(intrigue) running cars (feat. jj)

Putain de riches et leurs manières de singes. Ceux qui rient si fort pour avoir un brin d’attention. Merde qu’ils m’énervent. Au fond, ceux qui ont des secrets sont intéressants et ceux qui ne font que se lamenter sont les pires. Moi, je me pavane au bras d’un mec frêle et faible qui veut avoir l’air d’être capable de se payer une femme, mais au fond, son salaire mensuel va dans cette simple soirée : le smoking et son parfum infecte. C’est là qu’il me dit : « Bébé, je suis fatigué, on monte? » Je lui aurais dit va te faire foutre si je n’avais pas besoin de son argent sale. Il était saoul, sur le point de tomber à chacun de ses pas. L’ascenseur était presque plein, deux trois autres couples y était, surement d’autres escortes, mais je ne reconnaissais pas leurs visages beaucoup plus maquillés que le mien, des mineures couvertes pour masquer leur âge. Il tituba jusqu’à la chambre et sauta sur le lit. Ce pervers voulait un petit traitement spécial bien sûr. Je plaçai mes jambes chaque côté des hanches du client et pris la lampe de chevet pour l’assommer un bon coup. Moi, j’prends son putain d’argent blanchi dans des banques pas claires, je prends son rouge à lèvres et je l’embrasse partout pour faire croire au plaisir et garder ma réputation d’escorte libre en vie. Je pris la lampe et le posa sur le plancher, ce con ne se doutera de rien. Il pensera que notre plaisir était si bon que la pièce était elle-même tombée en signe de férocité. De toute façon, il était con, soul et ne regardait même pas quand j’ai frappé. Son mal de tête sera moins pire que l’alcool qu’il a consommé toute la soirée.

Je suis donc sortie de cette chambre pourrie avec l’idée de prendre un taxi quelques rues plus loin. Mais cette putain de ville était bien plus animée le soir. Les gens se cachent dans l’ombre, des policiers rodent, la sortie des bars et toutes les organisations de malfrats se rendent dans le centre. Ce petit monde complexe me mènera chez moi en sécurité face à cette nuit si merdique. En sortant de l’hôtel, je marchai et me rendis à un point où les voitures se faisaient rares, ou les policiers ne prenaient pas le temps de passer. Les caïds les plus solitaires restaient dans l’ombre, surveillant ses mouvements. Une fille habillée comme une escorte, moi, mes bijoux, ma robe et mes talons, avec une tonne d’argent foutue un peu partout pour ne pas tout perdre. Je suis morte, je dois rêver, j’entends une voiture accélérer, des portes s’ouvrir, un cri étranglé. Puis des pneus qui glisses encore. Et c’est mon tour, un couteau sur le ventre, mon soulier tombe sur le trottoir et on me tient de force avant de me jeter dans le coffre d’une voiture, collée contre une autre personne déjà à l’intérieur. Mais putain, quand vais-je apprendre?

Le problème quand on a déjà vécu trop de choses merdiques, trop de violence, quand on a déjà arraché la vie à quelqu'un, on se sent invincible. Comme si c'était écrit sur notre gueule, comme si ça allait faire s'écarter le danger parce qu'il nous craindrait désormais. Mais ce n'est qu'une illusion. Parce que je déambule dans ces rues malfamées, terriblement sûr de moi, je me dis qu'il ne peut rien m'arriver. Que tous ces caïds iront vers des cibles plus faciles, comme si ici tout le monde me connaissait et savait qu'il fallait m'éviter. Alors, quand les pneus crissent dans mon dos, je ne me retourne même pas. Absolument pas inquiet de mon sort. Ça ne doit pas être pour moi, pourquoi ça le serait ? Pourtant, la seconde d'après je me fais attraper. Et quand je sens quelqu'un tenter de fouiller mes poches je réagis au quart de tour. — PUTAIN ! J'hallucine complètement. C'est moi qui dépouille les gens, c'est moi qui agresse les gens. Pas l'inverse. Les coups se mettent à pleuvoir, de leur côté et du mien, parce que je ne me laisse pas faire, enragé. Ça dégénère violemment et l'un d'entre eux finit par passer son bras autour de ma gorge, me chopant par derrière, pendant que les deux autres m'attrapent les jambes et me soulèvent, m'étranglant à moitié au passage. Je me fais jeter dans un coffre de voiture - sérieusement ? - et au moment où je me redresse ces abrutis ferment le coffre de toutes leurs forces, m'assommant alors à moitié au passage. Je m'écroule dans l'espace confiné, complètement sonné par le choc de la tôle sur mon crâne. La voiture repart et je l'entends s'arrêter à nouveau, incapable de déterminer si on vient de faire 100m ou 100km. Le coffre s'ouvre à nouveau et je tente de me mouvoir pour sortir de là, mais je tourne au ralentit et on me balance un corps sur la gueule avant de nous refoutre dans le noir et de repartir.

