(tw: hot) (arena) yeux disent.

Tu sens son poids sur le côté du lit et peut-être que tu dormais plus tellement, finalement. Parce que t’es réveillé facilement. État un peu léthargique, sûrement. Pas envie de sortir du lit. Pas envie de lire les messages reçus, pas envie d’écouter la boite vocale, pas envie de rattraper les appels en absence. "t'as toujours mal à la tête, ares?" Tu l’entends, de l’intérieur de ton fort fabriqué grâce à la couette par-dessus ta tête. "Non." Non, t’as pas mal à la tête. Pourquoi? T’avais mal à la tête avant ? Pas de souvenirs de la veille, black-out complet. Et ça n’arrange pas ton état. Ce sentiment désagréable qui t’envahit. De pas savoir c’qui s’est passé. Trop renfermé pour demander pour autant. Tu fermes les yeux, envie de te rendormir. C’était mieux quand ton cerveau était vide. "t'as besoin de quelque chose?" Dormir. Le silence. Un joint. Ohhh, de la coke, sinon. Ça a l’air d’être une meilleure idée. Tu sors de ta couette pour te redresser dans ton lit. Si, t’as un peu mal au crâne, finalement. Ça tape un peu. Tu ouvres le tiroir de ta table de chevet. Entre les capotes et la beuh, tu tâtonnes pour en sortir une plaque de metal et un sachet de poudre. Tu poses ça sur tes jambes recouvertes de la couette, sors un peu de poudre, prépares une ligne. "Je sais pas ce qui s’est passé hier." Que tu dis, de but en blanc. Ouais, parce que mine de rien, ça te perturbe un peu. Et c’est jamais bon signe, quand ça arrive. Ça faisait longtemps que c’était pas arrivé. Tellement longtemps qu’t’avais presque oublié. Que t’étais pas comme les autres, Ares. Que t’étais dérangé.

athéna peut pas s'empêcher de lui poser des questions une fois qu'elle voit qu'ares est réveillé. elle a envie d'entendre sa voix, de savoir s'il va mieux, de savoir si elle était pas juste parano hier soir. elle a besoin de savoir qu'il va bien, même si, franchement? ça démarre pas dans la direction qu'elle espérait, cette matinée. "Non." tant mieux, mais vu qu'il a pas l'air déterminé à bouger, elle veut être sûre qu'il a besoin de rien. ça la dérange pas de se lever, à elle. elle veut juste qu'il aille bien. athéna le voit se redresser, sortir de dessous la couette pour fouiller dans sa table de chevet. elle le regarde faire sans rien dire. et donc à onze heures du matin, il s'dit que c'est une bonne idée de se faire un rail? "Je sais pas ce qui s’est passé hier." il a pas l'air à l'aise avec son absence de souvenirs de la vieille. et elle, elle est pas à l'aise avec l'activité qu'il vient de choisir. y a plein de choses qu'elle a envie de lui dire, comme le fait que son rail-là? ça va pas l'aider. mais elle fait le tri. "t'étais à une soirée à delray et tu m'as demandé de venir te chercher. t'as dû boire pas mal de vodka. j't'ai ramené et t'es parti te coucher." certes, il a aussi ouvert la portière de la voiture pendant qu'ils roulaient, mais ça, elle le garde pour elle. peut-être qu'elle devrait pas, mais franchement? elle compte pas lui dire quelque chose qui peut le mettre dans le mal. "t'es sûr que c'est une bonne idée?" qu'elle demande en pointant du doigt la coke sur le plateau. parce que c'est pas ça qu'il devrait prendre pour aller mieux dans ce genre de circonstances. mais ça aussi, c'est un autre débat. et ares n'a jamais été fan de cette discussion. elle non plus d'ailleurs. parce qu'ils sont pas d'accord. vraiment pas d'accord, même.

Non, t’as plus mal au crâne. Quoique. Quand tu te lèves, c’est chaud quand même. Ça tape un peu. Mais pas comme un lendemain de soirée, pas comme une gueule de bois. Ça tape, comme une migraine bien installée. Et tu t’sens tellement bas que tu te dis que la drogue, c’est la seule option envisageable. La weed, c’est pas assez fort. La coke, ça fera le job. Même s’il n’est que onze heures du matin. Faut savoir s’adapter dans la vie, être pragmatique. Alors tu prépares ton matos, tout en avouant à ta soeur que t’as aucun souvenir de la veille. La seule à qui tu dis tout, la seule qui est au courant de tout ce qui se passe dans ta vie et dans ta tête. La seule qui te comprend. Qui essaye du moins. "t'étais à une soirée à delray et tu m'as demandé de venir te chercher. t'as dû boire pas mal de vodka. j't'ai ramené et t'es parti te coucher." Une soirée à Delray? Mais avec qui putain? Non, tu t’en souviens pas. Tu te souviens pas y avoir été invité, ni y être allé, ni avoir trop bu, ni l’avoir appelée, ni être rentré. Rien, nada, le vide intersidéral. "D’accord." Que tu réponds simplement, ni plus, ni moins. Que veux tu dire, de toute façon? De ce qu’elle dit, il s’est rien passé d’inhabituel alors bon. "t'es sûr que c'est une bonne idée?" Tu regardes d’abord son doigt qui pointe la coke, puis tu relèves les yeux sur elle. Pause le temps de quelques secondes, puis tu te penches pour sniffer le rail avant d’reposer le matos sur la table de chevet. "J’en avais besoin." Et tu l’dis pas en mode junkie qui a besoin de sa dose. Mais t’en avais besoin. Parce que tu les entends encore, les petites voix. Les chuchotements, les murmures. À l’arrière de ta tête, en fond, mais toujours présents. "J’ai un peu mal à la tête en fait." Tu lances, en te remettant sous la couette, te rallongeant dans ton lit, en boule sur le côté. Position foetale. Et tu fermes les yeux. Vide. De tout sentiment. "Tu peux partir. J’vais juste rester là." Elle a pas besoin d’attendre que tu te mettes au travail parce que tu le feras pas. Pas aujourd’hui, non. Aujourd’hui, c’est repos.

