willy // zaza

Elle n'arrête pas de se morfondre depuis l'autre nuit. Se morfondre, pleurer et manger. Elle tourne en boucle sur ça, alterne entre les trois - parfois elle fait les trois en même temps. Mais elle reste bloquée, pas foutue d'avancer. La nouvelle a été trop brutale et est désormais trop lourde à porter. Zaza n'y arrive pas. Elle n'a pas cherché à recontacter MJ, mais pas Ali non plus. Elle pourrait pourtant, lui dire que tout est arrangé désormais et qu'elle lui pardonne tout. Mais l'affaire Ali passe au second plan dans sa tête. La trahison de MJ reste plus forte que tout. Trop violente pour que Zaza puisse penser à quoi que ce soit d'autre.

Elle est en train de manger dans son lit quand son téléphone sonne. Elle n'a pas l'intention d'y répondre au début, parce que son état émotionnel est trop instable pour le moment. Mais quand elle voit le nom de Willy s'afficher, elle change d'avis ; un peu inquiète malgré tout. Elle renifle, s'essuie les mains l'une contre l'autre, se souciant peu des miettes qui tombent dans ses draps et elle attrape son téléphone pour décrocher - non sans appréhension.

— Allô ?
— Eh, Zaza. C'est Willy.
— Oui, oui, je sais. Qu'elle souffle tout bas, peine à masquer sa nervosité. Et s'il avait une mauvaise nouvelle à lui annoncer ? Son coeur se serre, elle ne pourra pas supporter l'idée de perdre MJ. Surtout pas alors que la dernière chose qu'elle lui ait dite était qu'elle la détestait. Elle ne se le pardonnerait pas.
— Dis… comment tu vas ?
Elle ne s'attendait pas vraiment à ça. Perplexe, elle balbutie un peu, sans trouver quoi répondre vraiment. Il est toujours comme ça Willy, si gentil. Mais elle se dit que s'il était arrivé un malheur à MJ, il n'aurait pas commencé par ça. Elle inspire un grand coup et passe une main sur son front, confuse.
— Y a un problème avec MJ ?
Elle n'a pas envie de tourner autour du pot, elle sait très bien que Willy ne l'appelle pas uniquement pour prendre de ses nouvelles. Et elle n'a pas envie de faire semblant d'aller bien, encore moins d'admettre qu'elle est au trente-sixième dessous.

— C'est ce que j'allais te demander. Elle ne dit rien, ravale un soupir. Elle devine sans mal que MJ doit être insupportable depuis leur dispute. Et finalement, elle est bien contente de ne pas l'affronter pour le moment. — Raccroche pas hein. J'sais que vous vous êtes engueulées… — J'vais pas raccrocher, t'inquiètes. Willy ne lui a rien fait, jamais elle ne se permettrait de lui raccrocher au nez de cette façon. De toute façon, il a piqué sa curiosité. Et Willy fait office de lien entre elle et MJ, ça a quelque chose de rassurant au fond. — Enfin 'je sais', j'ai deviné quoi. Elle n'en doute pas. Faut dire que MJ est plutôt transparente niveau émotions de façon générale. Quand elle va mal, difficile de le rater. — Elle est vraiment super mal, tu sais. Elle échappe un petit ricanement, c'est plus fort qu'elle. Elle inspire pour s'empêcher de se mettre à pleurer ou à hurler, elle ne sait pas trop, tout se mélange. — Ben voyons. La pauvre. Qu'elle articule sèchement, avec toute l'ironie du monde. C'est pas MJ la victime de l'histoire, du moins, pas dans la version de Zaza. — Alors, j'voulais savoir si de ton côté ça allait et… bah si j'pouvais faire quelque chose pour aider. Ses mots la calme un peu, Willy est beaucoup trop doux pour que la colère prenne le dessus. — C'est gentil de demander Willy. Mais elle ne répond toujours pas à sa question. Elle se laisse tomber dans son lit, le regard rivé vers le plafond. — J'vois pas c'que tu pourrais faire. J'sais déjà pas quoi faire moi-même alors... Elle hausse les épaules, dépitée. — Elle est allée trop loin Willy. Elle ne sait pas s'il est au courant de l'histoire, si MJ a dit quelque chose, s'il le sait depuis longtemps ou non. Mais qu'importe, elle est allée trop loin, c'est tout ce qu'il a besoin de savoir.

