Elle est bourrée, moi pas assez (( ft. Mi Ran ♥

On oublie pas Miriam lorsqu’on lance une invitation - parce que Miriam, on la connaît sûrement depuis longtemps. On l’a peut-être rencontrée lorsqu’on collait des chewing-gums sous la table qu’on partageait au collège, ou alors on a profité de ses réponses aux interros surprises de maths au lycée. On en a gardé un bon souvenir, sans s’y attacher terriblement. Elle est comme un vieux sourire, une réminiscence d’adolescence rassurante. Alors Miriam, on l’invite, même si on ne sait pas trop ce qu’elle fait dans la vie en ce moment, et on la fait rire facilement entre deux bières trop tièdes.

Il y a cette nostalgie qui plane dans les airs à cause de la musique, aussi  - c’est du Kendrick et c’est pour up, headshot, drank, quelque chose du début de la décennie, sorti tout droit d’une époque où l’on faisait déjà la fête avec Miriam, des bouteilles volées de vodka sous le manteau.

Elle se laisse bercer par ce rythme de soirée antérieure, la tête renversée en arrière. Elle a ri, tout à l’heure, Miriam, lorsqu’une fille qui va à la fac de médecine l’a approchée, réchauffée par l’alcool, lui a passé le bras autour du cou, lui a demandé pourquoi elle ne venait plus en cours. Elle a ri et elle s’est blessée intérieurement. Il y a une brèche, quelque part - et au lieu de laisser toute sa culpabilité en découler, elle préfère tenter de se remplir à la place, comme le tonneau percé de mille trous des Danaïdes. Elle ingurgite et elle ingurgite pour oublier le suintement, la question à la réponse qui engendre trop de souffrance.

Je viens pas parce que je suis pas assez intelligente.
J’ai peur.
Aller à la fac me donne envie de mourir.

C’est bleu, ce qu’elle boit. Bleu comme un lagon, bleu comme une piscine artificielle, et on en revient à la swimming pool de Kendrick. Autour d’elle, ça hurle et ça trépigne. Elle s’est inconsciemment engagée dans une compétition qui l’oppose à d’autres assoiffés. Et elle veut gagner, parce qu’elle veut que les autres l’aiment, l’adulent l’espace d’un instant et s’amusent du vomi qu’elle répandra tôt ou tard sur le paillasson.

Il y a une voix qui parvient à surplomber cette tentative de trouver l’amour dans l’alcool. Elle est singulière, parce qu’elle ne scande pas Miriam mais Mi Ran. Miran qui lève les yeux, cherche, tombe sur un visage familier. Il y a une drôle de sensation dans son ventre, entre le plaisir et le pincement. On appelle ça avoir des papillons dans l’estomac, mais, parfois, on dirait qu’ils cohabitent avec les épines des roses qu’ils butinent.

Jin.

« Meuf, qu'est-ce que tu fais là ! Ça fait trop plaisir ! » Oh et ça lui fait plaisir, à elle aussi, tellement qu’elle lui sourit, tellement que son coeur bat trop fort lorsqu’il passe son bras autour de ses épaules. C’est tellement facile, de s’émoustiller lorsqu’il y a Jin, lorsqu’il n’a pas le pif rougi par ses allergies au pollen. Miran tangue un peu, comme si le poids de son bras suffisait à lui faire perdre un peu sa balance. « Yoooooo... »

Le contact lui a fait oublier sa question, qu’il balaye de toute façon rapidement d’une autre interrogation. « Qu'est-ce que tu bois ? » Elle fronce les sourcils, tourne la tête pour inspecter la bouteille délaissée sur la table. Un sourire étire lentement ses babines et elle tangue un peu à nouveau, décrète fièrement : « C’est du Jin tonic. »

Toutes les blagues sont drôles lorsqu’on a assez d’alcool dans le sang.

Elle est fière, mais elle est aussi portée par un sens du devoir, comme si la question relevait d’une importance capitale. Alors elle tente d’articuler, mais le nom imprimé sur l’étiquette refuse de s’imprimer correctement sur sa langue. « Hypnot… Hpno… Hyppo… Ça, là. Hpnotiq… »

« Ça m'a l'air immonde, tu me laisses goûter ? » Une moue glisse sur ses lèvres. La foule attend toujours qu’elle finisse son verre, et elle pourrait les satisfaire en quelques gorgées. Mais elle a aussi envie de faire plaisir à Jin, peut-être plus qu’aux autres, parce que c’est lui et que les autres ne sont que des rictus anonymes, qui anticipent sa déchéance.

Elle porte le gobelet à ses lèvres pour qu’il puisse boire.
Avec des mains pas très habiles de jeune fille déjà bourrée, qui renversent finalement tout le liquide bleu sur son menton. Ça dégouline, imbibe son t-shirt. Jin est trempé et elle a la bouche grande ouverte, interdite.

« Oh mon dieu, pardon, pardon ! J’suis complètement bourrée, putain… Je suis trop désolée… Faut nettoyer ça ! Viens, doit y avoir une salle de bain… Tu vas puer le hypo… hpno… machin truc là, c’est dégueu. »

Et elle se fait un peu autoritaire dans sa panique, agrippant son avant-bras pour le tirer en direction d’un couloir. L’appartement est curieusement grand, déjà bien retourné par les fêtards qui ont investi toutes les pièces. Elle contourne un petit tas de gobelets vides échoués par terre, ouvre une porte dans l’espoir de trouver une salle de bains.

« Et puis qu’est-ce que tu fais là toi, du coup ? La fille qui organise, c’est une pote… D’une pote… De lycée… T’es là pour parler aux meufs, hein ? Je te connais. » Ou pas vraiment, finalement. Mais cet aspect de lui, elle le connaît bien. Qu’il traîne devant les portes de l’université ou dans les mêmes soirées qu’elle, il a le don de parler aux filles qu’il croise, sans qu’elle ne sache s’il aime juste l’attention ou les histoires d’un soir.

La poignée de porte qu’elle pousse révèle finalement une petite salle de bain étriquée dans laquelle elle se faufile.