athéna sait qu'ils sont pas censés se mentir, mais à quoi ça servirait de lui dire toute la vérité? de toute façon, ares se souvient de rien et elle a pas envie d'empirer son état. elle veut pas qu'il se dise qu'il a fait de la merde. le déni marche plus et l'espoir s'envole au fur et à mesure qu'ares commence à bouger. "D’accord." et se faire un rail de coke, ça l'aidera pas à se sentir mieux. ça l'aidera pas à y voir plus clair. peut-être qu'il va gagner une heure de tranquillité, mais pourquoi? recommencer dés que les effets se seront estompés? elle essaye de le raisonner tranquillement et elle s'dit que ça marche peut-être quand il lève la tête vers elle. son regard est là sans vraiment l'être. ça le rend triste putain. parce qu'elle sait pas comment l'aider, pas vraiment. être là, ça suffit jamais vraiment. il se penche et la sniffe. puis il la range pas, la pose juste sur sa table de chevet. "J’en avais besoin." et putain ce qu'elle se retient. y a que quand il est comme ça qu'elle se retient de lui dire ce qu'elle pense, qu'elle se retient de l'engueuler. c'est pas ça qui va l'aider et ça, elle le pense tellement fort que peut-être que ça s'voit dans son regard, mais faudrait-il qu'il soit en état de comprendre vraiment ce qui s'y passe, dans son regard. "J’ai un peu mal à la tête en fait." il se recouche et elle le regarde faire. toujours aussi impuissante face à son état. envie de lui dire que ça va aller, que ça va passer, mais c'est pas vrai. ça passera pas tout de suite, c'est jamais aussi bref. elle lui propose pas un doliprane, cette fois, parce qu'elle sait que si elle dit quelque chose, là, ça va pas être sur le bon ton. "Tu peux partir. J’vais juste rester là." mais elle a pas envie de partir. elle a pas envie de le laisser tout seul. parce que peut-être qu'il la capte sans vraiment la capter, ares, mais athéna, elle le capte entièrement. elle aime pas le voir malheureux, elle aime pas le voir absent. "j'ai rien à faire avant 17h, j'peux rester avec toi. enfin, si tu veux." jamais vraiment sûre, parce que parfois, il préfère rester tout seul. dix-sept heures, ça lui laissera une heure pour se préparer avant d'aller taffer. une demie heure pour manger aussi. mais là, elle a pas faim. non, elle a pas faim, parce qu'elle sait déjà que quand elle sera au travail, y aura que lui dans sa tête. qu'elle sera pressée de finir, pressée de rentrer pour le voir. elle se rappelle toujours, le souvenir s'est pas effacé et elle veut pas que ça se reproduise. "promis, j't'empêcherai pas de dormir." elle essaie même de faire de l'humour, athé. prête à dire tout et n'importe quoi pour qu'il accepte qu'elle reste avec lui. pour qu'il accepte qu'elle le colle, même si elle veut pas l'étouffer. elle veut juste qu'il sache qu'il est pas tout seul, qu'elle est là et qu'elle sera toujours là. toujours.

C’est p’têtre pas une bonne idée de te taper un rail au réveil, à onze heures du mat. Mais tu l’fais quand même. Parce que tu te dis que ça va t’anéantir un peu plus, suffisamment pour que tu te rendormes. Parce que t’as pas envie de te lever. Pas envie de sortir du lit ce matin. Parce que finalement, elle avait raison — t’as la tête qui tape. Une foutue migraine qui est désagréable. T’es malade. Alors tu vas juste te recoucher et lui dis qu’elle peut partir sans crainte. Parce que tu vas pas bouger de là. Enfoui sous la couette, séparé du reste du monde, t’es bien, là. Enfin, ‘bien’, c’est un bien grand mot. Disons qu’t’es mieux qu’ailleurs. "j'ai rien à faire avant 17h, j'peux rester avec toi. enfin, si tu veux." Tu hausses vaguement les épaules. "promis, j't'empêcherai pas de dormir." Tu hoches la tête, ouvres la couette pour qu’elle se faufile dans ton lit. Pas d’arrières-pensées, très loin de là même. Si ça lui fait plaisir de te regarder dormir, qu’elle se mette à l’aise. Toi, ça changera ça.



