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 hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)

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MessageSujet: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyLun 17 Fév - 20:14

Il ne sait plus pourquoi il est venu. Ne pas savoir est son lot du quotidien, un quotidien qui n’engage à rien, mais avec les années, la légèreté apparente de l’inconscience devient fardeau. Il a envie de fuir, aussi, dès qu’il met un pied sur la première marche de l’immeuble. Tout est paisible, l’invite à partir. Laisser au calme l’illusion d’une paix qui ne peut être troublée.

Pourtant, la présence de sa mère, quelque part sur le palier supérieur, créer un appel d’air. La présence de la mère ou la chance, infime, que cette fois-ci sera différente. Qu’il retrouva la chose perdue au sortir de l’enfance, sans savoir exactement ce qu’est cette chose. Il a toujours senti que sa mère avait changé, après ça. Après le Chien.

C’est peut-être lui qui a changé.

Elle lui ouvre sans rien dire. D’elle, il a retenu les molaires serrées, les traits effacés, la colère en sourdine. Il ne dit rien non plus. Il la regarde retourner vers la cuisine, enserrée dans cette espèce de grâce sèche malgré la robe de chambre élimée couvant ses os. Sa mère se déplace toujours très lentement, mais ce n’est pas de la fatigue ; elle a attaché sa tignasse noire en un chignon bas, près de la nuque. Elle est fauve, voilà tout. L’observe à la dérobée. Ne l’observe pas du tout. Le connaît déjà par coeur.

« Je fais du café. »

Ce n’est pas une question. Ares accepte pour la forme, un léger mouvement du menton qu’elle ne regarde même pas. Elle met l’eau à bouillir, sort deux tasses, la poudre à café soluble. Ares se touche un instant les jointures, debout au centre de la petite pièce, jusqu’à ce que sa tête glisse vers le comptoir. Il ouvre un tiroir pour prendre les cuillers. Derrière le bac à ustensiles, un 9mm repose sagement. La lumière chaude du jour frappe dans tous les grains de poussière venant lentement se déposer sur la crosse noire de l’arme à feu.

« … T’as des problèmes ? il demande doucement en relevant les yeux, la main toujours sur la poignée du tiroir
- Et toi ?  »

C’est sec. Renvoyé pour lui fermer la gueule. Ares a le silence qui hésite. Puis sa mère, comme regrettant soudain égoïstement de lui avoir poser une question suggérant une aide quelconque, se renfrogne. Plus cinglante, elle ajoute, la voix dure et calme : « J’ai pas d’argent à te donner. »

Ses yeux dorés sont poignardés par la lumière. Ares referme délicatement le tiroir, deux cuillers entre les doigts.

« J’ai pas besoin d’argent... »

Elle le considère quelques secondes et attend, attend afin que leur mutisme respectif retombe comme un voile sur ce départ raté, abrupt. Ares a tourné la tête. Il se sent déjà nauséeux. Il regarde sans la voir la porte à demi-ouverte sur le mur opposé. La chambre, probablement.

Ils s’assoient.

Le paquet de cigarettes de sa mère froisse le silence. Elle dégage sans fébrilité un tube, mais ses doigts sont longs, durs, et ils malmènent le papier aluminium. Elle craque une allumette, tient la petite boîte dans le creux de sa paume comme dans une serre d’aigle, et s’allume délicatement. Pas un regard pour Ares. En expirant la fumée, ses pupilles dévient vers l’unique fenêtre trônant sur le mur jauni, au-dessus de l’évier, mais pas tout à fait. Ici, tout est un peu décalé, penché. À sa place sans l’être.

« Me demande pas où est ton père... » elle lâche après un moment d’intense contemplation - elle seule sait ce qu’elle regarde. Il n’y a rien à voir, derrière la vitre. Seulement la brique de l’immeuble d’en face.

Ares n’a pas demandé où était son père. Il se contente de respirer. De laisser le profil de sa mère se diluer dans le soleil, fade, austère. Elle a des ridules près de la bouche, maintenant.

« … il est encore avec sa puta. »

De la colère, dans ce dernier mot, mais déjà, c’est quelque chose qui s’assèche, se résigne. La douleur de sa mère est une cendre tiède tombant du bout de sa cigarette. La douleur de sa mère est épuisée, elle aimerait aller se coucher, et dormir.

Le père d’Ares courait les femmes au Salvador, alors il les court ici. Ares ne dit rien, parce qu’il n’y a rien à dire. Le sourcil droit de sa mère se relève légèrement, comme ses lèvres se pincent, comme elle abaisse le menton, comme elle expire sa bouffée par ses narines tremblantes. Elle tapote son tube contre le cendrier, une lueur réfugiée dans l’oeil. Ares connait cette grimace ; Elle veut quelqu’un à qui partager sa souffrance, mieux, quelqu’un qui souffrirait un peu, comme elle, de ses blessures ordinaires. Elle veut le blesser.

« T'es grand frère, maintenant. Tu le savais, ça ? »

Elle a tiré à nouveau sur sa clope, lentement, profondément, en relevant le visage. Elle balance nonchalamment sa tête vers l’arrière. Pour le regarder. Pour cueillir la stupéfaction muette sur le visage de son fils. Elle guette le pli près de ses yeux, le frémissement sur son front. N’aies-je pas raison de détester ton père. N’aies-je pas raison de vouloir que tu le détestes avec moi.

Non, il ne savait pas. Sa mère fait un petit bruit avec ses lèvres, un eh oui, et fume, fume sans se presser, en acquiesçant répétitivement à on ne sait quoi. Elle se berce la tête.

« La pétasse vient juste d'avoir un môme. »

Comme d’habitude, Ares n’a pas su saisir la conversation au moment opportun, si conversation il y a - avec sa maternelle, c’est plutôt comme assister à une logorrhée agonisante dont il a toujours l’impression d’être la cause. Si sa mère parle enfin, c’est qu’il est là pour écouter. Alors il écoute. Il écoute en même temps de se demander inutilement comment lui dire, salut maman, j'ai failli crever dans un incendie. Mais ça pourrait être chose. Salut, tu sais je trempe dans des affaires pas nettes, chaque fois qu’on se voit, ça pourrait être la dernière. Salut, j’ai croisé mon ancienne assistante sociale, elle m’a demandé de tes nouvelles. C’est con, j’ai rien pu lui dire. Je me suis sauvé. Je me suis sauvé. J’ai hâte de pouvoir me sauver d’ici aussi. Salut. Quand est-ce qu’on a commencé à n’avoir que des choses négatives à se raconter. Quand est-ce qu’on a ri, la dernière fois.

Ses oreilles cillent. La carafe aussi. La mère se lève, verse l'eau dans les tasses. Personne ne brasse le café. Elle dépose la carafe sur la table, là où il y a déjà un rond plus foncé. À force, la peinture a brûlé.

« M'enfin… » elle soupire, comme allégée de lui avoir mis un coup au ventre, de pouvoir parler de ce qui importe maintenant qu’ils sont dans le même état, qu’ils se toucheront à l’endroit où elle a décidé de les mener,  « j'ai vu ton cousin dernièrement. » Ares en a plus d’un, mais le seul digne d’être mentionné est toujours Victor.

« Il se tient avec des mecs de Los Zetas
- Victor est un con.
- C'est vrai. »

Est-ce qu'il voit un sourire en coin sur la bouche fine de sa mère, ou est-ce qu’il s’agit d’une fabulation de son esprit ? Ce serait moins douloureux de croire qu’il leur reste un semblant de complicité.

« Mais je préfère que tu traînes avec ses amis plutôt qu'avec les Perros. »

Comment elle a su. Silence. Les amis de Victor. Parle-moi du Salvador. Parle-moi de ce que tu fais de tes journées. Tu ne peux pas faire qu’observer les briques par la fenêtre et regardant tes ruminations s’y écraser comme l’Amour sur le mur de Berlin. Sa mère se décide à tourner sa cuiller dans son café. Ça fait un petit son clair dans le liquide opaque. Comme le dédain dans sa voix. Un petit son clair.