..........Pendant un instant, Jin avait cru qu'elle était malade lorsqu'elle leva son regard sur le sien sauf que ouf, le sourire le rafraichit, peut-être que sa tête lui revenait pas. Défoncée à l'alcool, elle balance contre lui et oscille entre le vide et son épaule, il resserre un peu plus son étreinte pour stabiliser Mi Ran mais discute tout à son aise, entre amusement et taquinerie. C'est son côté sadique qui se réveille doucement.

Parce que vu comment elle est perchée, le japonais ne peut s'empêcher de sourire en retour de toutes ces dents dès qu'elle le fixe et l'observe avec la même expression, il rit même à sa blague en secouant la tête : Bien qu'il avait adoré cette boutade la première fois qu'on lui avait énoncée, au bout de la énième fois, on s'habitue, enfin, ça reste adorable, il a le cœur qui fond. Le fêtard salue entre deux phrasées les badauds alcoolisés qu'il reconnaît et s'attarde à son tour sur l'étiquette de la bouteille bleue quand il l'entend bégayer.

« Hi..Pu... No. Tch... » Dans ses orbites, ses pupilles roulent, ennuyé de la complexité de cette langue étrange. « Hipu...notchik. » L'accent est à trancher au katana, quelle idée de mettre autant de consonnes l'une après les autres ? Curieux et aussi personnellement offensé par cette boisson - oui, offensé, les mots sont pesés - Jin demande s'il peut goûter. Pour vider la criminelle liqueur du gobelet ou... plutôt sauver la donzelle du coma éthylique. Il se passe genre, quelques secondes sans que rien ne se passe, un sourcil s'arque, ok ?

Le débat interne de Mi Ran le laisse perplexe un instant pendant que les autres continuent de faire la fête si seulement elle s'apercevait qu'il restait plus qu'un concurrent entre train de mourir d'une cirrhose, il est certain qu'elle serait ravie ! Ça doit quand même chauffer sec dans les chaumières pour qu'elle reste silencieuse comme ça jusqu'à que tout à coup, toujours sans rien expliquer, elle lui amène le saint Graal d'elle-même « Ah bon, euh ok. » Jin plie un peu les genoux pour l'aider à viser sa bouche sauf que c'est le tee-shirt qui boit la tasse et sur le coup ça le fait reculer de quelques pas, subitement réveillé par la douche sucrée. Et il éclate ! Complètement. Il pourrait presque se pisser dessus parce qu'il avait vu venir le truc gros comme aç ! Hilarités sur hilarités, il garde sur son visage une douce chaleur et se laisse attraper et traîner alors qu'il rigole encore. « Mais nan t'inquiète pas, te prend pas la tête. Mimi ! Hé Mimi ! Easy, baby, c'est comme de l'eau ! » ça l'est pas, mais il veut pas qu'elle en fasse tout un fromage. Pas la peine de paniquer pour ça.

La lippe entre les dents, la situation le fait pouffer, ses épaules n'arrêtant pas de gigoter sous ses risées folles. C'était pas la première fois, ni la dernière qu'on lui renversait quoi que ce soit dessus et en plus de cela, il a adopté la technique du : J'achète pas de vêtements de marque parce que de toute façon, je passe ma vie dans le doute de finir par les ruiner. Donc, à la limite, y a pas mort d'homme. Aussi dans les couloirs, l'avant-bras toujours autoritairement saisi, il manque de trébucher trois fois sur les cadavres de bouteilles, meubles déplacés et personnes sûrement en danger de santé. «  Bien sûr que je suis là pour les meufs. » répond-t-il du tac au tac, sans broncher, sans parler de vérité ou ajouter quoi que ce soit de plus. Cela le divertit beaucoup trop de voir l'étudiante bien curieuse de tenter de percer à jour ce fameux mystère. C'est sûrement jouer avec le feu, sûrement même dangereux : Pour lui comme pour elle... Cependant, c'est si satisfaisant, la mielleuse Mi Ran jouant les détective, ça lui donne des ailes, ça flatte encore son égo, il endosse son rôle de grand méchant loup et le voilà à faire chien et chat.

« Si j'avais su qu'on faisait un concours de tee-shirt mouillé, j'en aurais pris un blanc. » il lâche comme ça, au calme, tel une évidence tandis qu'il se faufile dans l'étroite salle de bain, par chance, vide. Derrière lui, il ferme la porte et allume la lumière, lançant soudainement un vis-à-vis très coquin à son amie. « Avoue-le... » D'un pas, il s'approche et baisse son visage à sa hauteur puis articule : «  Tu veux juste me voir retirer mon tee-shirt ? »

Et aussitôt dit, aussitôt fait, il a les doigts au niveau du ventre et tire le tissu souillé au-dessus de sa tête d'un seul geste, laissant le vêtement tomber vulgairement dans le lavabo. « Ça colle ce truc. » La grimace qui était loin d'être pure et innocente il y a quelques secondes devient enfantine et il s'amuse à engluer sa paume sur son torse et la retirer, les bruits de succions le faisant pouffer. « Essaye, c'est drôle. » Et c'est avec serviabilité que Jin tend son buste.

Pour voir Mi Ran rougir aussi, on assume, allez.

Jin a le rire facile, un peu comme elle - mais avec lui, le rire est aussi charmeur. Elle a le cœur qui bat lorsqu’il dit à Mimi baby qu’elle ne devrait pas s'inquiéter, mais elle l’emporte quand même dans son tourbillon, bien déterminée à réparer son erreur. Elle navigue dans l’appartement comme un bâteau ivre, contournant les îlots de déchets laissés à même le sol par les fêtards. Le chavirement survient devant une porte entrouverte, alors qu’il lui offre un peu d’honnêteté désarmante : «  Bien sûr que je suis là pour les meufs. »

Pourquoi ? demandent les yeux qu’elle tourne vers lui. Quel intérêt y a-t-il à s’attirer l’attention de toutes les filles américaines du campus universitaire ? Il ne peut pas toutes les avoir dans son lit, même s’il le voudrait. Peut-être est-il de ces gens qui ont besoin de plaire pour survivre. Et peut-être que ce n’est pas si surprenant que ça. Elle voulait après tout se noyer dans la boisson il y a quelques minutes, juste pour le plaisir de faire rire, de récolter des accolades dans le dos.