On est à l'étroit là-dedans et j'étouffe à moitié, je tente de pousser le corps qui m'écrase mais l'espace est si petit que c'est mission impossible. J'me demande même comment on fait pour tenir tous les deux là-dedans. Je râle et m'agite de plus en plus au fur et à mesure que je retrouve mes esprits. — P'tain, pousse toi tu m'écrases le bide ! Que je grommèle à l'inconnue, excédé. Puis, je me mets à taper contre le coffre, fous de rage de me retrouver dans une situation aussi humiliante. — OUVREZ ! BANDE D’ENFOIRÉS ! Je me mets à lâcher toutes les insultes qui me passent par la tête, surexcité comme un fauve en cage. Je donne même des coups de pieds au passage, me fichant bien de savoir si je touche la fille au passage - chacun ses problèmes.

Quand la voiture s'arrête enfin, je me tais aussi et tend l'oreille. Les quatre portières claquent et ils se marrent, discutent de façon légère comme si tout ça n'était rien d'autre qu'une routine amusante. Putain, j'enrage. Le coffre s'ouvre et ils enlèvent d'abord la fille avant de m'attraper aussi. Sauf que cette fois-ci, j'ai à peine le temps de me débattre et de déséquilibrer l'un d'entre nous que je reçois un coup violent dans la nuque, ça me sèche et mes jambes plient sous l'impact. Je me retrouve au sol et là plus moyen de me relever. Une pluie de coups me tombent dessus et m'empêche de faire quoi que ce soit. J'suis bon qu'à essayer de me protéger et à leur gueuler dessus, incapable de me taire. Plus ils frappent et plus je gueule. C'est instinctif. Je leur sers un nouveau florilège de toutes les insultes que je connais - et ça en fait pas mal - jusqu'à me prendre un coup de pieds en pleine tronche. Ça me vrille le cerveau et je perds mes repères pendant un instant. Je sens des mains qui me fouillent et je tente de réagir, mais je peine à juste relever un bras, désorienté. Après ça, plus rien. J'entends de loin les portières claquer à nouveau et le moteur vrombir pour finalement s'éloigner jusqu'à disparaitre totalement. Et puis, silence.

J’ai une tête affreuse. Je n’ai pas l’air de plaisanter, ça… du tout. Ce n’est pas le fait d’être étouffée qui m’énervait au plus haut point, ni même d’être enfermée avec un autre mec paumé de Détroit. Il y a des choses pires, ne pas savoir où nous allons par exemple ou même le fait que je n’aille pas résister autant que je voulais. Mes talons me serviront plus tard, ces choses sont pointues et presque meurtrière lorsqu’utilisé de la bonne manière. Le mec commence à se plaindre, et merde ils sont tous pareils. De vrai bébé dans des corps de mec à l’air dur et insensible. Je lui réponds de mon air le plus posé, tu sais cet air ingrat que je prends pour bien foutre la merde dans un couple d’amis lorsque je suis au bras d’un mec envieux.  « Hey, c’n’est pas de ma faute si on est coincé ici et ta queue va survivre. » Il vient à peine de se taire qu’il hurle, mais quand est-ce qu’il va arrêter de faire le con, de crier des bêtises alors qu’il sait très bien que seul mes oreilles peuvent l’entendre alors que les brigands dans la putain de voiture ne font qu’entendre des bruits étouffés et inutiles. « Arrête de chialer, ils se foutent de ce que tu leurs dit de toute façon. » Je soupire bruyamment et je me détend, de toute façon je suis petite alors s’il manque de place qu’il se colle plus putain. Avec un petit sourire en coin pour bien le frustrer, je marmonne dans mes dents : « Enjoy the ride. »

Ils s’arrêtent enfin. Je suis la première à me faire sortir du coffre de la voiture et la bouffée d’air frais est un renouveau en lui-même. Par contre, je suis prise au piège, dès que je sors de la voiture ils me détroussent, un objet à la fois. Des mains, partout, sur ma peau déjà surexposée. Les hommes se font plaisir pendant que d’autres assomment mon « compagnon » qui avait été enfermé avant moi dans le coffre. Une main se glisse dans ma culotte et j’hurle, mon pied se soulève et mon talon atterrit dans la gueule du pas si pauvre tipe. Et puis il n’avait qu’à ne pas me frustré et je souris en pensant que mes talons n’étaient pas toujours une torture seulement pour mes pieds. Après avoir été retenue et pratiquement dénudée, ils ont déguerpi, avec une partie de ma robe déchiré et tout l’argent que j’avais amassé cette nuit avec ce putain de client assommé dans la chambre d’hôtel. Le mec à mes côtés était complètement en sang, un peu plus et il serait surement mort ou dans les vapes. Quel plaisir de voir que sa fougue a surmonté ces coups de rage de la part de ses agresseurs. Mais moi, comme la fille égoïste que je suis, je crie puis j’aide, s’il veut bien que je l’aide. « Sales emmerdeurs, ils ont pris mon argent ! ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! … Hey, ça va ? »