QUATRE JOURS PLUS TARD

Ça fait deux jours que t’as rien mangé, ni bu. T’as l’estomac qui gronde pour te rappeler tes besoins vitaux, et pourtant t’as pas l’envie de le remplir. Tu préfères rester terrer dans ta chambre, dans ton lit. T’as arrêté de vivre. Tu dors souvent — et quand tu dors pas, t’es comme une larve devant Netflix. T’as éteint ton téléphone pour éviter les appels et les messages. Et malgré le sommeil, t’as le visage creusé par les cernes. Et tu commences à en avoir marre d’Athéna qui te demande constamment comment tu vas ou si t’as besoin de quelque chose. Elle sait, pourtant. Elle sait c’qui se passe. Et toi aussi, t’as compris, maintenant. Que c’était pas près de remonter. Que t’avais été ‘bien’ pendant trop longtemps pour ne pas te prendre le retour de bâton. Et ça t’énerve. Pourquoi l’univers a comme un besoin d’ré-équilibrer les choses? Pourquoi tu peux pas juste être dans la manie? Tout le temps? Parce que c’est mieux que ça. Tu l’sais. Sauf que tu le contrôles pas.

à deux doigts de devenir folle. c'est l'état constant dans lequel athéna s'trouve quand elle est au taf. parce qu'elle est pas avec ares pendant ce temps. et que lui, il a le temps de faire un tas de choses. un tas de choses qu'elle n'a pas envie qu'il fasse. parce que dans la vie, elle n'a qu'une seule et unique crainte: qu'il recommence, mais que cette fois, il réussisse. c'est à peine si elle dit au revoir à ses collègues quand elle a fini son service. y a que ça dans sa tête, y a que lui et ça bloque tout le reste. ça met le monde en sourdine jusqu'à ce qu'elle arrive dans l'appartement et qu'elle voit qu'il va bien. qu'il est vivant, sain et sauf. y a qu'ares qui compte à ses yeux et surement que ça s'voit encore plus dans ces moments-là. athéna le lâche pas, cherche à le faire parler, essaie d'améliorer son quotidien comme elle peut. ouais, ses efforts sont un peu en vain, mais elle fait avec.

elle arrive dans l'appartement avec un mcdo, lui a pris à manger même si elle n'est pas sûre qu'il ait faim. elle s'dit que si ça sent bon, peut-être que ça va lui donner envie. ares n'est pas dans le salon et elle flippe quand elle regarde dans sa chambre, s'demande comment elle va le trouver. bien, il va bien - façon de parler, ares respire, c'est le plus important. rassurée, parce qu'il y a que comme ça qu'elle arrive à respirer correctement, elle s'met à parler. "j'ai pris mcdo, t'en veux? y a des frites, du coca et des burgers. ah et y a des nuggets aussi." ouais, elle s'est dit que lui laisser le choix c'était mieux, alors elle s'est lâchée. elle veut juste qu'il mange, qu'il fasse autre chose que dormir même s'il n'en a pas vraiment envie. "j'peux même faire venir la nourriture à toi, s'tu veux." ouais, elle s'en fout qu'il sorte pas de son lit. collante, quitte à en être étouffante, mais y a que comme ça qu'elle craque pas. y a que comme ça qu'elle arrive à rester neutre, à faire comme si tout allait bien. y a que comme ça qu'elle garde la face, alors elle continue. elle sait pas vraiment faire autrement.

T’entends qu’elle rentre. Et tu soupires, intérieurement. Pas prêt pour affronter d’autres questions, pas prêt pour atténuer la vérité dans tes réponses. Tu veux juste pas parler, pas bouger, basta. Y’a pas à chercher. C’comme ça et puis c’est tout, faut juste qu’elle l’accepte. "j'ai pris mcdo, t'en veux? y a des frites, du coca et des burgers. ah et y a des nuggets aussi." Tu la sens, l’odeur du McDo. Et de base, t’arais été ravi. Mais là? Tu t’en bats les couilles du McDo. Vraiment. "J’pas faim." Ton ventre qui gronde au même moment crie le contraire, mais toi, tu cherches pas à le nourrir. "j'peux même faire venir la nourriture à toi, s'tu veux." "J’ai pas faim Athé j’t’ai dit. Lâche-moi." Désagréable au possible, mais elle t’saoule aussi. Elle a pas besoin de te chaperonner, tu vas bien. Tu vas bien… à peu près. Tu tu lèves de ton lit, vas jusqu’à la salle de bain en lui passant devant. Et tu claques la porte, allumes l’eau de la douche pour te glisser dessous. Pas forcément envie de bouger, plutôt de la fuir. Parce qu’elle est trop collante, elle est trop sur toi, comme si t’étais un gamin qu’il fallait surveiller alors que tout c’que tu fous de tes journées c’est dormir et envoyer chier le monde. Tu sors de la salle de bain et ouais — elle est pile devant la porte. Alors tu soupires encore, la contournes pour aller dans ta chambre. T’enfiles un boxer et un jogging et tu vas te poser dans le canapé. "J’ai parlé à Seven." Qu’tu lâches, comme ça. Et avant qu’elle demande, tu rajoutes : "J’lui ai dit d’aller crever." Ouais, voilà. Simple et efficace.