« J'ai jamais aimé ton… Miguel.
- Pourquoi. »

Il n’a pas pu s'empêcher de demander, même si c’était un souffle, même si c’était une paire d’yeux se relevant discrètement vers ceux de la mère, plus francs, rivés sur lui soudainement. Elle tient toujours la cuiller, très droite cette fois, et immobile, à l’extrémité appuyée sur le fond en céramique.

« … pour ça. Exactement pour ça. Parce que tu peux pas t'empêcher de le défendre. »

Et pour d’autres raisons. Sa mère est aussi peu loquace que lui, elle a seulement su parfaire son art de dissimuler ses non-dits sous d’autres paroles qui ne veulent rien dire.

« Es un hombre pelligroso, Isaàc.
- Victor también.
»

Un petit rire amer sort de la gorge de sa mère. Mais c’est bref, trop pour lui laisser le temps de penser à sa répartie. Alors elle porte la tasse à ses lèvres, boit une gorgée de café noir en laissant le reste de la clope se consumer entre son index et son majeur. La fumée monte dans les cils de son oeil gauche. Ares pourrait en profiter pour attaquer. Mais il se sent las. Il se demande combien de temps ce sujet-ci durera. Sur quel autre sa mère rebondira avec flegme, une fois le cul-de-sac atteint. Elle avale, l’observe par-dessus sa tasse. Dépose le filtre de sa cigarette dans le cendrier.

« Mais Victor, c'est la famille. La famille. »

Ah oui. Il sait. Combien de sacrifices et d’aveuglements volontaires le monde ne s'est-il pas imposés au nom des inviolables liens du sang. Parce qu’à un moment, il faut une raison. Une raison d’être con. Ares se masse lentement le front - comme pour bien assimiler de nouveau cette réalité, ou au contraire, tenter peu à peu de la gommer de son esprit. Il a besoin d’air.

« … Tu dis ça seulement parce qu’il te prête de l’argent. »

Voilà, il laisse encore un moment sa main en visière, sans courage, avant d'oser un regard vers elle. Moi aussi, je sais des choses. Moi aussi, je lui dois de l'argent. Il sait très bien ce que pense sa mère de la famille. Elle aurait brûlé la sienne si elle était restée au pays.

Elle n’a pas bougé. C’est dans sa bouche ; il y a quelque chose d’un peu plus froid, malgré la chaleur du café.

« Chaque fois que je te regarde, tu me rappelles ton père. » Elle marque une pause. Ares prend le pouls de la remarque assassine qui vient, sans se presser. « Tu es comme lui. Un traidor. » La voilà, la petite lueur déraisonnable dans les iris de sa mère. Une pointe qui tend à rappeler la démence dans son plus simple appareil.

Ares déglutit, repousse doucement la tasse et s’appuie d’une main sur la table pour se redresse.

« Bon… »

Ça, et le reste, demeure en suspens. Les yeux de sa mère qui papillonnent, sa langue poussant derrière ses dents, ravalés les mots, ravalés les explications, les colères, les années d’accumulation de si infimes petites choses qu’elles se sont dissoutes et reformées en un amas de noeuds inextricables. Ares n’est pas prêt à plonger là. À sentir que ces noeuds l’étouffent - sans eux, déjà, l’air, à Détroit, se fait si rare.

« Je vais y aller. »

Il étire le geste. Peut-être qu’elle dira quelque chose. Une plate excuse, si on rêve assez fort. Au lieu de ça, sa mère fouille son paquet de cigarettes pour se sortir une deuxième clope. Ares la regarde. Elle s’y prend à trois fois avant de réussir à allumer son allumette. Sa mère ne le regarde plus. Elle est revenue à ses briques, replace pensivement le col de sa chemise de nuit. Sa phrase flotte, déjà, désincarnée dans la fumée de la clope qui la porte jusqu’au plafonnier. « Repasse quand tu veux. Je suis toujours là... »

Lui aussi, il est toujours là.

Sa journée est bouffée. Bouffée par cette moitié d’heure, bouffée par l’impossibilité de rejoindre les autres là où il pourrait les toucher sans s’y brûler.

À 18h, le soleil est couché. Plus tard encore, Ares est devant El entre dos, selon les instructions qu’on lui a données. Pendant quelques secondes, ça sent le printemps dans l’entrebâillement de la porte ; le redoux du dehors, peut-être, avec l’odeur de lessive fraîche de l’intérieur. Puis le mirage s’étouffe sous les parfums de javel, les crissements mécaniques des appareils, le vert et le rose blafard du décor, franchement, rien qui puisse rappeler le vent de la nouvelle saison, la floraison des arbres, si ce n’est l’ébauche en couleurs bâclées de ce qui est censé représenter la fraîcheur. Une ampoule clignote comme une luciole épileptique au fond du lavomatique ; l’étoile du rêve qui meurt.

Ares se glisse dans la deuxième allée, un coup d’oeil évasif jeté en direction de l’unique âme qui vive ici en plus de la sienne, et encore, c’est discutable. L’endroit devait être vide. Un mardi, la nuit, comme ça, vide. Ramassé sous son foulard, sous le cuir pas assez souple de sa veste, la posture fuyante, il s’accroupit près d’une des laveuses et s’affaire en silence. C’était une fille - il a noté le livre qu’elle tenait, mais surtout, l’heureuse possibilité qu’elle soit absorbée par sa lecture.

Alors après avoir glissé deux jetons dans la fente de la machine, le Salvadorien se laisse choir dans la chaise de plastique juste en face et travaille dans le même sens que la jeune femme ; être absorbé. Un instant par le mouvement circulaire visible derrière la vitre hublot de la porte, l’autre par ce qui se dit aux nouvelles - son menton s’est relevé vers la petite télévision accrochée dans le coin du mur. Tout bas, elle chuchote. Liste les fâcheux évènements survenus dans la ville. Rappelle l’heure du nouveau couvre-feu.

Ares regarde l’heure sur son cellulaire, puis laisse l’arrière de sa tête s’appuyer sur le dossier inconfortable de la chaise. Il a croisé les bras sur son torse, stoppé la progression de son corps à demi-allongé, au bout du siège, par cette botte fermement plantée sur la quatrième tuile de céramique en partant des pattes avant de son trône, résolument rouillées. Il attend. Ses vêtements, l’heure, que la fille se casse. Ne somnole pas vraiment. Dort encore moins.
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Kassidy Lee
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L'élixir de ta bouche,
Où l'amour se pavane.


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quartier : Rez-de-chaussée, Krainz Woods. Les murs sentent un peu l'acrylique. L'appartement a été rénové récemment et il n'a pas encore vraiment d'âme.
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyMer 19 Fév - 16:36

La machine à laver vomit un fœtus mousseux, conglomérat de chemises et chaussettes avortées. Coquelicot et indigo échouent à ses pieds, imbibés d’eau. Les vêtements se sont engagés dans une lutte fratricide terrible : les manches s’écharpent et s’allient pour étrangler les cols, qui retournent leurs vestes pour porter secours aux pulls. Kassidy démêle les étreintes étouffantes et enfourne le tout, de l’espoir plein les doigts. Le ventre de la machine gronde, éructe, postillonne. Un doigt impérieux tente de convaincre l’engin, qui geint cette fois comme si l’insistance le faisait souffrir. L’ébranlement habituel ne se produit pas. L’appareil se confine dans un silence buté, menaçant de recracher à nouveau ce poupon indésirable.

Kassidy est une faiseuse d’anges brutale. Elle arrache au sein l’enfant humide, le tord et le jette dans un sac. Ses mouvements sont saccadés, agacés. Les vêtements devaient être propres ce soir. Ils ne le sont pas.

Il n’y a qu’à moi que ce genre de choses arrive, songe-t-elle avec son nombril. Elle frotte ses mains pour les débarrasser des restes vaporeux de mousse, balance le reste de son corps pour combattre la paresse. Elle pourrait repousser à demain, comme d’habitude. C’est dans l’avenir incertain qu’agonisent toujours les choses qui ne la passionnent pas.

Mais elle a besoin que ces vêtements soient propres. Ce soir.
Le mécontentement exacerbe cette nécessité.

Un soupir. Elle ramasse le sac pesant, empoche un livre léger. Les pages sont cornées, jaunies. La couverture représente une femme qui s’éloigne d’un château croulant. C’est la millième illustration de pulp fiction gothique du genre. Belle ingénue. Ruine hantée. Fuite éperdue.