Une petite moue lui glisse sur la bouche.

« Tu t’es jamais posé ? Avec une seule meuf, je veux dire. » Elle ne le connaît pas assez pour savoir comment il est dans son intimité. S’il est un amant aimant ou un amant violent. Elle ne peut que supputer avec une sorte de plaisir coupable, comme le font les petites filles devant les grands garçons.

La porte s’ouvre sur une salle de bains dans laquelle elle s’engouffre. La lumière est crue, presque chirurgicale. Pendant un instant, elle est devant la table d’opération du dispensaire. Et puis, elle est de retour devant une baignoire et un homme détrempé.

« Si j'avais su qu'on faisait un concours de tee-shirt mouillé, j'en aurais pris un blanc. » Le sien l’est, miraculeusement propre malgré ses frasques alcoolisées.

« Avoue-le... » Oh, ce n’est pas bon, les aveux à la vodka. Surtout lorsqu’ils sont arrachés par le joli visage qui se penche sur elle. Une langue de feu lui rebrousse la nuque, lui mange les joues. Elle a trop chaud, derrière ses tâches de rousseur, et la sensation d’être encore toute petite devant lui. « Tu veux juste me voir retirer mon tee-shirt ? »

Miran lève deux doigts et lui pince le nez.

« T’avances pas trop la crevette, ou j’te couche sur du riz pour te transformer en nigiri. »

Mais s’il y a bien quelqu’un qui voudrait finir en sushi, c’est peut-être Jin. Il retire son t-shirt et elle recule d’un pas, jette un regard pudique ailleurs, partagée entre la défiance et l’attirance.

« Ça colle ce truc. » Squish. Squelch. Squash. « Essaye, c'est drôle. » Elle a encore trop chaud, mais l’alcool la pousse aussi à relever les plus idiots des défis. Alors elle tend la main et elle appuie, jusqu’à avoir produit un véritable concert de squish squelch squash. Un sourire un peu enfantin lui illumine la figure.

Sa paume se soulève, retombe au niveau de sa poitrine. Là, il n’y a pas de vodka bleutée. Seulement un pouls qu’elle prend sans trop savoir pourquoi, la main à plat contre la peau tiède.

« J’entends rien, » ment-elle, « Fallait se douter que t’as pas de coeur. » Et elle lui envoie un sourire éblouissant avant de se détourner de lui et d’approcher du lavabo, récupérant le t-shirt qu’elle fait passer sous un filet d’eau froide.

Elle se sent cependant de plus en plus lourde. L’alcool est en train de retomber dans l’estomac. Miran cille lentement, essore le vêtement.

« Je me sens pas très bien, » énonce-t-elle, pâteuse, « Y a pas des médicaments, ici ? »

.........."Pourquoi" ? Quelle question pleine de mystères. C'est vrai, il pourrait tenter de plier ses cliques et ses claques et se casser des Akai Raida et dire "Adieu" à ce monde là, quitte à y perdre la tête : Ce serait une solution, après tout, il n'est pas heureux de faire ce boulot non plus. Ce serait de quoi sauver sa dignité et racheter son âme impure, lol, un truc du genre.

Sauf que voilà, Jin, il connait rien d'autre que cette chienne vie. Et même si grâce à Détroit il a comme gagné des grades et des étoiles, ça reste un fucking gigolo qui donne son sexe et son cul pour le clan. « Non. J'ai jamais eu l'occasion de me poser réellement. » Euphémisme, il a jamais eu de relation qui ne servait pas un intérêt à ces yakuzas. C'est presque avec une douce amertume qu'il articule ses propos, un peu morose tout à coup d'une existence qu'il ne comprend pas : C'est quoi être en couple ? C'est quoi "se poser" ? Il sait qu'il n'y a rien de normal à ce qu'il pratique cependant, le contraire l'effraie tout autant. Est-ce qu'il aimerait être amoureux ? Il fantasme sur une vie saine et plate, petite femme à son chevet et gros chien, enfants baveux et maman vieille démente aimée. Ça le rend triste, ça viendra jamais, il peut même pas dire qu'on lui a volé sa vie, il est né dedans. Dépression quand tu nous tiens !

Sauf que le japonais n'aime pas la mélancolie et la morosité, il se tient éveillé et égayé pour éviter de réfléchir à la pénombre et tristesse de sa vilaine réalité, s'il s'arrête, les mains fantomatiques de ses vieux pervers se pavanent sur son corps avili et les larmes viennent trahir ses peurs et ses angoisses, va-t-en, anxiété, casse-toi, laisse-le fuir son syndrôme post-traumatique en paix. Alors il enchaîne sur des blagues et paroles vaseuses et mielleuses, entre provocation et jeu, une séduction qu'il sait vaine au vue du crush que Mi Ran lui voue et de l'intérêt qu'elle lui sert : Elle a des contacts à droite et à gauche et reste discrète, un pilier dans ses amitiés. Ce serait trop con d'en faire une prostituée, il la garde sous le coude... Par intérêt, oui. Intérêt, c'est juste de l'utile. Pas le droit d'être humain, business only. Pro.du.cti.vi.té.

Pourtant, elle ferait une pute de choix, aussi déplacé que puissent être ses mots.

« いってててててて » ronchonne-t-il d'une voix nasale alors que ses doigts fins et délicats lui pincent l'appendice respiratoire, il l'a un peu cherché vu cette dernière réflexion interne... Au fond, la menace le laisse impressionné : Mi Ran connaît les noms de sushi, c'est pas courant que les américains fassent ce genre de différence, pour eux si y a du poisson cru et du riz hein... Quelle adorable personne est-elle mine de rien, un sourire moqueur s’épanche sur les lèvres de l'homme tandis qu'elle fuit son regard insistant, comptant sûrement le nombre de carrés carrelés. Il ne dit rien, s'esclaffant tout seul silencieusement puis préfère changer de sujet, pour calmer ce gentil malaise. Pour ne pas mêler son attachement au travail qui lui bouffe sa tendresse : Parce que Mi Ran lui donne envie d'être gentil. Ou est-ce pour pousser le vice un peu plus loin tout simplement ? La chercher encore un peu et la trifouiller, pour la faire plonger dans la folie, toujours mieux la manipuler. Ça dépend comment on interprète ses intentions, voyons.

