willy // zaza

— Parce que j'ai pas merdé. Elle ferme les yeux, déçue. — Ali mérite dix fois ce que j'ai pu lui faire. Et c'est lui qui a décidé de pas te recontacter, ni même t'expliquer au moment de te larguer. Il aurait pu me balancer direct et vous serez restés ensemble. J'allais faire quoi ? Le buter ? Elle rouvre les yeux, fatiguée de cette discussion. Elles tournent en rond, MJ lui fait son petit numéro habituel. Elle refuse d'admettre quoi que ce soit, préfère s'entêter dans sa version quitte à tout perdre. Elle fait toujours ça. Mais pas avec Zaza d'habitude. Et le fait d'être traitée de la même façon que n'importe qui d'autre lui fait mal. Ça lui enlève totalement le sentiment d'être spéciale. Un sentiment qu'elle trainait depuis longtemps maintenant et qui lui faisait tellement de bien. Et voilà que ça se retourne contre elle maintenant. — Tu m'écoutes pas. Qu'elle souffle, fatiguée d'argumenter. MJ entend ce qu'elle veut, répond à ce qui l'arrange, elle fait tout pour pointer Ali du doigt et se dédouaner au passage. Mais c'est pas ça le problème. — Ah ouais ? Et j'avais quoi à y gagner dans l'histoire ? C'était exactement la question que se posait Zaza, sans trouver de réponse. Elle fait la moue, lèvres pincées, mais ne répond rien. Parce qu'elle n'a pas de réponse. — J'ai essayé de te parler, je t'ai dis vingt fois que tu devais le larguer, j'ai essayé d'accepter ses coups de pute, et il recommençait. Il avait même pas l'air de r'gretter. Alors merde, au bout d'un moment, c'était le seul moyen de te sortir de cette relation de merde. Et si c'était à refaire, je referais la même chose. Non en fait, peut être que je lui casserais deux fois plus la gueule. Zaza hausse les sourcils, un peu blasée, même plus surprise par cette provocation puérile. Elle passe sa main sur son front, la patience un peu à bout. La discussion ne mène nulle part. — Bon, écoute MJ. T'es à côté d'la plaque. Le problème c'est pas que t'es pété la gueule d'Ali - enfin, si, mais non, enfin c'est pas le problème principal. Le problème c'est que t'as fait un truc dans mon dos. Le sujet c'est pas Ali, là. Le sujet, c'est nous et c'que toi tu m'as fait. Là, tout d'suite, j'suis pas triste parce que j'suis plus avec Ali. J'suis triste parce que tu m'as menti et caché des choses. Et j'suis déçue parce que tu veux même pas le reconnaitre et t'excuser. Elle passe sa langue sur ses lèvres et ajoute doucement. — J'demande qu'à te pardonner, mais cette fois-ci, j'veux pas le faire si tu m'as pas présenté des excuses. J'en ai marre d'être toujours celle qui laisse tout couler parce que toi tu veux jamais l'faire. Elle soupire. — J'espère juste que j'compte assez pour toi pour que tu l'fasses un jour et qu'tu disparaitras pas comme tu fais toujours. Sa voix tremble un peu, parce qu'elle n'est pas très sûre de compter assez, d'être l'exception. Et là, elle tente un coup de poker. Elle pourrait très bien tout perdre, et ça lui fait peur. Son estomac se tord un peu et son cœur bat plus vite, les mains légèrement moites alors qu'elle a la sensation de faire une énorme connerie. Mais cette fois MJ est allée trop loin, Zaza ne veut pas céder aussi facilement.

— Et donc si j'étais venue te voir le lendemain pour te dire que j'avais pété la gueule de ton mec pour qu'il te largue, y aurait pas eu de problème ? Elle grogne un peu, parce que MJ continue de détourner la conversation, encore et toujours. Elle n'y répond même pas, elle continue sur sa lancée, se focalise sur ce qu'elle à dire, plutôt que de se laisser entrainer par les diversions de son amie. Elle ignore également son "alors fais-le", parce qu'elle ne veut pas le faire. Pas comme ça, pas ici, pas maintenant, pas si MJ ne lui demande pas pardon. Zaza termine son monologue, ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre comme réaction. — Uno… J'ai finis par te le dire hein. La semaine dernière je te l'ai dit la vérité, donc hein. Zaza écarquille les yeux, hallucinée. — Euh, t'es sérieuse là ? Elle ne s'attendait pas à ça. Pas à un tel culot. Elle ne peut pas s'empêcher de penser que MJ se fout de sa gueule et que finalement, tout ça l'amuse. Elle continue de plus belle, lancée. Zaza tente parfois de l'interrompre, pour se défendre, mais MJ ne lui en laisse pas l'occasion. Elle déballe tout ce qu'elle a à dire et Zaza peine à emmagasiner toutes les informations tant il y en a. Les yeux plissés, elle tente de suivre pour ne pas perdre le fil mais le monologue de son amie est brusquement interrompu. C'est maintenant la voix de Willy qui résonner à l'autre bout et elle ne comprend plus rien. — Willy ? Elle se redresse, perdue. Elle comprend vite ce qu'il essaye de faire mais ça l'agace. Elle ne veut pas que quelqu'un s'excuse à sa place. Elle ne veut pas entendre ce que Willy a à dire, c'est trop facile. — Willy arrête, repasse moi MJ ! Qu'elle râle, excédée. Tout ça devient ridicule, elle a l'impression d'avoir 14 ans à nouveau. Elle entend MJ qui pourchasse Willy et qui beugle, et la situation l'énerve de plus en plus. — Donne lui le téléphone Willy ! Qu'elle crie à son tour. Elle sature, la main crispée sur le téléphone. Et dès qu'elle réentend MJ à l'autre bout du combiné, elle prend les devants, en gueulant. — T'avais pas le droit de faire c'que t'as fait ! C'est pas parce que t'es mon amie et que t'aimes pas Ali et notre relation que tu peux intervenir comme tu l'as fait ! ENTIENDES ?! C'est PAS TES AFFAIRES MJ ! Elle reprend son souffle et enchaine. — Et je suis DÉSOLÉE de t'avoir fait tomber de vélo, DÉSOLÉE d'avoir fait passé Ali devant toi l'autre soir, DÉSOLÉE d'avoir gâché notre soirée et DÉSOLÉE de pas faire les choix que tu voudrais que j'fasse ! Elle s'arrête, haletante, laisse filer quelques secondes avant de conclure. — Voilà, tu vois, c'est comme ça qu'on fait. Qu'elle lâche sur un ton un peu mauvais.