Elle s’enfuit aussi, Kassidy, le sac au bout des doigts.

Le lavomatique est un espace inconnu dans lequel elle trébuche, trépigne. L’affolement monte lorsque la machine rejette presque son jeton. Ses yeux guettent le jugement d’inconnus trop absorbés par leurs habits. C’est leur existence quotidienne qui roule, s’emmêle dans le tambour. Les pans de vie se poursuivent comme des fantômes au bout de la nuit. La robe de soirée chasse la chemise de travail, la tâche de sang frôle le trou de chaussette.

Elle se détend enfin lorsque sa machine rugit, tombe dans une contemplation muette. Des vies sont données aux dos cambrés, aux paupières lourdes. Il y a une anecdote sur le quotidien de cette vieille en robe de chambre, un tome sur ce garçon au nez percé.

Le vide se creuse peu à peu entre les côtes de l’établissement. Le silence pousse à la place parmi les os, tandis que la nuit s’affale dehors. Elle pèse sur le béton, contre les yeux.

Seule sa machine gronde et tremble. Une chaise en plastique accueille son corps, ses yeux saluent le livre. Il est épluché entre ses doigts, papier friable de mauvaise qualité. Des miettes tombent sur ses genoux entre deux péripéties. Celles qui passent aux infos sont occultées au profit des horreurs moins réalistes de la fiction.

Minuit sonna et l’homme étrange apparut, comme il l’avait fait lors de la dernière Lune…

Aspiration, exhalation. Air froid, air chaud. La présence est tangible, mais Kassidy a encore les yeux baissés, le nez retroussé. Le dos du livre a été cassé, découragé. Il s’ouvre trop largement, comme une fleur au parfum enivrant, une femme facile.

Minuit sonna et l’homme étrange apparut…

La chaise en plastique couine et l’autre corps s’affale. Ses yeux ont cessé de se mouvoir. Elle est étreinte par cette étrange angoisse que provoque la fiction. Lorsqu’on est presque noyé dans un univers et que la réalité prend son apparence. Tout ressemble à une ruine et tout prend les traits de minuit qui sonne, lorsqu’un homme étrange apparaît…

Il n’a pas de visage.
Seulement un foulard.

Kassidy s’agite. Elle croise et décroise une jambe, fronce les sourcils.

Minuit sonna et l’homme étrange apparut, comme il l’avait fait lors de la dernière Lune…

« Excusez-moi. »

Pupilles qui se hissent, s’accrochent aux rebords du tissu. Son corps s’est crispé. Rien ne peut étouffer le mauvais pressentiment qui l’habite. L’inconnu lui fait peur. Elle a besoin d’une voix, d’une preuve d’existence.

« Quelle-heure est-il exactement ? »
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyVen 21 Fév - 18:30

Ares ne contrôle pas grand chose, surtout pas ces sensations qui s’invitent sous son épiderme, des parasites filandreux troublants tous ses nerfs. Impression d’être épié, impression d’être, alors, et pour ça, seulement pour ça, il doit étirer la nuque, pencher la tête sur le côté, dans l’espoir de se débarrasser de la prégnance de son immanence. À côté, ça bouge - le Salvadorien laisse ses paupières s’alourdir, doucement, il veut fermer les lumières, endormir le monde à défaut de s’endormir lui-même, ne pas le déranger pour ne pas être dérangé, donc.

Excusez-moi.

Putain.

« Quelle-heure est-il exactement ? »

Il laisse sa poitrine se soulever sous l’inspiration profonde qu’il se refusait à prendre ; on ne sait jamais, l’immobilité est parfois garante d’invisibilité. Mais pas ici. Ares ne sait pas se camoufler. Il lui faudrait une peau, ah ça, une peau plus sensible encore que la sienne, une peau comme certains de ces batraciens ; changeante, colorée au besoin, responsable de leur mort si on la caresse trop. Pour l’instant, c’est le crapaud qu’il a d’encré sur le bras qui prend sa teinte, et non l’inverse.

« Hem… » il grogne juste en roulant les épaules vers l’arrière, en redressant le menton, en s’ébranlant, mais pas trop vite, mimant à peu près le flegme qui aurait du le tétaniser au sortir d’un demi-songe, ou alors il tourne réellement au ralentit. Ses pupilles minces passent rapidement sur le visage de la jeune femme, c’est quoi le problème, avant de se hisser vers la télévision, et plus spécifiquement sur la petite bande de nouvelles défilantes au bas de l’écran. À droite, les chiffres.

Son dos s’est rigidifié, sa tête légèrement écartée de son support métallique. Il regarde la fille à nouveau. Rien pour paraître plus avenant. Rien pour empirer la situation non plus. « Bientôt l’heure du couvre-feu » - exactement - « alors tarde pas trop. »

Ça n’a pas trop le ton d’un conseil bonace ; la bouche demeure entre-ouverte sous le couvert du foulard, tirant les traits déjà fatigués, fixant l’ambre, laissant planer la menace ou l’avertissement. Mais Ares n’a pas l’haleine assez longue pour se parer entièrement du méchant rôle. Deux secondes qu’il étire comme il peut, puis son regard retombe, revient se poser sur les tuiles, devant, avec un tremblement nerveux dans la veine du cou.

La porte de la buanderie s’ouvre, crache un mec très haut. Il a, enfoncé sur le crâne, un énorme casque de poil qui jure avec le reste de sa tenue, un style recyclé d’il y a vingt ans, jean baggy et pull FUBU xxl. Ares ne regarde pas, mais lui, il est regardé. La meuf aussi. Le mec se dirige d’un pas égal vers la porte du fond, personnel autorisé seulement, en attardant sur eux un regard visqueux et pesant.

Il disparaît, et il n’y a plus que le ronron des machines et le son cacane du téléviseur.

Une vibration, dans sa poche. Ares sort son cellulaire avec une lenteur désavouant toute l'envie qu'il a de lire le message texte.

c ki la meuf. fait la degagé
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Kassidy Lee
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyMar 25 Fév - 2:20

Il y a quelque chose d’humain dans la lenteur du mouvement - dans son ébranlement calculé, ennuyé. Mais son hem n’est pas assez civilisé. C’est le genre de son qui sort lorsqu’on est indécis ou agacé. Hem. Et ses épaules qui roulent, son menton qui s’avance. Elle n’aime pas ses yeux. N’aime pas la sensation de l’avoir dérangé, tout comme elle n’aime pas la contrariété qui arrondit sa pupille, pèse dans son regard. Kassidy a envie de se recroqueviller comme un insecte mort, oublié dans un recoin. Elle a aussi envie de tendre le cou et de bourdonner dans sa figure, tourbillonner autour de lui, en faire son ampoule à percuter. L’attention des autres, elle la désire, en a besoin. Mais lorsque ce n’est pas le genre d’attention qu’elle veut, c’est comme ça. Entre le désir de disparaître et celui de s’imposer jusqu’à ce que l’affection naisse, jusqu’à ce qu’on lui donne la tendresse tant chérie.

Ses yeux suivent les siens jusqu’à l’écran. Elle est belle, la présentatrice. Un collier de perles autour du cou, une bouche fine et brillante.

Peut-être qu’il la trouve moche.

Et il l’observe à nouveau, comme pour le prouver, faire la comparaison. Kassidy caresse le papier jauni du bout des doigts. Elle a envie de s’enterrer entre les pages, de se nicher entre les mots. Elle l’a toujours cru : tout serait plus facile si elle était un personnage de fiction. Les rebondissements la feraient sursauter d’une romance à une autre, jusqu’à ce qu’elle ait trouvé le bon protagoniste. Et elle vivrait heureuse et aurait beaucoup d’enfants.

Ce serait plus simple que Detroit.
Plus simple que Samih, plus simple que Seven.

« Bientôt l’heure du couvre-feu » Ce n’est pas une réponse précise. Pas le genre de réponse qu’on donne pour faire plaisir. « alors tarde pas trop. »

Sa bouche s’ouvre sur une indignation toute ronde. Elle roule des yeux, observe sa machine. L’engin emporte encore dans son tourbillon écumeux tous ses vêtements. Et puis, en plus, elle était là en premier. Si quelqu’un ne doit pas tarder, c’est lui.