— Ouais j'vois. Enfin, non j'vois pas je... sais pas ce qu'elle t'a dit, j'ai juste… deviné ce qui avait pu se passer en gros. Elle fronce les sourcils, pas certaine de tout comprendre. — Attend, t'étais au courant ? Elle sait que Willy est gentil, mais elle a du mal à se dire qu'il ait pu savoir ce qu'allait faire MJ sans rien dire. Ou peut-être qu'elle ne lui a dit qu'après coup, mais dans ce cas, elle ne comprend pas non plus pourquoi il n'a rien fait pour la convaincre de lui avouer ça plus tôt. — C'est juste… le prend pas mal hein. Elle se braque aussitôt, redoutant déjà de l'entendre lui dire qu'Ali était un connard et que MJ avait finalement bien fait. Elle ne supportera pas de l'entendre encore une fois et finalement, peut-être bien qu'elle lui raccrochera au nez. — Ok tu vois… elle a pas contrôlé, ça se contrôle pas ce genre de chose, tu vois ? Et elle voulait vraiment pas que tu l'apprennes parce que… tu vois elle savait que ça tournerait mal, et que bah tu réagirais pas comme elle l'aurait aimé et… bref tu vois quoi, elle est juste triste, et  … bah avec le coeur brisé, et tout. Mais votre amitié contre plus que tout pour elle, plus que ses sentiments tu peux me croire. Ça fait beaucoup d'informations à traiter d'un coup. Mais elle ne comprend pas tout et elle commence à s'énerver un peu. — Ça n'se contrôle pas ? J'sais qu'elle est impulsive mais là, non, tu peux pas dire ça. J'la soupçonne d'avoir planifié ça bien à l'avance, elle a eu tout l'temps d'y réfléchir Willy ! Elle s'emporte un peu, mais elle ne supporte pas que Willy la défende en prétextant que ce n'était qu'une simple impulsion ou une connerie de ce genre-là. Parce qu'elle sait pertinemment que c'est faux. Elle soupire, se repasse les mots de Willy dans la tête et les derniers bloquent. Elle grimace, confuse. — Comment ça notre amitié compte plus que ses sentiments ? Quels sentiments ? Même avec la réponse sous son nez, elle ne voit rien.

— Bah… pff elle me l'a jamais dit texto tu vois. Mais c'était pas très dur à comprendre. Elle ne dit plus rien, perplexe. Elle se contente de marmonner un 'mais quoi ?' à peine audible. Elle veut bien admettre que MJ a plus une tête à défoncer des gueules qu'à offrir des fleurs, mais de là à deviner qu'elle allait faire ça, ça n'a aucun sens. Alors Zaza s'emporte, elle n'a pas envie de la comprendre, pas envie qu'on lui dise de ne pas lui en vouloir. Elle a toutes les raisons du monde d'être en colère contre elle, qu'on ne vienne pas lui dire le contraire. — Attends, Zaza, t'es pas cool là. Comment tu veux qu'elle ait planifié un truc comme ça ? Ça lui ait tombé dessus, c'est tout. Elle hallucine de plus en plus. Les mots de Willy sonnent creux à son oreille, comme si on lui parlait chinois.  — Mais Willy, mais qu'est-ce que tu racontes ? T'es pas sérieux là ? Qu'elle grogne, de plus en plus énervée. Elle s'est redressée sur son lit, sidérée de la défense de Willy. Qu'il veuille lui trouver des excuses c'est une chose, mais l'innocenter de cette façon c'est vraiment se foutre de sa gueule. Et puis, y a cette histoire de sentiments qui la plonge encore plus dans la confusion. Elle a vraiment l'impression qu'ils ne sont pas sur la même longueur d'onde. Sa question ne trouve pas de réponse, rien qu'un long silence stressant. Zaza attend, elle décolle même le téléphone de son oreille pour vérifier qu'il n'a pas raccroché. Non, il est toujours là. — Willy ? Qu'elle demande, avant qu'il ne se décide enfin à se manifester. — Euh… attends… tu parles de quoi ? Elle fronce les sourcils. Comment ça elle parle de quoi ? — Je euh… vous vous êtes engueulées pour quoi exactement ? C'est à son tour de devenir silencieuse. Elle est perdue et une sorte de malaise lui noue l'estomac. Elle passe sa main derrière sa nuque, le front plissé. — Bah... à cause de ce qu'elle a fait à Ali. Silence. Visiblement ils ne parlaient pas de la même chose, alors elle détaille. — Tu sais, non ? C'est à cause d'elle s'il m'a largué. Elle l'a frappé et obligé à le faire. Le malaise devient de plus en plus palpable. — Pourquoi ? Tu... Enfin, tu parlais de quoi toi ? Elle n'est plus certaine de vouloir connaitre la réponse.

— Euuuuh…  Non mais… enfin rien de… non une connerie… non vraiment, oublie, j'ai rien dit. Elle ne comprend plus rien. Les idées refusent de s'aligner, comme un réflexe pour se protéger. Se protéger d'une information qu'elle n'est pas résolument pas prête à affronter. Mais la curiosité est plus forte, elle sent bien qu'un truc lui échappe et ça la frustre. Elle s'apprête à poser des questions, mais il la devance et la coupe dans son élan. — Enfin bref ça… ça craint pour Ali… Et ça suffit à détourner son attention quelques secondes. Elle se redresse et s'agite, bien contente de voir que lui aussi s'indigne de ça. Enfin, à sa façon. — OUI ! Merci ! On est d'accord putain ! Elle avait pas l'air de s'en rendre compte elle, j'te jure ! Mais en parlant du loup justement. Elle entend des bruits dans le téléphone et se tait pour tenter de comprendre ce qu'il se passe. Y a la voix de MJ qui se fait légèrement entendre dans le fond et ça lui fait comme un poids dans la poitrine. Un mélange de colère et de tristesse. Et d'un coup, y a tout un bordel pas possible dans le combiné. Zaza fronce les sourcils et décolle le téléphone de son oreille tant le bruit est fort et gênant. Elle observe son écran et quand elle n'entend plus rien, elle le ramène à son oreille et demande. — ... Willy ? Willy ça va ? Une fois se fait entendre et ce n'est pas celle de Willy. Aussitôt, Zaza se braque et se renfrogne, boudeuse. Elle grogne un peu au téléphone. — Alors quoi, à lui non plus j'ai pas l'droit d'parler ? Tu veux p't'être péter la gueule de mon père aussi tant qu'tu y es, hein ?! C'est plus fort qu'elle, faut qu'elle attaque la première, la rancune est trop forte cette fois-ci pour qu'elle laisse couler et passe à autre chose rapidement.