Parce que bien que ça soit innocent d'avoir un réflexe crétin de jouer avec la texture collante de son torse, il a bien conscience que les joues de la coréenne s'enflamment davantage : Il en rougit presque qu'elle ait l'audace de le toucher d'ailleurs. Ses pupilles se perd sur ce visage rosée et Jin en mord sa lippe, délicieuse et angélique, il voudrait la dévorer. Et elle renchérit avec un pique qui l'aiguise un peu plus, défi et excitation, Mi Ran s'aventure et Jin offre gracieusement, les problèmes, elle les trouvera. « Tiens, je crois que mon médecin m'a dit ça la dernière fois aussi !  » Et ô cette face, cette onctuosité, pulsions destructrices, il voudrait l'avaler d'un baiser et lui faire regretter ces paroles d'enfant naïve. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un cœur aussi radieux et vivant que le sien. C'est presque de jalousie qu'il veut la manger dans une embrassade et la sentir trembler sous ses doigts, vil démon, détruit les gamins abandonnés.

Jin s'appuie contre le mur, profitant des vibrations de la musique pour méditer et l'observe se battre avec son t-shirt, vêtement trempé qu'il est hors de question qu'il remette après ça, ne nous mentons pas. Il déteste se sentir dégoulinant de sueur alors imaginez bien ce tissu là sur sa peau, uuuuuh, hors de question. Grimace, il s'avance contre elle au lavabo pour piquer de l'eau et commence à se frotter le buste pour faire partir l'effet glu. « Non, baby, je ne peux pas te donner de médicaments maintenant. C'est trop tôt, ton foie risque de trop travailler et tu pourrais finir par l'abimer plus qu'il n'est déjà. » Sérieux, il se penche pour la dévisager et fronce des sourcils. « Bois de l'eau et fais toi vomir si ça pèse trop sur ton estomac. Mais bois de l'eau dans tous les cas. Je te tiendrai les cheveux. » Et c'est presque avec un doigté médicale qu'il presse son index sur l'endroit où se trouve son foi et secoue la tête. « Crois-moi, tu veux pas le tuer plus qu'il n'est déjà. Vaut mieux vomir que mourir. »

Jin le philosophe, jeu de mots peut-être un peu angoissant faut l'avouer, c'est normal, les ravages de l'alcool il connaît. « Je peux te ramener chez toi ou chez moi si tu veux. J'ai un canapé ou sinon je dors dans l'appart en face, t'inquiètes. » Enfin chez Hela, il aime pas trop l'identifier. «  A moins que tu préfères que je dorme avec toi ? »

Impressionnant combien ce rictus peut donner l'irrépressible désir de lui foutre un pain entre les deux yeux.

« Mais, prendre l'air frais te ferait pas de mal. Puis je te tiendrai compagnie et je serai rassuré aussi de savoir que tu ne fais pas n'importe quoi et que tu n'es pas avec n'importe qui. » Comme s'il était une meilleure association.

Jin ne peut pas s'empêcher, il arrive pas à être si inhumain ou alors, les méchants dans les histoires ne sont que des clichés. Dans la vie de tous les jours, les facettes tirent sur du multi-colorées, Jin a de multiples reflets et bien qu'il ne voit en lui qu'un monstre, c'est bien loin du concret.

« Non. J'ai jamais eu l'occasion de me poser réellement. » Elle ne sait pas vraiment si elle est bonne ou mauvaise, cette vague d’empathie. Elle projette sur lui un millier d’obstacles, de problèmes qui l’auraient empêché de trouver la stabilité émotionnelle dont la plupart des gens ont besoin. Et pourtant, son esprit crie aussi à la rationalisation dans le brouillard épais de l’attraction. Si Jin n’a jamais eu l’occasion de se poser réellement, c’est peut-être aussi un peu de sa faute. Peut-être n’a-t-il jamais été le genre de personne avec laquelle on devrait construire quelque chose.

Elle va trop loin. La réflexion est trop cynique pour elle et elle la regrette déjà. Jin lui offre une distraction en dévoilant son torse, en offrant sa peau. Il le fait exprès, il ne faut pas en douter. Mais elle ne sait pas pourquoi. Si son petit crush l’amuse, comme on s’amuse des déboires d’un chat avec une pelote de laine.

Le fil de sa pelote se dévide dans un labyrinthe qu’elle emprunte les yeux fermés, à l’aveuglette. Jin est peut-être un monstre qui attend en son centre, ou alors est-il celui qui la guidera vers la sortie.

Elle n’a pas moyen de le déterminer, pour l’instant. L’attrait qu’il exerce sur elle est trop fort pour qu’elle l’observe objectivement.

« Tiens, je crois que mon médecin m'a dit ça la dernière fois aussi ! » Petit sourire aigre-doux. Miran aussi pourrait être médecin, mais elle ne le sera jamais. Et il y a cette petite réflexion qui tournicote à l’arrière de la tête, enivrante comme une comptine d’enfance : un jour, son père saura qu’elle est vouée à l’échec, et il devra la punir. « C’est pas moi, ton médecin ? Je suis déçue. Tu pourrais passer au dispensaire pour que je soigne tes bobos entre deux cafards. »

Non, Jin, ne viens pas. C’est une proposition creuse pour combler la culpabilité qui sourd quelque part, une source d’eau noirâtre, saumâtre, amère et empoisonnée.

