(arena) if i left today, would you wait for me or would you throw us all away?

athéna a un peu trop bien réussi à dérober son attention. elle voulait juste lui faire penser à autre chose, elle pensait pas qu'il capterait que si elle a décidé ça, c'était parce qu'il s'est passé quelque chose. sauf que si elle lui dit la vérité, que leur père a foutu sa main sur sa gorge pour l'étrangler et qu'il l'a plus ou moins menacé, ares va vriller. elle le connait. et c'est bon, il va déjà faire de la prison, c'est pas la peine qu'il pète un câble maintenant. et de toute façon, il a pas besoin de le savoir. alors elle lui dira pas. c'est juste qu'elle démarre mal, athéna, pas crédible quand elle annonce qu'il s'est rien passé. pas crédible du tout, même. "pourquoi tu mens?" son regard vient se poser dans le sien. évidemment qu'il l'a capté. athéna lui dit pas qu'elle ment pas, le réflexe ne vient même pas. obligée, elle arrête de mentir. enfin, tout ce qu'elle dit est vrai, c'est juste qu'athéna omet des détails. ou le principal. "Il s’est passé quoi, Athé? Dis-moi. Arrête de mytho. Ou d’cacher la vérité. J’sais qu’y’a un truc que tu me dis pas. Y’a quelque chose qui colle pas dans ton histoire. C’était quoi l’embrouille? Il a dit quoi?" athéna, elle fait en sorte de garder un visage plus ou moins neutre. elle essaie de pas réagir, pour pas lui montrer qu'il a raison. pour pas lui montrer qu'elle cache vraiment quelque chose. putain, il fait chier, ares, à la connaitre aussi bien. alors elle continue de le fixer, histoire de pas être suspecte. sauf qu'en voulant pas être suspecte, elle s'dit qu'elle l'est encore plus. alors que c'est peut-être pas le cas. parano sur les bords. mais tout ce qu'elle retient, c'est qu'elle lui ment pas. pas vraiment. "non mais c'bon, tu le connais. il a parlé sur toi, ça m'a énervé, du coup il s'est énervé aussi." elle hausse les épaules, minimise à foison. c'est pas difficile d'imaginer et en même temps, c'est ce qui s'est passé. "rien de plus, rien de moins. et j'reste pas là-bas, parce que j'veux pas les entendre parler sur toi. j'ai passé l'âge de les écouter sans rien dire, donc c'est mieux pour tout le monde que j'bouge." tout simplement. et elle espère juste en avoir lâché suffisamment pour qu'il arrête de chercher plus loin.

Elle mytho. Tu le sais. Tu le vois dans son regard qui vacille, dans les mimiques qu’elle a. Les muscles de sa gorge qui se tendent, les mains qui se croisent. Des trucs cons qui parlent à la place de la personne, paraît qu’on appelle ça le langage corporel. Ces signes, t’as appris à les remarquer et à les comprendre au fil des années. Alors ouais, ça t’fait un peu flipper. Vous qui ne vous mentez pas — en règle générale, parfois l’omission échappe à cette règle — ça doit être grave pour qu’elle te cache un truc. Elle te fixe pendant de longue secondes, en silence. Et ouais, ça cache un truc pas net. "non mais c'bon, tu le connais. il a parlé sur toi, ça m'a énervé, du coup il s'est énervé aussi." Tu fronces les sourcils. Pas convaincu par ce manque de détails flagrant. "rien de plus, rien de moins. et j'reste pas là-bas, parce que j'veux pas les entendre parler sur toi. j'ai passé l'âge de les écouter sans rien dire, donc c'est mieux pour tout le monde que j'bouge." Ouais, tu devines facilement c’qui s’est passé. "Il t’a touchée? Il a levé la main sur toi?" Tu demandes même pas ce qu’ils ont bien pu dire à ton sujet. Tu t’en tapes complet. Parce qu’ils ont toujours des trucs à dire, t’façon, vos cons de parents. Toujours des reproches à faire, toujours des insultes à cracher. Athéna et toi, des déceptions ambulantes dans leur vie, enfants qu’ils n’ont pas su tailler à leur image, enfants qui se sont rebellés au lieu d’obéir. "J’suis désolé. D’pas être là pour t’protéger. Mais j’ai des gars dehors. Des potes, des gens qui m’doivent des faveurs." Petit carnet d’adresse qui pourrait bien aider ta soeur pendant ton absence. Parce que tu l’sais, tu vas être condamné. Même ton avocate en est certaine. Gros coups sur la porte en métal. "Plus que cinq minutes." Et tu la regardes. Pas vraiment prêt de plus la voir. Mais c’est ta faute, tout ça. Ou plutôt, la faute de l’autre pauvre meuf qui a décidé de porter plainte. Parce que non, t’es jamais en tort, toi.