— Si l'un ou l'autre te maltraite et se fout de ta gueule, ouais, j'me ferais un plaisir de leur refaire le portrait. Elle soupire bruyamment, excédée avant de marmonner tout bas. — Non mais n'importe quoi... Elle passe une main sur son visage, fatiguée par tout ça. — Vale, juste pour que tu saches, Willy est défoncé, donc s'il a dit de la mierda, c'est qu'il plane. Et cette remarque la met mal à l'aise, sans trop savoir pourquoi. Elle hausse les épaules, bien que personne ne puisse le voir et répond machinalement. — Hm, si tu l'dis. Elle n'a pas envie de creuser, d'insister. Et de toute façon elle a sûrement raison, Willy devait planer et ses idées n'étaient plus très clair. C'était sûrement ça, oui. Un petit silence s'en suit, plus aucune des deux ne semblent savoir quoi dire. La gorge un peu nouée, Zaza cherche ses mots. Elle pourrait raccrocher, parce qu'elle lui en veut toujours. Mais c'est plus fort qu'elle, elle attend. Car si c'est déjà très dur de s'engueuler avec MJ, ça l'est encore plus de ne plus lui parler. Et finalement, c'est MJ qui se lance la première. — Bon, alors, c'était sympa les retrouvailles avec l'autre hijo de puta ? J'imagine que maintenant que la grande méchante MJ n'est plus là pour vous pourrir la vie, tout va mieux pour toi ? Et voilà qu'elle redevient énervante. Zaza bouillonne et s'emporte elle aussi, brusquée par sa remarque. Alors, elle se met à gueuler. — Ouais c'était génial ! On a dansé toute la nuit, on s'est remis ensemble et après avoir baisé chez lui il m'a demandé en fiançailles ! Et emportée dans son élan de rage, elle lui raccroche au nez. Elle fixe le téléphone, et, bêtement, elle se remet à chialer. Elle laisse s'écouler quelques minutes avant de rappeler, toujours sans réfléchir. Quand MJ décroche, elle enchaine aussitôt. — Putain, mais t'es trop con ! Après qu'tu sois partie j'suis rentrée chez moi à pieds, en pleurant - et d'ailleurs j'ai des ampoules partout à cause de toi. Et maintenant ça fait une semaine que j'déprime à cause de toi, tu crains MJ ! La colère dans sa voix est légèrement diffuse, noyée par tout le chagrin et l'incompréhension. Elle n'arrive pas à être rancunière Zaza, c'est toujours elle qui cède la première.

— Tes putains d'ampoules, c'est parce que t'as préféré nous faire tomber de vélo pour l'autre coño que de rentrer tranquillement avec moi. Elle souffle fort, irritée. Elle a l'impression d'être la seule à faire des efforts dans cette histoire alors que ce n'est pas elle qui est en tort et ça commence à la fatiguer. — Et si tu déprimes, c'est pas ma faute non plus. C'est toi qui a décidé de me faire la gueule. Moi j'ai rien demandé, et c'est pour ça que je t'en avais pas parlé, parce que je savais que tu comprendrais pas, et que tu réagirais comme ça. Comme une meuf qui fait passer son mec avant tout le reste. Y a un long silence. Zaza est sidérée. Et elle est trop fatiguée émotionnellement pour avoir la force de se mettre encore en colère, de hurler, de pleurer bruyamment. Elle se contente de renifler discrètement, allongée sur son lit, les yeux fixés au plafond. Elle finit par rompre le silence, la voix un peu étouffée. — En fait t'en as rien à foutre que j'aille pas bien. T'es même pas foutue d'admettre que t'as merdé, que tu m'as fait du mal et de t'excuser pour ça. Son visage se déforme légèrement sous l'effet de cette révélation, moue de tristesse et de déception, elle ravale quelques sanglots. Sa voix baisse encore plus. — Tu l'as pas fait pour moi. Tu l'as fait pour toi. Parce que si elle avait vraiment voulu faire quelque chose pour Zaza, alors elle aurait pris soin de faire quelque chose de bien. Là, c'était exactement l'inverse et elle ne voulait même pas l'admettre. Convaincue d'avoir bien fait. Mais la seule satisfaite du résultat, au final, c'était MJ. Et ça la dépassait complètement.