si les cas était inversés, surement qu'ares serait autant sur son dos qu'athé. alors en vrai, elle s'dit que c'est pas si grave si elle le colle autant. et c'est pas que pour se rassurer, pas que pour se dire qu'il va bien, qu'il n'a pas fait de conneries, c'est aussi parce qu'elle se dit que si elle reste là, il sera peut-être un peu mieux dans sa tête. être seul, c'est pas le mieux quand on déprime, non? alors ouais, elle est chiante et ouais, elle a ramené à manger juste pour qu'il sorte un peu de son lit et mange quelque chose. s'dit qu'un mcdo, ça devrait l'appâter. "J’pas faim." ok. mais est-ce qu'il a pas faim parce qu'il n'a pas envie de bouger de son lit ou pas faim, parce que vraiment c'pas le cas? elle en sait rien, athé, alors elle insiste. "J’ai pas faim Athé j’t’ai dit. Lâche-moi." elle apprécie pas, athé. ni le ton employé, beaucoup trop froid à son goût, beaucoup trop sincère, ni les mots. elle serre les dents, blessée. "ok." et dans d'autres circonstances, surement qu'elle lui aurait dit d'aller se faire foutre, qu'elle se serait énervée, mais pas là. là, elle est juste blessée et triste. un peu plus quand il passe devant elle sans même un regard avant de s'enfermer dans la salle de bain. ça s'passe comme ça. porte fermée, elle aime pas ça. surement qu'elle ferait mieux de bouger, d'aller manger pour palier au manque affectif, mais elle peut pas. parce qu'il est dans la salle de bain et même si elle entend l'eau couler, elle sait pas ce qu'il y fait et elle est complètement parano. et quand il ressort, le soupir qu'elle entend la pousse à le fixer avec un peu de colère dans le regard. connard. il la contourne encore et comme elle sait que c'est bon, il va bien, elle retourne dans le salon. elle va se venger sur la bouffe et ça ira mieux après. ares revient de sa chambre avec un jogging et s'pose dans le canapé, elle fait la même chose, mais s'met loin. il veut de l'espace, elle essaie de lui en donner, même si elle en a pas envie. "J’ai parlé à Seven." elle fronce les sourcils en tournant la tête vers lui. "J’lui ai dit d’aller crever." ah. cool de savoir qu'elle n'est pas la seule avec qui ares est désagréable. mais bon, elle va pas plaindre seven, vu que pour le coup, elle est d'accord avec ares. même si c'est surement un peu violent. "tu te sens mieux depuis?" question conne, surement, mais en même temps, quitte à envoyer ce genre de messages, autant se sentir soulagé après, non? pendant ce temps, elle commence à sortir de la bouffe des poches. attrape d'abord les frites. "et désolée si j'te saoule parce que j'suis trop sur toi, mais j'compte pas arrêter." au moins, c'est dit. haussement d'épaules et ça s'voit à son regard qu'elle rigole pas et qu'elle est très sérieuse. "puis tant mieux si tu veux pas manger, ça en fera plus pour moi." ça, c'est juste pour le chercher un peu. peut-être qu'elle lance des petites piques juste pour le faire parler. parce qu'il est sorti du lit et qu'elle veut pas qu'il y retourne tout de suite. le faire parler, quitte à ce qu'il l'envoie chier et qu'elle soit dégoutée après. c'est pas grave.

Non, t’as pas faim. Ou plutôt, t’as pas envie d’manger. Et encore moins pour lui faire plaisir. Alors même si ton ventre gronde devant elle, tu refuses.
Tu l’envoies chier.
Pars à la douche. Enfiles un jogging. Reviens dans l’salon. Balances que t’as envoyer Seven crever. "tu te sens mieux depuis?" Pas d’réponse.
Parce que c’est plus facile de taper sur la main qu’on te tend que de l’attraper. Bien plus facile de repousser que d’accueillir. Surtout quand t’es comme ça. Quand tu t’détestes et qu’t’as envie qu’on te déteste autant que tu le fais, histoire de légitimer tes sentiments. Si Athé te déteste, c’est qu’t’as des bonnes raisons de te détester toi-même. Et du coup, ça justifierait la haine et le dégoût qu’tu ressens à chaque fois que tu passes devant un miroir.
Sauf qu’Athé, elle est têtue.
"et désolée si j'te saoule parce que j'suis trop sur toi, mais j'compte pas arrêter." Ouais, ça, t’avais compris. Parce qu’Athéna, elle a peur du passé. Parce qu’Athéna, elle te connait. Elle a compris, c’que tu traverses. Elle a compris, le risque que tu représentes. Plus pour toi-même que pour les autres, en l’occurrence. Toi tu t’souviens pas, mais on t’a raconté. La vue du sang qui l’avait fait hurler et pleurer. Ses mains de gamine trempées, souillées.
À jamais traumatisée.
Par ta faute.
"puis tant mieux si tu veux pas manger, ça en fera plus pour moi." Et puis, l’art de dédramatiser. D’éviter d’en parler. Des marques indélébiles sur tes poignets que la maladie a causé. Sujet jamais abordé. Plaie jamais vraiment refermée, aussi.
Et elle réussit, tu tapes quelques frites de la boite et t’avales un nugget, avant d’t’allonger sur le dos, ta tête posée sur ses cuisses.
Un coup à vouloir qu’elle dégage, la seconde d’après à vouloir qu’elle n’te quitte jamais. Putain d’instabilité.
"J’vais pas m’tuer, tu sais."
Juste histoire de. Qu’elle s’rassure. Même si tu promets rien, en vrai. T’aurais jamais pensé l’vouloir à l’époque non plus, et pourtant, dans un claquement de doigt, c’est arrivé. "Tu peux arrêter d’t’inquiéter. Ça fait pire que mieux." Te traiter comme si t’allais déraper à chaque seconde. Un gamin à surveiller. Mais t’es plus un gamin, Ares. Et t’as pas besoin d’être chaperonné. Encore moins par Athé. Parce que y'a aussi ta dignité, que t'aimerais garder.

