elle est un prédateur déguisé en caniche (jake)

J’te jure Drax, c’est vraiment le bon plan. Frais moi confiance. Draxter hausse un sourcil, pas du tout convaincu du plaidoyer de son coéquipier mais ce dernier insiste : c’est un bon plan, le meilleur qu’ils puissent faire. Crois moi mon pote, t’auras pas mieux avant longtemps ! Vu le désastre de ton dernier… Ta gueule Doug. Et le dénommé Doug lève les mains, signe qu’il ne veut pas entrer en conflit avec Drax. Ça le fait chier qu’on lui rappelle sans cesse la fois dernière quand son petit frère a buté ce mec. Ils en ont pas reparlé depuis parce que Drax veut passer à autre chose ; mais c’est compliqué quand  des crétins ne cessent de lui rabâcher cet événement. Il prépare un autre coup, encore mieux pensé, plus prévoyant que jamais. Pas de bavures cette fois ; ce sont des voleurs, sûrement pas des meurtriers. Drax sait taper du poing mais il n’est clairement pas fan du sang qui gicle et de l’âme qui se barre, des corps inertes et des pleurs de veuves. La Mort l’a toujours quelque peu effrayée, ce serait mentir s’il disait qu’il ne ressentait rien à ce propos. Ça lui compresse la poitrine, ça le fait suffoquer parce qu’il ne sait pas ce qu’il y a après, parce qu’il ne comprend pas en quoi la Mort pouvait être une délivrance… Comment la Mort a pu être la seule solution envisagée pour sa mère. T’es conscient que tu m’parles du lustre que les blackos ont défoncé à l’Opéra ? Comme un gamin heureux, Doug approuve de la tête et Drax ne peut s’empêcher de se masser l’arête du nez. Il se lève du tabouret : ce n’est clairement pas une bonne idée. On va à peine frôler leur « territoire » de petits chiens qu’on se sera déjà pris une bastos’ entre les deux yeux mec. Clairement, elle pue ton idée. J’la sens pas. L’appartement de Doug est sale et Draxter commence à ne plus supporter l’odeur de la vaisselle oubliée d’une semaine. Il ne supporte plus, non plus, les idées nauséabondes du mec. Décidément ; le monde devient fou. Mec, crois moi. C’est l’affaire du moment. On négocie ! On récupère les pièces et les pierres du lustre et on n’fait pas d’histoires. Ouais, le seul problème mec : t’es pas noir et j’suis encore moins noir que toi. Donc c’est mort ton plan. J’marche pas. Son ton est un peu monté, plus ferme qu’il y a quelques secondes. Draxter a le nez pour flairer les bonnes affaires, et celle-ci n’en est clairement pas une. De plus, ils ne volent pas… Ils négocient. Drax avait beau être un baratineur et un bon marchant pour la revente, il n’était pas pour autant suicidaire. Marchander avec la Black Mafia, quand on est un blanc-bec, était tout simplement la signature de son arrêt de mort. Le seul capable de foncer tête baissée aurait été Malcolm et encore, Drax avait l’espoir que son frère ne soit pas si stupide - ou qu’il ait autant l’envie de crever. J’te propose un truc… qu’il lui dit Doug. Bras croisés contre sa poitrine, clope au bec, le jeune homme attend la suite Y a un fight club qui s’organise au North End. On va pécho de l’info, s’envoyer une bonne binouze, pourquoi pas parier sur des combats et se faire du fric… Et mieux : on s’fait du contact dans la communauté black.
North End… Chaque fois que l’on prononce le nom de ce quartier, il ne peut s’empêcher d’éprouver de la nausée. Putain de quartier de merde. Pis y a aucun risque, et si tu l’sens toujours pas après ça, j’te lâche et on passera à autre chose. Draxter est suspicieux, Doug avait la méchante manie de ne pas savoir tenir ses promesses. Mais cette fois, il semblait sérieux. Ça marche

Le fightclub dans lequel ils s’étaient retrouvés puait l’alcool et la sueur. Doug avait raison, c’était vraiment un lieu de merde mais on s’y amusait bien. Il avait pu récolter deux ou trois informations intéressantes et parler avec des mecs ayant une bonne vision de la Black Mafia, sans pour autant haïr les blancs. S’il arrivait à se les mettre dans les poches, il pourrait très bien leur demander de jouer un rôle dans la récupération des pierres du lustre éclaté. S’ils arrivaient à amadouer les gros poissons, ils pourraient se faire un paquet de pognon et avoir d’autres contact utiles dans leur carnet d’adresse…
Le jeune homme ne regardait le combat qui était en train de se faire. Les mecs ne se loupaient pas. Drax pouvait entendre des os craquaient ou bien sentir le sang émaner d’une narine ou de la bouche. Mais les mecs avaient la rage ; ils avaient encore des poings à donner. Il n’avait pas parié, contrairement à Doug, mais il s’était fait plaisir en se prenant une bière qu’il dégustait comme un prince.  Son regard parcourut la salle, pleine, et s’arrêta sur une silhouette qui lui était bien familière. Il la fixa longuement. Il n’arrivait pas à mettre la main sur qui était cette jeune femme, ni où il avait pu la rencontrer. Il essayait de remuer les tréfonds de sa mémoire… Puis soudainement, ça lui revient, un peu, lentement. Et merde. Et merde parce qu’elle l’a vu, parce qu’elle l’avait fixé elle aussi. Et merde parce que ce n’était surement pas le moment de croiser ce type de connaissance, à cet instant, à cet endroit. Il voulut se lever pour se carapater et pouvoir la semer… Mais il faut dire qu’il n’avait pas laissé un beau souvenir la dernière fois qu’ils se sont croisés…