Parce que le lavomatique est devenu son royaume vide et qu’il fait tache, dorénavant.
Il n’y a pas de place pour les taches dans un endroit qui nettoie le linge.

« Ma machine n’est pas terminée. » décrète-t-elle, petit ton pincé, petites dents colériques.

Et lui retombe dans son indifférence vexante, passionné par le carrelage. Elle le regarde, ce sol - il est brillant mais il n’a rien de remarquable et vraiment, il aurait au moins pu être poli et vraiment, il exagère et vraiment, elle n’est pas contente…

La porte ploie sous le poids d’un colosse qu’elle fixe comme un hibou surpris.

Son voisin est impassible. L’intrus les observe tour à tour et Kassidy se tend, se fige. Il y a cette anormalité surréelle qui pèse encore dans les airs, la même atmosphère que tout à l’heure. Le danger rôde jusqu’à la porte réservée au personnel, qui l’aspire dans l’arrière-boutique.

Bourdonnement de machine et vrombissement télévisé. La police enquête toujours sur la disparition de Shaniece Hill, vingt-ans, vue pour la dernière fois lors d’une manifestation…

Ses yeux sont toujours rivés sur la porte, sur le spectre qui l’a traversée. Un moment de flottement qui précède son agitation. Kassidy referme sèchement son livre, se tourne et se retourne. Ses yeux courent sur la silhouette affalée à côté de la sienne. Il regarde son téléphone. Elle a envie de le secouer, de lui hurler dessus.

« Il a rien à faire là-bas. Il fait pas partie du staff, n’est-ce pas ? Je suis pas folle. Il peut pas faire partie du staff. »

Ses sourcils se froncent.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? Tu sais quelque chose ? Je te préviens, j’appelle la police si c’est illégal. »

Et elle tapote le téléphone planté dans sa poche d’une main ferme, les yeux fébriles.
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyMar 10 Mar - 17:42

Il y a une petite roche dans sa botte ; vraiment, ce n'est pas grand chose, qu'un point pressé sur la plante de son talon, qu'une callosité qui pourrait tout aussi bien faire partie de son corps, mais voilà, la petite roche ne vient pas de lui. Ma machine n'est pas terminée. La voix de la jeune femme, d'autres caillous, d'autres petites billes pas tout à fait rondes et qui roulent vers lui, se heurtent sur ses semelles, les pans du tissu, les arêtes du cuir. Ares appuie sur la roche : sa botte reste en place. C'est à l'intérieur que tout s'appesentit.

Puis il y a un bout de nuit dans la porte, un bout de connaissance et de repli. Le Salvadorien palpe la tension de la lectrice, étire doucement le menton pour la déplacer ; au lieu de ça, elle lui coule comme une goutte d'eau le long de la pomme d'Adam. Ares a gardé les yeux baissés sur son portable, fait mine d'y fureter, remonte d'autres messages textos sans importance. Claquement des pages. Il reste attaché à l'écran - les yeux sur la lumière, la main aspirée par la chaleur poussiéreuse de l'appareil, la nuque pliée, pliée.

« Il a rien à faire là-bas. Il fait pas partie du staff, n’est-ce pas ? Je suis pas folle. Il peut pas faire partie du staff. Qu’est-ce qui se passe ici ? Tu sais quelque chose ? Je te préviens, j’appelle la police si c’est illégal. »

Sa propre respiration créer un repli dans sa gorge, un vallon duquel il est sans cesse extirpé, où il ne peut se terrer. Son oeil glisse, planant bas comme le corps d'un oiseau de proie ; il regarde là où la brune tapote ostensiblement, les doigts raides. Comme pour l'inciter. Viens.

Il résiste un court instant. Lui résiste à elle, se résiste à lui-même. Il faut parler. Répondre à l'ordre plus pesant encore que celui de cette main sèche, la faire dégager, mais la loghorrée de la jeune femme vient de lui couler en travers de la gorge à la manière d'un béton encore mou.

Ares n'a jamais été réellement confiant du pouvoir de ses mots. Dans son monde à lui, toutes les paroles sont frangées de silence.

Alors quelque chose d'autre saute, et il décolle. Parle un langage analogue. Une impulsion de cette jambe jusqu'à là si langoureusement détendue, et il est debout, déjà plongeant ; il n'a même pas donné l'impression de pivoter, tout rivé déjà qu'il était sur la brune. Son paume s'abat sans douceur au-dessus de sa poitrine, là où les os saillent, veulent faire un triangle sans jamais y parvenir, par ici les doigts, l'attention, le réflexe, et pendant qu'elle s'occupe à choisir entre son livre ou sa défense, Ares plonge sa deuxième main dans la poche si gentiment exposée.

Il chope le cellulaire en moins de deux, se recule du même geste, et plaque le plat de sa botte sur le rebord plastique de la chaise, entre les cuisses de la brune. Ça fait un petit bruit crispé (la chaise, ou la fille). Dans l'allée étroite, le dos d'Ares a rejoint les machines derrière où il s'encastre avec mal. Il souffle, la tempête plein les iris, le portable levé et à l'écart, la jambe tendue entre eux comme une barricade, ou un pont.

Il sent qu'il a son attention, et plus qu'avant si cela est physiquement possible. Ses sourcils se sont légèrement relevés, sa tête penchée sur le côté, l'air de dire tut tut tut, mais Ares ne maîtrise pas cet art de la violente arrogance. Tout au plus, il a une lueur effrayée dans le regard, juste à côté de celle, plus consistante, plus sombre, qui menace.

« J’crois pas que ce soit une très bonne idée d'appeler les flics » qu'il éructe, plate évidence, en effet. Il aurait pu le dire avant de passer à l'acte, mais dans les circonstances, mieux vaut clarifier le message.

Il abaisse prudemment le pied. Un oeil toujours sur le visage de la brune, Ares retire le protecteur du portable, puis l'endos, et fait tomber la batterie dans sa main. Il réassemble le tout, charge utilitaire en moins et sagement rangée dans les replis de sa veste, avant de tendre le cellulaire à la jeune femme. « Je t’ai fait mal… ? » ça demande par en-dessous, en contraste, mais putain, fous le camp - Ares pense à Fubu xxl de l’autre côté de la porte, qui lui ne se serait pas donné autant de peine. Qui ne s’en donnera pas, d’ailleurs, s’il faut en arriver là.

« Fais juste… tires-toi, ok ? »

Ça pourrait se faire un peu plus suppliant, étant donné les gestes, le ton, quelque chose, et pourtant, la demande reste cloîtrée dans un drôle de détachement, de fatigue, de renoncement. Ailleurs, la tension indélogeable est grimpée jusqu’à ses trapèzes.

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Kassidy Lee
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyJeu 12 Mar - 0:12

Son regard parle une langue étrangère, morte - elle n’a jamais compris les silences énigmatiques, les pensées impénétrables. Sa propre langue est trop fébrile, trop facilement pendue. Il faut qu’elle vomisse chacune de ses inquiétudes, parce que personne ne les écoute jamais assez. Sa grand-mère la faisait tourner dans le vide lorsqu’elle était petite, un vinyle balbutiant, enrayé, qui hoquète les supplications d’une starlette à la carrière avortée. Et elle n’a jamais cessé de se lover dans les oreilles depuis, earworm qui irrite plus qu’il ne chatouille. Kassidy veut qu’il réponde avec des mots, une cascade de syllabes. Mais il n’est pas comme elle. Si différent qu’il pourrait lui faire peur, s’il ne l'agaçait pas déjà trop. Le fait de ne pas comprendre la situation ne fait qu’envenimer plus encore la colère qu’elle couve constamment quelque part, poule aux œufs d’or pourris.

