Misery like company. Fingers stuck together. Life is hell but at least we have each other

01_Tu es devenu Geek, parce que fallait bien que quelqu'un capte que la vie derrière un écran, ça impact la vie en dehors de la matrix. Tu aimais pas trop ça au début: les lignes de code, le noir sur blanc des binaires, les maux de têtes. C'était pénible. Tu étais pas con mais Einstein t'aurait clairement pas dit bonjour. Alors tu as persisté, tu as fouillé, tu as oublié que le soleil c'est pas juste du rétro éclairage et ça a fait tilt. Tu es devenu une araignée. Les nombres enfilés en perle sur la toile. Tu as vu la beauté du système et tu as appris à ne pas coller tes pattes n'importe où, ramassant gouttelette d'informations échappées d'autres araignées plus grosses que toi. Tu construis ta structure de fils, puisant ressources et avalant les infos, une fois les cocons brisés, mais tu reste dans le coin poussiéreux, tu veux pas devenir gros.

02_Tu as un cerveau, même que les neurones dedans fonctionnent plutôt pas mal et tant mieux, parce que c'est pas tes deux bros qui vont t'aider à soulever de la fonte mentale. Tes neurones sont à louer, à leurs usages. Tu es pas du genre tyran. Le pouvoir, c'est pas ton trip. Non, tu es juste un prof à la ramasse qui sait pas quoi faire de ses élèves, mais qui reste pour l'amour du métier. Tu grognes et soupire en leur montrant les mises à jour de leurs portables. Tu retiens de t'exaspérer quand ils proposent des idées à la compte pour votre mini business, mais ça marche pas toujours. Y'a peut-être de l'amour, mais la patience, ça s'achète pas.

03_Tu as des jambes. Tu as des mains aussi. Jusque là, plutôt normal. C'est ce que tu fais avec qui te met hors de la norme. À vouloir suivre Azra, le plus sauvage des trois, tu es devenu acrobate. Tu fais pas des tours en spandex à paillettes, mais en jogging, tu grimpes les murs et glisses sur les toits. Tu évites la foule comme ça. Spiderman du pauvre, qui s'en fout des responsabilités. Tu trouves des coins rien que pour toi. Tu peux fuir vite aussi, loin des problèmes légaux ou pas. En crise d'ado, c'était ta façon de décompresser. En crise d'adulte aussi, d'ailleurs. Tu as pas gagné de médailles, mais des mains calleuses sont tes récompenses.

04_Maman. Tu préfères pas y penser, ça fait encore mal. L'annonce de sa mort fut aussi violente que la balle qui lui a explosé le cerveau. Mauvais endroit, mauvais moment. Cette ville, c'est juste ça; des mauvais endroits, des mauvais moments. Parfois tu pries, c'est juste pour elle, quand ça va pas. Tu sais qu'elle aurait honte, mais elle a plus d'yeux pour te voir. Tu as été en colère aussi. Tu lui avais dit de pas aller là. Tu l'as détesté, mais c'était du vide qui te répondait, alors tu as arrêté. Tu as oublié la promesse d'être un bon fils, parce que y'avait plus de bonne mère. Tu as pas fini ton lycée, tu t'es barré. Ah si maman te voyait comme ça...

05_Y'a des lèvres qui s'oublient pas. Les siennes en font partie. Morwan. Tu te laisse à y penser parfois, quand tu as trop scrollé sur la page noire sans rien trouver. Tu devrais pas, mais il a pas accès à tes pensées, alors tu t'en fous. Tu continues de ne pas les oublier. Tu es con à faire ça. Tu le sais, mais tu tu t'arrêtes pas. Tu es même faux cul, au point de lui sourire comme si tu avais pas rêver de le bouffer. Fantasme inachevé.

06_Petit rat sans Opéra. On t'a longtemps fait chier avec ça. La petite asso du quartier, qui s'embête à croire que la danse classique ça peut inculquer des valeurs, et autres conneries. Toi, t'étais forcé d'y aller, maman avait payer pour, et l'argent, c'est sacré. Alors tu y allais, l'air revèche, dans ton petit justaucorps. On t'a fait charier à l'école pour ça. T'en as punché des faces pour qu'ils la ferment. Enfin, Morwan a punché pour toi. Tu as jamais rêvé des planches, de la lumière. C'était juste un passe-temps de minot, pour que ta mère se dise qu'au moins tu trainais pas dehors à ce moment-là. Maintenant, ça fait longtemps que tu as lâché la barre. Tes hanches, c'est sur le dancefloor qu'elles vont et les mouvements ont rien de chaste. C'est l'alcool, ton chorégraphe.

07_Mafia, c'est plein de rats aussi. Quand tu étais jeune et influençable, on a voulu d'attirer dans la crasse, mais tu aimes pas te plier à d'autres et les veaux qui les suivent, c'est pas tes potes. Tu y croyais pas à leur supposé liberté, tu as surtout vu les cerveaux explosés dans le caniveau. Tu as vu la peur qui instaure et ça t'intéresse pas ce pouvoir sale. Puis les pleurs, les familles déchirées, tu les avais trop entendu au travers des murs fins. Mais dire non au caïd Los Zetas, c'est suicidaire, alors tu as contourné la réponse, tu t'es planqué. T'façon, ta mère était déjà plus là. Tes potes avaient pas la bonne couleur pour le groupe latino, trop risqué. Trop de contre, pour que tu veuilles te battre pour mieux te faire abattre. Maintenant, tu vis dans l'ombre de fantôme de la ville, pour qu'ils te trouvent pas assez intéressant pour t'emmerder.