Le grondement des voix tonne dans ton coeur, résonne dans ta gorge, pulse dans ton âme. C'est l'un de tes grands soirs de violence, une de tes nuits tâchées de sang ; le glas terribles de tes échappées noires, les fuites criminelles de ton existence maîtrisée, de ton petit empire bien organisé. Ca te prend toujours en fin de soirée ; c'est comme avoir l'impression d'un manque abyssale, d'une faim incontrôlable. Les cigarettes suffisent jamais, les joints te foutent en l'air et tu te retrouves coincée, groggy, dans une fumée grise d'incompréhension et de folie. Les poings démangent, les crocs s'aiguisent, les griffes reluisent dans ta pénombre, dans tes ténèbres asphyxiées par la colère et tes regrets. L'envie de hurler t'arrache les cordes vocales, celles de frapper, de battre, de mordre aiguisent tous tes sens. C'est la transformation en hyène, en bête sauvage qui signe l'entrée dans l'arène, l'avènement de ta plus belle rage.

Les regards glissent sur ton corps de femme, sans mépris ni surprise. T'as gagné ta place il y a longtemps, au fil des défaites et des victoires, des chaos mérités, des adversaires disqualifiés. Ca fait bientôt un an que t'écumes ce bar de violence, d'adrénaline gratuite ; que tu te remplis les poches facile, comme une gamine des sombres rues, comme un malfrat sans avenir ni vertu. Tu te fais pas jolie, pour ces occasions-là ; tu moules ton corps dans un jean troué par toutes les fois où tu t'es écrasée sur le ciment, dans une brassière pas assez large pour qu'on puisse s'en servir contre toi. Tu protèges même pas ta peau des futurs hématomes, tu prends plus le risque de moins te faire mal. T'es la provocation personnifiée, l'appel au vice, celui qui heurte, celui qui gicle, celui qui crie de douleur la nuit tombée. T'en as plus rien à foutre de perdre ou de gagner ; tu veux juste sentir et cogner, punir ceux qui ne le méritent pas comme la vie l'a fait avec toi.

Tes yeux se promènent le long du catalogue des grands habitués, verre à la main, billets dégainés. T'acceptes la bière qu'on te tend, sourire amical, ambiance bestiale. T'es attendue Jake, qu'est-ce que tu vas nous jouer ce soir ? Le bal de la lionne affamée, celle de la louve enragée, celle de la pauvre gamine qui se laisse gentiment terminer ? T'as tous les rôles selon les les nuits, les humeurs, les grandes idées mais cette fois t'es plutôt du genre à laisser des traces sanglantes sur la peau fine de ta proie, sur la chaire du mâle en grand désarroi.

Et tu mets du temps à la reconnaître, ta proie.

Tu plisses un peu les yeux, du genre vipère intriguée, sourire figée sous les souvenirs provoqués. Tu reconnais ce visage, tu remets ce sourire, ce torse, ces yeux, ce traître, ce putain de traître que t'as jamais pu retrouver, qui s'est évanoui, qui t'a échappé. Fantôme pathétique, cible privilégiée de ta haine, tu te souviens rien d'autre que ce qu'il t'a dérobé, en plus de ta virginité. Il te faut pas beaucoup de temps pour que ton sang s'échauffe, pour que tu finisses ta bière en quelques secondes, et que tu t'élances comme un grand carnassier. Tu ressemblerais presque à une cannibale tant tes yeux crient vengeance, tant ta grande fierté réclame son dû et tous les intérêts. Tu lui laisses pas le temps de s'enfuir, il pourra pas t'échapper. Toi. T'as pas le temps d'épiloguer que ton poing s'écrase déjà sur sa joue, ta force nerveuse et toute ta colère guidant ton bras. T'attends pas qu'il se remette pour lui sauter dessus, parmi le public pas préparé ; t'as commencé la danse sans que la musique soit lancée, sans que personne t'ait rien demandé. T'as même pas les mots pour lui exprimer tout ton dégoût, toute ta haine, mais t'es certaine que ton regard de louve le traduit pour toi ; t'es la grande chef d'orchestre au milieu de l'Opéra. Tu provoques votre chute, assise sur son torse, tes mains bloquant son cou. Donne-moi une bonne raison pour pas te tuer. T'es pas certaine qu'il parvienne à trouver ; t'es pas sûre de le vouloir non plus.