notre belle démence (beth)

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Déjà gosse, t'étais née SAN avenir. Une faute de frappe dans le mot ''sans'', vous allez me dire ? Non, pas du tout. C'est intentionnel. C'est pour le Syndrome d'Abstinence à la Naissance. Ça, ça veut dire que ta mère a été trop tarée pour penser qu'elle était mère pendant neuf mois. Ça veut dire qu'elle a pas pensé au bébé qu'elle couvrait, qu'elle hébergeait en elle. Tu es née avec une défaillance, tu es née avec un manque, tu étais destinée à être une vie de manque.

Non seulement tu as eu le droit à la mère tarée et bourrée, t'as eu le droit au père pervers et pédé. T'as jamais su c'était quoi le vrai amour, mais comment on peut t'en vouloir quand on apprend à te connaître ? T'es probablement l'enfant d'un viol, d'une relation sexuelle non désirée, non consentante. Ta mère c'était une dépendante affective, en ton père elle voyait son héros, l'homme qui l'aimait à travers ses propos hideux, qui la caressait de ses gifles et qui la berçait par des actes non consentants. Et toi, dans tout ça ? L'enfant martyre ? Non. Peut-être, tu sais pas. Plutôt l'enfant oublié; l'enfant négligé. On t'a jamais aimé comme tu le devrais, alors comment tu pourrais t'aimer toi-même ? Un jour, tu as lu dans un livre qu'on ''accepte l'amour qu'on croit mériter''. C'est devenu un peu ton motto, ta façon de comprendre ta vie et t'excuser des décisions à la con.

Un jour, quand t'étais gosse, tu as eu un cours sur l'éducation sexuelle. C'est là que tout a été déclenché, qu't'as un peu chié selon l'pédé. Papa il aime bien toucher ma vulve quand on est dans le bain ! Tu pensais que c'était normal. Et puis on joue au cheval des fois dans le bain, j'aime moins ça parce que ça fait bobo mais Papa lui il aime ça. C'était loin d'être des paroles anodines, sans signification, sans agression.
C'est là que t'es tombé dans la sphère des familles d'accueil. Tu les enchaînais, t'étais pas une gosse problématique vraiment, mais tu fuguais. Tout l'temps, n'importe quand. Tu retournais voir ta mère, parce que t'avais espoir de la sauver. Mais t'as perdu cet espoir assez rapidement et t'as fini par fuguer pour aller voler ses médocs et t'éclater dans un parc, en partageant ton stock avec tes potes.


Ta vie t'as plus envie de la raconter, t'as plus envie de la laisser te définir. Tu veux seulement survivre dans ce monde, mener à bout ton existence et t'effacer. Parce que t'as toujours été un nuage facile à tasser, une poussière facile à souffler,
un objet facile à jeter.