athéna parle pour deux, mais ça la dérange pas. ares est à côté, il s'est pas levé pour partir, donc c'est bon signe. elle le saoule, mais pas trop. elle le prévient, athé, parce qu'elle fait pas exprès d'être comme ça. c'est pas juste pour le faire chier, pas juste pour l'étouffer. elle le fait pas pour le plaisir. si athéna a confiance en lui, y a que quand il est comme ça que sa confiance est réduite. qu'elle aime pas quand il est tout seul dans l'appart. le reste du temps, il peut faire ce qu'il veut, vraiment. mais pas là. pas en ce moment. pas tant que ça ira pas mieux. et vu qu'il a pas été agréable, elle s'venge sur la bouffe. commence à manger et faut croire que la psychologie inversée, ça marche vraiment, parce qu'ares mange. pas beaucoup, mais c'est mieux que rien. petite victoire, même si elle garde un visage neutre, pour pas lui montrer que c'était ce qu'elle voulait. de toute manière, il doit déjà le savoir.

ares pose sa tête sur les cuisses d'athéna et ça la calme. ça lui fait oublier son 'lâche-moi'. une de ses mains vient se glisser dans les cheveux de son frère, caresses légères. elle en profite tant qu'il est là. "J’vais pas m’tuer, tu sais." les caresses s'arrêtent pendant quelques secondes, parce qu'ils sont pas censés parler de ça. ils sont pas censés dire des trucs comme ça. pas censés ramener le sujet sur le tapis. elle aime pas ça, athéna. parce que les images reviennent dans sa tête. la putain de peur qui l'étouffait. l'incapacité totale de le lâcher jusqu'à ce qu'on la force à le faire. "Tu peux arrêter d’t’inquiéter. Ça fait pire que mieux." elle se mord la lèvre. c'plus facile à dire qu'à faire, ce qu'il dit. elle peut pas arrêter. y a qu'une seule chose qui lui fait peur dans la vie: le perdre. et elle a déjà failli une fois. elle veut pas que ça recommence. elle veut pas revoir tout le sang parterre. elle veut pas arriver trop tard. "j'aimerais bien arrêter de m'inquiéter, ares. mais j'peux pas. j'y arrive pas." vraiment, c'est impossible. "je... c'pas comme avant. avant, quand t'étais à la maison, en général, j'y étais aussi. et vu qu'on était pratiquement tout le temps ensemble, ça va, j'ai pu arriver à temps. mais ça aurait pu être différent." ouais, ça aurait pu. peut-être que si elle était venue le voir cinq minutes plus tard, ça aurait été fini. comme ça, d'un coup. "mais aujourd'hui, c'pas pareil. tu dis que tu vas pas le faire, mais y a tout le temps des 'si', ares. et j'en ai plein dans la tête. et en vrai, si j't'étouffe, peut-être que c'est juste par égoïsme. parce que j'veux pas rentrer, un soir, et te retrouver comme ça. pas encore une fois." elle voulait pas parler de ça, parce qu'elle a l'impression d'être trop concentrée sur son propre ressenti, alors que c'est pas ça qui importe. c'qui est important, c'est ares. c'qui est important, c'est qu'il culpabilise pas, parce que ça aiderait pas, en ce moment. "je t'aime trop pour te perdre, tu comprends? qu'on se fasse la gueule, c'est une chose. que tu m'envoies me faire foutre, ça me dérange pas non plus. mais un monde sans toi? non, ça, j'peux pas. et je sais pas ce qui se passe dans ta tête, j'sais pas à quoi tu penses, j'sais pas ce que tu te dis, mais je t'aime et j'peux pas vivre sans toi. c'est pas possible. et comme j'veux pas que ça arrive, bah j'm'inquiète. désolée, mais j'peux pas faire autrement, ares. et si les rôles étaient inversés, tu ferais pareil." ares peut essayer de lui faire croire le contraire s'il veut, mais elle sait que ce serait pareil. peut-être même pire. alors il peut lui demander tout ce qu'il veut, mais il peut pas lui demander d'arrêter de s'inquiéter pour lui. c'le seul truc qu'athéna sait pas faire.