La réponse vient sous la forme d’une ondulation - un mouvement fluide de chat ou de cascade, celle qu’elle espérait tellement. L’inconnu se lève et elle n’a pas même le temps de se crisper, de reculer, de s’effrayer. Une main tombe au-dessus du coeur malade, se fracasse contre ses os. Ses yeux ne sont plus que des pupilles dilatées comme ses narines, une main levée en réflexe pour interrompre le geste, la tentative d’agression. Le touché masculin la panique à chaque fois. Il est toujours inconnu et inattendu, ultimement désagréable, chargé de cette violence que les hommes savent infuser dans leurs gestes. Alors elle s’étouffe à moitié, comme s’il lui avait mis la tête sous l’eau, les joues rougies, prête à suffoquer. Le livre se froisse lorsqu’il tombe sur le carrelage, pages pliées et mots éparpillés.

Son téléphone lui échappe. Kassidy pousse un petit couinement étranglé.

« J’crois pas que ce soit une très bonne idée d'appeler les flics. »

Il y a bien quelque chose d’illégal qui se trame - une histoire sordide dont elle est devenue l’antagoniste, le parasite. Sa tête se penche alors qu’elle masse la peau heurtée, cherche à remettre les émotions et les os en place. Elle est partagée entre l’envie de s’enfuir et de se ruer sur lui comme une furie enivrée par la perspective de la rétribution.

« J’ai cru comprendre, grand malade ! T’as conscience que je pourrais très bien marcher jusqu'au commissariat ? »

Pas assez vite, sûrement, à moins de courir les larmes aux yeux, fantôme nocturne convaincant. Avec sa longue chevelure et son teint diaphane, elle est déjà un presque spectre lorsque le soleil se meurt, une moitié d’ectoplasme révélé par la pleine Lune.

Peut-être est-elle le monstre qui surgit dans son livre, finalement.

Roman qu’elle ramasse du bout des doigts et défroisse avec diligence, les yeux rivés sur la couverture. Ses pensées fusent trop vite. Le commissariat. La police. Il l’a touchée. Il faut les arrêter. Il faut l’arrêter lui. Il faut qu’il se fasse arrêter. Courir jusqu’au commissariat ? Son téléphone entre ses mains.

Qui est décortiqué facilement et retombe en sa possession l’âme en moins, privé de son souffle. « Je t’ai fait mal… ? »

« Bien sûr que tu m’as fait mal ! » Pas vraiment - mais les blessures de l'ego sont des plaies lancinantes, les meurtrissures qui entraînent le plus facilement la vengeance. Et elle est là, béante, entaille suintante qu’elle emplit d’une haine naissante. Je te déteste. Tu m’as fait mal.

« Fais juste… tires-toi, ok ? »

Il soupire ça comme s’il était aussi fatigué que sa machine, qui profite du moment pour pousser sa propre plainte essoufflée.

« Ma machine est terminée. »

Kassidy se lève, raide. Elle ouvre le tambour, laisse vomir sa masse de tissu encore humide, presque fumante. Un panier à linge en plastique reçoit d’abord précipitamment ses vêtements, avant qu’elle ne ralentisse progressivement, les lèvres pincées par la réflexion qui germe entre ses dents. Elle plie avec un soin tout particulier une chemise, glisse un œil colérique dans la direction de l’inconnu.

Tu m’as fait mal.

Si elle courait jusqu'au commissariat…
Couverte des plaies d’une escarmouche ?

Kassidy se penche pour récupérer son livre, l’air placide. Elle corne la page qu’elle a délaissé avant de le refermer.

Et de le lancer à la figure de l’inconnu.

C’est son corps qu’elle projette ensuite, toutes griffes dehors, os pointus et dents serrées. Elle agrippe tout ce qu’elle peut - son haut, son cou, - arrache le foulard qui cachait sa figure et le jette plus loin, pesant de tout son poids dans l’espoir de le faire reculer,  tomber si elle a de la chance. Ses ongles s’accrochent finalement à ses cheveux, tandis que l’autre paume farfouille dans la chair meurtrie de la gorge. Il est balafré - mais elle n’a pas le temps de s’attarder sur ses cicatrices, trop obnubilée par le désir de les rouvrir.

« Vas-y, fais moi mal ! Tu vas voir, les flics vont te défoncer ! »

Et elle s’égosille ostensiblement en direction de la porte de service, du mastodonte qui va sûrement la cueillir :

« J’AI PAS PEUR DE VOUS ! VOUS AVEZ PAS LE DROIT D’ÊTRE ICI ! »
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyMer 25 Mar - 15:58

Il sent ses veines dans ses mains. Gonflées, traversées du flux accéléré de son propre sang qui s’y démène. Ares reçoit le grand malade en plein milieu du torse, interdit, t’as conscience que je pourrais très bien marcher jusqu’au commisariat ? Non, il n’a pas conscience de grand chose. S’il le pouvait, il laisserait un instant ses paupières lourdes retomber, couvrirait la sidération épuisée miroitant dans ses pupilles basses. Il se passerait une main sur le visage, très lentement, de façon appuyée. Toucherait ses crevasses. Tous ces endroits où il manque un peu de lui.

Il est grand-frère pour vrai ?

Combien de temps est-ce qu’il va pouvoir éviter de parler à Jaaz de ses petites affaires ?

Quand est-ce que cette conne va foutre le camp ?

Elle ramasse le livre. Il lui rend son téléphone. Ils pourraient s’être rentré dedans par inadvertance, et la scène aurait été, somme toute, assez semblable. Or, il y a romance avortée sous les petits rires couinants des machines, sous l’imprécation texto d’un dealer à capine de fourrure, sous les grands malades de cette pandémie de pauvreté de Détroit, celle qui guide les âmes en berne à venir laver leurs fringues et à jouer les hors-la-loi dans un lavomatique de Mexicain Town. Tout ça, ça fait surjoué. Comme la réponse de la meuf, bien sûr que tu m’as fait mal !, cri outré ne manquant pas de tirer à Ares un coup d’oeil perplexe en direction de sa poitrine. Il n’a pas l’habitude de toucher les femmes, mais quand même - il est presque certain de savoir comment faire pour que ça se passe sans embâcle.

Sa machine est terminée.

Sérieusement. La pomme d’Adam du Salvadorien monte et redescend lentement, bousculée sous le passage étroit d’une déglutition. Il lance un regard vers la porte du fond. Il lui semble qu’elle s’est entrouverte un instant avant de se refermer. Distrait, il l’est. Dans l’espoir ridicule que l’autre fera preuve d’un minimum de patience, que la brune se tirera vite fait une fois ses vêtements mouillés soigneusement pliés.

Plié comme le coin d’une page.

Comme le regard qu’elle lui lance, un autre pli, insondable, qu’Ares ne sait pas comprendre. Pas avant qu’elle ne lui balance son bouquin à la gueule. Alors là, il assimile très vite.

Un grognement étouffé ; c’est tout ce qu’il parvient à gargouiller sous les assauts hystériques de la jeune femme, se protégeant plus qu’il ne la repousse. Ce qui pousse, c’est elle. Pousse, pousse, alors qu’il tente de se saisir de ses poignets ou de ses mains, pousse tellement en gesticulant, en griffant, en tortillant que ce qui finit par échapper du gosier d’Ares ressemble à un petit rire. Sec, nerveux. Ouais, Ares se marre. Et ça l’enrage. Parce que quand il veut dire arrête, c’est un a-ah matraqué qui sort, comme ça, sans qu’il n’y puisse rien, parce que ça le dépasse, parce qu’il tente de reculer le visage et s’étrangle, et il va ricaner comme un con, comme ça, jusqu’à ce qu’il sente les serres de sorcière lui arracher son masque.

Et là, il ne va plus ricaner du tout.

Il mime un geste instinctif vers le bas, un geste pour rattraper le foulard jeté au loin, avant de perdre l’équilibre. Un vertige, une chute plus ou moins brutale. Il sent résonner l’impact dans son coude, celui qu’il a bandé vers l’arrière pour se rattraper, pendant que son autre bras tentait de bloquer la furie qui l’accable. Vas-y, fais moi mal ! Tu vas voir, les flics vont te défoncer ! Il entend mais ça ne fait aucun sens, sauf peut-être le mot flics. Parce qu’il y a trop d’ongles qui veulent atteindre sa mâchoire, et quand ça l’écorche, est-ce que ça ne serait pas un peu comme des dents, comme des crocs.

Le cri lui perce les tympans. Ou la peau. La peau de son visage. Elle aboie, Ares tremble.