Elle lui cède de l’espace au lavabo pour qu’il se débarrasse de l’alcool qui lui colle au ventre. « Non, baby, je ne peux pas te donner de médicaments maintenant. C'est trop tôt, ton foie risque de trop travailler et tu pourrais finir par l'abimer plus qu'il n'est déjà. » Ses yeux s’arrondissent, puis se plissent. Elle n’y avait même pas songé. Elle, la prétendue étudiante en médecine. « Bois de l'eau et fais toi vomir si ça pèse trop sur ton estomac. Mais bois de l'eau dans tous les cas. Je te tiendrai les cheveux. » Miran serait attendrie si elle n’était pas encore focalisée sur toute son ignorance. Une grimace lui tord la figure lorsqu’un doigt s’égare au niveau de son foie douloureux. « Crois-moi, tu veux pas le tuer plus qu'il n'est déjà. Vaut mieux vomir que mourir. »

Les émotions naissent et périssent sur sa figure. Elle ne parvient pas à débarrasser son ton de toute la frustration qui est en train de l’emplir. « Oui, bon, je le savais déjà tout ça, hein. » Et elle s’échappe sous un filet d’eau du robinet qu’elle engloutit goulument, comme pour prouver ses dires. Le jet lui donne l’impression de tomber directement dans ses entrailles, où il bataille immédiatement contre l’alcool. Miran se sent trop pleine et trop vide à la fois. Un gémissement douloureux lui échappe et elle cherche de la fraîcheur contre le lavabo carrelé, plaque son front contre le marbre.

« J’ai mal… Je vais me faire vomir. »

« Je peux te ramener chez toi ou chez moi si tu veux. J'ai un canapé ou sinon je dors dans l'appart en face, t'inquiètes. » Le regard qu’elle lui lance est surpris et quelque peu décontenancé. Ça lui ferait plaisir, d’aller chez lui. Ne serait-ce que pour assouvir sa curiosité et avoir la sensation qu’elle compte pour lui. Mais dans ces circonstances, elle ne sera même pas capable d’examiner quoi que ce soit. Son logis ne sera qu’un décor flou dans lequel elle se fondra, trop préoccupée par la cuite qui l’assomme. « A moins que tu préfères que je dorme avec toi ? »

« Et si je vomissais dans ton lit ? » La question n’est même pas ironique, pleine d’une candeur instinctive. Miran s’essuie le rebord des lèvres, fait un pas en arrière pour approcher de la cuvette des toilettes. Elle s’empare au dernier moment de la brosse à dents de quelqu’un - son manche va bientôt finir au fond de sa gorge. « J’ai cours demain… Mon père acceptera pas que je dorme ailleurs… »

Comme si elle comptait vraiment y aller.

« Mais t'inquiète pas... J'ai t-t-très envie de faire une sieste avec toi. »

Miran s’accroupit devant la lunette, l’ouvre. La vision de la cuvette suffit à lui donner un peu la nausée. « Mais, prendre l'air frais te ferait pas de mal. Puis je te tiendrai compagnie et je serai rassuré aussi de savoir que tu ne fais pas n'importe quoi et que tu n'es pas avec n'importe qui. » Ses yeux cherchent sa figure. « T’es très mignon, quand tu veux. »

Sa bouche s’entrouvre. Le manche de la brosse à dents pèse contre la lèvre inférieure.

« Faudra qu’on te trouve un t-shirt propre avant de partir. »

Une profonde inspiration ne suffit pas à la motiver. Miran demeure immobile, son outil contre les dents, les yeux rivés dans les tréfonds de la cuvette. Une sorte de soupir sangloté lui échappe finalement. Elle frotte un oeil et lève des yeux désolés sur son compagnon, comme si elle s’excusait de manquer de force.

« J’ai pas le courage… Ça va me brûler toute la gorge… Tant pis… »

..........Ha, oui, le dispensaire. Il a tendance à oublier que ce milieu existe : Il le fuit comme la peste, pas la peine de se mêler plus que ça avec les autres membres du gang, Jin a déjà des soupçons qui traînent sur sa personne. Alors sur ses lèvres, il garde un sourire stupide et rit gentiment. Jusqu'à qu'il devienne un peu plus sérieux.

Ce n'est pas qu'il est de ceux les plus intelligents, non, c'est qu'il est surtout alcoolique. Et l'oncle des Akai Raida lui a expliqué plus d'une fois que mélanger l'alcool a n'importe quoi c'était le meilleur moyen de finir à l'hôpital : Un endroit qu'il n'apprécie guère de fréquenter. Jin, c'est au fil des années qu'il a appris que prendre du paracétamol en espérant que ça calme la tête ça le pousse surtout à vomir de la bile fluo, le corps aime a se protéger de nos conneries. Néanmoins, à la réaction de Mi Ran, il sent que quelque chose ne tourne pas rond et gentiment lui caresse le dos. « Je veux juste prendre soin de toi.  » Pas sûr de ce qui se trame dans sa tête, il y a toujours eu une brume incertaine sur la coréenne.

Il garde son sang froid et ricane à son attitude de bourrée, continuant son contact de la main pour qu'elle reste calme et rassurée malgré tout. Jin l'accompagne dans ses gestes et sa décision, hochant la tête et commençant à prendre entre ses paumes ses longs cheveux lisses et noirs. « Tu ne serais pas la première personne à vomir dans mon lit. » répond-t-il. Il a jamais eu de problèmes avec l'hygiène, il est loin d'être maniaque. Heureusement parce que vu son boulot, il serait dans la merde ou dans la semence et autres sécrétions corporelles... Urg.

Sa tête hoche à chaque remarque, l'écoutant d'un sourcil soulevé, entre dérisoire et comique, la situation est assez drôle : Il s'apprête à aider une fille à se faire dégueuler tandis qu'il l'invite aussi à dormir avec lui : Et Mi Ran est si pure, c'est presque immoral de s'en moquer, presque malsain d'abuser de la gentillesse et de l'attirance qu'elle éprouve pour lui. Du flirt à la 2 girls One Finger ? Référence pornographique douteuse, oups... Jin la suit et s'accroupit aussi, embrassant ses épaules et massant son ventre de sa deuxième main de libre. « Je sais que je suis mignon. » C'est une vérité, voyons, tout le monde le sait !