Le sujet tabou qu’tu ramènes sur l’tapis. T’y peux rien toi, c’est sorti comme ça. Et p’t’être qu’il est temps, finalement. P’t’être que ça pèse trop sur la conscience. La tienne comme la sienne. Ou p’t’être que c’est parce que t’es au plus bas et qu’tu te crois responsable pour toute la misère du monde et le malheur de ton entourage. Aka, Athéna. T’as failli l’abandonner une fois. Définitivement. Radicalement. Et ça t’a valu de l’abandonner pour la première fois, enfermé à l’hosto. Puis tu l’as réellement abandonnée, pendant toute une année, enfermé en taule. À croire qu’tu passes ta vie à l’abandonner parce que tu t’fais appréhender. Pourtant c’est pas c’que tu veux toi, hein, t’aimes pas être séparé d’elle — pas tant pour toi mais pour elle, persuadé d’être son sauveur, son défenseur, son chevalier en belle armure flamboyante. Elle a besoin d’toi, tu te dis, sinon elle ferait trop de conneries et elle finirait mal — comme toi, comme vos parents. Ouais, t’aimes bien t’dire que sans toi, Athéna, elle vit pas. Même si c’est sûrement pas le cas. Sauf que t’as jamais vu clair quand il s’agissait d’elle. "j'aimerais bien arrêter de m'inquiéter, ares. mais j'peux pas. j'y arrive pas. je... c'pas comme avant. avant, quand t'étais à la maison, en général, j'y étais aussi. et vu qu'on était pratiquement tout le temps ensemble, ça va, j'ai pu arriver à temps. mais ça aurait pu être différent. mais aujourd'hui, c'pas pareil. tu dis que tu vas pas le faire, mais y a tout le temps des 'si', ares. et j'en ai plein dans la tête. et en vrai, si j't'étouffe, peut-être que c'est juste par égoïsme. parce que j'veux pas rentrer, un soir, et te retrouver comme ça. pas encore une fois. je t'aime trop pour te perdre, tu comprends? qu'on se fasse la gueule, c'est une chose. que tu m'envoies me faire foutre, ça me dérange pas non plus. mais un monde sans toi? non, ça, j'peux pas. et je sais pas ce qui se passe dans ta tête, j'sais pas à quoi tu penses, j'sais pas ce que tu te dis, mais je t'aime et j'peux pas vivre sans toi. c'est pas possible. et comme j'veux pas que ça arrive, bah j'm'inquiète. désolée, mais j'peux pas faire autrement, ares. et si les rôles étaient inversés, tu ferais pareil." Et sûrement qu’elle a raison. Ouais, toi, tu serais du genre psychopathe à la séquestrer. Tu la laisserais sûrement pas sortir, tu la laisserais pas aller travailler. Non, c’est mort, elle resterait cloitrée chez vous, avec toi pour la surveiller — ou quelqu’un qu’t’aurais payé, si tu devais t’absenter. "J’veux pas vivre sans toi non plus." Qu’tu dis en la regardant d’en bas, avant d’tourner la tête vers l’écran noir de la télé. Pour éviter d’la regarder. Parce que toi, tu n'parles jamais de tes sentiments. Jamais. "Mais parfois, c’dur de vivre tout court." Parfois, comme maintenant. Quand t’es comme ça. C’est plus facile de vivre dans la manie. Quand ton cerveau fonctionne à mille à l’heure, que tu peux pas t’arrêter de parler et qu’t’as l’impression d’être immortel et tout-puissant. Parce que là, actuellement, tu t’questionnes souvent sur le sens de la vie — de la tienne, en particulier. Et t’as tendance à tout prendre sur tes épaules. Et à t’auto-flageller. Ouais, t’avoues — tu t’dis que t’es bon pour personne, certainement pas pour elle. Et qu’si tu crevais, Detroit n’en serait pas changée. Toi qui es désespéré d’faire du remue-ménage, d’laisser ta trace, causer un impact — tu pourrais disparaître aujourd’hui qu’probablement personne le remarquerait. Triste réalité.

y a des sujets comme ça qu'on n'est pas censés aborder. le genre de sujet qu'on préfère taire juste pour éviter de s'embrouiller ou de dire des choses blessantes sans que ce soit le but des mots prononcés. et athéna, elle veut pas faire culpabiliser ares sans le vouloir. encore moins en ce moment. ça l'aiderait pas et athéna veut pas l'enfoncer. mais ça l'empêche pas de parler, parce que ça fait longtemps qu'elle a ces idées-là en tête, ça fait longtemps qu'elle a envie de lui faire faire des promesses qu'il sera pas sûr de pouvoir tenir. lui faire promettre de plus jamais recommencer. et en vrai, athéna, elle est pas sûre qu'ares se rende compte que s'il venait à mourir, elle tiendrait pas sans lui, vraiment pas. et si c'était un putain de suicide? ce serait encore pire. pour une multitude de raisons sur lesquelles elle ne se lancera même pas. "J’veux pas vivre sans toi non plus." restes avec moi alors. parce que ça se voit qu'il y pense. et elle sait malgré tout qu'il est sincère quand il lui dit ça. l'un sans l'autre, ça peut pas exister. et pourtant, ça traverse quand même l'esprit d'ares. "Mais parfois, c’dur de vivre tout court." athéna, elle a du mal à entendre ça. ça la rassure pas. lui donne encore plus envie de ne pas aller travailler juste pour rester avec lui. juste pour être sûre qu'il recommence pas. c'est parce qu'elle sait qu'il a ça en tête qu'elle l'étouffe autant sans vraiment le faire exprès. "ouais, mais tu peux pas me laisser toute seule, ares." si, il peut. mais il a pas le droit. c'est ça qu'elle veut dire, athéna. il a pas le droit de l'abandonner. c'est aussi simple que ça. et tant qu'ils sont dans les sujets normalement inabordables, elle s'dit que c'est le moment de tenter le diable. "ares?" qu'elle demande d'abord, pour tâter le terrain juste avant de continuer. "pourquoi tu prends pas les médicaments que le docteur t'avait prescrit? peut-être que ça t'aiderait à aller mieux... à aller mieux tout le temps." elle entend bien qu'il y a des moments meilleurs que d'autres dans sa bipolarité, mais est-ce que les hauts valent vraiment le coup? est-ce que les hauts valent les bas? elle en est pas tellement sûre, athéna et elle aimerait qu'il pense la même chose. elle aimerait bien qu'il aille bien. elle aimerait bien ne pas craindre de revoir la même chose se reproduire encore une fois.