Il vrille.

Le coup part seul, un revers du radius, directement dans l’angle de la tête. Assez fort pour faire pousser une autre gueule à son cerbère imaginaire, mais pas assez pour décapiter le chien - comme son père, son père qui a décapité le chien, quand le chien a essayé de le mordre. Il était jeune, il s’en souvient. Son père qui tire le clebs par la peau du cou, qui prend la hache, qui écrase le flanc maigre de l’animal avec sa grosse botte, juste devant lui. Le chien couine, ou alors c’est Isaàc qui fait ce bruit.

La hache guillotine grossièrement le cou du molosse de la famille, la balle fait un trou dans le front de son ami, les dents mangent sa mâchoire, les doigts aussi, les doigts de la fille, alors il fallait, il fallait qu’il la frappe.

Autrement, il y aurait eu une autre exécution.

« Bordel de merde, mais qu’est-ce qui t’prend de frapper une meuf ! »

Ça aussi, ça fait surjoué. Ares a de la salive plein la gueule, mais rien qui ne puisse sortir. Il s’est plus ou moins libéré, reculé précipitamment en poussant des talons sur le sol. Le carrelage gémit dans les aiguës sous l’assaut des semelles caoutchoutées. Fubu XXL a enlevé son casque de trappeur,  a fondu sur le duo, précis, s’est penché vers la brune en faisant mine de vouloir l’aider. Il lui gazouille même un « eh Mad’moiselle, ça va ? », englué dans un accent peu convaincant de ruelle, de loup qui se farde la patte de farine blanche.

Ares s’est poussé un peu plus loin avec comme seul objectif de récupérer son bandana. Voilà, il le tient. Il a envie de se foutre le visage dedans comme si le tissu était trempé dans le chloroforme. Une torsion sèche de la nuque, et il crache, comme essoufflé : « C’est elle qui m’a attaqué ! »

Ça sert à rien, ce qu’il fait. De décocher des évidences préfaites, les mêmes dont on se sert dans l'enfance, c'est lui qu'a commencé, j'ai rien fait, parce que franchement, si depuis le temps ça fonctionnait, on le saurait. Alors ça sert à rien, ce qu'il fait. D’argumenter avec son complice, son complice qui a eu de meilleurs réflexes que lui, soit de faire comme s’ils ne se connaissait ni d’Ève ni d’Adam. Quoi qu’il y a un peu de vrai là-dedans. Ils ne se connaissent pas. Pas encore. Un nouvel ami à son cousin ? Un mec des Los Zetas ?

« C’est ça. Fiches moi le camp ou j’te défonce ta gueule de p’tite fiotte. »

Et il dit ça en se tournant vers lui, en tombant sur cette gueule, justement, déjà défoncée. Et il sourit. Parce qu’il trouve ça drôle, c’est vrai, c’est tellement drôle, ou peut-être parce qu’il est surpris, impressionné de ses propres talents divinatoires, en tout cas, il jubile. Ares peut voir la petite lueur dure dans ses yeux noirs. Comme il peut sentir la houle qui se lève dans sa propre poitrine, traverse sa gorge en flèche, passe la case luette sans s’arrêter, éclate dans son crâne comme une petite explosion de verre pilé.

Il se relève maladroitement, le foulard enroulé autour du poing, et trace vers la porte arrière sans réfléchir. Prendre le matos, dégager avec le matos. Alors qu’il aurait simplement dû foutre le camp, justement, repasser plus tard, attendre qu’on le recontacte, mais il n’a pas envie de ça. Il a envie d’en finir. Il a envie de fuir. Il a envie que Victor lui lâche la grappe, il a envie d’étouffer Fubu avec son putain de raton-laveur crevé, il a envie de déchirer toutes les pages de ce bouquin à la con.

Il ouvre la porte personnel autorisé seulement avec hargne, les doigts frémissants, et plonge directement vers le sac de sport usé qui traîne là comme une boîte de Pandore. Il jette un rapide coup d’oeil dedans, juste pour s’assurer que c’est bien ce qu’il vient chercher, et avec la ferme intention de se le balancer sur l’épaule et de foutre le camp aussi rapidement qu’il est venu, tant pis pour les vêtements, pour la meuf, pour l’autre mec, il sait ce qu’il doit faire, parce qu’il l’a fait des dizaines et des dizaines de fois.

Sauf que.

Le muscle de son bras tremble, se force à l’arrêt. Parce qu’Ares allait balancer le sac sur son épaule, voilà, le sac fourré aux cachets, aux paquets de sucre en poudre, ou juste à la beuh, ça dépend, ça dépend des fois, mais cette fois-ci, c’est pas ça.

C’est du blé.

Un sacré pécule en liasses bien roulées. Alors forcément, ça ne fonctionne pas. Parce qu’Ares transporte du point A au point B, vend un peu, parfois, mais ça s’arrête là. Il l’a bien fait comprendre à Victor. Ou pas, visiblement. Il ne l’a pas assez bien fait comprendre.

Son pouls cogne jusque dans ses ganglions. C’est comme avoir la nausée.
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Kassidy Lee
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyVen 27 Mar - 17:57

Elle voudrait exulter. Elle ne peut pas.

Elle ne peut pas parce qu’il rit, un hoquet nerveux, comme s’il se moquait de son assaut, comme si toute sa furie était ridicule. Sa colère se décuple comme son tourment, alimentée par le gloussement. Elle jaillit, arrache son masque fluide, le jette sur le côté comme la muleta ensanglantée d’un matador. Et le taureau cesse enfin de se moquer, dévoile des plaies antérieures à l’arène.

Il ressemble à un monstre.

Elle tombe avec lui dans l’abîme, fouille dans l’abysse purpurin de son cou, tente d’arracher les veines épargnées par une ancienne furie. L’assaut devait être violent, implacable. Mais elle n’en a que faire, déterminée à achever le sale boulot, aveuglée par toute cette haine qui envahit son ventre, sa gorge, ses yeux. Elle cracherait de la bile si elle en avait sur la glotte, retient un peu de salive écumeuse au dernier moment. Lui panique enfin, comme il le devrait depuis le début.

Mais il riposte aussi.

Le coup fait sonner son cerveau dans sa boîte crânienne. Elle ferme les yeux instinctivement, pousse un petit cri étranglé. Ses doigts cessent de fouiller dans la chair, palpent plutôt le coin de sa tête qu’il a heurté. Elle n’avait pas vraiment mal tout à l’heure, mais cette fois, ça y est - la souffrance danse en rythme avec son sang, court dans les veines avec la même précipitation que la haine. Sa vision chancelle un peu et elle rampe sur le carrelage froid, cherche à ramasser ses pensées éparpillées.

« Bordel de merde, mais qu’est-ce qui t’prend de frapper une meuf ! » Kassidy geint. Un colosse s’agite au-dessus d’elle, prévenant. C’est le même que tout à l’heure, celui qu’elle a défié en hurlant. Mais elle a oublié toute animosité à son égard, prête à lapper chaque petite goutte d’inquiétude. Ses yeux se lèvent, son corps se soulève, et elle a tout de l’Angélique d’Ingres, la chair molle, un peu hagarde, la chevelure abondante perdue dans la cambrure. C’est à peine si elle ne se jette pas à son cou pendant qu’il pourfend la créature. « Eh mad’moiselle, ça va ? » Bafouillement confus. Non, vraiment pas, mais elle n’a pas encore les mots pour qualifier l’affront.

« C’est elle qui m’a attaqué ! »

Ils se précipitent sur sa langue comme une vague scélérate.

« T’es un MONSTRE ! »

Les larmes lui montent aux yeux, marée descendante. Elle s’essuie avec de grands gestes, s’accroche à moitié à son sauveur qui la berce avec un sourire moitié dépravé, moitié doré. Il lui effleure les seins lorsqu’il l’aide à se redresser et elle titube, sanglote de plus en plus fort.

« Allez, j’te raccompagne vers la sortie mamzelle, hein ? Viens, viens. »

L’agresseur a disparu en arrière-boutique. Kassidy est poussée par des paumes fermes, brûlantes, dans le creux de ses reins.

