas de chez lui. Sa gamine assiste à toute la scène. C'est parce qu'elle décroche son téléphone et que les urgences arrivent à temps qu'il ouvre de nouveaux les yeux, dix-huit jours plus tard. Il ne marchera plus jamais. Son fauteuil devient sa prison. Le temps passe, et il se perd dans les méandres de son esprit qui s'effiloche. On raconte aujourd'hui qu'il serait enfermé quelque part, qu'il est tout simplement devenu fou, Le Grand.

05_ Balt. Diminutif de Baltasar, mais ça fait bien longtemps que plus personne ne l'appelle comme ça. Balt, le fils du Grand, et de la starlette de Detroit. Balt loup solitaire, qui s'est constitué sa meute, mais ne livre ses secrets qu'à sa siamoise de frangine. Avec elle, pas besoin de parler, il suffit d'un regard. La force et la tendresse qui les lient n'appartiennent qu'à eux. Relation parfois trop fusionnelle sur laquelle ils ne mettront jamais de mots. Les relations avec l'autre sexe, de toute façon, Balt, il ne les a jamais comprises. Sûrement parce qu'il a dû fermer les yeux trop longtemps sur ce que sa carnassière de génitrice lui faisait subir entre les quatre murs de sa chambre. Le père n'a jamais rien su voir. À vrai dire, Balt a toujours eu le sentiment qu'il n'était pas celui de ses deux enfants qu'il préférait. Il n'en n'a jamais voulu à sa soeur, il a toujours tout fait pour la protéger de la vérité. Parce qu'il en sait des choses, Balt. Il écoute, il observe, il fouine. Quand sa mère envoie Mano passer un séjour chez les fous, juste après l'accident de Martín, ça le rend dingue, il en crève, mais il se mure dans son éternel silence. Il faudra attendre que sa frangine soit sortie de là, et qu'il finisse par apprendre que rien n'arrive par hasard, même lorsque la neige fait quitter sa trajectoire à une bagnole et percute le père quand c'est la fille qui aurait dû se trouver là, pour qu'il explose. Oh ça oui, il explose Balt. Tellement fort qu'après coup, il ne se souvient plus de rien. Ni des cris de Jodie, ni du vague qui engloutit ses iris bleus après qu'il lui ait planté le couteau de cuisine dans la chair, et ce, dix-neuf fois. Dix neuf coups, qui mettent un terme à dix-neuf années de souffrance. Et puis la paralysie. Alors c'est la cadette qui s'assure qu'il ne reste pas la moindre trace de ce crime qui elle aussi, lui donne le droit de respirer enfin. Plus tard, on le dira à Papo. Lui non plus de pleurera pas.

06_ Ricardo. Celui qui a aidé Balt a disparaître un peu, le temps que tout se calme. Fidèle ami de Papo, Zetas repenti, c'est dans le sous-sol qu'ils se retrouvent pour jouer aux cartes, juste au dessous du Quatre Gats. Mano finira par comprendre bien vite qu'en plus des cigares et des parties de black jack, c'est un véritable petit trafic supervisé par le célèbre gang qui régit Mexicantown qui s'organise entre les boîtes de conserves et les pots de sauce.

07_ José. Lui, c'est le chat de Mano. Elle l'a appelé comme ça parce que c'est son vrai nom, à Papo. Eh ouais, juste pour l'emmerder.