Non, tu veux pas vivre sans elle. C’est elle et toi, vous deux, depuis le début, pour toujours. Parce que si vous n’avez pas l’un et l’autre, qu’est-ce qui vous reste, hein? Papa maman qui n’vous aiment pas, qui se maudissent d’avoir fait des enfants qui n’les suivent pas. Heureusement qu’vous étiez là, vous deux, pour vous aimer. Parce que, qui d’autre l’aurait fait ? Qui d’autre aurait accepté? D’où vous venez, les parents qui vous ont élevé, les idéologies scandées ? Qui accepterait, putain, à part vous deux? Les qualités et surtout, tous les défauts de l’autre? Parce que c’est bien connu, les Kaiser sont loins d’être parfait. T’as tes défauts, Ares (et ils sont nombreux, ouais) — mais Athé, elle en a une bonne paire aussi, elle a les siens. Elle est casse-couilles, mais tu l’aimes comme ça, toi. Comment tu pourrais n’pas l’aimer de toute façon? T’as fait de sa vie ta responsabilité, dès qu’elle a pleurniché en rentrant à la maison avec papa et maman. Tu t’es juré d’la protéger du mal, de vos parents, du monde extérieur. Et ta tentative, elle n’avait rien à voir avec elle. C’est peut-être contradictoire, mais tu voulais pas l’abandonner. C’est juste que… ouais, quand t’es comme ça, c’comme si tu pensais pas droit. La raison qui se perd, qui s’évapore. Et les gestes qui débordent. Irréfléchis, impulsifs. T’as pas voulu l’abandonner, mais c’est dur, putain. C’est dur d’vivre avec toutes ces pensées qui t’anéantissent. "ouais, mais tu peux pas me laisser toute seule, ares." Tu l’sais. Tu peux pas. Parce que, qui s’occupera d’elle, hein? Qui viendra la sauver d’ces gars qui savent pas s’arrêter? Qui viendra la protéger face aux caïds des quartiers? Personne. Parce que personne sauverait un Kaiser. Nom trop sali, réputation qui vous précède — mauvaise, quoi d’autre ? "ares?" "Hm?" P’têtre que tu t’es perdu dans tes pensées trop longtemps — t’as pas vu l’temps passer, encore. Réalité déformée par l’esprit morose. "pourquoi tu prends pas les médicaments que le docteur t'avait prescrit? peut-être que ça t'aiderait à aller mieux... à aller mieux tout le temps." Tu fronces les sourcils. Ses mots qui font l’effet d’un bain glacé. "À aller mieux tout le temps?" Alors, quoi? Elle insinue que quand t’es pas comme t’es là actuellement, tu vas pas bien non plus? Toi tu t’sens bien, quand t’es en phase up. T’as l’impression d’être toi-même. C’est aussi simple que ça. Tu te redresses de ses cuisses, te recules pour être à une certaine distance d’elle et ainsi pouvoir la regarder. "Pourquoi j’prendrai un truc sans savoir c’que ça va m’faire ?" Non, les drogues, c’est pas pareil. "Pourquoi tu veux que j’prenne des médocs? Pourquoi tu cherches à m’changer?" Sur la défensive. Ton cinglant. Elle t’aime pas comme ça, c’est ça? Elle aime pas celui qu’tu es. Et elle s’dit qu’en t’ramollissant le cerveau, tu s’rais sûrement un gars meilleur. Parano? À peine. C’est c’que sa question te crie, en tout cas. Et y’a plus d’retour en arrière possible, maintenant. Game over.