athéna n'aime pas mentir à ares, mais elle est en train de le faire. voit parfaitement au froncement de ses sourcils qu'il le sait, qu'elle dit pas la vérité. enfin, pas toute la vérité. même si elle essaie de rester la plus neutre possible, ça marche pas. ils se connaissent trop bien pour se faire avoir aussi facilement l'un par l'autre. "Il t’a touchée? Il a levé la main sur toi?" si athéna décide de jouer sur les mots, on ne peut pas dire qu'il a levé la main sur elle. mais même en jouant sur les mots, elle peut pas nier qu'il l'a touchée. pourtant la réponse devrait lui venir facilement: c'est oui ou c'est non. sauf qu'elle n'a ni envie de lui dire la vérité, ni envie de lui mentir. "c'est pas important, ares." y a des trucs bien plus importants que ça, là, non? et peu importe ce qui se passe dehors, c'est pas comme si en parler allait changer les choses. athéna sait ce qu'elle a à faire. trouver un appartement, et même s'il est pourri, ce sera toujours mieux que chez eux. "J’suis désolé. D’pas être là pour t’protéger. Mais j’ai des gars dehors. Des potes, des gens qui m’doivent des faveurs." athéna secoue la tête. elle a pas besoin d'eux. y a que de lui dont elle a besoin et lui, il sera enfermé. elle peut pas lui dire que c'est pas de sa faute, parce que putain, ça l'est. même si elle a envie de nier l'évidence, elle y arrive pas. "j'sais que t'es désolé." elle dit pas que c'est pas grave non plus, parce qu'elle sait déjà qu'elle va avoir envie de péter un plomb, athéna. deux ans. c'trop long. "j'veux pas de tes potes. j'm'en fous. si j'ai un problème, j'te le dirai et on avisera, mais c'est tout." et les coups à la porte forcent athéna à froncer les sourcils, à lancer des éclairs au type qui parle. "Plus que cinq minutes." mais ta gueule. personne ne lui a rien demandé à lui. athéna veut pas partir, veut pas le laisser. elle veut qu'il sorte, veut qu'il rentre avec elle. deux ans, c'pas possible. leurs regards se croisent et ça doit se voir, qu'elle est dégoutée, qu'elle veut pas. "même si tu prends les deux ans, y a moyen que t'aies une remise de peine?" parce qu'elle va devenir folle sans lui. sérieux, c'est pas possible. "deux ans c'est trop long, ares. j'veux pas passer deux ans sans toi." parce que même en venant le voir, c'est pas pareil. elle veut juste qu'il soit dehors. avec elle. pas ici. ouais, athéna est désespérée et ça s'entend.

T’aimes pas tout ce mystère, ce suspense, ces secrets. Tu sais qu’elle t’cache quelque chose, et même si t’es pas vraiment en position de force là, t’essayes de creuser. De savoir c’qui s’est passé. C’qui a bien pu déclencher son départ précipité. Tu soupçonnes votre daron de l’avoir touchée. T’espères pas qu’il l’ait fait dans le sens auquel tu penses parce que tu le tuerais. Mais t’espères pas non plus qu’il ait levé la main sur elle. Parce que bordel, tu t’en voudrais. Te sentirais coupable. D’pas avoir été là pour la protéger du reste du monde. Y’a que sur toi qu’elle peut compter, c’est p’têtre triste mais c’est la vérité. Toi et elle, pour toujours et à jamais. Les autres, on peut pas s’y fier. "c'est pas important, ares." Mouais. C’est sûrement pas important à ses yeux, pas suffisamment pour te l’dire, parce qu’elle sait c’que tu ferais. Ou c’que tu voudrais faire, du moins. Parce que c’est pas enfermé ici qu’tu feras quoi que ce soit. Quoique. Tu connais du monde à l’extérieur, le carnet d’adresses peut recommandables qui se remplit au fil du temps, et tu pourrais très bien missionner quelqu’un pour aller buter votre père. Ou même pour la surveiller. La protéger. Ça, c’est une bonne idée. Ouais, t’as déjà un nom en tête à contacter pour ce job. Et même si elle secoue la tête — balec. C’est pas comme si tu l’écoutais quand elle cherchait à te donner des conseils, t’façon. T’écoutes toujours que toi-même, putain d’gamin insolent. "j'sais que t'es désolé. j'veux pas de tes potes. j'm'en fous. si j'ai un problème, j'te le dirai et on avisera, mais c'est tout." "tu m’le diras pas." Tu l’sais. Parce qu’elle est trop fière. Et parce qu’elle a trop peur. Peur de ce dont t’es capable quand ça la concerne.

Et le garde qui gueule en jouant les chronomètres.
Et ton coeur qui s’accélère.
Plus que cinq minutes avant d’la voir disparaître.

"même si tu prends les deux ans, y a moyen que t'aies une remise de peine?" Qu’elle dit en brisant le nouveau silence. Et toi, tu hausses les épaules. Pas très convaincu. Pas très sur, surtout. "J’sais pas Athé, j’sais pas comment ça marche la liberté conditionnelle dans c’genre de cas. Genre, j’sais pas si tu peux faire appel pour une peine aussi courte, j’sais pas si j’peux être libéré pour bonne conduite, j’en sais rien." Tout c’que tu sais, c’est l’verdict du futur procès. "deux ans c'est trop long, ares. j'veux pas passer deux ans sans toi." Le coeur qui se serre, les mains qui attrapent les siennes dans le cliquetis des chaines de menottes qui te serrent les poignets. "Je sais, Athé. Mais tu vas t’en sortir. T’es une putain de badass ok? T’as pas besoin de moi." Faux. Elle a désespérément besoin de toi. Ou plutôt, c’est c’que t’aimes croire. Qu’elle pourrait pas vivre sans ta protection. Sans toi.

"Dégage tes mains, interdit de se toucher." Tu serres les dents. Lui serres les mains. Fort. Encore plus fort. Mâchoire contractée. "On se touche pas j’ai dit !" Qui retentit derrière la porte, avec un bruit sourd de coup contre le métal. Alors tu lâches ses mains. À contre-coeur. Pas pour obéir, plutôt pour qu’elle n’ait pas de problèmes. Tu mémorises l’empreinte de ses doigts entre tes tiens. Et tu te mords l’intérieur de la joue. "Je t’aime, Athé." Important d’le dire, d’le répéter. "Fais pas d’conneries, ok? Et viens pas au procès. Et… m’oublie pas." Qu’tu finis par dire, alors que deux gardes entrent dans la salle pour te chopper par les bras et te conduire dehors. C’moche, de s’sentir comme un vrai criminel. Escorté par les autorités jusqu’à ta nouvelle maison. Ta nouvelle cage. Pour les deux prochaines années.