« Eh, attendez, mon livre… »

Il retient son soupir lorsqu’elle se penche pour le ramasser, le déplie soigneusement. Il est déposé sur le linge qu’elle prend dans ses bras. Ses yeux sont rivés sur la porte derrière laquelle se cache l’inconnu, celui qu’elle a envie de voir brûler - lui et chaque machine du lavomatique.

Elle s’arrête brusquement, pile sur ses talons. Son ange gardien manque de lui rentrer dans le cul.

« Il n’a pas le droit de s’en sortir. »

Petite caresse à l’arrière de sa nuque, aussi tendre qu’une lame de guillotine.

« Y s’en sortira pas, tu verras… Dès qu’y sort, j’le chope… »

« Ah oui ? Vraiment ? »
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyMer 29 Avr - 16:51

Il y a un grain de l’engrenage. Une toute petite épingle qui empêche le souffle de descendre complètement, et de ressortir en prenant à chaque fois un peu de cette tension pour la diluer dans l’air de la staff room. Plus Ares respire, plus il s’échauffe. T’es un monstre qu’elle a dit. Mais elle a dit plusieurs autres trucs et plusieurs gens ont dit d’autres trucs aussi, sans que ça se loge nul part en lui. Alors il est pris dans le coeur d’une sidération complètement conne, une main grimpée comme du lierre sur sa mâchoire lacérée - la main fait une sorte de compresse tiède pour calmer les douleurs fantômes qui reviennent se nicher dans le creux de ses géodes de chair, ou alors la main fait un masque troué, ou alors la main veut juste empêcher cette gueule monstrueuse de muter davantage, de se déformer. Ce qui se tord à l’extérieur se tord aussi à l’intérieur.

Ares ne croit pas que l’âme soit séparée du corps. Il ne croit pas sa mère qui donne à son père une bassine d’eau afin qu’il puisse se laver les pieds avant d’entrer dans la maison pour laisser la saleté des péchés sur le seuil. Il ne croit pas qu'on puisse faire comme son oncle ; tuer un homme en le regardant droit dans les yeux et aller souper en famille chez son frère juste après, et en étant de très bonne humeur. Il ne croit pas en ces hommes en petits morceaux. Parce que lui, il ne sait pas être comme ça. Il ne sait pas ne pas ressentir en dedans ce qui l'explose en dehors, et vice versa. Il ne sait pas se réveiller un matin en ayant oublié la veille. Il ne sait pas être la personne qu'il aimerait être comme il sait parfois le mimer autour d'une table de poker - cette imperturbable chose sectionnée, en tours de main, en cartes balayées.

Quand la porte du lavomatique se ferme, celle de la room staff s'ouvre. Ares marche droit devant, et balance le sac entre lui et Fubu comme on lâche une grenade dégoupillée dans ces films américains - l'autre gars tire une gueule passablement semblable à celle de ces acteurs lorsqu'ils comprennent que tout va exploser.

« C'est quoi, ça. »

C'est quoi, ça, Fubu répète en le mimant débile, puis il agrippe la ganse du sac pour lui refourguer le matos dans les bras. Un regard qui dit le lâche pas. Il est question d’une planque à Delray, de mecs qu’Ares ne connaît pas, de passer à la vitesse supérieure. Il secouerait la tête de gauche à droite si le béton censé le supporter ne se dérobait pas sous ses pieds pour se nicher dans sa nuque. Comment expliquer qu’il ne fait pas ça, qu’il ne veut plus faire ça alors que tout ce qu’il ne fait pas, depuis trois ans, c’est de refuser. Il n’a jamais sa langue dans les moments où il devrait s’en servir. Là où d’autres ont cette horrible impression de stagner dans le ventre de jours tous semblables, Ares a la sensation de n’avoir jamais rien réussi à freiner ; sa vie est un glissement de terrain constant sur lequel il perd l’équilibre, n’arrive jamais à se relever entièrement, à s’extirper.

Voilà. Il faudrait qu’il s’extirpe de sa vie, ou que la vie s’extirpe de lui.

Fubu fout le camp, la démarche prise dans une feinte assurance. Le Salvadorien lui voit un croc d’argent briller sous les néons lorsqu’il descend la petite marche devant la porte, qu’il tourne la tête vers la gauche, semble saluer quelqu’un avec un savant dosage d’insolence et de galanterie. S’il avait eu un bord plat à son casque de fourrure, sans doute l’aurait-il tiré en baissant le menton, gentiment. Mais il s’éloigne en faisant ses épaules plus larges qu’elles ne le sont.

Ares étouffe dans le lavomatique. Encore cette odeur de lessive propre, mais couvrant soudain une moiteur plus dense - elle remonte à la surface comme l’huile sur l’eau. Une humidité épaisse tapissant les parois de la gorge. Il remet son foulard, s’enterre vivant, sort.

La fille est à gauche. Ares se sent juste sous le point d’ébullition, quand les petites bulles d’air ne montent pas encore, mais s’accrochent aux parois par dizaines. Il se détourne rapidement, ignorant la sorcière - une stratégie inefficace peut-elle s’avérer concluante au deuxième essai ? - pour regagner sa voiture. Il prend trop de temps à son goût pour débarrer les portières ; ce sont des doigts qui savent faire chuinter les cartes, pas ouvrir des issus. Là, il balance le sac sur la banquette arrière, un ressenti parasite sur la peau du cou qu’il claquerait bien comme un moustique s’il ne savait pas que l’autre le regardait fixement avec ses yeux trop grands.

Trouve-toi une vie, putain.

Il tombe derrière le volant, claque la portière avec force. Encore une clef hésitante, puis le moteur tousse, une hyène sous le capot. Ares réessaie, les lèvres pincées sous le masque, l’épaule tournant vers l’intérieur comme si la torsion allait aider la bagnole à se motiver. Elle se racle les tuyaux à nouveau, refuse de coopérer même si un pied, plus bas, lui donne du gaz.

Coup de paume brusque sur le volant.

« JODER ! »
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Kassidy Lee
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hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) 13e8298d6b883321e666c4befa8543c3 : Cascade de cheveux jusqu'aux reins, impact de balle cicatrisé à l'épaule gauche.
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L'élixir de ta bouche,
Où l'amour se pavane.


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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyLun 4 Mai - 8:41

C’est comme regarder dans un aquarium. Il y a cet abysse noir, les profondeurs dont va surgir le prédateur. Et puis il y a les deux créatures qui frôlent la surface de verre, sans réaliser qu’elles sont observées par un visage déformé. Deux poissons aux yeux ronds, qui gesticulent. L’un a la stature d’un requin, l’autre des branchies palpitantes sur la gorge. Elle a encore de la vase sur les doigts - le résidu gras qu’a laissé sa peau sous les ongles. Et elle les observe, captivée comme un môme qui n’a jamais vu l’océan. Le genre d’enfant terrible qui admire les dompteurs d’orque.

On pourrait mettre des poissons dans les tambours de machine à laver. Des vagues et des vagues d’écume.

Le plus gros poisson - le barracuda qui lui palpait les reins tout à l’heure - brise l’illusion en sortant de son bocal. Il frétille avec un régal de prédateur, la salue et disparaît dans les profondeurs. La nuit l’engloutit, mais elle n’ouvre pas encore la bouche pour gober son compagnon. Il est là, à l’intérieur, dans le clair obscur qui tranche l’arête de son nez. Kassidy l’observe encore, figée, narines dilatées. Si elle avait un filet, elle le jetterait sur lui.

Mais elle n’a qu'un baquet de linge et un livre corné. Alors il sort et elle plisse les yeux, comme pour lui signifier qu’elle l’a à l’oeil, que ce n’est pas fini. Lui remonte le courant jusqu’à un véhicule qu’elle détaille, tentant de mémoriser chaque singularité. Il va peut-être lui filer sous le nez, mais elle va quand même tenter de déchiffrer la plaque d’immatriculation. C’est pratique, une plaque. Ça rentre en tête et ça se retrouve garé quelque part, à force de patience. Si ça ne se retrouve pas, ça finit au commissariat. Oh, monsieur l’officier, le propriétaire de ce véhicule est rentré dans le poteau de signalisation que vous tentez de réparer depuis des mois…

Kassidy attend.
Le moteur ne rugit pas. Il crachote comme un vieil asmathique.
Ça insiste - en vain. Une onde de plaisir glisse le long de sa colonne vertébrale. Elle tend le cou comme un charognard guettant le dernier soubresaut.