si le reste de la conversation aurait pu rassurer athéna, c'est l'inverse qui se produit. parce quand elle entend ares lui dire que vivre c'est dur? putain, ça aide pas. ça aide vraiment pas athéna à s'dire qu'elle va arrêter de le surveiller comme il le lui a demandé. elle flipperait trop si elle le laissait vivre comme d'habitude, sans lui envoyer de messages et rentrer à la maison direct après la débauche. une heure de perdue, c'est peut-être une heure qu'elle aurait pu passer à le sauver si jamais il tentait quoique ce soit. mais ouais, elle aussi, elle aimerait bien arrêter de s'inquiéter, sauf qu'elle peut pas. encore moins maintenant. le seul moyen qu'elle s'inquiète moins? et qu'il arrête de passer du haut au bas sans préavis? prendre des médicaments. médicaments qu'ares a toujours refusé de prendre. et pourtant, peut-être que ça lui ferait du bien. et ouais, peut-être que ça prendrait du temps de savoir ce qu'il lui faut exactement, mais putain, si ça pouvait lui éviter d'avoir des envies de suicide? ce serait mieux, non? "À aller mieux tout le temps?" athéna entend au ton de sa voix que ça lui plait pas, qu'il est pas content. elle s'met à regretter sans vraiment regretter. elle voulait pas le contrarier, mais est-ce qu'elle a vraiment le choix? personne ne lui dira jamais rien et si elle ne le fait pas non plus, alors elle sert à rien. il se redresse, s'éloigne d'elle. et l'éloignement, ça se voit qu'il n'est pas que physique. "Pourquoi j’prendrai un truc sans savoir c’que ça va m’faire ? Pourquoi tu veux que j’prenne des médocs? Pourquoi tu cherches à m’changer?" non, c'est pas ça qu'elle a voulu dire. le ton d'ares est piquant, mais elle en tient pas rigueur. ça l'empêche pas de secouer la tête pour nier. "je cherche pas à te changer. j't'aime dans tous les cas. mais toi, t'aimerais pas être dans l'entre-deux tout le temps? c'est-à-dire ni en phase de manie, ni en dépression?" il aimerait pas ne pas avoir des putain d'idées noires dans le crâne? "j'veux juste que tu sois heureux, ares. et j'sais qu'on peut pas tout le temps l'être, mais j'dis juste que ça t'aiderait peut-être à trouver une stabilité, tu vois?" athéna, elle est pas sûre qu'il accepte de comprendre quoique ce soit à ce qu'elle avance. elle est pas sûre qu'il veuille bien entendre ses arguments, mais la seule raison pour laquelle elle dit tout ça, c'est parce qu'elle veut son bien. "j'veux juste que t'ailles bien, y a que ça qui m'importe. tout le reste, j'm'en fous." y a que lui qui compte et il n'y a rien qui pourra changer ça. même s'il ne veut pas prendre de médicaments, c'pas grave, mais au moins, elle aura essayé.

Est-ce qu’elle vient sérieusement de te demander de prendre des médocs là? Sérieusement ? Ça fait dix ans que tu refuses. Elle pensait vraiment que t’allais lui dire oui, comme ça? T’as pigé qu’elle voulait te changer. Elle t’accepte pas comme t’es. "je cherche pas à te changer. j't'aime dans tous les cas. mais toi, t'aimerais pas être dans l'entre-deux tout le temps? c'est-à-dire ni en phase de manie, ni en dépression?" Non, toi, tu veux pas devenir quelqu’un d’autre. "J’suis bien dans la manie. J’suis productif, j’ai plus de force, j’ai pas besoin de dormir beaucoup, j’peux faire pleins de trucs, j’ai pleins d’idées, c’est l’effervescence, c’est trop bien." Mais elle comprend pas ça, elle. C’que ça fait d’avoir ton cerveau qui va à deux cent à l’heure. D’avoir l’impression d’être le roi du monde. Comme si rien ni personne ne pouvait t’arrêter. Invincible. "j’veux juste que tu sois heureux, ares. et j'sais qu'on peut pas tout le temps l'être, mais j'dis juste que ça t'aiderait peut-être à trouver une stabilité, tu vois?" "Parce que t’es heureuse toi, peut-être?" Ça y est, c’est parti. Tes mots cinglants qui sortent de tes lèvres dans un sifflement venimeux. "À vivre dans cet appart pourri qui tombe en ruines ? Avec un job de merde qui t’paye le minimum où tu passes ton temps à t’faire draguer par des boloss ?" Tu dois lui rappeler comment elle a perdu sa virginité et avec qui? "Avoir grandi dans les coups et les étranglements, te taper nul autre que ton putain de grand frère ? À jamais voir les parents parce que c’est des tarés d’extrémistes ? T’appelles ça de la stabilité, toi ?" Tu lâches un rire franchement moqueur, avant de te lever pour aller chercher un joint  déjà prêt dans la boite sur le meuble de télé. Tu le brûles à l’aide d’une allumette et inspires une taffe. "j'veux juste que t'ailles bien, y a que ça qui m'importe. tout le reste, j'm'en fous." Là encore, tu ris. Ouais, c’est ça, bien sûr. Tu pointes même un index accusateur vers elle, toujours debout face à elle. "T’es une putain d’égoïste Athé. Tout c’que tu veux, c’est pouvoir te barrer d’l’appart la conscience tranquille. Parce que tu sais qu’si j’décidais d’m’ouvrir les veines et qu’t’étais pas là pour rattraper le coup cette fois, t’aurais mon cadavre sur la conscience pour l’restant de tes jours. Tu veux juste pas vivre avec ma mort sur la conscience. C’pas mon bien qu’tu veux. C’est l’tien."