« Hmm hmm. Qu'importe, j'ai pas froid, ne t'inquiètes pas pour moi. » Sapporo l'a bien élevé, la neige lui manque, Détroit c'est presque trop chaud. Concentré, il attend qu'elle se décide à faire ce qu'elle a à faire toutefois, la détermination semble l'avoir quitté, ou la crainte, qui sait ? Un soupire lui échappe et il secoue la tête, pas de déception, non, il comprend. « C'est pas grave ma belle, c'est normal. On peut juste partir si tu veux, ça se trouve, tu vomiras par toi-même en marchant. »  Et ses lèvres se déposent à nouveau sur son front, dégageant ce blême visage des fils d'ange sombres. « Je volerai un pull au hasard, on y va maintenant ou... »

Il montre ses grands doigts gauche et hausse les épaules. « Je peux essayer ? Je l'ai pas souvent fait sur quelqu'un d'autre mais je ferai attention. » A noter qu'il l'a déjà fait et c'était pas la chose la plus facile : Les drôles expériences des travailleurs de sexe euh... On en a parle pas. Quitte à y perdre la main, c'est tout de même très érotique de mettre ses doigts dans la bouche de quelqu'un, Jin y réfléchit un instant et la vision ne lui déplaît pas plus que ça.

Bon, le vomi un peu plus. Ce n'est qu'un détail. « On peut aussi juste partir... » répète-t-il, se rendant compte que c'est peut-être un peu étrange de se proposer pour la faire gerber... Creepy mais mignon, hé, on peut pas tout avoir pour soi. Puis, ça correspond bien à Jin ma foi.

« Je veux juste prendre soin de toi. » Non non non, pas ce genre d’affirmation. C’est de l’amour qu’elle va lui vomir dessus, s’il continue. De l’amour mal mâché, mal digéré, imparfait et amer, une vague déferlante qu’elle préférerait contenue dans son coeur. Elle n’a pas envie de croire qu’il veuille faire ça, parce qu’elle pourrait s’y attacher facilement. À l’illusion qu’il veuille d’elle, à l’illusion de plus, de n’importe quoi. « Dis pas ça… Tu le penses pas, hein ? Tu le dis à toutes les filles, je suis sûre. »

Une sorte de geignement lui tombe des lèvres, comme si la détresse commençait à perdre les mots. L’alcool est en train de l’embourber un peu plus dans son attirance malvenue. Elle a envie de se nicher dans ses bras, mais elle a aussi envie de s’enfuir avant d’avoir esquissé le moindre geste. Ne pas franchir les frontières floues de sa relation avec Jin, pour ne pas se confronter à la réalité du fil de fer barbelé qui les sépare.

Il touche. Main en bas du dos, paume dans ses cheveux. La chaleur monte dans son corps, dans son coeur. C’est un réflexe aidé par le hpnotiq qui bouillonne dans ses tripes. Elle a presque envie de reprendre un verre, de se perdre dans les vapeurs méphitiques d’un coma éthylique. Et tant pis si son son père doit venir la chercher à l’hôpital. Tant pis s’il hurle, tant pis s’il trépigne, tant pis si sa mère pince les lèvres et désapprouve en silence.

Tant pis, tant pis, tant pis. C’est le mantra depuis quelques mois. La vie, tant pis.

« Tu ne serais pas la première personne à vomir dans mon lit. » Ses sourcils se froncent. Elle titube, enivrée par la désapprobation. « Oh, génial, Jin. T’es si fort. Tu baises des filles bourrées. Je suis trop contente de l’apprendre et je suis pas jalouse du tout. D’ailleurs je rigole, ce qui prouve que je suis pas jalouse. » Et elle aboie une sorte de ricanement tremblant, rempli de flegme.

Elle s’accroupit finalement, la bouche entrouverte sur tout ce qu’elle pourrait vomir. Il y a cette maladie fictive, dont elle a entendu parler une fois alors qu’elle s’égarait dans les méandres d’internet - hanahaki. Le patient vomit des pétales de fleurs lorsqu’il n’avoue pas son amour. Ça lui convient si bien qu’elle s’imagine presque avec des lilas et des chrysanthèmes sur le bout de la langue, à moins qu’elle ne crache des fleurs de cerisier en hommage à la patrie de Jin.

« Je sais que je suis mignon. » L’humilité est son principal atout.

Le courage la quitte. Jin endosse le rôle de l’homme indulgent pendant qu’elle chatouille sa langue du bout de la brosse à dents, nauséeuse mais pas déterminée. Il y a quelque chose qui lui effleure le front, mais elle l’ignore au profit de sa déception. Elle n’a même pas la force de faire ça. Elle n’a la force de rien faire, en ce moment, si ce n’est se perdre et tenter de s’oublier…

« Je peux essayer ? Je l'ai pas souvent fait sur quelqu'un d'autre mais je ferai attention. »

Miran cille lentement. Les mots ne la percutent qu’à retardement.

« Hein ? Quoi ? »

« On peut aussi juste partir... » Toutes les propositions lui paraissent subitement absurdes - qu’il s’agisse de la faire vomir ou de s’enfuir avec lui. Miran jette un regard dans la cuvette, comme si elle allait tirer des tréfonds des toilettes une quelconque révélation philosophique.

« On va y aller… Je… » Deux doigts s’enfoncent dans ses paupières, les clouent momentanément. Elle ignore la réalité quelques secondes avant de rouvrir les yeux, de se redresser en tanguant un peu et de ranger la brosse à dents. « T’es vraiment prêt à tout, dis-donc… » C’est à s’en demander quelles sont ses limites, parfois.

Miran ouvre la porte, jette un regard dans le couloir. Les conversations se découpent encore à quelques mètres de là, jettent leurs lambeaux de syllabes contre les murs. Elle se faufile contre une paroi, pousse une poignée dans l’espoir de tomber sur une chambre pour y voler un pull.

C’est bien une chambre, mais elle est manifestement occupée.