Le moteur exhale une sorte de chuintement fatigué. Et elle clopine, le menton en avant, les épaules serrées, l’allure du vautour qui sautille parce qu’il anticipe le festin, parce qu’il anticipe un mouvement de la chair prétendument morte. Il y a quelque chose de définitivement vivant, à l’intérieur, mais elle l’ignore au profit de la carcasse qu’elle contourne. La plaque d’immatriculation est mémorisée, sagement rangée dans l’esprit.

Kassidy effleure la portière du côté passager. Elle s’ouvre, parce qu’il est bête, cet homme. Il ne s’est pas enfermé dans sa charogne.

La nuit s’engouffre dans le véhicule, tout comme son visage lunaire et la promesse du crépuscule.

« Oh c’est bête, tu es coincé. »

Paume tendue.

« Donne-moi le sac. »

Elle n’a pas de revolver, pas de couteau cuisant - juste sa présence envahissante, comme d’habitude. C’est sa meilleure arme et sa meilleure menace, cette façon qu’elle a de s’imposer dans l’existence des autres, d’en absorber tout le suc.
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptySam 23 Mai - 2:34

Il a vu l’ombre sautillante contourner la voiture. La lumière des lampadaires luit sur les cheveux plats, le crâne rond ; cette femme est trop lisse, sans prises apparentes auxquelles s’accrocher pour mieux la repousser. C’est une proue de bateau fendant les défenses d’Ares, une flèche sifflant dans l’air avec un son agaçant et porteur de mauvais augure. Le brun tourne une dernière fois la clef dans le contact, ajoutant un regard pesant sur sa manoeuvre comme ultime stratégie d’intimidation - la voiture crachote, sa porte s’ouvre, l’habitacle est dépressurisé. Toute la nuit entre dans la cabine, ses bruits plus secs et ses figures fantômes. La face blanche de la jeune femme est le premier masque du bal à venir se teinter sous l’éclairage orangé émanant du plafond de la voiture.

Oh c’est bête, tu es coincé.

Ça tourne et ça bloque, sa tête, son souffle. Comme la clef, comme le moteur. La colère ne suffit pas à enterrer cette petite peur humiliante qu’Ares ressent, une pointe d’aiguille à la surface de ses yeux et de son crâne ; s’il bouge ne serait-ce qu’un peu, elle le grafigne. Ses pupilles grossissent au mouvement de la main qui se tend au-dessus du bras de vitesse. Donne-moi le sac. Le Salvadorien réalise quelque chose qu’il a mis du temps à comprendre - cette fille, c’est comme sa mère. Dans le sens où ça se passe complètement de rationnel. D’explications. C’est mauvais et puis c’est tout, il ne faut pas chercher à comprendre, ou à faire comprendre. Il ne faut ni tenter d’argumenter, ni espérer qu’une conduite impeccable puisse nous sauver des versants très glissants de la folie.

Une seconde, deux secondes de flottement où Ares ne se sent pas du tout flotter. Il se sent même très lourd. Il peut presque prendre conscience de l’électricité dans son corps, celle qui fait son petit bout de chemin, de ses synapses à ses tendons, pour l’inciter à bouger rapidement. Une secousse plus tard, il est dehors, ouvre la portière arrière du côté conducteur, et se rue sur le sac avant que la jeune femme ne puisse copier sa chorégraphie en un miroir parfait et fermer ses griffes sur la ganse de tissu. Il recule de quelque pas, le matos contre le ventre, les yeux rivés sur le vautour derrière le mont d’acier. Quand il respire vite, et qu’il ouvre un peu la bouche pour s’aider, Ares a l’impression que ses cicatrices respirent aussi. Elles bougent dans sa chair, fripent sa peau. C’est comme si le chien vivait dans sa mâchoire, et que ses halètements habitaient encore les plaies.

Il se passe une main rapide sur la bouche, n’essuie rien du tout. Mais une fois l’éclipse passée, les doigts raides laissent apparaître des lèvres crispées d’une façon étrange ; elles sourient ou se révulsent en silence, découvrent un peu du rose des gencives. Ares a les dents nues. Ares pourrait mordre.

« Qu’est-ce que tu m’veux, putain. »

Cette fois-ci, ce n’est pas seulement de la répartie. Ça attend une vraie réponse. Ça questionne parce qu’il faut remplir ce silence-ci, ne pas le laisser seulement se taillader sous le bruit des semelles qui contourneront les roues figées de la caisse, glisseront sur le bitume froid. Ares esquisse un petit geste du menton, vers l’avant, vers le haut, hein ?, que ça réitère, qu’est-ce que tu m’veux.

Il fait mine de partir. Ce n’est peut-être pas la bonne solution. Il a l’impression de remuer le vers dans l’eau, à quelques mètres du barracuda. Ou alors d’agiter l’objet brillant, pas très loin du rapace. Mais il voudrait que l’ombre agressive qui lui lèche le visage soit prise comme une menace sérieuse. Pour ne pas avoir à entendre gronder le mollosse entre ses deux tempes.
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MessageSujet: Re: hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy)   hate is like lemonade ; full of lemons (pv Kassidy) EmptyLun 25 Mai - 19:28

Elle a réussi à lui faire peur. Peut-être. C’est au moins de la panique, ce qui le précipite hors du véhicule, sur le sac qu’il prend et qu’il tient comme s’il s’agissait d’un nourrisson qu’elle aurait menacé d’enlever.

Elle a tenté, une fois.
Danny Greenberg, six ans, à la sortie de l’école.
Mais il n’a pas voulu la suivre.
Elle lui aurait acheté des glaces. Lui aurait expliqué qu’elle est sa nouvelle maman.

Lui, elle ne veut rien lui acheter. Elle veut prendre, prendre, prendre. Et à défaut d’avoir le sac, elle prendra autre chose, n’importe quoi, tout ce qu’il faut.

« Qu’est-ce que tu m’veux, putain. »

Ses dents luisent sous la Lune. Kassidy a les narines palpitantes, comme si elle venait de courir, de le poursuivre dans la savane pour mieux l’abattre. Le seul geste félin qu’elle a, c’est celui qui l’affale sur le siège conducteur, les yeux toujours rivés sur l’autre homme, sur toute sa panique.

Prendre quelque chose.

« Tu m’as frappée, » dit-elle sur le ton de l’évidence. « Tu n’as pas le droit. » C’est comme ça, un point c’est tout. On paye ce qu’on lui fait, toujours.

Elle n’aura pas le sac parce qu’il le tient, fait mine de déguerpir. Kassidy fronce les sourcils, détache ses prunelles de son corps. Ses yeux tombent sur la clé, qu’elle fait tourner. Une fois. Deux fois. Le moteur crachote sous le capot, mais les roues ronronnent aussi, sursautent. Elle s’imagine en grande ensorceleuse, capable de transformer cette épave en bolide, comme une marraine la bonne fée ferait d’une citrouille un carrosse.

Nouveau mouvement de torsion. Cette fois, ça rugit sous le capot. Les mille prédateurs se réveillent dans sa savane fantasmée. Les yeux de Kassidy s’illuminent comme ceux d’un de ces chats gris qui vivent la nuit, qui tuent les rats entre les poubelles éventrées. Elle rit même un peu, se tourne vers lui.

« J’espère que tu as laissé tous tes papiers dedans ! » Peut-être. Peut-être pas. Elle aura bien l’occasion de le découvrir dans quelques kilomètres.

En attendant, elle pétarade comme une folle, le pied sur l’accélérateur. La voiture bondit sur la route, éparpille les étoiles filantes tombées sur l’asphalte. Elle exulte, la sorcière, comme si elle venait de sortir du Sabbat.

Et elle disparaît au volant de sa nouvelle voiture à l’angle de rue, tout en ignorant soigneusement les crachotis hoqueteux qui viennent de sous le capot.

Ce n’est pas fini.
Voler une voiture, ce n’est pas suffisant.
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