— À part ça, le problème c'est pas Ali. Elle ne l'écoute même pas, elle l'énerve trop. Alors elle continue de parler et lui crache ses excuses, dégoûtée de devoir être la première à le faire. Et elle s'attendait déjà à des cris, à l'entendre raconter encore des conneries, à tout rejeter en bloc. Mais au lieu de ça, il n'y a qu'un long silence. Elle vérifie même si la communication n'a pas été coupée. MJ en serait tout à fait capable, dans un excès de rage. Mais non, elle est toujours là. Les secondes filent sur son écran, sans que rien ne se passe pourtant. Zaza recolle le combiné à son oreille et retient un peu son souffle, n'osant plus rien dire. Elle est démunie. Finalement, MJ brise le silence, dans un calme déconcertant. Un truc qui ne lui ressemble pas. — Je sais comment on s'excuse. Et si ça t'aide de m'entendre le dire, bien. Lo siento Zaza. Elle reste stoïque. Méfiante. Comme si elle devinait déjà la suite - elle la connait trop bien. Et ça ne tarde pas. — J'le pense pas. Et j'vais pas être désolée juste parce que tu me demandes de l'être. Mais voilà, je l'ai dit. Et Zaza a parfaitement conscience que c'est déjà énorme. A vrai dire, elle ne pensait même pas qu'elle le dirait. Et elle ne sait pas si ça la rassure ou pas finalement. Parce qu'elle se sent mal. Elle se sent méchante de l'avoir forcé, alors que putain, elle les mérite ces foutues excuses. — Maintenant si ça suffit pas, tant pis. J'peux pas faire plus que ça. Tout repose sur elle maintenant et ça lui fout la pression. Est-ce qu'elle doit se contenter de ça, ou est-ce qu'elle estime mériter mieux ? Zaza baisse les yeux, résignée. Elle ne mérite rien du tout. Ses yeux se remplissent de larmes et elle est contente que MJ ne soit pas là pour le voir. — Ok... Qu'elle murmure, incapable d'en dire plus, abdiquant. — Mais refais plus jamais ça. Que ce soit avec Ali ou n'importe qui d'autre, là n'est pas la question. La confiance qu'elle a en elle est déjà bien effritée et elle ne survivrait pas à un deuxième coup du genre.

Le silence lui semble interminable et ça l'use. Elle vient ronger un de ses ongles de façon nerveuse, priant pour que MJ ne relance pas les hostilités. Parce que Zaza y coupera court cette fois-ci. Elle en a assez. Mais MJ abdique aussi, pour le plus grand soulagement de Zaza. — Ok… je mêlerais plus de ta vie amoureuse. Elle ne sait pas trop si ce sont des paroles en l'air ou non, si elle doit la croire ou pas. Mais pour aujourd'hui, elle va faire semblant en tout cas. — Gracias. Qu'elle lâche, sans vraiment beaucoup d'enthousiasme. Y a un petit blanc, avant que MJ ajoute quelque chose d'inattendu. — Gracias Zaza. Mais ça ne lui fait même pas plaisir. Elle serre les lèvres. Ouais, merci d'être une bonne poire. Merci de toujours céder parce que toi t'en es pas capable. Zaza sait pertinemment que si la situation avait été inversée, elle aurait dû se confondre en excuses pour pouvoir espérer obtenir son pardon. Alors non, son merci ne passe pas et sonne presque comme une ultime provocation. Du coup, elle ne dit rien, le cœur serré, un goût amer dans la bouche. Celui de s'être encore faite avoir. Comme toujours, comme avec tout le monde. — Bon, j'vais aller voir si j'ai pas cassé le nez de Willy. Viens à la maison ce soir, j'fais des arepas. Elle sait ce que MJ essaye de faire et dans l'idée, elle a bien raison. Mais pour Zaza ça ne fait aucun doute : elle n'a pas envie. Y a un truc qui ne passe pas. Et y a comme un espèce de malaise qu'elle n'explique pas. Un peu sèchement, elle répond. — Ce soir j'peux pas, j'ai déjà quelque chose. C'est entièrement faux, mais MJ n'a pas besoin de le savoir. — On remet ça à demain. J't'enverrai un message après le taf. Petite pause, et finalement elle abrège. — Bonne soirée en tout cas. A demain. Elle ne s'attarde pas et raccroche rapidement. Elle reste quelques secondes comme ça, un peu déboussolée. Et finalement, pleine de rancoeur, elle relance la série qu'elle était en train de regarder et recommence à manger ; le visage fermé, contrariée.