Elle bondit en arrière et referme en bredouillant, plus rouge encore qu’avant. « Pas celle-là ! »

..........Romantique à souhaits, on se ment pas, ses mots, ses phrases qui paraissent ne rien vouloir dire et ne tenir aucune valeur, si Jin devait se justifier, il pense toujours ce qu'il dit sauf qu'il retourne vite sa veste quoi. Il hausse les épaules et secoue la tête, pas la peine de débattre avec une bourrée de toute façon, il préfère juste gentiment caresser son dos et expirer un souffle désespéré par le nez.

Sauf qu'il a pas les mots qu'il faut apparemment alors il recule un peu à sa soudaine crise de jalousie, qui n'en est pas vu qu'elle rigole apparemment, oui oui, on te croit, et il fronce les sourcils. « Je vais juste ignorer certaines de tes remarques désobligeantes.  » Et c'est même sérieusement qu'il prononce tout ça, un peu agacé bien que patient et compréhensif, retenant sa mâchoire de faire preuve de sarcasme face à ce cadavre éthylique. « Ça va aller, t'inquiète pas bébé. » Il continue juste à la dévisager en espérant qu'elle ne finit pas par tourner de l’œil, les mains continuant leur exploration tout en restant puritaines, ses lèvres l'échauffent et la frôlent, sur son épiderme moite et salée, l'alcool qui transpire sur sa peau. Un côté tendre malgré le carrelage blanc des chiottes. Plus ou moins, blanc.

« Parfois, je me demande ce qui se passe dans ta tête... » sa réflexion est dans un chuchotement, la voyant se décourager complètement face à son adversaire la brosse à dents. C'est compréhensible, le réflexe est parfois plus difficile à actionner et encore plus en état d'ébriété. Bon après, proposer ses doigts, ce n'était pas la chose la plus fine à faire, même lui s'en rend compte. Jin grimace mais finit par en rire, son arme préférée, l'auto-dérision. « Je dirais plutôt que je suis prêt à n'importe quoi. » Nuance ! Ce n'est pas l'ambition qui le conduit, mais la folie !

C'est dans un réflexe protecteur que le grand l'agrippe et la soutient avec une délicatesse dont on cherche encore l'origine, fixant son tee-shirt trempé et grimaçant de dégoût. Honnêtement, il préfère l'abandonner ici et juste voler n'importe quoi : Un rideau lui conviendrait. Alors, gentil garçon discipliné, ou petit chien, il suit Mi Ran, soucieux qu'elle ne tombe pas ou ne tangue pas, ou ne dégueule pas partout sur le sol, le torse à l'air dans le couloir, remarquant les quelques regards qu'on leur lance.

« Pourquoi pas celle-là ? » Apparemment, Mi Ran s'est faite un film toute seule dans son coin pendant qu'il jugeait la foule curieuse : c'est sûrement un peu bête, la pudeur et lui ça fait 0, il la fixe d'un air hébété et roule des yeux, comprenant la situation. « Ah, nan mais t'inquiètes pas. J'suis sûr qu'ils ont l'habitude. » Et sans gêne, LE MEC, il pousse la demoiselle et rentre, il s'exclame « pardon, je fais que passer» , t'sais, au calme ?? Et il est là en train de fouiller les tiroirs et le couple, ou trouple selon les bosses sous la couette s'indigne un peu, genre, « WTF, dude ?»

« Oui, oui, je sors, ça va, j'ai trouvé ce que je voulais !  » Et un trop grand-shirt grisâtre entre les mains il sort pour retrouver Mi Ran, en train d'enfiler son vêtement, les bras entortillés. « J'te jure les américains ! Ils sont genre fuck yeah, je kiff mes voisins, pas besoin de barrières à nos jardins ! Et ils font chier quand tu rentres dans une pièce noire juste pour prendre un truc. Invraisemblable !  »

Ahem, choc culturel ? On va dire ça, oui.

« Parfois, je me demande ce qui se passe dans ta tête... » Il n’a pas tort. Et le torrent d’alcool qui se déverse dans ses veines ne fait qu’exacerber ce constat. Miran gémit faiblement, passe une main sur sa figure comme pour y remettre ses traits en place. Elle cherche son identité sous ses doigts, ne tombe que sur un épiderme fiévreux. « Moi aussi, t’inquiète pas… »

Rien. Il ne se passe rien dans sa tête. Elle est constamment emportée par le courant d’une lubie, lorsqu’elle ne s’embourbe pas dans celui de l’ennui, de l’inaction. Et l’ennui gagne toujours. Elle s’occupe seulement pour le combler, pour ignorer quelques instants le grand vide intérieur.

« Je dirais plutôt que je suis prêt à n'importe quoi. » Ça lui arrache un filet de rire hoqueteux. Son autodérision peut être charmante - il y a des aspects de Jin qui sont comme ça, curieusement un peu observateurs et critiques, comme s’il avait parfaitement conscience de ce qu’il est et demeurait confortable dans sa peau malgré ses défauts.

C’est loin d’être son cas.

Miran se lève, titube jusqu’à la sortie.
Elle ouvre une porte.
Tombe sur des ébats.
Referme la porte.

Jin n’a aucune pudeur.

« Pourquoi pas celle-là ? » La coréano-américaine forme un rond du pouce et de l’index, avant de pousser un doigt de l’autre main dedans pour simuler l’acte, une grimace sur la figure. « Ah, nan mais t'inquiètes pas. J'suis sûr qu'ils ont l'habitude. »

« Hein ? Quoi ? Jin, t’es taré ! Non ! » Trop tard. Elle vient d’être poussée sur le côté, les yeux ronds, pendant que la porte s’ouvre une nouvelle fois sur le pauvre couple.

Miran coule un oeil effarouché à l’intérieur, lance un petit sourire gêné aux personnes concernées. « Je suis vraiment désolée… Il est japonais, donc il est malpoli… Et il est fou. »

L’impolitesse n’est pas vraiment une caractéristique qu’elle attacherait aux japonais en général, mais elle ne peut parfois pas s’empêcher de le titiller là-dessus, juste pour avoir une réaction.

Le garçon met la main sur un t-shirt qu’il enfile pendant que Miran referme la porte, partagée entre l’hilarité et la désapprobation. « J'te jure les américains ! Ils sont genre fuck yeah, je kiff mes voisins, pas besoin de barrières à nos jardins ! Et ils font chier quand tu rentres dans une pièce noire juste pour prendre un truc. Invraisemblable ! » Ses observations culturelles sont balayées d’un mouvement du menton. « C’est pas parce que t’es exhibitionniste que tout le monde doit l’être, d’abord… Allez viens, on y va. »

Miran remonte le courant, s’attarde auprès de quelques connaissances avec lesquelles elle échange des adieux. Quelques regards lourds lui demandent sans mot ce qu’elle va faire avec son accompagnateur, mais elle se contente de répondre avec des sourires polis et prudents. Il n’y a rien au programme. Pour le moment.

C’est lorsqu’elle ouvre la porte de l’appartement qu’elle réalise qu’ils sont au troisième étage et qu’une volée d’escaliers les sépare de la sortie. Miran inspire profondément. Elle pose un pied prudent sur la première marche, s’agrippe à la rambarde.

« Ben ça va pas être facile… »

Un oeil interrogatif se tourne finalement vers Jin.

« Mais t’as pas bu, toi ? On dirait que t’as rien du tout. »

Quelques marches plus tard et elle tangue un peu, le pied dans le vide. Ses bras moulinent comme si elle allait prendre son envol, la bouche entrouverte sur un cri de panique muet.

Rien ne va, cette nuit.
Elle aura honte demain. Pour le moment elle se contente de chercher son équilibre, funambule sur le barbelé de l'oubli.

..........La pudeur, c'est pour les gens qui sexualisent ce qui n'a pas besoin de l'être. Puis, qu'on ne se mente, si ces deux là ne voulaient pas qu'on les surprennent, ils auraient verrouillés la porte : aux U.S.A, quasiment toutes les salles ont des verrous, drôle de pays. « Je croyais que le cliché des japonais c'était qu'on était très poli ? » réfléchit-t-il en soulevant un sourcil, perdu dans les manches du tee-shirt, cherchant le trou pour sa tête. « Quoi ? C'est pas question d'être exhibitionniste. Une soirée étudiante, c'est pas un endroit intime. Si tu veux pas qu'on te dérange, tu fais ça dans un endroit approprié. » Et à sa tête, il parle avec un bien sérieux, c'est drôle qu'il soit aussi engagé comme ça, sûrement parce qu'en tant que prostitué, il donne une importance à l'intimité que les autres ne peuvent pas comprendre. « Chuis sûr, c'est même pas chez eux. » Faut dire qu'il est même pas sûr chez qui il est...

Les poignées de mains, les tape-m-en-cinq et les accolages ne s'arrêtent pas entre la porte et le couloir, Jin roulant ses yeux à chaque fois que ses potes, lourdauds, lui demandent de façon suggestive le plan. « La ramener chez elle ? » pas que Mi Ran ne soit pas séduisante, si, bien sûr que si, et pas que Jin n'est pas une réputation de fuckboy... Si. Bien sûr que si. Mais encore une fois, il ne fallait pas confondre le boulot et la vie personnelle et peut-être que cette fille fait un peu plus parti de la deuxième que de la première, même s'il le niera. Enfin, réflexion faîte, il pourrait se la faire dans les deux cas : C'est juste que ça l'arrange pas de niquer leur relation. La niquer elle, je dis pas.

« Ouais bon, pardon, poussez-vous. » s'agace-t-il en soupirant, passant son bras autour de ses épaules pour l'emmener avec elle. « Lui proposez pas des verres, elle est assez morte comme ça, putain ! » et il les fusille du regard, doberman de son amie. Ça l'agace les gens qui ne respectent pas le consentement et l'état d'ébriété, franchement ! Euh oui, venant de sa part, c'est un peu hypocrite... Faut dire qu'entre se faire jeter des Akai et profiter de la faiblesse des femmes tout en fermant les yeux sur leur avenir incertain, il a vite fait le choix : Il tient à sa tête rattachée à son corps. Dramatique situation, n'est-ce pas ? Passé la porte, il la lâche pour tâter les poches de son short pour vérifier si tout est bien en place, a.k.a son portable, ses clés et son porte-monnaie puis envoie un s.m.s à Hela pour lui dire qu'il rentrera plus tard. « Moi ? » Il pianote sans la surveiller, un sourire aux lèvres quand la réponse se fait instantanée, elle l'attendait au lit, comme à chaque fois, et comme un crétin, il a la banane jusqu'aux oreilles. « Euhm, si. J'ai bu quelques verres mais, bon. J'ai l'habitude. » Puis, Jin préfère boire seul et pas trop pendant le travail. « Et même bourré, j'arrive à tenir sur une jambe, c'est plutôt ouf. » une marche passée et il le fait même si elle ne le regarde pas, c'est juste facile, au bout d'un moment, il sait plus s'il est sous alcool ou si c'est son état normal. « Oula, besoin d'aide peut-être ? » Et il empoigne son épaule pour la retenir de tomber, riant. « Attends mais monte sur mon dos Mimi, je te fais descendre les escaliers. »

Au moins, elle avance et a l'air d'aller mieux, alors une fois quelques marches plus basses qu'elle il tapote les cuisses menues de la belle et présente son dos. « Après, je dis pas. Si tu me vomis dans le cou, je risque pas de kiffer mais bon, je t'aime bien. » Et c'est avec malice qu'il tourne son menton et fait un clin d’œil. Allez, agrippe tes mimines autour de lui et laisse-lui tâter tes jambes ! [/i]

« Oui, oui, je sors, ça va, j'ai trouvé ce que je voulais !  » Et un trop grand-shirt grisâtre entre les mains il sort pour retrouver Mi Ran, en train d'enfiler son vêtement, les bras entortillés. « J'te jure les américains ! Ils sont genre fuck yeah, je kiff mes voisins, pas besoin de barrières à nos jardins ! Et ils font chier quand tu rentres dans une pièce noire juste pour prendre un truc. Invraisemblable !  »

Ahem, choc culturel ? On va dire ça, oui.